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Pour des avancées de
l'enseignement de l'informatique
 

   L'intelligence artificielle est bien présente dans l'actualité. Elle ne date pas d'hier mais elle est devenue une question grand public dont les médias regorgent. Elle engendre des transformations sociétales dans de multiples domaines qui ne vont cesser de se développer dans une croissance exponentielle. Nous en avons déjà parlé [1] et nous en reparlerons bien sûr. Les enjeux de formation pour tous sont considérables, enjeux de formation initiale et de formation continue dès aujourd'hui. Et l'informatique se voit confirmée comme un élément de culture générale pour tous incontournable à notre époque, notamment avec l'objectif d'avoir des « utilisateurs intelligents » des outils numériques. Il faut maîtriser la pratique et l'esprit critique de chaque citoyen. Il faut voir comment intégrer l'intelligence artificielle dans les programmes informatiques.

Une publication de la CNIL et du collectif Educnum

   Communiqué de la CNIL et du collectif Educnum [2] : « ... Dès leur plus jeune âge, les enfants sont immergés dans le monde numérique, à l'école comme à la maison. Accéder à la connaissance, interagir avec les autres, s'amuser, apprendre autrement sont autant d'opportunités qui leur sont offertes.

   Dans le même temps, les enfants sont exposés à diverses formes de cyberviolences. Un consensus existe sur la nécessité de mieux protéger les enfants en ligne comme en témoignent notamment les récentes propositions de loi. Protéger les enfants, c'est aussi les éduquer au numérique et leur donner les clés pour leur permettre de devenir acteurs de leur vie numérique..., des individus éclairés et non plus de simples consommateurs du numérique...

   C'est pourquoi les membres du collectif Educnum se mobilisent pour que l'éducation au numérique soit inscrite dans les programmes scolaires dès l'école maternelle, avec un programme conséquent et évolutif de formation des enseignants. »

La SIF (Société Informatique de France) : les outils numériques s'appuient sur des concepts scientifiques d'informatique

   Pour la SIF, « cette publication est l'occasion de rappeler une nouvelle fois que les outils numériques s'appuient sur des concepts scientifiques d'informatique comme les données, les algorithmes, ou le chiffrement, la cryptographie. La science informatique peut être abordée dès le plus jeune âge, par exemple à travers des activités sans ordinateur ou des activités de robotique. Il semble essentiel que les élèves découvrent certains concepts dès l'école primaire : les nommer et les comprendre est indispensable pour démystifier les outils numériques et en prendre le contrôle. Il faut donc introduire explicitement la science informatique dans les programmes scolaires, sans rupture de l'école primaire au lycée pour atteindre cet objectif d'une réelle "culture citoyenne du numérique" pour toutes et tous » [3].

Une importante question sémantique : numérique, informatique...

   On parle de sociétés agricole, industrielle, numérique en les caractérisant par leur activité dominante. L'informatique est omniprésente dans la société. Les métiers se sont transformés. Il y a de plus en plus de biens immatériels, de biens immatériels dans les biens matériels et dans les processus de création de la richesse. L'informatique et les sciences du numérique représentent 30 % de la R&D au plan mondial mais 18 % seulement en Europe. Pour construire les avions on ne fait plus d'essais en vol : on utilise la simulation. Les industries de l'automobile recrutent plus d'informaticiens que de mécaniciens... L'informatisation est la forme contemporaine de l'industrialisation. On parle donc de société numérique.

   S'il y a plus d'un siècle les sciences physiques sont devenues discipline scolaire c'est parce qu'elles sous-tendent les réalisations de la société industrielle. Il doit en être de même pour tous les élèves avec la science informatique, la science du traitement et de la représentation de l'information numérisée, qui sous-tend les réalisations numériques, L'enseignement de l'informatique doit comporter les quatre grands domaines de l'informatique, à savoir algorithmique, langages et programmation, théorie de l'information et matériel (architecture, machines, réseaux). Et les problématiques et enjeux de la société numérique. .

   On connaît les missions traditionnelles de l'École : former la femme et l'homme, le travailleur et le citoyen. L'informatique envahit de plus en plus la vie quotidienne des gens (voir par exemple les formalités administratives). On ne compte plus les débats de société suscités par l'informatique (enjeux éthiques des sciences et des technologies, neutralité du Net... l'intelligence artificielle). Ils sont l'occasion de débats complexes où exercice de la citoyenneté rime avec technicité et culture scientifique. En effet, s'il est abondamment question de copie privée, de propriété intellectuelle, de modèles économiques, d'algorithmes... c'est sur fond d'interopérabilité, de DRM, de code source, de logiciels en tant que tels. Lors des débats sur l'énergie le citoyen peut se référer à ses cours de sciences physiques et sur celui de SVT lorsque l'on parle des OGM. Pour cela, l'enseignement de l'informatique doit donner à tous la culture générale de leur époque (fondamentalement, l'enseignement scolaire c'est de la culture générale) et préparer les futures formations professionnalisantes.

   Le cheminement de l'enseignement de l'informatique est chaotique car le « nouveau » se heurte toujours à des résistances. Depuis sa création en 1971, l'EPI a pris toute sa part dans les actions pour l'enseignement de l'informatique, quelque peu esseulée à certaines périodes. Ces dernières années, des avancées ont eu lieu, fruits des actions menées et du « sens de l'Histoire » : un Capes NSI et une agrégation d'informatique ont été créés ainsi qu'une spécialité NSI en Première et Terminale et SNT en Seconde.

   Mais il reste encore beaucoup à faire dans le contexte de la réforme du lycée qu'il faut abroger.

Une Tribune du 5 septembre 2023 du Collectif Maths&Sciences

   Dans une Tribune du 5 septembre 2023 [4], le Collectif Maths&Sciences fait le constat suivant : « 2023 marque la 3e année du nouveau baccalauréat. Censé diversifier les profils des élèves pour faciliter leur entrée dans les études supérieures et le monde du travail, le nouveau lycée produit des résultats dont la cohérence interroge : le nombre des bacheliers préparés pour des études de sciences a été réduit de moitié. Pire, celui des bachelières scientifiques a diminué de 60 % (Les bachelières scientifiques étaient 35 756 en 2022 et 95 424 en 2020) alors que les professionnels de l'industrie, du conseil, du numérique, de l'ingénierie et de la haute technologie demandent plus de personnes qualifiées en sciences et s'inquiètent de la trop faible présence des femmes. 69 % des garçons étudient les maths en terminale et seulement 45 % des filles, induisant dans les parcours scientifiques des inégalités de genre inédites depuis les 50 dernières années. Au lieu d'augmenter les effectifs des jeunes formés aux sciences, la réforme du lycée de 2019 les ramène à ceux des années 80, mettant à mal la souveraineté scientifique de la France. »

Dans les axes stratégiques de la Conférence des Directeurs des Écoles Françaises d'Ingénieurs (CDEFI) [5]

   « ... les écoles d'ingénieurs doivent former davantage et dans de meilleures conditions : 10 000 ingénieurs supplémentaires sont nécessaires par an et à très court terme afin de combler la pénurie de compétences rencontrée dans certains secteurs clés comme le nucléaire, le numérique, l'hydrogène. Ces filières, notamment, ont également besoin d'assistants-ingénieurs, de docteurs notamment des docteurs-ingénieurs... Mais pour former plus, il faut attirer plus de lycéens et lycéennes dans nos formations scientifiques et technologiques et leur garantir un égal accès aux formations indépendamment du genre ou de l'origine sociale : promouvoir la culture scientifique et technologique, mieux informer et orienter sont autant de leviers sur lesquels la Conférence s'attachera à travailler. »

Pour le SNES-FSU, une refonte totale des enseignements et de l'examen du bac s'impose

   « ... les réformes sont intenables [6] : Concurrences malsaines entre les disciplines, humiliation des professeurs du tronc commun, la majorité des enseignants milite pour un retour à la situation quo ante intégrant également la suppression ou une transformation substantielle de Parcoursup... Le désastre de la réforme du lycée s'étale dans cette enquête que l'inspection générale a menée sur l'année 2022-2023 [7]. Les effets délétères des réformes y sont méthodiquement décrits : perte de sens du métier chez les enseignantˇeˇs, disparition du collectif de travail, inflation des notes dans le cadre du contrôle continu, stress et dégradation de la santé mentale des jeunes... Après de tels constats, il semble pourtant bien difficile 'd'envisager autre chose qu'une refonte totale des enseignements et de l'examen du bac. »

Dans un communiqué du 5 octobre 2023 la SIF déclare concernant l'informatique au lycée en 2022-2023 : « en progrès, mais peut et doit mieux faire ! » [8]

   Elle qualifie NSI de « micro-spécialité ». En effet « si NSI progresse en terminale, elle concerne moins de 5 % des choix de spécialités... NSI est très abandonnée en terminale, en particulier par les filles. Il y a de plus en plus de filles en NSI en terminale... mais très peu en valeur absolue... La spécialité NSI progresse, mais à un niveau très faible en valeur absolue. Elle demeure à un niveau très inférieur à celui des spécialités scientifiques. Cette progression n'est en rapport ni avec les ambitions affichées par France 2030, ni avec le fait que les métiers de l'informatique sont plus en tension que tous les autres sur le long terme.

   Pour qu'un jour NSI soit une vraie spécialité il faut maintenir trois spécialités en terminale, il faut des postes et des lycées (En 2022 NSI est présente dans 64% des lycées)... Le ministère se défausse sur l'autonomie des recteurs pour justifier la trop faible progression du nombre de postes NSI. Or l'instruction, c'est l'État qui la doit. »

   Et répétons qu'un facteur essentiel limitant demeure la formation des enseignants toujours insuffisamment traitée et qu'il faut aussi rendre le métier d'enseignant plus attractif en le revalorisant significativement...

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

 

NOTES

[1] IA 2042 par Jacques Baudé.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2310f.htm

Réflexions sur l'Intelligence Artificielle de Jacques Arsac.
https://www.epi.asso.fr/revue/histo/h83-arsac-23.htm

Comment fonctionne ChatGPT ? Décrypter son nom pour comprendre les modèles de langage.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2309c.htm

ChatGPT : face aux artifices de l'IA, comment l'éducation aux médias peut aider les élèves.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2309f.htm

L'émergence de l'intelligence artificielle pour toutes et tous et pour les enseignantes et enseignants en particulier.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2306a.htm

Psyphine : regards croisés sur les intelligences.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2306c.htm

Intelligence artificielle (suite)
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2305a.htm

État de l'art et de la pratique de l'intelligence artificielle dans l'éducation.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2305g.htm

Mettre en pause le développement des IA ?
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2305d.htm

Pourquoi l'IA ne signe-t-elle pas la fin de la programmation ?
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2305c.htm

Enquête : derrière l'IA, les travailleurs précaires des pays du Sud.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2305b.htm

Pourquoi est-il important d'avoir une égalité femmes-hommes dans le monde de l'IA ?
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2304g.htm

L'intelligence artificielle inquiète. Il est temps d'éduquer la population à la programmation.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2304e.htm

À propos de ChatGPT.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2303a.htm

L'intelligence artificielle au quotidien : quelle position pour l'enseignantˇe ?
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2303f.htm

ChatGPT : comment ça marche ?
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2303g.htm

Les enjeux de la recherche en intelligence artificielle.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2303h.htm

Peut-on faire confiance aux IA ?
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2303c.htm

Priorités de recherche pour une intelligence artificielle robuste et bénéfique.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2206f.htm

[2] https://www.societe-informatique-de-france.fr/wp-content/uploads/2023/07/CP_Educnum-Education-numerique_VF.pdf

[3] https://www.societe-informatique-de-france.fr/2023/07/communique-cnil-educnum/

[4] https://www.fbf.fr/uploads/2023/09/23_09_10_TribuneCMS-Impasse_LeMonde-2.pdf

[5] http://www.cdefi.fr/fr/actualites/rentree-2023-2024-le-nouveau-bureau-presente-ses-axes-strategiques-dans-une-conjoncture-economique-difficile

[6] L'US du 23 septembre 2023.

[7] La réforme du lycée général et technologique
Rapport de l'Inspection Générale de l'éducation, du sport et de la recherche juillet 2023.
Télécharger le rapport (95 pages pdf) :
https://www.education.gouv.fr/media/157299/download
https://www.epi.asso.fr/revue/lu/l2309d.htm

[8] https://www.societe-informatique-de-france.fr/2023/10/impact-de-la-reforme-du-lycee-sur-lenseignement-de-linformatique-bilan-et-perspectives-2023/

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