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À propos de ChatGPT
 

   Depuis quelques semaines la presse parle beaucoup de ChatGPT...

   Il faut reconnaître que OpenAI, une petite entreprise de San Francisco déjà réputée pour ses travaux dans l'intelligence artificielle, a créé l'événement en donnant au grand public accès à ses logiciels. Selon une étude d'UBS, ChatGPT est l'application grand public qui connaît la croissance la plus rapide de l'Histoire avec 100 millions d'utilisateurs en seulement deux mois !

   Mais qu'est-ce au juste que ChatGPT et que faut-il en attendre ?

   Un journaliste du Monde (Alexandre Piquard, Le Monde 07-12-2022) lui a demandé :
« Écris un article dans le style du journal
Le Monde sur le lancement de ChatGPT, en incluant les limites et les dangers de cette application. »

   Voici le début de sa réponse :
« Le 6 décembre 2022, la société OpenAI a lancé une nouvelle application de messagerie intitulée ChatGPT. Basée sur le modèle de langage GPT-3 développé par OpenAI, l'application promet d'offrir une expérience de conversation plus naturelle et fluide pour les utilisateurs. Cependant, certains experts s'inquiètent des limites et des dangers potentiels de cette technologie. Le modèle GPT-3, bien que puissant, peut encore avoir du mal à comprendre le contexte et les sous-entendus dans les conversations humaines, ce qui peut entraîner des réponses erronées ou inappropriées. De plus, il existe un risque que les utilisateurs confondent les réponses de ChatGPT avec celles d'un être humain réel, ce qui peut entraîner des conséquences graves dans certaines situations. »

   Selon A. Piquard, seule la date est erronée : l'application a été lancée le mercredi 30 novembre.

   Pas mal !

   Mais dans d'autres échanges, ChatGPT reconnaît lui même que ses réponses ne sont pas toujours aussi bluffantes et que certaines peuvent être incohérentes, voire surréalistes, Tout en ayant l'apparence du vrai, certaines réponses du robot peuvent être totalement fausses !

   Cela dit, les choses évoluent très vite, d'autant que les géants s'y engouffrent : Google (avec Bard), Microsoft (avec Bing), Amazon, Baidu. avec d'énormes moyens financiers et humains. Voir également le projet « BigScience » et l'IA générative « Bloom » (voir la note n° 6).

   Et les valorisations de sociétés d'IA générative ont décollé, peut-on lire dans la presse.

   Sur le échéances effectives les avis des spécialistes divergent.

   Écoutons Matt Welsh, ex-professeur à Havard, spécialiste de l'IA :
« Si j'ai appris quelque chose au cours de ces dernières années à travailler dans le domaine de l'IA, c'est qu'il est très facile de sous-estimer la puissance de modèles d'IA de plus en plus grands. Des choses qui semblaient relever de la science-fiction il y a seulement quelques mois deviennent rapidement réalité. » [1].

   D'autres spécialistes, tout aussi éminents, sont plus nuancés et plus prudents : il est bien difficile de se faire une opinion. Il n'est pas question d'entrer ici dans des considérations techniques bien au-delà de nos compétences (voir la rubrique « Articles » de ce numéro 253 d'EpiNet).

   Demandons-nous ce que pourrait être l'impact de ces produits achevés sur l'enseignement, à la fois pour les enseignants et les élèves.

   Et d'abord pour les professionnels de l'informatique que seront beaucoup de nos élèves. Déjà les programmeurs s'inquiètent. Il semble que dès maintenant ChatGPS est une option crédible en programmation pour les projets rapides et faciles. Et comme assistance aux programmeurs [2].

Quelle doit être notre posture d'enseignant ?

   La question se pose car il est très probable que cet ensemble de systèmes informatiques touchera en profondeur l'enseignement et l'éducation.

   Nous reproduisons dans la rubrique « Articles » le billet de Colin de la Higuera qui ouvre quelques pistes. Voir également la rubrique « Documents ».

   Nous avons déjà connu le problème des calculatrices, de Wikipédia, des traducteurs automatiques et nous savons que le déni est la pire des attitudes. Il conduit à montrer aux élèves que leurs enseignants refusent de voir ce qui imprègne déjà le monde hors de l'École.

   Il faut au contraire nous (enseignants et élèves) familiariser avec ce nouvel outil, comprendre ses apports possibles à la transmission et à l'acquisition des connaissances, mais aussi ses faiblesses et ses risques. Anticiper les actions indispensables. Par exemple, repenser les évaluations sommatives mais pas que...

   Des enseignants qui utilisent déjà la calculette ou Wikipédia considèrent que ChatGPT peut-être un outil d'apprentissage : « Il ne faut pas faire semblant d'être dans un monde qui ne travaille qu'avec son cerveau uniquement. Je travaille avec les outils dont les élèves et moi disposons. Si avant on utilisait la calculette, les processeurs, on peut utiliser ChatGPT pour enseigner. » déclare Antonio Casilli [3].

   Mais le problème est de plus en plus complexe et le diagnostic plus difficile tant les logiciels évoluent vite. C'est rapidement qu'il faut mettre en place des structures de réflexion collectives, institutionnelles. La formation initiale et continue doit s'emparer de cette nouvelle dimension du métier d'enseignant. C'est le cas dans quelques INSPÉ.

   Jamais la recherche pédagogique de terrain n'a été aussi indispensable !

   Les outils utilisés par les enseignants contribuent à modifier la pratique de leur métier. Pour autant, l'éducation n'en reste pas moins une relation humaine, la relation forte entre les enseignants et leurs élèves étant absolument fondamentale. La construction des savoirs par chaque élève est hautement favorisée par ses relations avec les autres, la dynamique de la classe. Travailler ensemble est efficace et permet de s'enrichir les uns des autres. La coopération plutôt que la concurrence. Cette dimension sociale est aussi un apprentissage de la vie en société. Une des raisons mises en avant par les élèves pour retourner à l'école est de retrouver leurs amis qui leur manquent. Les copains, c'est important dans le plaisir d'aller à l'école. Et l'on a tous en tête ces exemples de vocations issues des cours du « bon » professeur que les élèves ont eu et qui a su leur faire partager sa passion pour sa discipline. La dimension affective joue un rôle important dans l'éducation [4].

   Même si, comme l'écrit avec malice un essayiste philosophe : « Ce que ChatGPT nous rappelle brutalement, c'est que l'éducation a un avenir. Qu'on ait besoin d'une IA pour la remettre en mouvement n'est pas le moindre des paradoxes de notre temps. » [5].

   En définitive, ChatGPT interpelle par sa fonction généraliste, ce qui n'est souvent pas le cas de systèmes d'IA dédiés à un usage (jeu d'échecs par exemple). Il s'inscrit dans la continuité de l'innovation technologique et c'est l'accessibilité au public qui fait l'événement. Les réactions qu'il suscite révèle l'urgence qu'il y a à expliquer les concepts et capacités de ces outils socio-techniques. La maîtrise des outils par les citoyens est primordiale mais le sujet est complexe ! Il y a de l'humain derrière ces systèmes. Des métiers vont disparaître et d'autres vont émerger.

   ChatGPT a été entraîné et nourri par plus de 500 milliards de textes issus de livres, d'encyclopédies et d'informations provenant du Web. Il y a là un réel problème : 46 % sont d'origine anglo-saxonne... et 5 % français. Un problème linguistique mais aussi culturel, politique, géopolitique. Quelle vision du monde ? Poser la question c'est y répondre.

   L'impact actuel et à venir de ces IA génératives largement diffusées nécessite une réflexion éthique comme le soulignent des chercheurs et des responsables politiques en France et à l'étranger [6 ; 7].

   Et l'on manque de scientifiques dans nos gouvernements successifs et de sciences mathématiques et informatiques dans les cursus à l'École... Des moyens plus importants doivent être donnés à la recherche fondamentale publique.

   Nous y reviendrons.

15 mars 2023

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

Voir également le communiqué de la SIF (Société Informatique de France) : « Communiqué de la SIF sur ChatGTP et les modèles génératifs ».
https://www.societe-informatique-de-france.fr/wp-content/uploads/2023/03/2023-03-06-Communique_SIF_chatgpt.pdf

NOTES

[1] https://intelligence-artificielle.developpez.com/actu/340949/OpenAI-le-createur-de-ChatGPT-entraine-son-IA-pour-remplacer-les-programmeurs-humains-d-apres-un-rapport-qui-ravive-le-debat-sur-la-future-disparition-du-metier-de-developpeur/

[2] J'ai demandé à ChatGPT d'écrire un plugin WordPress. Il l'a fait, en moins de 5 minutes, par David Gewirtz :
https://www.zdnet.fr/actualites/j-ai-demande-a-chatgpt-d-ecrire-un-plugin-wordpress-il-l-a-fait-en-moins-de-5-minutes-39953768.htm
ChatGPT peut écrire du code. Mais surtout, il peut le corriger, par Liam Tung :
https://www.zdnet.fr/actualites/chatgpt-peut-ecrire-du-code-mes-ces-chercheurs-affirment-qu-il-peut-corriger-des-bugs-39953250.htm

[3] ChatGPT : « Il ne faut pas faire semblant d'être dans un monde qui ne travaille qu'avec son cerveau », par Claire Berthelemy :
https://www.leparisien.fr/etudiant/examens/un-prof-lance-un-chatgpt-challenge-a-ses-etudiants-7YDQUXAQWNCDTJLC62KTGLHJUM.php

[4] Une pandémie au temps du numérique, par Jean-Pierre Archambault :
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2101a.htm

[5] ChatGPT. Apprendre à chevaucher la bête : le défi de l'Intelligence Artificielle à l'école, par Vincent Cespedes :
https://www.humanite.fr/en-debat/intelligence-artificielle/chatgpt-apprendre-chevaucher-la-bete-le-defi-de-l-intelligence-artificielle-l-ecole-781319

[6] ChatGPT et « intelligences » artificielles : comment déceler le vrai du faux, par Laurence Devillers  :
https://theconversation.com/chatgpt-et-intelligences-artificielles-comment-deceler-le-vrai-du-faux-200181

[7] Pour Thierry Breton ChatGPT montre que l'Europe a besoin d'un cadre réglementaire sur l'IA, Par Benjamin Terrasson :
https://siecledigital.fr/2023/02/07/thierry-breton-chatgpt-europe-besoin-cadre-reglementaire-ia/

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Mars 2023

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