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Utilisation des TIC par les enseignants
du niveau secondaire de la Région Analamanga

Ramarosandratana Tianarivelo, Andrianarimanana Jean-Claude Omer,
Rasoanaivo Andriniaina Narindra, Rijarimanana Tiana Andriantsoa,
Rakotomalala Mirisoa
 

Résume
L'omniprésence des TIC dans le domaine tant professionnel que personnel bouleverse l'enseignement. Les enseignants ont adopté des pratiques non-formelles avec le numérique. L'objectif général est d'améliorer l'usage des TIC dans l'enseignement du niveau secondaire. Les techniques et outils de collecte de données utilisés sont la documentation, l'enquête dans vingt-deux établissements scolaires publics et privés et six instances dans la Région Analamanga. Les outils et ressources numériques jouent un rôle très important dans l'enseignement même si le système éducatif est en phase de transition dans leurs utilisations. Avec cette pratique, l'enseignement nécessite un nouveau concept d'intégration des TIC en milieu scolaire.

Mots-clés : Pratiques, utilisation, TIC, enseignement

Introduction

   Cet article est issu du travail de thèse en cours de Tianarivelo Ramarosandratana qui s'intéresse aux pratiques d'usage des enseignants du secondaire des technologies dans la région Analamanga (Madagascar).

   Les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) ne se limitent pas à l'utilisation quotidienne d'internet et des éléments de réseautage. Elles correspondent à un ensemble regroupant principalement de l'informatique (matériels et logiciels) permettant le traitement et le stockage de l'information, de la microélectronique, des télécommunications, les réseaux en particulier, permettant l'échange, le partage et la transmission de l'information (Mastafi, 2016).

   La Région Analamanga se situe au centre de Madagascar et abrite la capitale Antananarivo. La population est fortement concentrée dans la capitale avec environ 5 % de la population nationale (Gouvernorat Analamanga, 2022).

   Dans les écoles, l'appropriation d'internet et des technologies est aujourd'hui considérée comme étant un phénomène de masse, surtout en ville. Depuis une décennie, le début d'un changement est marqué par des phases d'expérimentation sous forme de projets pilotes à petite échelle vers une nouvelle phase d'intégration systémique dans les politiques gouvernementales, soutenue par des bailleurs de fonds et organismes non gouvernementaux (ONG). Il s'agit pour ces programmes de développer les usages des technologies dans l'enseignement.

   Les orientations préconisées mettent l'accent sur l'intégration progressive des TIC dans le système éducatif à Madagascar (MEN, 2018) pour répondre à l'objectif n° 02 : « Citoyens bien éduqués et révolution des compétences reposant sur la science, la technologie et l'innovation de l'agenda 2023 de l'Afrique (Union Africain,2023) et aux Objectifs du Développement Durable (ODD) n° 04 : « Éducation de qualité » (Nations Unies Madagascar, 2023).

   L'initiative : « Réimaginer l'éducation » (Unicef Madagascar, 2023) souligne qu'il importe de redonner un nouveau souffle au secteur éducatif en permettant aux élèves et enseignants d'accéder au numérique en éducation, dont l'importance a été renforcée par la pandémie de Covid-19. Une politique d'intégration de TIC dans le système éducatif malgache est en cours de conception pour pallier ce problème selon le Ministère de l'Éducation nationale Malagasy (MEN, 2017). L'action d'introduction de TIC se poursuit, par exemple, par la dotation de bibliothèques numériques, la distribution des tablettes et de postes téléviseurs numériques au profit des établissements scolaires.

   Cependant, malgré cette politique volontariste, les usages des enseignants semblent toujours assez limités. Faute de manuels numérisés adaptés et en l'absence de matériel informatique dans la plupart des établissements scolaires, les outils et ressources numériques sont peu ou pas du tout utilisés en classe (Ratompomalala, 2017), surtout dans l'enseignement secondaire.

   Cette recherche s'inscrit dans le cadre de la continuité des travaux de recherche sur l'introduction des TIC dans l'éducation et vise à interroger les pratiques des enseignants du secondaire (Ratompomalala, 2017) pendant la période de la pandémie de Covid-19. Quels instruments ont-ils mobilisés ? Quels regards ont les décideurs politiques et les chefs d'établissement sur ces pratiques ?

1. Méthode de recherche

1.1. Échantillon et population cible pour l'enquête par entretien et questionnaire

   Vingt-deux établissements scolaires publics et privés, six instances dans la Région Analamanga ont été choisis pour la collecte des données.

   Au total, notre échantillon est constitué de quatre-vingt-dix (90) personnes dont :

  • de personnels administratifs composés par des responsables pédagogiques du MEN (au niveau central, régional et circonscription scolaire) et Chefs d'établissements scolaires de niveau secondaire ou leurs adjoints qui ont été interrogés sous forme d'entretiens semi-directifs (n=30) ;

  • de personnel enseignants du niveau secondaire par discipline au sein des établissements scolaires publics et privés. L'enquête est sous forme de questionnaire (n=60).

   Le déroulement de nos enquêtes de terrain a été relativement perturbé. Nous avons été confrontés à la fermeture des établissements scolaires durant les périodes de vacances et la longue saison de pluie en 2020. Puis, à cause de la pandémie Covid-19, le gouvernement Malagasy a décidé de suspendre les cours en présentiel pendant une longue période (De mars à octobre 2020 pour l'année scolaire 2019-2020, puis d'avril à juillet 2021 pour l'année scolaire 2020-2021.), ce qui nous a poussé à réviser notre planning de collecte des données. Le personnel administratif a été invité à apporter des compléments d'informations sur l'activité pédagogique et les méthodes d'enseignement adaptés à l'utilisation des TIC dans l'éducation. Tandis que le personnel enseignant a été questionné sur l'approche pédagogique adoptée, les ressources d'accompagnement pédagogiques utilisées et les outils numériques utilisés régulièrement pour affiner leurs connaissances.

1.2. Démarche d'analyse des données

   Afin de répondre à nos questions de recherche, nous avons procédé en deux temps.

   D'abord, nous avons diffusé un questionnaire auprès des enseignants afin de rendre compte de leurs pratiques à l'égard des outils numériques et saisir les apports du numérique dans l'amélioration de l'enseignement.

   Les données issues des questionnaires qui comportent des questions fermées sont traitées à 1'aide de statistiques descriptives (Gauthier, 2003).

   L'enquête par questionnaire est complétée avec une enquête par entretien. Nous avons mené des entretiens auprès de responsables pédagogiques et de chefs d'établissements scolaires de niveau secondaire ou leurs adjoints. Ils ont été menés afin de comprendre l'accompagnements adéquat tant sur le plan matériel que sur celui des enseignants.

   Les analyses ont été menées via le progiciel XLSTAT qui sert à calculer les statistiques descriptives pour les analyses chiffrées des données recueillies lors de la passation des questionnaires et pour l'analyse des données chiffrées recueillies lors des entretiens.

2. Résultats

2.1. Une nécessité de repenser la place des technologies dans l'enseignement

   À cause d'une nette utilisation des supports audiovisuels surtout depuis la fermeture des écoles durant la pandémie Covid-19, la moitié (15/30) des responsables pédagogiques et chefs d'établissements scolaires estiment important de mieux définir ce qui constituerait une pédagogie mobilisant les technologies. Ils expriment « Définir les standards minimums à atteindre ».

   Selon eux, la formation en alternance des enseignants avec un accès ouvert à des ressources numériques est nécessaire à la généralisation des pratiques avec les TIC en classe. Cette formation est appuyée par des Responsables pédagogiques selon leur avis « Formation mise en place au niveau de l'établissement scolaire ».

   Dans les écoles, pendant la période du Covid-19, les chefs d'établissements scolaires estiment avoir joué le rôle d'accompagnement à la collaboration entre les enseignants et pour l'appropriation du numérique pour les pratiques en classe. Il conduit l'« activité de l'équipe pédagogique » de l'établissement.

   Pour encourager les utilisations des technologies, sept (07) d'entre eux proposent d'intégrer les TIC dans les programmes scolaires, trois (03) espèrent rendre possible l'utilisation des technologies dans les établissements scolaires et deux (02) estiment qu'il est nécessaire de reformer les programmes scolaires et l'avis de l'un d'entre eux est de « Réviser les programmes ».

2.2. Usages des TIC et pratiques pédagogiques

   Avant de décrire les pratiques des enseignants qu'il est possible d'observer de nos jours, nous souhaitons apporter quelques précisions historiques au sujet des courants pédagogiques couramment convoqués en classe depuis l'indépendance de Madagascar.

   Dès l'indépendance (1960) et jusqu'en 1972, le système éducatif a encouragé l'approche thématique (approche traditionnelle). En ce sens, l'enseignant expose entièrement le cours et les élèves sont tenus de retenir le contenu pour être capables de restituer leurs connaissances lors de l'évaluation.

   Puis, la pédagogie par objectifs (PPO), axée sur l'objectif d'apprentissage à atteindre, a été imposée en 1995. L'enseignant annonce les objectifs d'apprentissage et l'enseignement est centré sur l'élève. L'approche par compétences (APC), basée sur les compétences à acquérir, est ensuite introduite en 2003 et vise à mettre en valeur les acquis des élèves.

   Enfin, suite à la réforme du système éducatif, l'approche par situations (APS) est appliquée en 2008. Il s'agit d'une autre forme d'approche par compétence pour laquelle l'élève découvre la notion à apprendre et les situations de recherche comportant toutes les informations nécessaires avec des supports adéquats. L'APC n'est plus censée être utilisée dans les établissements scolaires suite au bouleversement politique de 2009 au profit d'un regain d'intérêt ministériel pour la PPO (MEN, 2012).

   Pourtant, ce qui relève des pratiques des enseignants, les données issues des questionnaires destinés aux enseignants ont donné les résultats suivants :


Tableau 1 : Approches pédagogiques pratiquées par les enseignants par discipline.

   Les enseignants répondants, 31 déclarent utiliser la Pédagogie Par Objectifs contre cinq (05) pour l'Approche Traditionnelle, quatre (04) pour l'Approche par Situation (APS), quatorze (14) pour l'Approche Par les Compétences (APC) et six (06) autres.

   L'utilisation des TIC dans l'enseignement est un fait très récent. Dans la pratique, les enseignants disent utiliser : des illustrations en version papier qui est privilégiée par neuf (09) enseignants pour apporter des informations complémentaires, tandis que neuf (09) autres intègrent le document numérique comme manuels, image... surtout pour introduire l'acquisition d'une nouvelle. Le reste (12) met en premier lieu l'utilisation de didacticiels et logiciels de simulation pour découvrir, observer et simuler une expérience ou un phénomène à l'aide d'un ordinateur. Malgré la pédagogie susmentionnée adoptée et vu l'absence de directive d'utilisation des TIC dans le programme scolaire, les enseignants acceptent la participation active des élèves à l'acquisition des savoirs pour faciliter la compréhension et l'appropriation des concepts scientifiques. Par ailleurs, ces enseignants essaient d'animer, de diriger et d'aider les élèves à acquérir leurs connaissances.

2.3. Un manque de ressources pour concevoir les cours

   La situation observée pourrait s'expliquer par l'insuffisance de « manuels version papier ». Les manuels version numérique ont apporté une aide spécifique à large diffusion. Ils sont disponibles dans les Médiathèques et le site web du MEN.

   Pour les enseignants toutes disciplines confondues, les ressources numériques offrent des avantages dans l'enseignement :

  • 52 pensent que le recours à des plates-formes ou moteur de recherche facilite la préparation de leurs cours ;
  • 32 que cela permet d'apporter des éléments de culture aux élèves ;
  • 31 pour rendre leurs cours plus compréhensibles ;
  • 24 pour rendre le cours plus attractif.

   Les enseignants ont confirmé que l'usage des réseaux sociaux à des fins pédagogiques s'avère utile pour s'informer (47), interagir (30), se motiver (32), partager (32) et autres (11).

3. Discussion

   Le système éducatif est soumis au rythme des progrès technologiques. Pour réussir une réinvention des systèmes éducatifs dans le monde entier, il faut nécessairement transformer la pédagogie et reconcevoir les tâches d'apprentissage (Leadbeater, 2008). Des innovations sont apportées pour une éducation inclusive et compétitive pour qu'elle puisse s'adapter sous l'ère du numérique. L'intégration physique consiste à équiper de matériels informatiques les établissements scolaires tandis que l'intégration pédagogique correspond à l'utilisation et à l'exploitation de ces matériels informatiques pendant une séance d'enseignement-apprentissage en vue d'améliorer l'apprentissage des élèves (IsaBelle, 2002 cité par Mbe et Razafimbelo, 2022). « L'innovation peut prendre des colorations différentes, elle implique toujours une volonté délibérée de changement » (Depover, 2010). À cet égard, le rôle des enseignant(e)s rime avec la culture numérique des élèves sans oublier un environnement qui permet une utilisation efficace et créative des TIC dans l'enseignement-apprentissage. La Politique générale de L'État (PGE 2019-2023) soutient l'éducation pour tous. Elle vise l'adéquation entre la formation et l'emploi, notamment au niveau des compétences en technologies, pour faciliter l'insertion des jeunes dans le monde professionnel. Elle souligne l'importances de la formation des enseignants ainsi que de la modernisation des infrastructures et des outils de formation dans les établissements scolaires.

   Pour que les TIC soient intégrées complètement dans l'enseignement, il est nécessaire de promouvoir une pédagogie centrée sur les élèves (Meirieu, 2020) : Les TIC permettent la mise en place d'une pédagogie s'inspirant des méthodes qui sont basées sur le développement des compétences au-delà de la transmission de savoirs. L'éducation se construit d'un rapport intérieur du sujet à l'exigence de vérité. L'apprentissage se base sur les méthodes actives qui mettent en évidence le principe d'approche pédagogique 3.0. Il encourage la curiosité, l'initiative et la recherche des élèves. Il faut aussi et surtout accompagner les acteurs dans le processus de changement, un changement qui ne relève pas seulement de la mise à disposition d'infrastructures et de moyens innovants mais aussi de l'homme, de sa capacité à changer de rôle, de paradigmes dans ses modes de transmission pédagogiques (Lietart, 2015).

Ramarosandratana Tianarivelo
Doctorant,
École Doctorale Gestion des Ressources Naturelles et Développement,
Université d'Antananarivo,
sandrtn@gmail.com

Andrianarimanana Jean Claude Omer
Professeur,
École Normale Supérieure de l'Université d'Antananarivo,
andrianariomer@yahoo.fr

Rasoanaivo Andriniaina Narindra
Docteur,
École Normale Supérieure de l'Université d'Antananarivo,
andriniaina@aims.ac.za

Rijarimanana Tiana Andriantsoa
Docteur,
École Normale Supérieure de l'Université d'Antananarivo,
mrtianapc@gmail.com

Rakotomalala Mirisoa
Docteur HDR,
Institut Supérieur de Technologie d'Antananarivo,
mrakotom_diego@yahoo.fr

Cet article est sous licence Creative Commons Attribution 4.0 International. https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr

Références bibliographiques

Ouvrages et revues

Depover, (2010), La recherche en éducation à l'ère des TIC, La recherche en éducation : étapes et approches, éditions ERP.

Gauthier, B. (2003). L'évaluation de la recherche par sondage. In B. Gauthier (dir.), Recherche sociale : de la problématique à la collecte des données (4e édition) (p. 561-601). Québec : Presses de l'Université du Québec.(1re éd. 1984).

Lietart, (2015), Les TICE et l'innovation pédagogique dans l'enseignement supérieur : comment et pourquoi les modes de l'interaction humaine évoluent-ils dans les systèmes d'information pédagogique ? Bordeaux.

Mastafi, M. (2016), Définitions des TIC(E) et acception. Dans J. Bacha, S. Ben Abid-Zarrouk, L. Kadi et A. Mabrour (dir.), Penser les TIC dans les universités du Maghreb : TIC et enseignement-apprentissage du et en français en contexte universitaire maghrébin, Paris : L'Harmattan, 179-195.

Mbe et Razafimbelo, (2022), État des lieux de l'intégration des TIC dans l'enseignement des sciences physiques et chimiques dans quatre lycées publics d'Antananarivo-ville, région d'Analamanga, Revue Didaktika, 05,19.

Meirieu, (2020), L'éducaion et le rôle des enseignants à l'horizon 2020, Unesco : Horizon 2020, 20.

Ministère de l'Éducation nationale Malagasy (MEN ,2012), Plan intérimaire pour l'éducation 2013-2015 (PIE 2013-2015), 99.

Webographies

Gouvernorat Analamanga, https://gouvernoratanalamanga.mg/description (consulté le 30 juillet 2022).

Nations Unies Madagascar, 2023, Objectif de développement durable,
https://madagascar.un.org/fr/sdgs/4 (consulté le 26 avril 2023).

Ministère en charge de l'Éducation nationale Malagasy Website,
http://www.education.gov.mg (consulté le 18 mars 2023).

Ratompomalala, H. (2017, novembre 6), Pénurie de ressources et pratiques enseignantes,
https://adjectif.net/spip.php?article448 (consulté le 17 février 2023).

Unicef Madagascar (2023), Au sein des communautés et au niveau des collèges publics, l'apprentissage numérique est désormais possible,
http://www.unicef.org/madagacar/ (consulté le 11 février 2023).

Union Africain,2023, Relier l'agenda 2063 et les Objectif du Développement Durable,
https://au.int/fr/agenda2063/odd (consulté le 26 avril 2023).

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