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Étude comparative des résultats de quelques recherches
sur l'intégration des TIC dans l'enseignement
des disciplines scientifiques
au sein du programme GENIE Marocain

Omar Alj, Nadia Benjelloun
 

Résumé
Le travail de cet article se penche sur une étude comparative des résultats de recherches qui s'intéressent à l'intégration des TIC dans l'enseignement des disciplines scientifiques au sein du programme GENIE. Les principaux résultats obtenus confirment que l'usage des TIC dans le système éducatif marocain reste encore très limité dans la pratique de la plupart des enseignants dans les différentes disciplines scientifiques, surtout lorsqu'il s'agit de l'intégration pédagogique des TIC en classe. En ce qui concerne l'utilisation personnelle et professionnelle des TIC chez les enseignants, nous avons détecté une différence au niveau de ces deux types d'utilisation d'une discipline à l'autre. Il apparaît donc difficile de réfléchir à l'intégration pédagogique des TIC dans le système éducatif marocain sans prendre en compte les particularités des disciplines enseignées.

Mots clés : TIC, enseignement, GENIE, disciplines scientifiques, intégration des TICE.

1. Présentation

   Le Maroc comme tous les pays en développement ou occidentaux, a compris l'importance de l'usage et de l'intégration des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans son système éducatif. Pour cela, le gouvernement marocain adopte, depuis l'année 2005, le programme de Généralisation des technologies de l'information et de la communication dans l'Enseignement (GENIE), ayant pour objectif la généralisation de ces technologies en vue de leur intégration dans le système de l'éducation et de la formation. En effet, durant ces dernières années, le sujet de l'intégration des TIC dans l'enseignement était l'objet de plusieurs travaux de recherche à l'échelle nationale. C'est la raison pour laquelle, il nous a semblé judicieux dans ce travail de faire une étude comparative de ces résultats de recherche notamment dans l'enseignement des disciplines scientifiques au sein du programme GENIE. Et en particulier, les travaux de recherche qui ont fait l'étude au niveau de la représentation des enseignants sur l'intégration des TIC en classe, l'utilisation effective de ces technologies ainsi que les obstacles qui entravent leur intégration dans les pratiques d'enseignement.

   De ce fait, nous avons interrogé la littérature de recherche sur l'intégration des TIC dans le système éducatif marocain. Nous avons fait une recherche dans un ensemble de revues scientifiques internationales (Enseignement Public et Informatique (EPI), Revue Internationale des Technologies en Pédagogie Universitaire (RITPU), Recherches en Didactique des Sciences et des Technologies (RDST), Revue Internationale de Pédagogie de l'Enseignement Supérieur (RIPES), Revue Africaine de DIdactique des Sciences et des MAthématiques (RADISMA), Revue Canadienne de l'Apprentissage et de la Technologie (RCAT), Revue Française de Pédagogie (RFP), Revue Française en Sciences de l'Information et de la Communication (RFSIC), Questions Vives, Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Éducation et la Formation (STICEF), projet Accompagnement Décentralisé des JEunes Chercheur-e-s en TIC dans un cadre Francophone (ADJECTIF), Frantice et Sesamath.

   Cette recherche a abouti au repérage de plusieurs publications. Mais, nous avons remarqué que la majorité de ces publications, ont fait l'étude soit de l'usage des TIC dans l'enseignement de façon générale, sans prendre en considération les spécificités des disciplines. Ou bien, de l'impact des TIC sur l'apprentissage des élèves. Mais très peu de publication (quatre publications) ont traité l'intégration des TIC dans l'enseignement au niveau des disciplines bien déterminées, et en particulier les disciplines scientifiques qui ont été l'objet de cette étude.

2. Principaux résultats des recherches portant sur l'intégration des TIC dans l'enseignement des matières scientifiques dans le cadre du programme GENIE

2.1. Résultats des recherches portant sur l'intégration des TIC (GENIE) dans l'enseignement des mathématiques

   L'enseignement des mathématiques de qualité doit permettre aux élèves de comprendre que la mathématique est une science vivante, qui peut être en relation avec le monde réel en contribuant à la résolution de ses problèmes, loin des stéréotypes qui lui sont attachés dans la culture commune. Cet enseignement doit permettre de vivre l'expérience mathématique, et pour cela il peut s'appuyer sur les TIC (Nachit et al.). Notamment, que l'intégration de ces dernières, Selon (Hoyles et Lagrange, 2009), ont enrichi de façon indéniable les possibilités d'expérimentation, de visualisation et de simulation, elles ont permis de traiter des problèmes plus réalistes.

   Les difficultés qui peuvent être constatées dans l'apprentissage des mathématiques conduiraient à des échecs et à des abandons, à une dévalorisation de soi, à une impuissance à se prendre en main et à des tentatives infructueuses pour comprendre les vraies raisons de l'échec. Et la plupart des élèves abordent les mathématiques avec réticence, par obligation et sans plaisir (Lafortune, 1997).

   Cette partie présente les principaux résultats issus d'une recherche exploratoire intitulée « L'outil informatique : Défis d'intégration et objet de formation des enseignants de mathématiques dans le secondaire » de Abouhanifa, Kabbaj, Belmadani, Khalfaoui, et Hanini (2008). Elle a porté sur 73 enseignants de mathématiques (une moyenne de 22 ans d'ancienneté) de la délégation de Settat, répartis sur 10 établissements de l'enseignement secondaire collégial et secondaire qualifiant. Cette recherche s'intéresse aux conceptions de l'enseignant dans ses tentatives d'intégrer l'outil informatique dans l'enseignement-apprentissage des mathématiques au collège et au lycée marocains. Ainsi, elle vise l'analyse des obstacles qui entravent l'utilisation efficace de cet outil, et les dimensions nouvelles de son intégration en classe.

   Les principaux résultats issus de cette recherche montrent que l'utilisation personnelle des TIC chez les enseignants de mathématiques est insuffisante. Seulement 21,4 % d'enseignants utilisent les TIC pour des fins personnelles. En ce qui concerne l'utilisation professionnelle des TIC par les enseignants interrogés, du côté de la préparation des ressources pédagogiques, et en particulier la préparation des leçons et des exercices à l'aide d'un ordinateur. Les résultats indiquent que 34,9 % des répondants utilisent l'outil informatique pour un traitement de texte mathématique afin de présenter des énoncés de devoirs, des éléments de cours..., 18,3 % utilisent l'outil informatique pour construire des tableaux et 14,3 % l'utilisent pour tracer des courbes. Ceci montre clairement que l'utilisation professionnelle des TIC chez les enseignants de mathématiques est encore insuffisante. En plus, 80,8 % de ces derniers n'utilisent pas l'outil informatique en classe parce qu'ils craignent d'apparaître inefficaces devant leurs élèves. Ce constat peut être expliqué par la faible motivation de ces enseignants envers l'usage pédagogique des TIC en classe, les difficultés liées à la gestion de la classe, les contraintes de temps avec un programme à terminer, ou la méconnaissance de la pertinence de ce genre d'activité. Cela incite d'une part les responsables à encourager et à pousser les enseignants à intégrer les TIC dans leurs pratiques pédagogiques, par l'organisation de journées de sensibilisation et de mobilisation qui étudient l'impact de ces outils sur l'enseignement de la discipline. Et d'autre part, d'intégrer dans les programmes scolaires de mathématiques des activités d'enseignement- apprentissage favorisant l'usage des TIC.

   De plus, les auteurs de ce travail ont mentionné qu'il ne faut pas croire que l'usage des technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement (TICE) est la solution radicale aux divers problèmes liés à l'enseignement et l'apprentissage des mathématiques au collège et au lycée, tels que, la démotivation des élèves, l'échec scolaire, l'abandon solaire, la baisse de niveau de maîtrise de mathématiques, etc. Néanmoins, ces nouveaux outils peuvent constituer un catalyseur conduisant l'enseignant à innover progressivement au niveau des méthodes et des démarches tout en les adaptant aux activités de l'élève.

   Enfin, le niveau d'intégration des TIC dans l'enseignement de mathématiques est insuffisant. En fait, une vraie intégration des TIC en classe, nécessite donc, un changement en profondeur des conceptions de tous les acteurs en présence, voire de l'enseignement au niveau des contenus que de la forme des activités. Le nouveau rôle de l'enseignant dans la dite situation d'enseignement, demande de nouvelles compétences que l'enseignant doit acquérir. Elle oblige une mobilisation personnelle importante de sa part, qu'en environnement traditionnel. Le travail personnel de tout enseignant peut être facilité par la collaboration et les échanges d'expériences avec des collègues de l'équipe pédagogique ou dans le cadre de formations.

2.2. Résultats des recherches portant sur l'intégration des TIC (GENIE) dans l'enseignement des SVT

   L'impact des TIC sur l'enseignement et l'apprentissage est considérable. Elle transforme de manière spectaculaire les méthodes classiques d'enseignement. Maouni, Mimet, Khaddor, Madrane et Moumene (2014) mentionnent dans leur travail de recherche intitulé « L'intégration des TIC dans l'enseignement des SVT au Maroc : réalité et attentes » que les TIC permettent d'une part, aux enseignants des SVT, d'être plus performants, plus proches des apprenants en classe et au foyer (capacité de faire travailler les élèves à distance), plus fonctionnels et efficaces, plus stimulateurs de la curiosité des élèves, plus exigeants sur les objectifs et les activités d'apprentissage et plus rapides dans la transmission du savoir. Elles permettent d'autre part, aux apprenants, d'être plus motivés et plus actifs à participer dans la construction du savoir, de suivre facilement les cours, de comprendre plus vite, d'être plus innovateurs, plus autonomes, de pouvoir manipuler et d'exécuter des fonctions seuls. En définitive, avec les TIC les conditions d'enseignement sont améliorées et l'interactivité est fort présente. Les cours SVT se basent essentiellement sur l'observation naturaliste des phénomènes biologiques ou géologiques, l'expérimentation in vivo et in vitro et la présentation pédagogique des résultats.

   Nous exposons dans cette partie les principaux résultats de ce travail, qui a pour objectif de répondre aux questions suivantes :

  • Quelle est la situation actuelle des TIC dans l'enseignement des SVT au Maroc ?

  • quelles sont les attentes relatives à ce sujet ?

   La collecte des données de cette étude a été effectuée au moyen de questionnaires anonymes, répartis sur plusieurs Académies Régionales d'Éducation et de Formation du Royaume, principalement sur l'AREF de Tanger Tétouan. Le public cible est constitué de 131 enseignants en SVT de l'enseignement secondaire Collégial et Qualifiant scientifique.

   Les résultats obtenus dans cette étude indiquent que la plupart des enseignants enquêtés ont des PC (95 %) et une connexion internet (93 %). Par ailleurs, la plupart des établissements ont une salle GENIE (83 %) et la majorité des classes ou laboratoires SVT sont équipés par des ordinateurs (85 %) et des vidéo projecteurs (75 %).

   En outre, la plupart des enseignants SVT (> 90 %) ont acquis le savoir informatique par autoformation. Cependant un faible à très faible pourcentage des enquêtés a acquis ce savoir dans le cadre d'une formation initiale ou continue. Ainsi, nous avons remarqué que la moitié des enseignants interrogés souhaitent bénéficier de formations dans les TIC, le Flash, l'EXAO, le Web et la préparation numérique de leçons. L'EXAO et la production des animations flash semblent être les formations les plus demandées par les enseignants (> à 70 %). Ce qui montre la forte volonté chez ces enseignants envers la formation en TIC.

   De plus, la plupart des enseignants interrogés (93 %) utilisent l'internet surtout comme source d'information. Mais, nous avons observé que les auteurs n'ont pas précisé dans quelles fins cette utilisation. Est-ce que cette utilisation a des fins personnelles ou professionnelles ou même pédagogiques ?

   En ce qui concerne les obstacles de l'utilisation des TIC en classe, les enseignants interrogés déclarent que l'absence de formation (71 %) et du manque de matériel informatique dans les établissements (53 %) sont les causes principales de la non utilisation des TIC dans la classe. D'autres enseignants (moins de 40 %) considèrent que ce sont plutôt le manque de temps et/ou la surcharge des classes qui entravent l'utilisation des TIC. En plus, les résultats de cette étude confirment que la salle équipée de matériel dans le cadre du programme GENIE est souvent fermée ou parfois même abandonnée en raison du vieillissement du matériel, du manque d'entretien et de l'insuffisance de formation du personnel enseignant.

   La présente étude a été établie essentiellement dans le but de décrire la situation actuelle des TIC dans l'enseignement des SVT et de définir les attentes relatives au sujet. Les résultats de recherche statistiques ont confirmé que la plupart des enseignants en SVT possèdent des outils informatiques de base avec accès à Internet, et la plupart des établissements scolaires sont relativement équipés de moyens informatiques de base. Par contre, la majorité des enseignants réclament ne pas avoir bénéficié d'une formation dans les TIC, leur bagage informatique est issu essentiellement d'autoformation. Pour cela ils souhaitent presque tous bénéficier de formations continues, à l'utilisation de certains logiciels et d'intégration des TIC dans l'enseignement de SVT, dans ce domaine en évolution permanente.

   Enfin, les auteurs ont affirmé qu'il n'y a pas une réelle intégration pédagogique des TIC dans les pratiques d'enseignement et d'évaluation en SVT. Ils ont souligné que la qualité de cet enseignement risque d'en souffrir si rien n'est entrepris pour y remédier.

2.3. Résultats des recherches portant sur l'intégration des TIC dans l'enseignement des sciences physiques

   Le ministère de l'éducation nationale (MEN) présente une forte volonté pour réussir l'intégration des TIC en éducation car il est conscient, qu'à priori, cette intégration améliore la qualité d'enseignement et d'apprentissage (CNEF, 1999) et ceci est confirmé par certaines méta-analyses (Kulik, 2003 ; Cox et al., 2004) qui révèlent des tendances positives. Selon la conclusion générale de ces auteurs, des usages spécifiques des TIC ont des effets positifs tangibles sur les résultats des élèves.

   Malgré ces efforts, l'intégration des TICE dans le système éducatif marocain reste insuffisante. Le travail de Alj et Benjelloun (2013) tente de faire le point sur les difficultés, les échecs et les succès de l'intégration de l'ère numérique dans l'enseignement des sciences physiques aux niveaux secondaire collégial, secondaire qualifiant (lycée) et aux classes préparatoires aux grandes écoles d'Ingénieurs (CPGE).

   Cette partie présente les principaux résultats issus de notre travail de recherche exploratoire intitulé « Intégration des TIC dans l'enseignement des sciences physiques au Maroc dans le cadre du programme GENIE : difficultés et obstacles » (Alj et Benjelloun, 2013). Elle a porté sur 125 enseignants (une moyenne de 21 ans d'ancienneté) de sciences physiques de trois Académies marocaines (Fès-boulomane, Rabat-salé et Tétouan-Tanger), répartis sur plus de 60 établissements scolaires (collèges, lycées et CPGE). L'objectif de ce travail est de cerner les obstacles et les contraintes de l'intégration des TIC dans l'enseignement des sciences physiques. On se propose donc de répondre à deux grandes questions spécifiques à cette recherche :

  • Quelle est la place de l'ère numérique dans l'opération enseignement-apprentissage des sciences physiques au collège, au lycée et aux classes préparatoires au Maroc ?

  • Quels sont les défis majeurs et les contraintes de l'intégration de l'ère numérique dans l'opération enseignement-apprentissage des sciences physiques et comment les lever ?

   Les principaux résultats issus de cette recherche montrent que les enseignants de sciences physiques (hommes et femmes) présentent un grand intérêt pour l'usage des TIC. Seulement 5,6 % d'entre eux ne sont pas intéressés par ces outils, en moyenne 46,4 % des répondants ont pris l'initiative de suivre une formation aux usages des TIC, seulement 2,4 % des interrogés n'ont pas d'ordinateur, 80 % d'entre eux ont une connexion Internet. Et 65,6 % des enseignants interrogés utilisent l'ordinateur plusieurs fois par semaine, dont 31,2 % tous les jours. Ce qui montre que l'utilisation personnelle des TIC chez ces enseignants est importante. En ce qui concerne l'utilisation professionnelle des TICE par les enseignants interrogés, dans le côté préparation des ressources pédagogiques, et en particulier la préparation des leçons et des exercices à l'aide d'ordinateur. Et aussi, la consultation de sites proposant des activités pédagogiques et/ou la recherche d'informations. Les résultats de ce travail nous indique que 58,4 % et 44,8 % préparent respectivement les exercices et les leçons à l'aide de PC. Ainsi, 65,6 % préparent leurs leçons par le biais des sites web éducatifs. Ce qui apparaît clairement que les enseignants sont intégrés dans une utilisation professionnelle encourageante des TIC. Mais, les résultats indiquent que seulement 8 % intègrent les TIC de façon régulière dans la classe. Ce qui montre que l'intégration pédagogique des TIC dans l'enseignement des sciences physiques est insuffisante. Ce fossé entre l'utilisation et l'intégration des TIC dans l'enseignement des sciences physiques est dû à plusieurs contraintes.

   Les principales contraintes détectées dans cette recherche forment trois catégories. La première catégorie concerne le manque de compétences techno-pédagogiques des enseignants interrogés. Selon Karsenti (2005), il existe deux ensembles de compétences nécessaires à une intégration pédagogique réussie des TIC : une certaine compétence technologique ou techno-instrumentale, mais aussi une compétence techno-pédagogique. La deuxième catégorie de contraintes est le manque relatif en quantité, en qualité et en pertinence de ressources numériques éducatives (logiciels, sites web) adaptées aux programmes enseignés. Et la troisième catégorie porte sur l'insuffisance des équipements informatiques pour une réelle utilisation des TIC en tant que support pédagogique.

   Les résultats montrent également que les problèmes de formation des enseignants liés à l'exécution du programme GENIE comptent parmi les principaux obstacles qui peuvent expliquer le fossé entre l'utilisation et l'intégration des TIC dans l'opération enseignement- apprentissage.

2.4. Résultats des recherches portant sur l'intégration des TIC dans le travail des enseignants

   À l'échelle internationale, Les études concernant l'intégration des TIC dans le travail enseignant sont nombreuses. Certaines ont insisté sur le rôle qui peut être joué par les directeurs d'établissements afin de soutenir une intégration raisonnée des TIC dans la pratique enseignante (Isabelle, Lapointe et Chiasson, 2002). D'autres proposent une approche intégrée de la formation aux TIC basée sur le concept de recherche-action-formation [1] (Charlier, Daele et Deschryver, 2002). Peu de recherches ont ciblé la formation des enseignants et les problèmes liés au transfert de leurs compétences effectives dans la pratique professionnelle ainsi que les obstacles générés par des aspects purement méthodologiques.

   Dans cette partie nous présentons les principaux résultats d'une étude, qui a été menée par Biaz, Bennamara, Khyati, et Talbi (2009) auprès de 129 enseignants du secondaire appartenant à 5 établissements de la délégation El-fida mers sultan de l'AREF Casablanca. Cette étude est intitulée « Intégration des technologies de l'information et de la communication dans le travail enseignant, état des lieux et perspectives ». L'objectif était de mettre en évidence, d'une part, la façon dont les enseignants prévoient l'introduction des TIC dans l'enseignement de leurs disciplines et, d'autre part, de décrire les tendances en matière d'utilisation effective des TIC par ces acteurs, les besoins de formation, ainsi que les obstacles qui entravent une intégration méthodologique de ces techniques en classe. L'échantillon de l'étude est polyvalent, constitué d'enseignants de différentes disciplines dont 34,9 % sont des enseignants des disciplines scientifiques (10,9 % de mathématiques, 9,3 % de sciences physiques, 8,5 % de SVT et 6,2 % de l'informatique).

   L'un des principaux résultats de cette étude est qu'en général, 56,6 % des enseignants jugent que l'intégration des TIC dans l'enseignement des disciplines est très importante, contre 3.9 % qui considère que cette intégration est sans importance. Nous résumons dans le tableau suivant le degré d'appréciation de l'intégration des TIC dans la pratique des enseignants selon les disciplines enseignées, et particulièrement les disciplines scientifiques :

Tableau 1. Degré d'appréciation de l'intégration des TIC dans la pratique des enseignants selon les disciplines scientifiques (Biaz et al., 2009)

Utilité des TIC

Discipline enseignée

Non réponse

Très importante

Importante

Peu importante

Sans importance

Total

Mathématiques

0,0 %

49,5 %

35,8 %

7,3 %

7,3 %

100 %

Sciences physique

8,5 %

66,0 %

17,0 %

8,5 %

0,0 %

100 %

SVT

9,3 %

54,7 %

26,7 %

9,3 %

0,0 %

100 %

Informatique

0,0 %

74,6 %

12,7 %

12,7 %

0,0 %

100 %

   Il ressort des réponses qu'une grande importance est accordée à l'utilisation des TIC par les enseignants des matières scientifiques.

   Pour connaître la relation liant la matière de spécialité avec la formation en TIC, les auteurs de cette étude ont croisé les réponses relatives à la question « matière enseignée » d'une part et « la formation en TIC » d'autre part (Tableau 2).

Tableau 2. Relation liant la matière de spécialité avec la formation en TIC (Biaz et al., 2009)

Formation en TIC

Discipline enseignée

Non réponse

Oui, durant la formation initiale

Oui, durant la formation continue

Jamais

Mathématiques

0,0 %

7,1 %

0,0 %

92,9 %

Sciences physique

8,3 %

0,0 %

25,0 %

66,7 %

SVT

0,0 %

0,0 %

0,0 %

100,0 %

Informatique

0,0 %

62,5 %

62,5 %

12,5 %

   Selon cette étude, nous avons constaté que les enseignants de SVT n'ont jamais bénéficié d'une formation en TIC durant toute leur vie professionnelle, seulement 7,1 % pour les enseignants de mathématiques et 25,0 % pour les enseignants de sciences physiques. Face à ces résultats, les auteurs ont posé des questions sur les aspects méthodologiques adoptés lors d'une campagne de formation organisée par les services compétents. Ainsi les critères de choix des enseignants devant bénéficier de formations ne doivent pas être mis à l'écart.

   En plus, les résultats de cette étude nous confirment que la salle GENIE est souvent fermée, la pédagogie d'intégration des TIC dans l'enseignement n'est pas claire, le manque de formation dans ce domaine, l'obligation d'achever le programme scolaire à temps et le manque d'accompagnement pédagogique sont les causes fondamentales de la non-intégration des TIC de façon régulière dans l'enseignement.

   En outre, nous avons constaté aussi le pourcentage très élevé des enseignants qui n'ont jamais bénéficié de formation en matière TIC. Ce constat illustre d'une façon très claire le dysfonctionnement de la première phase de généralisation où la plus grande importance a été uniquement accordée à l'équipement des établissements, tandis que les côtés accompagnement et sensibilisation de l'enseignant ont été négligés ou retardés.

   Enfin, les auteurs ont précisé les principaux obstacles qui entravent l'intégration des TIC dans l'enseignement des disciplines scientifiques. Et ils soulignent la nécessité d'adopter une nouvelle stratégie qui met en relief l'importance des TICE dans le développement professionnel des enseignants.

2.4. Remarque

   En ce qui concerne les résultats des recherches portant sur l'intégration des TIC dans l'enseignement de l'informatique. Nous n'avons pas trouvé une publication relative à ce sujet. On se contente aux résultats présentés dans la publication de Biaz et al. (2009).

3. Étude comparative des principaux résultats de recherches portant sur l'intégration des TIC (GENIE) dans l'enseignement des matières scientifiques

   Bouchard (2000) précise que toute démarche scientifique dans une étude comparative consiste à :

  • Rapprocher deux ou plusieurs objets d'analyse appartenant à autant d'environnements collectifs ;

  • En faire ressortir les différences et les ressemblances, le but étant d'accroître la connaissance soit de l'un, soit de chacun de ces objets.

   Cette étude comparative est basée sur les résultats des travaux présentés dans cet article.

   L'un des principaux résultats que nous avons extrait d'après ces travaux de recherche, est la grande importance accordée à l'utilisation des TIC par les enseignants des différentes disciplines scientifiques (tableau 3). En fait, un pourcentage important des enseignants ont acquis des savoirs en TIC par l'autoformation. De plus, la majorité des enseignants de SVT et de sciences physiques ont respectivement des PC (95 %, 97,6 %) et connexion internet (93 %, 80 %).

Tableau 3. Avis des enseignants envers l'utilisation des TICE selon les disciplines scientifiques

Recherches

Recherche 1 en math [2]

Recherche 2 en SVT [3]

Recherche 3 en S. phys. [4]

Maths

S. Physiques

SVT

Informatique

Importance présentée par les enseignants envers l'utilisation des TICE

N'a pas précisé

N'a pas précisé

84,4 %

85,3 %

83 %

81.4 %

87,3 %

   Par ailleurs, d'après le tableau 4, le niveau d'usages personnels des TIC chez les enseignants de sciences physiques et de SVT est important, or pour les enseignants de mathématiques cet usage est insuffisant (seulement 21,4 % utilisent cet outil pour des fins personnelles). Ceci est valable aussi pour l'usage professionnel des TIC. Cependant, la recherche 2 n'a pas précisé le niveau d'usage des TIC chez les enseignants de SVT. En plus, nous avons enregistré que le niveau d'usage pédagogique des TIC en classe est insuffisant dans les différentes disciplines scientifiques (tableau 4). Ce constat est dû à plusieurs contraintes et obstacles.

Tableau 4. Degré d'usages des TIC chez les enseignants selon les disciplines scientifiques

Recherches 

Niveau d'usages des TIC

Recherche 1 en math

Recherche 2 en SVT

Recherche 3 en S. phys.

Niveau d'usages personnels des TIC chez les enseignants

Insuffisant

Important

Important

Niveau d'usages professionnels des TIC chez les enseignants

Insuffisant

N'a pas précisé

Important

Niveau d'usages pédagogiques des TIC chez les enseignants

Insuffisant

Insuffisant

Insuffisant

   Dans le tableau suivant, nous avons résumé les principales contraintes à la non intégration des TIC dans l'enseignement des matières scientifiques mentionnées dans les quatre recherches :

Tableau 5. Principales contraintes mentionnées dans les quatre recherches.

Recherches

Contraintes et obstacles

Recherche 1 en math

- La faible motivation de ces enseignants envers l'usage pédagogique des TIC dans la classe ;
- Les difficultés liées à la gestion de classe ;
- Les contraintes de temps avec un programme à terminer ;
- La méconnaissance de la pertinence de ce genre d'activité.

Recherche 2 en SVT

- Le manque de formation ;
- Le manque de matériel informatique dans les établissements ;
- Le manque de temps et/ou la surcharge des classes ;
- La salle GENIE est souvent fermée.

Recherche 3 en S. phys.

- Le manque de formation ;
- Le manque de temps ;
- Le temps de préparation des leçons à l'aide des TIC trop important ;
- Le manque de matériels, Matériel peu accessible ou Matériel inadapté ;
- La mise en oeuvre (temps, organisation) trop coûteuse ;
- La méconnaissance de la pertinence de l'intégration des TICE ;
- La salle GENIE est souvent fermée ;
- La faible motivation des enseignants.

Recherche 4 en matières scientifiques

- La pédagogie d'intégration des TIC dans l'enseignement n'est pas claire ;
- Le manque de formation dans ce domaine ;
- L'obligation d'achever le programme scolaire à temps ;
- Le manque d'accompagnement pédagogique ;
- La salle GENIE est souvent fermée.

   Les résultats de ces recherches montrent de manière évidente que les aspects de la formation, les aspects temporels, les aspects de l'environnement et les aspects individuels de motivation, de confiance et d'expérience sont les causes fondamentales de la non-intégration des TIC de façon régulière en classe. Ces résultats mentionnent également que la salle équipée de matériel dans le cadre du programme GENIE est souvent fermée. Ce constat a été déjà signalé dans autre étude (El Bachari, El hassan et El-Adnani, 2010).

Conclusion

   Le présent travail visait à faire une étude comparative des résultats de quelques recherches sur l'intégration des TIC dans l'enseignement des disciplines scientifiques au sein du programme GENIE

   Les principaux résultats obtenus confirment que l'usage des TIC dans le système éducatif marocain reste encore très limité dans la pratique de la plupart des enseignants dans les différentes disciplines scientifiques, surtout lorsqu'il s'agit de l'intégration pédagogique des TIC en classe. En ce qui concerne l'utilisation personnelle et professionnelle des TIC chez les enseignants, nous avons détecté une différence au niveau de ces deux types d'utilisation d'une discipline à l'autre. Il apparaît donc difficile de réfléchir à l'intégration pédagogique des TIC dans le système éducatif marocain sans prendre en compte les particularités des disciplines enseignées d'une part. Et d'autre part, les nombreux obstacles évoqués par les enseignants interrogés.

   En fait, trois principales catégories d'obstacles sont identifiées. La première catégorie concerne le manque de compétences techno-pédagogiques des enseignants interrogés. La deuxième catégorie de contraintes est le manque relatif en quantité, en qualité et en pertinence de ressources numériques éducatives adaptées aux programmes enseignés. Et la troisième catégorie porte sur l'insuffisance des équipements informatiques ou la mauvaise gestion de ces équipements pour une réelle utilisation des TIC en tant que support pédagogique.

Omar Alj 1, 2
Nadia Benjelloun 1

1. Laboratoire Interdisciplinaire de Recherches en Didactique des Sciences et Techniques (LIRDIST). Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Faculté des sciences Dhar El Mahraz. Fès. Maroc.
2. Académies régionales d'éducation et de formation (AREF) Fès-Boulmane, Ministère de l'Éducation nationale et de la formation professionnelle, Maroc.

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

Références

Abouhanifa, S., Kabbaj, M., Belmadani, M., Khalfaoui, M. et Hanini, M. (2008). L'outil informatique : Défis d'intégration et objet de formation des enseignants de mathématiques dans le secondaire. Revue Sesamath n° 8 de Janvier 2008. Consultable en ligne :
http://revue.sesamath.net/spip.php?article121

Alj, O. et Benjelloun, N. (2013). Intégration des TIC dans l'enseignement des sciences physiques au Maroc dans le cadre du programme GENIE : difficultés et obstacles. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire (RITPU), 10(2), 49-65. Récupéré du site de la revue :
http://www.ritpu.org/IMG/pdf/RITPU_v10_n02_49-pdf.pdf

Biaz, A., Bennamara, A., Khyati, A. et Talbi, M. (2009). Intégration des TIC dans le travail enseignant, état des lieux et perspectives. EpiNet, 120. Récupéré du site de l'association Enseignement Public et Informatique (EPI) :
http://epi.asso.fr/revue/articles/a0912d.htm

Bouchard, G. (2000). Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde, Montréal, Les Éditions du Boréal, 2000, p. 37-76

Charlier, B., Daele, A. & Deschryver, N. (2002). Revue des Sciences de l'Éducation, 28 (2). Vers une approche intégrée des technologies de l'information et de la communication dans les pratiques d'enseignement. Consultable en ligne :
http://www.erudit.org/revue/rse/2002/v28/n2/007358ar.html

Cox, M., Abbott, C., Webb, M., Blakeley, B., Beauchamp, T. et Rhodes, V. (2004). A review of the research literature relating to ICT and attainment (rapport de recherche). Londres, British Educational Communications and Technology Agency (Becta). Récupéré de l'archive DERA de l'Institute of Education de l'Université de Londres :
http://dera.ioe.ac.uk/1600/1/becta_2003_attainmentreview_queensprinter.pdf

El Bachari E., El hassan A. et El-Adnani M. (2010). Projet d'innovation techno pédagogique dans l'enseignement secondaire au Maroc : retour d'expérience. RADISMA, n° 6 (2010). Consultable en ligne :
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NOTES

[1]  Ce concept permet aux enseignants en formation de mener un projet d'action favorisant un apprentissage collaboratif. Les auteurs présentent trois projets de recherche-action- formation : le projet Learn-Net; le projet Intégration et exploitation d'Internet en classe dans le domaine de l'apprentissage des sciences et le projet Form@Hetice.

[2] Abouhanifa et al. (2008).

[3] Maouni et al. (2014).

[4] Alj et Benjelloun (2013b).

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Janvier 2016

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