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Des formations universitaires diversifiées
à l'Informatique et aux Technologies de l'Information
et de la Communication (TIC)
pour les enseignants du primaire et du secondaire

Association Enseignement Public et Informatique (EPI)
 

   La formation des enseignants est l'une des missions traditionnelles de l'Université. Pour ce qui concerne l'Informatique, le numérique et les TIC, omniprésents dans la société du 21e siècle, lui correspondent des enjeux forts pour :

  • l'économie, les entreprises et les administrations : l'informatisation est la forme contemporaine de l'industrialisation,
  • la vie de tous les jours,
  • la société en général.

   Lui correspondent également, de par les statuts éducatifs distincts de l'informatique, des besoins de formation nécessairement diversifiés des enseignants. L'informatique s'immisce dans les objets, les méthodes et les outils des savoirs constitués, transformant leur « essence » ; leur enseignement doit évidemment en tenir compte. L'informatique (re)devient une discipline scolaire de l'enseignement général. Les TIC sont outil pédagogique, transversal et spécifique, qui enrichit la panoplie des instruments de l'enseignant avec la question essentielle de leur bonne insertion dans les démarches et scénarios d'apprentissage. L'ordinateur et les réseaux sont également outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves et de la communauté éducative. Et l'on sait qu'il existe une complémentarité entre l'objet d'enseignement et l'outil pour enseigner qui se renforcent mutuellement.

   On peut donc distinguer les profils de formation suivants :

  • les enseignants d'une discipline donnée (peu ou prou toutes les disciplines, d'une manière spécifique) ;
  • les professeurs de la discipline scientifique et technique informatique ;
  • l'ensemble des enseignants pour qui il s'agit d'une formation à l'exercice de leur métier ; avec deux niveaux de formation : pour les enseignants et pour les formateurs.

 
Les enjeux

   Ré-industrialiser suppose impérativement de pouvoir s'appuyer sur une forte compétence informatique diversifiée et largement partagée. En effet, l'informatique intervient dans l'économie de plusieurs façons essentielles, aux niveaux suivants [1] :

  • la production de biens manufacturés ou agricoles, de par l'automatisation de plus en plus poussée des processus de production ;

  • la création de nouveaux produits ou l'amélioration de produits anciens par l'introduction de puces et de logiciels dans la plupart des objets ou machines, afin d'assurer des fonctions de plus en plus nombreuses avec plus de précision et de fiabilité que ne pouvaient en donner les hommes ou les mécanismes traditionnels. Ceci est particulièrement visible dans les transports, mais tous les pans de l'activité économique sont désormais touchés ;

  • la gestion des entreprises et des administrations : les programmes informatiques ont depuis longtemps remplacé les méthodes traditionnelles de comptabilité et de gestion des stocks ou des commandes. Ils font place désormais à des systèmes d'information qui gèrent tous les flux d'information nécessaires à chaque acteur, quel que soit son positionnement dans l'organisation. En ce sens le système d'information devient le système nerveux de l'entreprise ;

  • la communication entre les personnes à l'aide de nouvelles formes d'échanges, la transmission des objets culturels, la recherche de tous types d'informations, avec une créativité applicative qui ne fait que grandir, etc.

   Or, concernant l'enseignement de l'informatique, le rapport Stratégie nationale de recherche et d'innovation, SNRI, faisait en 2009 le constat que « la majorité des ingénieurs et chercheurs non informaticiens n'acquièrent pendant leur cursus qu'un bagage limité au regard de ce que l'on observe dans les autres disciplines ».

   On ne compte plus les débats de société suscités par l'informatique et le numérique : transposition de la directive européenne DADVSI, loi Hadopi, neutralité du Net, libertés numériques, vote électronique... Ces débats se déroulent sur fond d'interopérabilité, de DRM, de code source, de logiciels en tant que tels. Et très souvent on constate un sérieux déficit global de culture informatique.

   Il y a un enjeu majeur de culture générale scientifique et technique informatique pour tous, pour « l'homme, le travailleur et le citoyen ». La question se pose de savoir quelles sont les représentations mentales opérationnelles, les connaissances informatiques scientifiques et techniques qui permettent à tout un chacun d'exercer sa citoyenneté dans la société du 21e siècle. Et aussi celle de savoir quelle est la réponse institutionnelle pour les donner aux élèves. Comment l'École donne-t-elle une culture générale ?

   Depuis longtemps, nous savons qu'il est indispensable que tous les jeunes soient initiés aux notions fondamentales de nombre et d'opération, de vitesse et de force, d'atome et de molécule, de microbe et de virus, etc. Notamment parce que les sciences physiques sous-tendent les réalisations industrielles, pour que le citoyen ait des références pour se faire son opinion sur le nucléaire ou les OGM... Ces initiations se font dans un cadre disciplinaire.

   Il doit en aller de même pour l'informatique. Il est incontournable d'initier les élèves de la même façon, c'est-à-dire avec une discipline en tant que telle, aux notions centrales de l'informatique, devenues tout aussi indispensables : celles d'algorithme, de langage et de programme, de machine et d'architecture, de réseau et de protocole, d'information et de communication, de données et de formats, etc. La rentrée 2012 a vu la création en Terminale S d'un enseignement de spécialité optionnel « Informatique et Sciences du numérique ». C'est un premier pas positif qui en appelle d'autres. L'extension de cet enseignement en Terminales ES et L est annoncée par le ministre de l'Éducation nationale.

 
Des formations universitaires diversifiées

L'évolution des disciplines enseignées

   De manières différenciées, toutes les disciplines sont concernées. Prenons un exemple en SVT. Avec le paradigme de la biologie moléculaire sur les rôles de l'ADN, l'informatique occupe déjà une place importante dans la recherche. Un professeur de SVT de l'enseignement scolaire n'est certes pas un chercheur de l'Institut Pasteur, cela étant sa formation à la discipline, dont il est le spécialiste au collège et au lycée, doit intégrer cette évolution.

   Autre exemple. L'informatique a provoqué les mutations majeures que l'on sait dans l'appareil de production, les entreprises. Conséquence, les métiers et les qualifications ont évolué d'une manière substantielle. Conséquence éducative, les enseignements techniques et professionnels se sont profondément transformés et les ordinateurs s'y sont banalisés depuis 25 ans déjà : le traitement de texte a supplanté la machine à écrire, le gestionnaire de bases de données le fichier carton, le logiciel de DAO la planche à dessin, la machine à commandes numériques l'étau-limeur, etc.

L'enseignement de l'informatique et la formation des professeurs d'informatique

   Un enseignement de spécialité optionnel « Informatique et Sciences du numérique » a donc été créé pour la rentrée 2012 en Terminale scientifique. Le programme d'ISN porte sur les quatre grands domaines de la science informatique : algorithmique, programmation, théorie de l'information, architecture et machines dont les réseaux. Il s'agit en fait d'une recréation puisqu'en 1992 l'option informatique des lycées d'enseignement général avait été supprimée. Rétablie à la rentrée 1995, elle avait été à nouveau supprimée à la rentrée 1998. Prend ainsi fin un paradoxe qui voyait une composante majeure de la science contemporaine (1/3 de la R&D de par le monde mais 18 % seulement en Europe), dont les applications ne cessent de se développer, être absente de l'enseignement scolaire.

   Cette recréation est partielle puisque ne concernant que les élèves de terminale S alors que l'option informatique des années 80-90 s'adressait aux élèves de seconde, première et terminale des différentes séries. Cet enseignement ISN pour les terminales scientifiques est, répétons-le, un premier pas qui en appelle d'autres, vers une extension aux autres niveaux et aux autres séries. En effet, l'enjeu de culture générale afférent vaut pour tous les élèves.

   Discipline à part entière de l'enseignement scolaire, l'informatique ne doit pas subir un sort particulier concernant la formation des professeurs qui l'enseignent. Dans un terme à préciser, l'objectif ne peut être que, à l'instar de ce qui se fait pour les autres disciplines, un Capes et une agrégation.

   Une proposition de programme pour la formation des enseignants a été élaborée en 2010 [2]. Correspondant à cette proposition de programme, un manuel « Introduction à la science informatique » a été publié en 2011 [3].

   Actuellement des stages de formation d'enseignants de la spécialité sont organisés dans toutes les académies. On constate des différences significatives d'une académie à l'autre. Le Ministère de l'Éducation nationale a pour le moment fait le choix d'une procédure d'« habilitation ».

   Les problématiques de la formation des (futurs) enseignants rejoignent ici celles des élèves. En effet, pour tous les professeurs des années à venir, un enseignement de l'informatique, au lycée, au collège et à l'école primaire, donnant les fondamentaux de culture générale de la discipline, sera indispensable et fera gagner du temps ultérieurement.

Un outil pédagogique et la formation de tous les enseignants

   Autre enjeu de formation, celui qui correspond à l'objectif d'amener les professeurs à enseigner avec les TICE, pour une part bien sûr et dans le cadre de leur liberté pédagogique. Il s'agit de maîtriser des outils complexes pour les utiliser avec discernement, pour faire mieux, autrement ou simplement faire ce que l'on ne pouvait pas faire avant le numérique. Il faut savoir ce que l'on peut raisonnablement attendre de ces outils. Il faut connaître leurs potentialités et leurs limites. Et il y a les évolutions du système éducatif qui, comme les autres administrations, intègre l'informatique dans son fonctionnement quotidien.

   Le rôle de l'enseignement supérieur dans la formation des enseignants est ici aussi fondamental. Le nouveau contexte pédagogico-éducatif suppose, à l'image de l'enseignement des disciplines que nous venons d'examiner, des connaissances, des savoirs, des représentations mentales opérationnelles en matière d'informatique et de numérique. C'est indispensable pour pouvoir se faire une opinion sur ce qui est nouveau, d'une manière autonome et dans le dialogue avec les collègues et les spécialistes. En un mot, il faut savoir « ce qu'il en retourne ». Comme le citoyen qui, disions-nous, participe aux débats sur le nucléaire en s'appuyant sur les connaissances scientifiques qu'il a acquises en sciences physiques lors de sa scolarité, et à ceux sur les OGM en se rapportant à ses cours de SVT, l'enseignant doit pouvoir réfléchir aux problématiques pédagogiques et éducatives en s'appuyant sur une bonne culture générale informatique qui est de fait, au 21e siècle, l'une des conditions nécessaires de l'exercice du métier d'enseignant. Elle conditionne sa formation professionnelle. La difficulté au quotidien de la pédagogie et de la didactique réside notamment dans la variété et la multiplicité des problématiques, nouvelles et/ou revisitées. Il y a ce qui doit changer et ce qui, pour l'essentiel, ne bouge pas, le temps de la pédagogie étant le temps long. La diversité des problématiques pédagogiques dans le contexte du numérique implique à la fois formation scientifique informatique culturelle initiale et formation professionnalisante intégrant en particulier maîtrise technique et pédagogique des outils informatiques.

Outil de travail

   L'informatique et les TIC sont outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves et de la communauté scolaire. Cet aspect est entré dans les moeurs, notamment la bureautique pour préparer un cours ou un exposé d'autant plus que fabriquer tranquillement chez soi un document de cours est nettement plus aisé que de l'utiliser ensuite en classe. Les uns et les autres naviguent sur internet. Ils y récupèrent des documents divers réalisés avec un traitement de texte, un tableur, un grapheur... Leurs recherches sont bien sûr facilitées par des moteurs. Des formes nouvelles de travail coopératif, de production et de mutualisation des ressources, de circulation de l'information émergent. Et se mettent en place les ENT, avec des difficultés.

Paris, 11 septembre 2012

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI
(association Enseignement Public et Informatique)

Ce document au format PDF : http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1209h.pdf

NOTES

[1] Voir : « L'informatique à l'école : il ne suffit pas de savoir cliquer sur une souris » :
http://www.rue89.com/2012/06/28/linformatique-lecole-il-ne-suffit-pas-de-savoir-cliquer-sur-une-souris-233389

[2] Elle faisait suite à une audience avec Érick Roser, Conseiller du Ministre de l'Éducation nationale pour les affaires pédagogiques et Benoît Labrousse, Conseiller technique (nouvelles technologies, éditeurs, multimédia), le 22 mars 2010. Au nom de l'EPI et du groupe ITIC de l'ASTI (Association Française des Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication), Jean-Pierre Archambault, Gérard Berry, Gilles Dowek et Maurice Nivat avaient élaboré une proposition de programme pour la formation des professeurs d'informatique. Elle avait été discuté avec les groupes ITIC de l'ASTI et de l'EPI, avec l'association SPECIF qui fédère la communauté des enseignants en informatique à l'Université, ainsi qu'avec plusieurs autres collègues enseignants et/ou chercheurs.
http://www.epi.asso.fr/revue/editic/asti-itic-prog-prof_1004.htm

[3] « Sortie du manuel Introduction à la science informatique » :
http://www.framablog.org/index.php/post/2011/09/06/manuel-informatique-sciences-numeriques

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