Cartographie numérique une nouvelle approche
 

   À l'heure ou les GPS sont devenus des objets communs, ou les smartphones et autres tablettes offrent chaque jour des fonctions de géolocalisation et de guidage, la notion même de cartographie change sous nos yeux.

   Nombreux sont ceux qui se rappellent des cartes murales qui peuplaient il y a peu – et quelquefois sans doute encore – les cabinets d'histoire et géographie, les recueils de « fonds de carte » que l'élève devait progressivement renseigner par des ajouts divers, ou encore les cartes de France en plastique que chaque écolier avait, il y a finalement peu de temps, dans son cartable.

   La carte reste toujours une forme de modélisation de l'espace physique, que l'on projette en une représentation plane, et à laquelle on intègre diverses informations : nommages des lieux, nature des voies de communication, éléments d'information sur l'espace physique, mais aussi éléments statistiques de toutes natures (données écologiques et économiques, informations météo, etc.).

De la carte numérisée à la carte vectorielle

   La carte électronique offre bien d'autres possibilités, par exemple avec la capacité d'afficher sur une carte existante toutes sortes d'informations disponibles dès lors qu'elles sont assorties de données de positionnement. Dès le milieu des années 90, diverses applications comme Géoscope (LM Soft) exploitaient ainsi les données d'observation issues des travaux de la NASA pour croiser sur un même fond de carte des données de nature différente, et en apprécier visuellement les corrélations. Il devenait ainsi possible d'associer, sur un même document produit à l'écran, des données démographiques et économiques, météorologiques et agricoles, etc. Depuis cette date, la carte électronique a trouvé progressivement sa place dans les applications professionnelles (navigation maritime et aérienne, cadastre, météorologie, etc.). Il s'agissait dans un premier temps de cartes en mode « raster », c'est-à-dire des images bitmap issues de la numérisation des cartes papier. La simple utilisation des coordonnées géographiques permettait d'y superposer d'autres données, mais les effets de zoom imposaient soit l'usage de « loupes », soit la transition entre des cartes numérisées d'échelles différentes.

   Le début des années 2000 voit alors le développement de cartes dites « vectorielles », dans lesquelles le fond de carte est constitué d'objets échantillonnés ; les données affichées (noms de lieux, sites, etc.) sont alors intégralement stockées sur des bases de données, associées à des informations de géopositionnement. Le zoom y est, au moins en apparence, plus continu, les détails d'affichage étant modulés en fonction de l'échelle.

Données publiques et géopositionnement

   Dès lors, diverses instances territoriales se sont orientées vers la constitution de systèmes d'information géographiques (SIG), permettant de gérer les données relevant traditionnellement de leur administration, comme par exemple le cadastre pour les communes. En région Provence Alpes Côte d'Azur, par exemple, les instances régionales (Conseil régional, Préfecture de Région) ont engagé très tôt une action d'acquisition des données géographiques détenues par l'IGN, afin de les mettre à disposition des acteurs publics gérant des applications SIG (par exemple les communes)

   L'évolution actuelle dans le cadre de l'ouverture des données publiques (open data) prend une dimension bien plus large, avec notamment le projet de constituer un « Cadre numérique territorial de référence » visant à adopter des standards d'accès aux données communs à l'ensemble des acteurs publics.

   Qu'il s'agisse des lieux culturels, du patrimoine naturel ou pas, des données des opérateurs de transport ou de tourisme, etc., on comprend aisément l'intérêt qu'il y a à mutualiser des données de géolocalisation, dès lors que l'on a réussi à s'entendre sur des standards communs.

Du meilleur au pire

   C'est évidemment un large gisement de nouveaux services à l'usager qui s'ouvre : on pense évidemment aux dimensions d'enrichissement des possibilités offertes à la créativité des acteurs, mais les préoccupations économiques ne sont évidemment pas absentes.

   Et, bien sûr, les inquiétudes quant aux atteintes à la vie privée ne sont pas loin, avec par exemple la possibilité de présenter à l'usager à chaque instant les publicités liées aux lieux traversés, mais aussi la facilité technique – sinon légale – de suivre les déplacements des individus. En s'amusant avec le GPS d'un Smartphone, objet commun s'il en est aujourd'hui, il n'est pas rare que la machine sollicite l'utilisation d'utiliser les données de géolocalisation du poste pour tel ou tel service. Données aussitôt transmises via le réseau dès l'autorisation donnée...

Comprendre pour mieux utiliser

   Si la cartographie électronique et la géolocalisation deviennent aujourd'hui banales, il apparaît essentiel de mieux en connaître les principes et le fonctionnement pour les utiliser de façon pertinente. Si on apprenait jadis le principe des données géographiques et la notion d'échelle, voire les projections Lambert ou Mercator, ce sont aujourd'hui des connaissances et compétences supplémentaires qui sont nécessaires pour exploiter de façon pertinente.

   Ce souci pédagogique a conduit l'Institut géographique national (IGN) a prendre l'initiative d'offrir des services d'accès aux services de cartographie. C'est d'abord le Géoportail qui a permis d'accéder à une diversité de données gratuites issues non seulement de l'IGN, mais aussi du BRGM et du ministère chargé de l'environnement. Et, depuis 2008, Édugeo vient permettre l'accès à des données et des services plus détaillés pour un ensemble de zones choisies.

Bulletin Corrélyce

 
Édugéo, utiliser l'IGN à l'école

Philippe Caracchioli
 

   Édugéo reprend les données du Géoportail et permet d'accéder à la richesse des cartes et des données de l'Institut Géographique National. La fiabilité scientifique est donc garantie et, aujourd'hui, aucun autre service ne propose des données aussi précises. En particulier, la richesse des cartes au 1 : 25 000 qui apportent aux élèves un niveau de renseignement sur l'occupation humaine très important et le « modèle numérique de terrain » qui assure un rendu très fidèle en 3D sont inégalés. Cette précision permet, par exemple, d'opérer une visualisation très spectaculaire des cartes par drappage sur un relief. D'autre part, la présence de métadonnées très précises dans l'aide éclaire la confection, parfois très complexe, des cartes et des dalles photographiques et renforce une scientificité de nos sources à laquelle nous sommes très attachés. Aujourd'hui Édugéo propose quinze thèmes de données qui peuvent chacun offrir une ou plusieurs couches. Ces données seront complétées par la suite, en fonction aussi de l'évolution générale du Géoportail.


Grenoble 3D.

Des zones sélectionnées

   Des espaces choisis par les inspections régionales et générales pour répondre à nos problématiques d'enseignement.

   Si Édugéo couvre l'ensemble du territoire français, le coût de la numérisation des données anciennes a obligé au choix d'un espace par académie comme support aux activités utilisant la diachronie. Chacune de ces zones occupe au minimum 1 500 kilomètres carrés et possède un intérêt pédagogique spécifique mais elle peut donner lieu à d'autres exploitations thématiques. Par exemple, la zone de l'agglomération marseillaise choisie pour traiter des espaces portuaires peut aussi être le moyen d'aborder plus largement la mise en valeur des littoraux et les dynamiques urbaines, un ajout récent invite à travailler sur la péri urbanisation au nord de l'agglomération. Les zones de Marne-la-Vallée et de Roissy font découvrir la mise en place de grands aménagements de tourisme et de transport. Des cahiers pédagogiques donnent des pistes d'utilisation et indiquent les problématiques qui peuvent être abordées. Ces cahiers sont aujourd'hui au nombre d'une dizaine mais à terme toutes les zones seront couvertes.


Roissy 1978.

Des données diachroniques

   Spécialement pour le service Édugéo, l'IGN a engagé un très gros chantier de numérisation et géoréférencement de données anciennes remontant aux années 1950. Le but n'est pas de proposer une approche historique, ce choix s'inscrit bien dans une démarche géographique. Ce travail, unique et extrêmement complexe, conduit, en partant de l'analyse actuelle de l'occupation de l'espace, à faire dégager aux élèves des dynamiques d'évolution des territoires. L'intégration de la carte de Cassini, commune avec le Géoportail, fait remonter bien plus loin dans le temps, avec bien sûr toutes les précautions nécessaires quant à l'usage des données anciennes : précision et choix cartographiques très différents.

Une grande facilité de mise en oeuvre

   Édugéo est un service entièrement en ligne. Cette solution, si elle peut engendrer des contraintes et nécessite un débit internet correct, a l'avantage de ne nécessiter aucune installation sur les postes et s'affranchit largement des contraintes du réseau. Le système d'identification par le portail Corrélyce et l'utilisation des identifiants de l'établissement permet un maniement facile et éventuellement hors de la situation de classe. Les fichiers « croquis » peuvent être stockés sur une clé USB ou une plate-forme extranet et récupérés ensuite en cours.

Un outil de croquis conçu pour l'enseignement

   Atout majeur, Édugéo propose un outil de dessin vectoriel qui va permettre d'annoter les cartes affichées et de construire La zone de Plan de Campagne, entre 1969 et aujourd'hui, des croquis. S'il peut être encore difficile, en l'état de développement du service, de construire des croquis complexes, l'outil est parfaitement adapté à la création de schémas de repérage ou de croquis simples. Édugéo donne la possibilité de dessiner, au-dessus des couches superposées, des polygones colorés, de placer des figurés linéaires et ponctuels, ainsi que des symboles et du texte. À la différence des solutions comparables, Édugéo est le seul outil à proposer une légende en plusieurs volets qui correspond à nos attentes pédagogiques. Le croquis avec la légende est imprimable et il est également possible de le sauvegarder sous la forme d'un fichier au format XML qui contient l'ensemble des données (couches ouvertes, éléments graphiques et légende). Le croquis pourra donc être réouvert ultérieurement dans Édugéo et complété au sein ou hors de la classe.


Outil de croquis, Roissy.

Des données téléchargeables et un logiciel SIG pour aller plus loin

   Au-delà de l'usage en ligne il est possible de télécharger les données et de les rapatrier sur un ordinateur local. Cela présente l'avantage de s'affranchir des problèmes de débit et surtout de pouvoir les utiliser, à l'aide d'un logiciel spécialisé, dans le cadre d'un Système d'Information en Géographie (SIG). Les données sont fournies dans des formats SIG classiques lus par de nombreux logiciels propriétaires mais aussi libres et gratuits. Édugéo propose d'ailleurs, dans le cadre de l'abonnement, un logiciel adapté. Il s'agit du SIG « Édugéo », une déclinaison, avec une interface simplifiée et très accessible, du logiciel libre QuantumGis. Ce logiciel, dans ses deux interfaces, réduite et complète, permet un traitement des données très riche avec la possibilité de faire formuler par les élèves des requêtes logiques et spatiales. Par ailleurs, les données en ligne peuvent être consultées avec le logiciel SIG. Bien sûr, le maniement du SIG reste assez technique et une formation des enseignants est souhaitable.

Une plate-forme de partage et un site d'aide

   Une plate-forme de partage est disponible. Les enseignants y disposent d'un espace de travail où ils peuvent déposer des documents lors de la confection de leurs projets pédagogiques et où les élèves ne peuvent accéder. Lorsque le projet est terminé, le professeur a la possibilité de le publier dans un « Espace des projets » où il peut rassembler l'ensemble des documents nécessaires à l'activité. L'ensemble des professeurs et des élèves inscrits à Édugéo aura alors accès à ces ressources.

   Un « Espace public » propose un niveau d'ouverture encore plus important et les documents pourront être vus y compris par les non-abonnés à Édugéo. Des activités sont déjà en ligne. Édugéo possède enfin un site d'aide en ligne très complet. Les enseignants y trouveront des didacticiels sous forme écrite et vidéo, mais aussi les métadonnées. Une « Foire aux questions » (FAQ) très précise complète le dispositif.

Philippe Caracchioli,
interlocuteur académique TICE H&G

Paru dans le Bulletin d'informations Corrélyce n° 18, mars 2011, édité par le CRDP de l'académie d'Aix-Marseille.
http://www.correlyce.fr/actus/article186.html
http://www.correlyce.fr/actus/IMG/pdf/CorrelyceN18_2_.pdf
Illustrations de l'EPI d'après l'espace presse d'Édugéo.
http://www.edugeo.fr/presse.do
Cette création est mise à disposition selon le contrat
Creative Commons Paternité-Pas d'Utilisation Commerciale-Partage des Conditions Initiales à l'Identique 2.0 France
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/

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Association EPI
Avril 2011

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