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Rencontre du 27 novembre 2017
de la Ligue des droits de l'Homme, le Creis-Terminal,
l'EPI, la Ligue de l'Enseignement, la PEEP et la SIF,
la FCPE étant excusée,
avec la Mission sur les données numériques
à caractère personnel au sein de l'Éducation nationale

 

   La rencontre [1] s'est inscrite dans la continuité de la demande d'audience que nous avions faite au ministre de l'Éducation nationale suite au courrier du directeur du numérique du 12 mai 2017. Ce courrier autorise, incite même à l'utilisation par les établissements scolaires des outils et services des grandes multinationales du numérique. Il a suscité une grande et légitime émotion de la part des parents d'élèves, de syndicats d'enseignants, d'associations. Nous avons réaffirmé que l'on ne doit pas donner les clés de la maison Éducation nationale aux GAFAM. Si les GAFAM sont là, c'est aussi parce que l'institution éducative les y invite depuis de longues années. Dans son communiqué du 23 mai, la CNIL a appelé à un encadrement des services numériques dans l'éducation. Et nous n'avons pas connaissance d'autres ministères européens de l'Éducation ayant passé un accord avec les GAFAM pour les données scolaires.

   La rencontre a donné lieu à des échanges riches, approfondis et constructifs. La mission a rendu un pré-rapport le 15 décembre et rendra son rapport définitif à la fin janvier 2018.

Les enjeux des données scolaires sont multiples

   Pour les associations reçues :

  • Ils sont démocratiques avec cet enjeu essentiel de liberté numérique, de sécurité et de confidentialité des données, de droit à l'oubli. Il ne faut pas confier, brader aux GAFAM les données personnelles et scolaires des élèves et leurs traitements possibles.

  • Ils sont pédagogiques. L'École doit rester un bien commun et ne pas devenir un domaine livré à la marchandisation. Il faut développer la formation des enseignants et des élèves à l'informatique (qui ne saurait se confondre avec l'initiation et la familiarisation aux outils des GAFAM) et les sensibiliser à ses enjeux sociétaux. Il faut favoriser l'usage de moteurs de recherche variés (et adaptés aux enfants), non capteurs de données, ainsi que l'utilisation des logiciels et des ressources libres.

  • Ils sont économiques. Il faut réguler le secteur. Des entreprises françaises ont développé les Environnements numériques de travail (ENT) qu'il ne faut pas abandonner. Passer ainsi d'un extrême à l'autre (milieu fermé vers milieu ouvert), alors que tous les établissements ou presque sont aujourd'hui équipés en ENT – encore peu ou mal utilisés – interroge parents et enseignants.

   Et les enjeux ont à voir fortement avec l'indépendance nationale, la souveraineté et la sécurité.

Les échanges ont notamment porté sur des importantes questions à traiter :

  • la transparence, l'information des usagers sur le traitement de leurs données (quel stockage, quelle confidentialité ?) ;
  • la définition des données scolaires des élèves comme étant des données sensibles à l'instar des données de santé ;
  • quel droit appliquer pour l'utilisation de ces données ? français, européen, américain ? ;
  • quelles délégations de service public à organiser et à contrôler ?
  • la trace des internautes, les données personnelles mais aussi les traitements effectués sur ces données personnelles qui doivent être clairement identifiés. Aujourd'hui le Ministère met à disposition des données sans savoir ce qu'elles vont devenir, pour quelles finalités elles seront utilisées. L'apport de l'intelligence artificielle est particulièrement prometteur pour personnaliser la pédagogie en fonction de l'élève, mais les risques de dérives – comme garder des traces sur les lacunes de l'élève, discriminations, etc. – doivent également être pris en compte.

Il faut :

À court terme, et dans tous les cas :

  • héberger les données scolaires sur le territoire national ;
  • tendre vers une anonymisation irréversible des données (sachant qu'il est possible de ré-identifier les individus) ;
  • interdire les utilisations commerciales ;
  • interdire les études non demandées et contrôlées par l'Éducation nationale, notamment les analyses qui pourraient être faites par les hébergeurs ;
  • interdire la communication des données scolaires à des États étrangers et à leurs services (renseignement...) ;
  • interdire la diffusion de données aux entreprises et autres organismes sauf sous formes agrégées.

À moyen terme :

  • développer des applications autres que vie scolaire pour les ENT, des applications pédagogiques ;
  • lancer un chantier de « Cloud » éducatif sécurisé propre à l'Éducation nationale ;
  • dans ces développements, donner toute leur place aux logiciels libres ;

À long terme :

  • agir pour le développement d'entreprises du numérique au niveau national et/ou européen, pour des clouds souverains aux plans national et/ou européen, avec des applications de type Google ou Facebook qu'il nous faut développer. Des exemples de par le monde montrent que c'est possible. Ainsi, en Russie, les citoyens ont le choix entre les GAFAM et l'Internet russe (qu'ils préfèrent), et les GAFAM ont l'obligation de stocker les données des citoyens russes sur le territoire national (voir article du Monde Diplomatique d'août 2017) ;
  • prendre en compte l'avènement de l'intelligence artificielle – ses apports et ses dérives – dans la personnalisation de la pédagogie.

Association Enseignement Public et Informatique

NOTE

[1] Ont participé à la rencontre :

- Pour la Mission, les Inspecteurs généraux Jean-Marc Merriaux, Gilles Braun, Jean-Aristide Cavaillès, Jean-Marc Moullet.

- Pour la délégation :
Jean-Pierre Archambault, président de l'association Enseignement Public et Informatique.
Maryse Artiguelong, vice-présidente de la Ligue des droits de l'Homme.
Christine Froidevaux, vice-présidente de la Société Informatique de France.
Hélène Grimbelle, secrétaire générale adjointe de la Ligue de l'Enseignement.
François Lasne, administrateur de la Fédération des Parents d'Élèves de l'Enseignement Public.
Daniel Naulleau, Creis-Terminal

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Association EPI
Janvier 2018

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