Ressources partagées sur le Web.
Le cas des disciplines artistiques

Yves Hulot
 

   L'utilisation de ressources offertes par le web pose un certain nombre de problèmes en particulier pour les disciplines artistiques. Techniques tout d'abord. De nombreuses ressources, potentiellement intéressantes, ont un format qui limite leur usage en classe – compression audio trop forte ; taille, définition ou résolution d'images ou de vidéos trop faibles – quand ce n'est pas le matériel de diffusion, notamment audio, qui interdit, essentiellement dans les écoles primaires, de parler honnêtement de développer la sensibilité auditive par l'écoute d'oeuvres. Elles sont en revanche de plus en plus utilisées pour la recherche et le travail de préparation des enseignants, ou pour le travail de recherche effectué par les élèves. Ce qui est une bonne chose. Cependant cet aspect technique n'est pas le plus problématique. Les développements techniques permettent et permettront d'améliorer et de développer de nombreux usages, mais ils viennent hélas buter sur les limites d'un cadre juridique peu ou pas adapté et par trop contraignant.

   Ces limitations et contraintes juridiques proviennent pour une part des accords sectoriels signés entre le ministère de l'Éducation nationale et des représentants d'ayants-droit. La seule mise en ligne autorisée est celle d'images à condition qu'elles soient intégrées à un travail pédagogique ou de recherche. Au nombre de 20 maximum, pour une dimension de 400×400 pixels et 72 DPI de définition. Pas de recadrage, ni d'accès direct, ni d'indexation. Déclaration à l'AVA obligatoire. C'est bien peu, et c'est lourd.

   Si l'on souhaite mettre en ligne des ressources audio ou audiovisuelles, il faut se déclarer auprès de SESAM qui fixe ses propres modalités d'utilisation pour 100 oeuvres par mois

  • Oeuvre audiovisuelle : extrait d'une durée maximale de 6 minutes, représentant moins de 10 % de la durée totale de l'oeuvre, et comportant l'image et le son sans aucune modification ni coupure ;

  • Oeuvre musicale : extrait d'une durée maximale de 45 secondes, représentant moins de 20 % de la durée totale de l'oeuvre, sans aucune coupure ;

  • Oeuvre d'art plastique et graphique : format qui ne doit pas excéder une définition de 500×500 pixels et une résolution de 72 DPI ;

  • Oeuvres textuelle : l'oeuvre textuelle est comptabilisée par feuillet de 1 500 caractères, soit 25 lignes de 60 signes d'un même auteur. Tout feuillet entamé est comptabilisé comme une oeuvre supplémentaire.

pas de téléchargement, déclaration trimestrielle des oeuvres mises à disposition sur le site internet, coût : 10 € HT pour un maximum de 10 oeuvres par mois, 100 € HT pour un ensemble de 11 à 100 oeuvres par mois s'il y a moins de 200 000 pages vues par mois (PAVM) (majoration de 1 € HT pour 100 000 PAVM pour un maximum de 10 oeuvres et de 10 € HT de 11 à 100 oeuvres).

   D'un point de vue pratique et d'un point de vue budgétaire, ce dispositif est lourd, compliqué et pour finir fortement dissuasif pour les quelques bonnes volontés qui voudraient sacrifier de leur temps à mettre en ligne, pour leurs ouailles, des oeuvres protégées et ce, dans le respect du droit. C'est d'autant plus dommage qu'avec de véritables bases de données d'oeuvres accessibles sur intranet par exemple, la transmission de la culture trouverait un puissant levier. Mais les accords ne les autorisent pas. Et même sans aller jusque là, que dire lorsqu'il n'est pas envisagé de pouvoir aisément constituer des bases de liens hypertextes qui pointent sur des extraits audios de sites comme Amazon, alors qu'ils ne les autorisent que sur leurs pages d'accueil ?

   Si l'on souhaite diffuser ou projeter en classe depuis internet, les accords autorisent les usages suivants (dans le cas de la formation initiale seulement) :

  • tout enregistrement audio (même intégral) ;
  • toute image, texte ou de partition ;
  • toute oeuvre audiovisuelle obtenue par un canal hertzien gratuit ou la TNT gratuite.

   Avec les réserves sur la qualité audio et vidéo des oeuvres mises sur le net, on peut se demander si ces autorisations valent aussi pour les oeuvres audiovisuelles issues de ces canaux hertziens gratuits et diffusées sur Youtube ou Dailymotion.

   Enfin, si l'on souhaite reproduire ou distribuer des oeuvres protégées on constate amèrement que les accords sectoriels n'envisagent pas la question de la reproduction numérique (hors la mise en ligne d'images intégrées dans des travaux pédagogiques ou de recherche). Ce serait pourtant bien utile pour prolonger le travail d'écoute et d'analyse en classe, pour donner du grain à moudre aux professeurs des écoles en formation IUFM ou en stage. En dehors de ce cadre, Le Site TV et le site de l'INA autorisent par voie d'abonnement une copie de leurs programmes ou fichiers numériques pour le personnel éducatif d'un établissement abonné. Il faudra donc attendre l'application de l'exception pédagogique, qui entrera en vigueur en 2009, pour voir autorisée, sous certaines conditions, la reproduction d'extraits d'oeuvres. Enfin même si la directive européenne 2006/115 « Prêt et Location » dans son article 10 b permet aux états membres de limiter le droit des titulaires : « lorsqu'il y a utilisation uniquement à des fins d'enseignement ou de recherche scientifique », la récente transposition de la directive qui donna la loi DADVSI augure mal d'une exception pour cet usage, pourtant si prometteur.

Yves Hulot
Professeur de musique à l'Université de Cergy.

Le présent texte correspond à l'intervention de M. Hulot à la session 2 « De l'usage des ressources partagées sur le Web sans pillage ni plagiat » du colloque international ePrep 2008.
http://www.eprep.org/colloques/colloque08/colloque08.php.

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Association EPI
Octobre 2008

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