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Apprentissage et pédagogie

Agnès Cousin
 

Pédagogie et apprentissage ?

   Pourquoi est-il urgent que ces mots ne soient plus seulement des mots mais qu'ils activent et sous-tendent des pratiques nouvelles dans un contexte aussi défavorisé que l'est celui de Chanteloup, Ville transit pour la plupart des immigrés arrivant en France ?

   Quelles solutions adopter pour que le collège qui accueille plus de trente nationalités différentes soit le lieu de rencontre de cultures si diverses et qu'il devienne, effectivement, le collège de la réussite ? Quelles réponses apporter à une situation d'échec en utilisant l'outil informatique comme élément de dynamique pédagogique dans une perspective d'apprentissage ?

   L'expérience dont nous rendons compte n'a pas la prétention de se proposer comme modèle, elle est cependant une des nombreuses solutions qui ne manquent pas de se mettre en place dans les collèges.

Comment tenter de répondre à une situation d'échec ?

   Les débuts d'une expérience de lutte contre l'échec scolaire : La première classe de 68, 1981-1982.

   Le début de cette expérience remonte à septembre 1981 et s'appuie sur une série d'interrogations posées à quelques enseignants par la lecture des bulletins d'enfants proposés à l'entrée en 6ème et par les difficultés rencontrées par eux au cours de leur(s) première(s) année(s) au collège.

   Une lecture en surface de leurs bulletins conduisait à penser qu'il n'y avait pas d'autres solutions pour eux qu'une entrée en CPPN. Or, une lecture plus approfondie permettait de prendre conscience qu'en fait pour ces enfants, il y avait toujours à un moment donné de leur histoire scolaire la trace d'une réussite dans un domaine quel qu'il fût. En outre, les premières relations avec eux nous signifiaient clairement à quel point ils étaient enfermés dans l'univers clos et très limité de leur propre langage.

   De là s'est imposée à nous avec force la certitude que chacun des enfants dont l'avenir au collège semblait très incertain, du fait des échecs passés accumulés, avait en lui des potentialités intellectuelles que nous devions réactiver et qu'il était urgent de l'aider à élargir le champ de ses investigations langagières.

   Dès lors il nous appartenait de créer les situations valorisantes dans lesquelles l'enfant allait pouvoir agir et réinvestir le domaine depuis longtemps déserté de son fonctionne- ment intellectuel. De plus, il s'agissait à terme de réinsérer l'enfant dans le système scolaire. C'est ainsi qu'a été mise en place au collège une classe de 6e appelée 6B (cette appellation n'a pas d'autre sens que celui d'une commodité interne au collège) classe à effectif allégé (16 élèves) et bénéficiant de conditions de travail au départ semblables à celles des autres classes à la réserve près, mais elle est d'importance, que les problèmes posés par les enfants aux enseignants. ont obligé, en quelque sorte, ces derniers à sortir des sentiers battus de la pédagogie traditionnelle.

   C'est pourquoi, au cours de cette année-là avec le soutien et la participation active de l'équipe administrative un certain nombre de solutions pédagogiques nouvelles ont été mises en place dans la classe (début d'une collaboration étroite entre les collègues de maths et de français, besoin de se concerter très fréquemment pour gérer et organiser le quotidien, interrogation sur un fonctionnement pluridisciplinaire) tandis que s'élaborait dans le même temps le projet pédagogique prévoyant l'utilisation de l'outil informatique comme un des moyens à mettre en oeuvre pour permettre à l'enfant d'investir ou de réinvestir ses capacités langagières.

   À la fin de cette année de 6e, et malgré des progrès tout à fait encourageants d'un certain nombre d'enfants il est apparu nécessaire d'envisager un travail sur deux ans. C'est ainsi qu'a été mise en place la structure de type 6B qui couvre le cycle d'observation au collège. (Pour de plus amples informations tant sur le projet informatique que sur le travail entrepris avec la classe de 6B en 1981-1982, se reporter à Place de l'informatique dans une problématique de la réussite scolaire J.-C. Legrand et A. Cousin, paru dans Échange, n° 2, octobre 1984).

   Notons encore qu'il y a actuellement deux 6e et deux 5e du même type, gérées de façon autonome par les différentes équipes d'enseignants, chacune faisant une lecture personnelle, selon ses propres objectifs, de la problématique mise en place.

Une problématique au service des enfants en difficulté

   Constater les difficultés des enfants ne suffit pas. Il faut aussi tenter de les aider à les résoudre. Répondant à cette nécessité, notre réflexion s'est organisée selon des axes précis. Préalablement, est-il besoin de préciser que, progressivement, au contact des enfants et face aux interrogations qu'ils suscitent, notre problématique évolue, s'affine, à la recherche d'une cohérence toujours plus grande. Cependant, l'évolution est toujours passée au crible des idées qui sous-tendent notre projet.

Une intelligence à valider

   L'enfant qui entre en 6B est en situation d'échec massif. Le moyen le plus sûr pour lui de tenter de prouver qu'il existe est bien souvent de s'enfermer dans une violence tant physique que verbale dont il ne peut pas sortir (à moins qu'il ne se réfugie dans un mutisme extrêmement douloureux.) De plus, son comportement perturbe son fonctionnement intellectuel au point qu'il serait, en surface, légitime de penser qu'il n'a pas les capacités habituellement requises au collège. Dr, nous affirmons qu'un enfant, quel qu'il soit, quelles qu'aient été ses difficultés antérieures, a des possibilités de fonctionnement intellectuel qu'il convient de mettre en valeur par les différentes activités proposées dans le cadre d'une classe et cela d'autant plus qu'il aura connu des échecs répétés par le passé.

   Il faut toutefois souligner que le rôle que nous attribuons à l'école ici – la mise en valeur, le développement de l'intelligence de l'enfant – ne doit pas être joué par elle, seulement pour les enfants en difficulté mais bien aussi pour tous les enfants ; ce qui implique que tout ce qui sera dit ultérieurement au sujet des enfants qui nous ont été confiés peut très bien s'appliquer à des enfants qui ont un mode de fonctionnement plus « standard » et qui s'adaptent plus facilement au moule scolaire.

Une parole à instaurer

   De plus, croire en l'enfant, c'est l'instaurer dans sa parole, c'est lui conférer un statut social, c'est le reconnaître comme interlocuteur légitime, c'est encore modifier les instances de son discours et de là agir sur la représentation qu'il a de lui-même et lui permettre de modifier sa relation à autrui.

Le respect de l'enfant

   Ceci implique le respect absolu que tout adulte doit à un enfant dont il a en charge le développement intellectuel, respect de la parole de l'enfant, de son cheminement, de ses interrogations. Ce respect conduit l'enseignant à jouer à plein son rôle d'éducateur et de pédagogue avec la nécessaire autorité que celui- ci exige et à avoir avec lui des exigences fondées, tant sur le plan de son comportement que sur celui de son travail. C'est être ferme, rigoureux, précis face à lui pour l'aider à progresser, à aller de l'avant, à se construire.

   En ce qui nous concerne, le souci constant du respect de l'enfant nous impose des limites, il nous rappelle sans cesse à la nécessité de nous interroger sur le bien-fondé de telle ou telle pratique, il nous impose d'être toujours à l'écoute de l'enfant, au-delà des barrières que peuvent être nos propres idées, il nous impose souvent d'accepter de nous remettre en question face aux difficultés qu'il rencontre.

Rôle premier de l'écrit

   Or, une des difficultés majeures de l'enfant est sa relation à l'écrit. l'écrit est pour lui le lieu même de sa souffrance, son impossibilité à être, à se fixer, à accepter une image de soi pour un temps stabilisé. Il fuit l'écrit parce qu'il ne lui est pas possible de s'y confronter. Dès lors, il est d'autant plus nécessaire de lui permettre de renouer avec l'écrit qui est, à double titre, premier dans la construction ou la re- construction de l'enfant.

   Il est premier parce qu'il est pour tout être humain sa possibilité de laisser en un quelque lieu, en un quelque temps une trace de lui-même, il est premier parce qu'il est porteur de toute la dimension symbolique de l'homme et en ce sens il est antérieur à l'oral. Il est premier aussi parce qu'il joue un rôle de premier ordre dans la prise de possession par l'enfant de sa dimension langagière. C'est en accédant à l'écrit, à son écrit, en se donnant la possibilité de mettre en acte sa capacité à écrire que l'enfant se donne les moyens de fonctionner intellectuellement. Il manifeste sa capacité à écrire en toute circonstance, il est vrai, et quelle que soit la forme de son écrit, quel qu'en soit le contenu : un enchaînement de danse, une peinture, un masque, un problème de physique ou de maths, un poème.

   Enfin, pour que l'enfant puisse agir, il faut le placer dans des situations d'apprentissage. Il faut le mettre en situation dynamique et lui permettre de choisir son propre cheminement et de pousser à son terme une logique, la sienne tout en construisant son langage. La prise en compte de ces différents aspects nous conduit à concevoir notre pratique dans une perspective d'apprentissage et non d'enseignement. Nous situant dans une optique piagétienne de l'apprentissage, il s'agit, pour nous, de faire en sorte que l'enfant devienne l'acteur de sa propre formation, de son développement intellectuel et l'enseignant est là pour lui pro- poser des voies possibles, pour l'aider dans ses choix et dans la réalisation de ses projets.

   C'est en donnant à l'enfant la possibilité d'être l'acteur de son propre savoir, c'est en le plaçant dans une situation d'apprentissage qu'il a le plus de chances de nouer ou de renouer avec son activité intellectuelle et de mettre en valeur toutes ses potentialités. C'est en lui donnant l'idée que tout peut arriver, que tout peut se modifier et échapper à la fixité, à la fatalité, qu'il peut accéder à son langage, un langage substantiel, métaphorique et poétique. C'est l'aider à partir des données qui sont les siennes à construire du nouveau.

   Il est bien clair que cela exige de l'enseignant, qui accepte de travailler en prenant en compte ces différents aspects, une remise en cause des pratiques pédagogiques traditionnelles qui ont pu être les siennes. Cela exige de l'enseignant une écoute attentive de l'enfant et une analyse, qui certes n'est pas toujours simple à réaliser, des remarques, des comportements, des modes de fonctionnement, des travaux de ce dernier.

   Comment faire pour que tout ce qui vient d'être dit ne soit pas lettre morte ? Comment le confronter aux exigences de la réalité de l'enfant ? Quelle conduite pédagogique adopter ?

Une problématique à l'écoute de la réalité de l'enfant comment partir de ses données pour accéder à du nouveau dans une situation d'apprentissage ?

   Comment aider l'enfant à construire son propre langage ?

   Comme nous l'avons dit précédemment, conjointement à la mise en place de la structure 68, s'est développé un projet prévoyant l'utilisation de l'outil informatique au service des apprentissages langagiers de l'enfant. Et s'il est vrai que nous n'avons pas d'emblée formulé notre problématique exactement en ces termes, il faut souligner que nos préoccupations premières étaient centrées sur une approche pluridisciplinaire de l'apprentissage.

Un enfant en souffrance

   Les enfants qui arrivent en 68 sont en situation de souffrance. Cela se manifeste de multiples façons. Ils explosent sans cesse verbalement, victimes de leur logorrhée qui n'est que l'émergence de leur enfermement dans un langage répétitif, sans novation, et qui exclut toute mise à distance. Ils vivent mal dans un corps sans cesse agité qui traduit leur difficulté à se situer tant dans l'espace que dans le temps, leur refus d'eux-mêmes et leur peur d'accepter autrui.

Un enfant en difficulté

   En classe, cela implique un grand nombre de difficultés de tous ordres :

  • relationnelles : intégration au groupe classe, relation à l'adulte qui ne soit pas un rapport de force, auto- exclusion de la vie scolaire accentuant l'isolement social des enfants, relation d'étrangeté » à sa langue (qu'elle soit le français ou une autre langue) ;

  • face à des contenus très précis dans chaque matière (difficultés à mettre en place un système verbal cohérent, difficultés de lecture et d'écriture) ;

  • refus de l'erreur qui est perçue comme une « faute » dont l'enfant se sent coupable et dont la crainte bloque toute activité puisque à ses yeux elle va ne faire que renforcer sa situation d'échec et le conforter dans l'image dévalorisante qu'il a de lui-même. – refus de l'écrit, miroir de toutes ses insuffisances et lieu privilégié de son échec, de ses errances ;

  • refus de toute activité scolaire dans la mesure où l'enfant s'est résigné à l'image d'impuissance qui lui est renvoyée par ses échecs passés.

Quelles réponses apporter ?

   Face à cette situation, on pourrait être tenté de ménager d'une certaine façon l'enfant soit en baissant le niveau tant des connaissances que des exigences, soit en ayant des préoccupations de contenus très pointus, ce qui est rassurant pour l'enseignant qui retrouve des points de repère à l'intérieur de sa matière mais qui renforce l'image morcelée que l'enfant a de son propre savoir.

   Il nous semble, au contraire, devoir prendre le contre-pied de cette démarche en ayant des exigences justifiées et de haut niveau avec l'enfant et en suscitant, en stimulant son activité intellectuelle. Le problème qui se pose est, dès lors, le suivant : comment à partir de toutes ces données négatives permettre à l'enfant de retrouver sa sérénité par le biais d'une activité intellectuelle qui intègre ses handicaps et en fasse le point de départ d'un nouveau rapport à lui-même, et donc à son langage ?

Créer un contexte

   Pour cela il nous semble important de savoir, pour un temps, placer l'enfant dans un contexte tout autre afin qu'il puisse s'investir dans une activité totalement différente et qui ne le remette pas d'emblée face à des difficultés trop souvent rencontrées. Cela n'implique pas, d'ailleurs, que l'on renonce à travailler sur des éléments précis. Cela signifie que l'on crée un contexte beaucoup plus large dans lequel l'enfant aura la possibilité de s'inscrire en investissant, selon des modes qui lui sont propres, ses connaissances et ses compétences. Cela signifie également qu'on lui donne l'occasion de mettre, à tout moment, en place son système d'interrogations intégrant les nouvelles données et impliquant une lecture à un autre niveau de ce qu'il avait précédemment mis en place. Cela signifie enfin qu'on lui donne le temps d'accéder individuellement à d'autres modes de fonctionnement de son intelligence.

Langage et apprentissage

   Plus concrètement, cela implique que l'on travaille sur l'activité langagière de l'enfant dans son intégralité et ce, dans une perspective d'apprentissage. Cela implique aussi une approche pluridisciplinaire, centrée sur l'enfant, et dépassant le cadre plus limité de chaque matière. Cela implique enfin la prise en compte de l'erreur de l'enfant comme lieu de ses interrogations et marque de son activité intellectuelle.

L'outil informatique

   C'est à ce point précis que nous pensons que l'informatique peut venir en aide à l'enfant dans la mesure où cet outil, à condition qu'il soit véritablement au service de l'enfant, peut, grâce à ses performances – modificabilité et mobilité de l'écrit – l'aider à modifier son rapport à l'écrit comme lieu privilégié de l'exercice de son activité langagière. De nombreuses approches de l'outil informatique comme support de la pédagogie ont été réalisées. Avec les logiciels existants, bien souvent il s'agit pour l'apprenant de proposer des réponses à des questions posées selon un parcours préalablement prévu et organisé par le concepteur, ces réponses étant comparées à une des réponses programmées et entraînant un verdict positif ou négatif de la machine. De là, des commentaires qui sont plus ou moins adaptés aux questions des enfants et qui en tout cas ne leur laissent pas une marge d'initiative bien grande face à leur désir d'investigation.

Comment utiliser les potentialités de l'outil informatique pour qu'il soit un outil dynamique au service des interrogations langagières de l'enfant ?

   L'enfant est prisonnier de la fixité de son écrit. Il faut donc lui donner la possibilité de rendre son écrit mobile en le modifiant par des retours en arrière, par des manipulations sur la chaîne écrite : effaçage, ajout, permutation, déplacement de caractères, de textes entiers que l'on peut décider de conserver, de rappeler, de supprimer, de modifier, ce qui implique un rapport tout à fait nouveau de l'enfant au texte qu'il a lui-même crée, travaillé avec les outils qui sont les siens.

   Il faut encore lui donner la possibilité de jouer de tout ce qui fait la globalité d'un écrit, ses blancs, ses signes, son organisation spatiale, bref son iconicité qui agit sur la représentation qu'en a l'enfant et modifie son rapport à son texte tant sur le plan sémantique que sur le plan syntaxique. Il faut lui donner la possibilité de travailler sur des contextes très variés dans lesquels son écrit aura différents statuts. C'est ce que nous tentons de faire au moyen des « apprenti ciels » conçus au sein de l'équipe, en accord avec nos options pédagogiques et en réponses aux interrogations des enfants ;

   Les apprenticiels offrent des possibilités de travail dans des contextes différents : le premier AAO, Apprentissage Assisté par Ordinateur, est le premier apprenticiel conçu au collège avant même l'arrivée des ordinateurs (Micral 80 22 G). Il permet à partir de points choisis sur l'écran par l'enfant de reconstruire une figure géométrique proposée sur une feuille et cela en apprenant à la machine toutes les instructions nécessaires à l'élaboration de la figure. Il est possible de sans cesse revenir en arrière, de repartir de points pour en construire d'autres, de faire fonctionner à plein l'aspect récursif du langage, de rappeler des informations pour les modifier, les effacer, les supprimer afin de construire de nouvelles hypothèses qui autorisent une lecture différente de l'écrit géométrique qui est en train de se construire

   Il en est de même du programme « ALG. » qui permet de travailler sur l'écriture algébrique, à partir d'une expression donnée dont l'enfant cherche tous les équivalents possibles tout en découvrant et en mettant en acte les différents modes d'entrée dans ce type particulier d'écriture. Les seconds, centrés autour de l'ECRIT, permettent à l'élève, à partir de son texte ou d'un texte de travail qui lui est proposé, de retrouver le texte de référence en faisant toutes les modifications qui lui semblent pertinentes sur la chaîne écrite.

   Le texte à travailler peut être :

  • un texte sans ponctuation,
  • un texte dont les espaces entre les mots ont été supprimés,
  • un texte avec les erreurs orthographiques de l'enfant,
  • un texte dont la seule silhouette apparaît.

   Enfin, le dernier apprenticiel est un programme d'édition de textes conçu à des fins pédagogiques. Il met l'enfant en situation d'écriture et il lui donne les moyens de jouer pleine- ment de la mobilité et de la modificabilité de l'écrit et cela d'autant plus facilement que les contraintes d'utilisation sont réduites à leur plus simple expression. Et c'est là, sans doute, que l'enfant peut avec la plus grande liberté jouer de son propre langage en le mettant à distance, en le modifiant, en jouant de l'iconicité de son écrit qu'il soumet à toutes ses contraintes internes de production et aux lectures plurielles qu'il en fait soit en le sortant sur l'imprimante en ses différents états, soit en agissant sur les représentations successives qu'il en a à l'écran.

   Dans les différents apprenticiels utilisés, l'ordinateur intervient comme un élément dynamique dans l'activité langagière de l'enfant. Celui-ci se confronte sans cesse à un état de la langue ou de sa langue sur lequel il peut agir en le modifiant selon les hypothèses qu'il formule et qui évoluent au gré de son cheminement.

   Dès lors, les questions qui se posent sont les suivantes ; Quelle lecture l'enfant fait-il de ce qui est sur l'écran ? Quelle lecture fait-il de ce qu'il pense avoir écrit ? (et chacun d'entre nous a bien remarqué les difficultés qu'un enfant a à se relire, dans la mesure où il n'y a pas correspondance entre ce qu'il a écrit et ce qu'il pense avoir écrit).

   Comment, dès lors, l'ambiguïté est source de nouveau ? Quel est le statut de l'erreur, qui n'est plus perçue comme une « faute » mais comme un élément dynamique ? Comment l'enfant prend-il ses distances face à ses propres productions ?

   L'enfant, en agissant – où et quand il veut – sur sa propre production, modifie sans cesse les conditions de l'échange linguistique suscité par le texte produit. Il se livre à un questionnement sur sa démarche et valide ainsi son activité intellectuelle qui prend consistance et existence à partir du moment où elle est reconnue aussi bien par 1ui-méme que par ses camarades et par l'enseignant. L'écrit n'est plus le miroir de ses erreurs, il devient la trace de son activité intellectuelle qui instaure socialement sa parole, une parole qui prend en compte tous les paramètres de l'enfant.

Agnès Cousin
Collège René Cassin
Chanteloup les Vignes

à suivre...

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

Paru dans le Bulletin de l'EPI  n° 37 de mars 1985.
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