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Enseignement de l'informatique :
avancées réelles et problèmes qui le sont tout autant
 

   Dans l'éditorial d'EpiNet du mois de janvier, nous nous félicitions de la création d'un Capes d'informatique, rappelions la création d'enseignements d'informatique à la rentrée 2019, NSI (Numérique et Sciences informatiques) et SNT (Sciences numériques et technologie). Et nous parlions d'un changement qualitatif : l'informatique enfin discipline scolaire en tant que telle avec ses professeurs spécialistes, comme les autres matières enseignées. Des avancées réelles fruits des actions menées depuis des décennies [1].

Les programmes d'informatique pour les élèves et les professeurs

   Les programmes de NSI et de SNT ont été publiés [2]. Ils portent sur les grands domaines de la science et technique informatique, l'algorithmique, les langages et la programmation, la théorie de l'information, les matériels et les réseaux. Le contenu du concours du Capes est en cours d'élaboration. Comme pour les autres disciplines il sera nécessairement en relation étroite avec les contenus enseignés. Le professeur d'informatique, comme ses collègues, n'est pas un spécialiste pointu d'un domaine de sa discipline mais un généraliste qui a une bonne vue d'ensemble de sa discipline, une maîtrise approfondie de type culture générale.

   L'enseignement scolaire relève de la culture générale. Pour bien former « l'homme et la femme, le travailleur et citoyen », ses missions, cette culture générale comporte évidement une dimension scientifique et technique. Être à l'aise dans une société où l'informatique et le numérique sont omniprésents, être un bon utilisateur, un utilisateur « intelligent » des outils, maîtriser les usages du numérique et ses enjeux et ses défis suppose d'avoir une bonne culture générale scientifique et technique, une bonne culture générale informatique [3].

Stop à la prolifération des sigles

   Un mot en passant sur cette prolifération des sigles dont l'Éducation nationale semble raffoler (il y a déjà ISN et ICN). Tout cela est de l'informatique. Alors, à l'instar de l'histoire, de la géographie ou des mathématiques, appelons, de la maternelle au lycée, informatique ce qui est de l'informatique. « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement » disait Boileau. Alors...

La mise en oeuvre des enseignements créés

   Concernant la mise en œuvre de NSI et de SNT, dans l'éditorial de janvier nous disions que l'heure était au quantitatif [1].

   Il est complètement irréaliste de penser qu'on puisse enseigner l'informatique totalement en classe entière. Rien de tel pour détourner les élèves de l'informatique. En effet, les questions fusent lorsque les élèves travaillent sur ordinateur. Les classes doivent être allégées pour des travaux dirigés (c'était le cas au siècle dernier pour l'option informatique des lycées d'enseignement général). On sait l'intérêt des activités débranchées. Mais il ne faudrait pas qu'elles deviennent la règle obligée pour des questions matérielles. D'une manière générale, l'aide des parents pour obtenir les moyens d'un réel enseignement de l'informatique (horaire, salle, matériel) est précieuse.

L'enseignement SNT en Seconde

   Concernant l'enseignement de SNT, si des mesures transitoires sont de fait nécessaires, notamment en raison de la précipitation de la mise en œuvre de la réforme du lycée (par ailleurs discutable et discutée dans sa « philosophie »), l'objectif à terme est que ce soit des professeurs d'informatique qui l'assurent. D'autant plus que les programmes sont quelque peu ambitieux pour des élèves de Seconde avec trop de thèmes non structurés dans une progression didactique cohérente construite à partir des grands domaines de la discipline informatique [4].

   Un simple Mooc ne saurait former des professeurs à une discipline inédite dont ils n'ont pas bénéficié lors de leur scolarité. Une telle formation en ligne ne sera qu'un « marchepied » : un outil de découverte, d'acculturation, une ressource qui pourra servir de porte d'entrée aux indispensables formations académiques et à la préparation des concours de recrutement [5]. Et il faut aussi créer sans tarder une agrégation d'informatique [6].

   Le volontariat est une condition de réussite. Le risque existe que les volontaires ne se bousculent pas. Accepter pour compléter un service dans une discipline où l'on n'a pas les connaissances requises et ne pas enseigner sur deux établissements éloignés ou éviter une mutation forcée augure mal de l'avenir.

   Les actuels enseignants d'ISN en Terminale scientifique ne suffiront pas pour assurer SNT, loin s'en faut.

L'enseignement de spécialité NSI

   Pour NSI, heureusement qu'il y a les professeurs en poste qui actuellement enseignent ISN [7]. Ils ont permis l'introduction de l'enseignement de l'informatique ces dernières années et il faut saluer leurs efforts. Des formations continues sont prévues. Il faut ouvrir largement les DU et DIU en cours d'élaboration. Des décharges, des garanties et des reconnaissances de carrière (rémunérations, mutations, concours internes et listes d'aptitude à venir...) doivent accompagner les formations. Une simple « habilitation » ne suffit pas.

   Des avancées réelles donc mais des problèmes à résoudre, à résoudre absolument car il faut réussir l'enseignement de l'informatique. Et, répétons-le, il faut créer sans tarder une agrégation d'informatique. Et il ne faudrait pas que les postes offerts au Capes d'informatique en 2020 le soient à dose homéopathique.

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1901a.htm

[2] Documents parus sur le Blog EPI le 4-11-2018 : http://www.enseignerlinformatique.org/2018/11/04/projets-de-programmes-snt-et-nsi-04-11-2018/
et dans la rubrique « Rapports et documents » d'EpiNet n° 209 de novembre 2018 :
http://www.epi.asso.fr/epinet/epinet209.htm )

[3] On apprend à programmer à tous les élèves non pas parce qu'ils seront tous informaticiens mais pour leur donner une connaissance sérieuse de ce qu'est l'informatique. D'une manière analogue, en mathématiques, on apprend la dérivation pour donner de l'épaisseur au fait qu'une grandeur peut dépendre d'une autre grandeur, pour permettre la lecture d'une courbe ce qui peut toujours servir, même dans la vie quotidienne.

[4] web, internet, données, images, réseaux, objets connectés, localisation.

[5] Thierry Viéville : « Class'code est un marche-pied pour la formation mais pas une structure ayant à former tous les enseignants ».
https://www.epi.asso.fr/revue/lu/l1902h.htm

[6] https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1902e.htm
En 2000, un texte de d'Antoine Petit, aujourd'hui Président-directeur général du CNRS :
https://www.epi.asso.fr/revue/99/b99p031.htm

[7] Enseignement de spécialité proposé dans 53 % des lycées publics à la rentrée 2019 (déclaration du ministre) :
https://www.lejdd.fr/Societe/Education/reforme-du-lycee-92-des-lycees-publics-proposeront-au-moins-7-enseignements-de-specialite-3850811

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Février 2019

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