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Conclusion des travaux de la mission d'information sur les géants du numérique

Assemblée Nationale (n° 4213). Rapport d'information présenté par M. Alain David et Mme Marion Lenne, Députés.

Pour la France, qui doit assurer la présidence du Conseil de l'Union, l'Union européenne apparaît comme un échelon incontournable en matière de numérique.

Introduction :

   Face à la crise sanitaire provoquée par la pandémie de covid-19 et à ses conséquences sur toutes les dimensions de notre vie collective, la mobilisation des outils numériques, dans le but d'assurer une forme de continuité de nos vies personnelles et professionnelles, a été frappante, et le constat du rôle salvateur du numérique volontiers formulé. Le rôle du numérique dans notre « résilience » face à cette crise d'une ampleur inédite ne saurait être négligé, pour autant, les enjeux soulevés par la place toujours grandissante du numérique dans les sociétés contemporaines et dans les équilibres géopolitiques mondiaux sont nombreux, complexes, et justifient d'aller au-delà de cette première analyse.

   Dans le cadre de leur mission d'information sur les « géants du numérique », vos rapporteurs sont partis d'un double constat : celui de l'omniprésence du numérique dans le monde contemporain et de la présence incontournable dans ce paysage de quelques entreprises, dont aucune n'est européenne. D'abord américains, ces géants souvent désignés par les acronymes « GAFA » ou « GAFAM » pour Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, sont aujourd'hui progressivement rejoints par plusieurs entreprises chinoises, les « BATX » ou « BATHX » pour Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei et Xiaomi, qui se tournent pour certaines de plus en plus vers l'Occident. Au-delà des acronymes, qui peuvent être revus ou complétés – par exemple par les « NATU », soit un groupe d'entreprises américaines apparues pour la plupart après les GAFAM (Netflix, AirBnb, Tesla et Uber) – il s'est agi d'identifier et de prendre la mesure des dynamiques et tendances d'un secteur qui dépasse les frontières par nature et qui suscite pourtant des tensions croissantes, en s'inscrivant pleinement dans la sphère géopolitique.

   Ces « géants » du numérique, qui présentent des points communs structurants mais aussi d'importantes spécificités, sont apparus à vos rapporteurs à la fois comme un emblème et comme un symptôme de l'ambivalence d'Internet et du numérique : prodigieux outils aptes à abolir les distances et à rapprocher les êtres humains, innovations et vecteurs de progrès dans de très nombreux secteurs, ce sont aussi des sources potentielles de surveillance, de polarisation du débat public voire d'attaques d'un nouveau genre. Loin de tout fatalisme, vos rapporteurs ont souhaité aborder avec lucidité les différents aspects des nouvelles technologies afin de mieux affirmer la nécessité pour l'Union européenne de s'ériger en troisième voie du numérique.

   Pour l'Union européenne, le « gigantisme » de ces entreprises suscite un défi de taille, au carrefour d'enjeux enjeux économiques (influence sur la concurrence et les marchés, rôle prescripteur en matière de recherche et développement et d'innovation, etc.), d'enjeux éthiques et juridiques pour les utilisateurs et citoyens (protection des données personnelles, exercice de la liberté d'expression, influence sur les choix de consommation, etc.) mais aussi d'enjeux politiques et géopolitiques du point de vue d'États qui y voient des instruments de puissance plus ou moins directs ou qui à l'inverse se retrouvent pris dans des rapports de force de plus en plus déséquilibrés, pouvant remettre en question leurs prérogatives souveraines et leur rôle de garant de l'intérêt général.

   À l'heure où l'Europe cherche à construire et affirmer son autonomie stratégique, le secteur numérique apparaît comme un pilier incontournable pour avancer en ce sens. Après avoir mené de nombreuses auditions et recueilli les points de vue et analyses des différents acteurs en présence, vos rapporteurs ont choisi de plaider pour une approche à la fois équilibrée et ambitieuse : sans chercher à tout prix à créer un Google européen, l'Europe doit se donner les moyens de ne pas être naïve face aux géants du numérique et surtout de pouvoir proposer des alternatives. Désormais identifiée comme puissance régulatrice du numérique, l'Union européenne doit aussi se réaffirmer comme force créatrice. Rappelons que l'inventeur du WorldWideWeb, l'informaticien britannique Tim Berners-Lee, a mis au point sa découverte au tournant des années 1990 dans le cadre de travaux menés au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) et que les recherches du français Louis Pouzin eurent un rôle déterminant dans la création d'Internet.

   Pour la France, qui doit assurer au premier semestre 2022 la présidence du Conseil de l'Union européenne, l'Union européenne apparaît comme un échelon incontournable en matière de numérique. Les atouts économiques, scientifiques ou encore institutionnels de l'Europe sont nombreux et doivent être valorisés. L'Europe compte de nombreuses entreprises qui, sans rentrer dans la catégorie « géants », s'illustrent aujourd'hui par leur attractivité, leurs capacités à innover ou encore à se développer à l'international. L'Europe peut aussi faire valoir un important vivier de chercheurs et d'ingénieurs spécialisés.

   La France, dont la stratégie en matière de numérique articule l'échelon national et l'échelon international, a pleinement intégré le niveau européen à son approche. Vos rapporteurs, qui ont accordé à la place des enjeux numériques dans notre politique extérieure une attention particulière, ne peuvent que saluer le choix annoncé de faire du numérique l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne. Il convient désormais d'être à la hauteur de cette ambition.

   Le présent rapport ne prétend pas à l'exhaustivité. Il vient ajouter une pierre à l'édifice des différents travaux parlementaires conduits depuis le début de la législature sur le numérique, à l'Assemblée nationale mais aussi au Sénat. Il se propose de dresser un état des lieux des causes et des conséquences de la prépondérance des géants du numérique américains et dans une moindre mesure chinois, de façon générale et pour la France et l'Union européenne en particulier. Sur cette base, une série de recommandations est formulée, visant à renforcer notre capacité collective à proposer une troisième voie. Forte de ses atouts, l'Union européenne doit désormais, sans orgueil ni naïveté, se faire le stratège d'une voie alternative en matière de numérique.
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https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_afetr/l15b4213_rapport-information#

NDLR-EPI : un excellent rapport très complet dont nous conseillons la lecture attentive.
Pour les lecteurs pressés, voir >la synthèse des recommandations des rapporteurs.

IL NE RESTE PLUS QU'À AGIR !

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Association EPI
Juin 2021

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