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SCIENCES ET VIE, n° 1013, février 2002

La vraie nature de l'intelligence (Hervé Poirier)

  • Toute pensée est un calcul,
  • Au delà des mathématiques,
  • L'informatique sauvée des bugs.

 

La "déraisonnable efficacité des mathématiques" a toujours intrigué les mathématiciens et les philosophes. Les informaticiens-théoriciens s'en mêlent. Depuis Kurt Gögel on sait que toute démonstration peut se réduire à une suite d'opérations mécanisables. Ses successeurs (dont Jean Louis Krivine) ont permis d'aller plus loin : le logicien n'hésite pas à affirmer aujourd'hui qu'à toute démonstration mathématique correspond un programme informatique.

Depuis que l'Homme pratique les mathématiques, ce ne sont pas les démonstrations et les théorèmes qui manquent ! Autant de programmes correspondants qui doivent être décodés pour comprendre l'ordinateur qui est derrière (c'est-à-dire le cerveau humain) et le programmeur, c'est-à-dire l'évolution dont l'efficacité est redoutable. Il faut dire qu'elle y met le temps...

Comment les choses se passeraient-elles ? De l'enchevêtrement inextricable des milliards de neurones (100 milliards de neurones interconnectés pour le cerveau humain) émergerait un premier langage structuré (quelque chose comme le lambda-calcul bien connu des logiciens) relayé par des langages plus complexes pour aboutir au langage mathématique et aux langues naturelles qui sont actuellement les nôtres.

Une analyse assez proche a été faite dès les années cinquante par les logiciens et linguistes qui avaient vu dans le lambda-calcul la structure logique sous-jacente aux langues naturelles. Ainsi, "de la même façon que le langage mathématique peut être vu comme le commentaire de programmes élaborés à partir de la couche du lambda-calcul, les langues naturelles bricolées par les êtres humains peuvent être vues comme l'interprétation, dans un langage de très haut niveau, des calculs neuronaux sous-jacents." Il serait plus facile de comprendre ainsi les profondes analogies entre des langues a priori très différentes.

Mais Jean Louis Krivine se défend de vouloir faire du cerveau un ordinateur (effectivement, on a déjà donné), c'est selon lui le contraire qui s'est produit. Le cerveau des informaticiens a inventé sans le savoir une machine qui lui ressemble (au niveau logiciel). D'où la (relative) facilité qu'il y a à transformer une démonstration mathématique (éventuellement antérieure à l'invention de l'ordinateur) en programme informatique. "Il y a plus à comprendre sur le cerveau dans l'analyse d'un système d'exploitation que n'importe où ailleurs" n'hésite pas à dire le logicien, un rien présomptueux !

Enfin, plus prosaïquement, pourquoi ne pas profiter d'une expérience mathématique millénaire pour rendre les programmes informatiques - grâce au lambda-calcul - aussi indubitables que les théorèmes ? Les logiciels, de plus en plus gros et omniprésents, ont bien besoin de preuves formelles.

Affaire à suivre.

On pourra lire en complément sur le site de JLK : "Ensembles et preuves", Jean-Louis Krivine http://www.pps.jussieu.fr/~krivine/articles/ens_prv.pdf.

 
La  Revue électronique de l'EPI  n° e47 de février 2002.

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Association EPI
6 mars 2002

 

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