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Éléments d'analyse de deux collectifs militants :
les cas de l'EPI et du GAMA [1]

Georges-Louis Baron, Solène Zablot
 

Introduction

   Cette contribution fait suite à une réflexion déjà amorcée dans un travail précédent (Baron et Zablot, 2017). Nous nous étions alors interrogés sur les dynamiques des collectifs d'enseignants produisant des ressources en ligne, en suggérant de s'intéresser aux différentes règles de fonctionnement qu'elles adoptent, en particulier les règles dites, pour reprendre le langage d'Ostrom et Basurto, de rétribution (Ostrom et Basurto, 2013).

Nous souhaitons ici présenter une synthèse sur deux collectifs militants dont les membres se sont réunis autour d'idées et ont produit des ressources pour les enseignants : l'EPI (Enseignement public et informatique) et le GAMA (Groupement amical d'enseignants de la maintenance automobile).

   Une précision doit être apportée relativement à l'emploi du mot « militant », dont l'étymologie renvoie à l'armée (militia en latin), à l'engagement discipliné dans une bataille, une lutte ; les dictionnaires nous apprennent que le mot apparaît d'abord dans un contexte religieux [2]. Par la suite, la signification du mot a évolué : on a parlé de militants d'un parti politique, d'un syndicat, voire d'un ensemble de valeurs (militant pédagogique).

   Bien sûr, les formes de l'engagement militant sont très variables, depuis l'engagement vocationnel perpétuel jusqu'aux nuances des interventions périphériques et aux figures du sympathisant intervenant a minima mais adhérant aux valeurs de la cause. Nous employons ici ce mot pour deux situations où des personnes se sont engagées au service de valeurs, au sein d'associations auxquelles elles ont adhéré, y consacrant bénévolement du temps. Les deux cas étudiés ici sont assez contrastés. Nous nous sommes concentrés sur une première analyse sommaire de type historico-culturel de ces deux collectifs.

Enseignement public et informatique (EPI) [3]

Présentation de l'association

   L'association EPI, dont l'histoire est bien documentée (Baudé, 2011), est un exemple de collectif militant ayant joué un grand rôle dans le développement de l'informatique dans l'enseignement. Constituée comme association au tout début des années 1970, pour défendre des valeurs (école publique et informatique en tant que facteur de rénovation de l'enseignement), elle s'est notamment engagée dans la constitution de banques de logiciels éducatifs, mais aussi dans la création d'outils de développement comme le langage LSE pour micro-ordinateur (Baudé, 2015).

   Facteur clé de sa visibilité, dès 1971, l'association a publié un bulletin qui deviendra ensuite une revue papier, avant de passer en ligne en 2001. Ce support a publié nombre de textes de référence, articles et ouvrages, en particulier des actes de colloques scientifiques où l'EPI a joué un rôle d'organisateur. Cette association a donc une durée d'existence importante : elle s'est adaptée à l'évolution de l'informatique et de ses formes de prise en compte dans le système scolaire.

Des thèmes de militance évolutifs mais cohérents

   Les thèmes centraux de la militance ont passablement évolué tout en restant focalisés sur les formes de prise en compte de l'informatique dans l'enseignement public.

   L'éditorial du premier Bulletin de 1971, reproduit dans le n° 104 de la revue, en 2001, précise bien qu'il s'agit d'une association ayant une « action à mener envers les pouvoirs publics », « en particulier pour le recyclage et la formation permanente ». Des lignes d'action sont énoncées : information des enseignants, pluridisciplinarité, accueil des « diverses expériences pédagogiques », vigilance à l'égard des valeurs de l'enseignement public.

   L'accent est mis, dans ce texte, sur la nécessité d'avoir une attitude accueillante envers trois aspects « complémentaires qui devraient coexister » de l'introduction de l'informatique dans l'enseignement : « matière nouvelle », en particulier pour les élèves volontaires ; « méthode de pensée à l'intérieur des matières existantes » ; « moyen nouveau comparable à ce que fut le premier livre imprimé, aidant le professeur dans la partie répétitive de son travail » [4].

   Huit ans plus tard, en 1979, le premier manifeste de l'EPI affirme notamment à propos de l'informatique : « en tant qu'outil pédagogique, elle peut s'appliquer à tous les niveaux d'enseignement. Mais elle ne doit pas se limiter à cela. Elle doit aussi devenir un élément de culture générale dont tous les élèves puissent bénéficier ». L'association, à cette époque, ne revendique pas la création de postes de professeurs d'informatique, mais recommande de faire appel à « des enseignants de toutes disciplines préalablement formés » [5].

   Le second manifeste, publié l'année du plan Informatique pour tous, en 1985 [6], relève les évolutions survenues depuis la fin des années 1970 et adopte un autre cadrage. Il reconnaît simultanément l'informatique comme instrument d'enseignement, élément culturel pour tous les élèves, objet d'enseignement optionnel. S'agissant de logiciels, une position nuancée et ouverte est affirmée :

« Pour la fourniture des logiciels et dans le souci de qualité, l'Éducation Nationale doit faire jouer la concurrence et conserver une production et une diffusion spécifiques afin que des domaines importants pour les progrès pédagogiques ne soient pas délaissés faute d'intérêt commercial immédiat. »

   Les années quatre-vingts ont vu la mise en place d'un enseignement optionnel d'informatique en lycée, qui sera supprimé dans la décennie suivante. De manière logique, les membres de l'association participent activement à l'organisation des premiers colloques de didactique de l'informatique qui se succèdent de 1988 à 1996 et à la diffusion de leurs actes [7].

   Dans la décennie suivante, la défense du logiciel libre (en tant qu'opposé aux logiciels propriétaires) occupe une place grandissante dans les orientations de l'association, (Archambault, 1999) tandis que se perpétue jusqu'à aujourd'hui un engagement très fort en faveur du développement de l'enseignement de l'informatique qui est actuellement un axe majeur d'activité pour l'association.

   Le site affiche toujours en 2018 son attachement au « service public d'enseignement et de formation à la promotion duquel elle reste attachée » et précise ses valeurs :

« Conformément à ses statuts, elle veut faire de l'informatique, et des technologies de l'information et de la communication en général, un facteur de progrès et un instrument de démocratisation. Depuis sa création, elle demande que priorité absolue soit accordée à la formation des maîtres, inséparable des indispensables recherches pédagogiques et des moyens en matériels et en logiciels. Il reste encore beaucoup à faire dans ces différents domaines. »

   Les liens avec la recherche en éducation sont une des constantes de l'activité de l'association, comme en attestent, par exemple, les coéditions effectuées avec l'INRP [8] ou la liste fournie des contributions du bulletin et de la revue liées à la recherche et à l'innovation pédagogique [9].

   En somme, on constate une continuité indéniable, au cours du temps, des orientations et des valeurs. Il est remarquable que cette continuité se produise alors que les modes de fonctionnement de l'association ont beaucoup évolué.

Différentes formes d'organisation

   La vie de l'EPI, de manière logique, est liée au mouvement de diffusion de l'informatique dans les établissements scolaires. La période initiale est celle de la formation longue d'enseignants (1970-1976) et de l'équipement de lycées (1972 et 1976). L'année 1976 marque une rupture :

« En 1976, à la suite d'un « plan d'austérité », l'expérience des 58 lycées est mise en attente, avec interruption des formations « lourdes ». Suivront cinq années sans nouveaux équipements, sans véritable formation. Le « vivier » des formés « lourds » va s'appauvrir ce qui compromettra les opérations ultérieures. » (Baudé, 2011)

   L'éditorial du Bulletin n° 21 (1er semestre 1981) relève ainsi la « traversée du désert » consécutive à ce coup d'arrêt. Le lancement, à la fin de la décennie, de plans d'équipement des lycées en micro-ordinateurs (et non plus en mini-ordinateurs) change la donne : le même éditorial mentionne l'augmentation importante du nombre d'adhérents qui en est consécutive et fait un appel à l'initiative de ces derniers (p. 2). Le bulletin comporte alors une section liée à la « vie des régionales », ce qui signale son ancrage sur tout le territoire.

   Les années suivantes ont vu une très forte dynamique d'équipement et de formation à l'informatique. L'association, fortement visible [10], fonctionne de manière démocratique, au sens où les positions de responsabilité sont ouvertes à élection. On a alors un réseau de correspondants faisant « remonter » l'information au bureau national, en particulier dans le domaine des actions de formation.

   Le public privilégié de l'association, d'abord restreint à l'enseignement de second degré, s'étend progressivement au primaire. Par exemple, dans le numéro 30 du Bulletin (juin 1983) paraît un article de F. Boule (p. 53-65), intitulé « L'informatique a-t-elle un avenir à l'école ? ». Le texte ne répond évidemment pas par oui ou non à cette question mais fournit une analyse fouillée des différentes possibilités liées aux ordinateurs de l'époque, critiquant en particulier ce qui relève de l'EAO. Il s'achève sur une note prudente relative à l'autre orientation de l'époque, l'informatique comme objet d'enseignement :

« Peut-être est-il possible d'envisager que la pratique raisonnée de la programmation, en mettant en jeu des concepts plus clairement définis, utilisables dans des situations concrètes, et une validation immédiate permette l'installation de structures classificatoires (listes, piles, tableaux, arbres) ou opératives (itérations, répétitions, récursions). » (p. 64-65).

   L'année 2001 manifeste une inflexion. Le conseil d'administration de l'association décide en effet d'arrêter la diffusion de la revue sous forme papier et de passer au tout en ligne. On note, la même année, un évènement d'abord peu visible mais qui aurait pu donner lieu à la fondation d'une association concurrente : un membre dirigeant de l'EPI, François Jarraud, responsable en interne de la création d'une revue en ligne de l'association qui existe toujours, EpiNet, a fondé, cette année-là, un autre site d'information sur l'éducation : Le café pédagogique. Ce dernier a depuis acquis une grande visibilité et établi de nombreux partenariats avec des institutions aussi différentes que la Ligue de l'enseignement ou Microsoft.

   Ce site très actif est bien ancré sur des valeurs de pédagogie (comme l'indique son slogan : Toute l'actualité pédagogique sur internet), sans nettement revendiquer de valeurs militantes et sans se limiter aux technologies en éducation. Il exprime des points de vue humanistes et donne régulièrement la parole à des auteurs pédagogues tout en évitant d'être ouvertement transgressif à l'égard des politiques ministérielles, même si occasionnellement paraissent des points de vue critiques [11]. Il n'est donc pas dans la même catégorie que l'EPI.

Synthèse sur l'association EPI

   L'EPI est un exemple d'institution active depuis une cinquantaine d'années, dont la fonction principale a été d'informer et d'inciter le corps enseignant et les décideurs. La vie de l'association a pris plusieurs formes.

   Dans les premiers temps, elle a rassemblé des militants se regroupant localement, en régionales et nationalement. Le coeur du public a d'abord été constitué d'enseignants de second degré, de toutes les disciplines, y compris techniques. Par la suite, lors des développements des années 1980, une place plus importante a été accordée aux enseignants du premier degré.

   Dans les années 2000, qui sont aussi celles de la banalisation d'internet et de l'importance croissante des échanges en ligne, la militance s'est affaiblie et la notion d'adhérent a évolué. Mais l'activité s'est poursuivie bénévolement en tirant parti des possibilités de l'internet.

   Depuis plusieurs années, le site propose quatre formes d'adhésion : une adhésion gratuite de soutien, une adhésion gratuite avec proposition de participation active à la vie de l'association, une adhésion de soutien avec un montant de 10 € ou davantage, une adhésion de membre bienfaiteur.

   Si on note, depuis les années 2010, une inflexion nette de la militance vers la promotion d'une discipline scolaire informatique, la lecture de la revue montre que les thèmes liés aux différentes formes de mise en œuvre d'environnements logiciels restent très présents.

   L'association reste militante (au sens où ce sont les mêmes valeurs qui sont promues). Elle est surtout appréciée pour les ressources qu'elle publie en ligne. Elle sert aussi d'instance d'alerte envers les autorités nationales, grâce à l'investissement de bénévoles enthousiastes et expérimentés, dont une certaine proportion de retraités actifs, membres des premières heures qui ont su tisser des alliances avec les informaticiens se sentant concernés par la nécessité d'enseigner l'informatique dès l'enseignement obligatoire [12]. Les publications et forums en ligne fournissent un bon reflet des problèmes posés par la diffusion de l'informatique en milieu éducatif et un support de communications entre enseignants.

   En somme, la communauté de militants, un peu organisée à la manière d'un syndicat a progressivement cédé la place à un réseau de publication et d'échange d'idées en ligne où les adhérents interviennent surtout en ligne tandis que les responsables participent régulièrement à des actions auprès des décideurs.

   La situation de l'EPI peut être contrastée avec celle d'un autre collectif de militants, le GAMA, qui s'est développé dans les années 1970 en appui des enseignants des filières de la maintenance des véhicules et de celles des véhicules et matériels [13], à moment où l'enseignement professionnel dans cette filière, a subi des mutations dans l'organisation des diplômes.

Cas du Groupement amical d'enseignants de matériels automobiles (GAMA)

   Dans ce qui suit, nous allons étudier la trajectoire d'un collectif de militants qui agit dans le domaine de la formation professionnelle. Les éléments qui vont être présentés ont été obtenus lors d'un entretien téléphonique réalisé au mois de novembre 2015 avec le président de du collectif, également enseignant de maintenance des véhicules en lycée professionnel à la retraite. À cette époque, l'association comptait environ 262 enseignants de lycées professionnels, une quarantaine de contractuels et deux fournisseurs de maquettes : soit un total d'environ 300 adhérents.

Une hiérarchie très présente entre les membres

   Créée en 1973 [14], l'association a pour objectif de produire et de diffuser des ressources élaborées par les enseignants dans les filières des CAP et de baccalauréats de différents domaines de l'automobile :

  • la maintenance des voitures particulières ;
  • la maintenance des véhicules et matériels professionnels (agricoles, industriels, de chantier...) ;
  • les motocycles ;
  • les bateaux ;
  • la carrosserie-peinture.

   Les statuts des membres de l'association sont de deux types : les représentants (ceux qui siègent au conseil d'administration) et les adhérents (tous les membres inscrits), mais les liens entre l'ensemble des membres ne sont pas réellement matérialisables, dans la mesure où il semble que l'envoi des courriels groupés et la réception de la revue, par courrier postal, soient les deux seuls témoins de l'existence d'une forme de communication entre les membres. Ainsi, les représentants envoient des informations à l'ensemble des membres, sans que ces derniers ne soient clairement identifiés.

   Les seuls membres clairement identifiés sont les représentants. Chaque année, ils se réunissent afin de mettre à jour la réglementation de l'association. Parmi eux, se trouvent le président et le vice-président, le trésorier et son adjoint, le secrétaire et son adjoint, le rédacteur en chef, l'administrateur du site et le responsable de GAMA Voyages [15]. Les autres membres sont exclus de cette concertation. L'organisation de cette communauté serait-elle donc contrainte par les actions de seulement neuf personnes ?

   Même si le président parvient à donner des informations précises sur le métier exercé par les membres, et notamment sur leurs statuts au sein de l'enseignement professionnel de la filière, l'organisation actuelle amène une question : comment faciliter les échanges avec les autres membres, quand ceux-ci ne sont pas concertés quant à l'organisation générale du collectif ? Dans quelle mesure cette situation représente un frein potentiel au développement d'un sentiment d'appartenance au collectif ?

   Comme moments de regroupement possibles, il mentionne toutefois deux éléments : le service « GAMA Voyages » qui propose aux enseignants de partir en voyage organisé à des fins de tourisme, de visites d'établissements d'enseignement professionnel et d'entreprises à l'étranger, et l'organisation d'un congrès qui a pour objectif un échange avec les professionnels et les inspecteurs autour de la pédagogie dans l'enseignement professionnel automobile. Cependant, ces moments sont très ponctuels.

   L'objet central de ce collectif est la publication de ressources dans la revue Pédagogie et technique, créée la même année que le collectif. Les membres y sont invités, dès leur inscription, puis régulièrement via l'envoi de courriels groupés.

  • Comme pour les autres actions, la division du travail y est assez segmentée. Les rôles des membres sont clairement définis sans consultation des nouveaux membres :

  • La production de ressources fonctionne sur un principe de conception individuelle. Les enseignants bénévoles envoient leurs documents au rédacteur en chef ;

  • Le rédacteur en chef est le seul chargé de s'assurer de la diversité des contenus qui seront publiés dans la revue de l'association Pédagogie et Technique. Il se charge aussi des aspects techniques liés à la publication des contenus. Notamment, il convertit les fichiers envoyés au format pdf et les envoie à l'imprimeur.

À propos des contenus publiés dans la revue Pédagogie et technique

   Les contenus de revue Pédagogie et technique illustrent bien les engagements pris par le collectif en ce qui concerne l'accompagnement des pratiques des enseignants dans le domaine de l'automobile. Il y a une alternance de contenus dont la provenance est ciblée en fonction du type de document proposé. Seules certaines contributions sont signées. Ainsi, nous avons repéré l'organisation suivante :

  • les membres de l'équipe de rédaction publient dans les éditoriaux des articles qui concernent les différentes réformes des diplômes de la filière. Parmi les documents proposés, il est possible de consulter le référentiel des diplômes rénovés [16].

  • des exemples d'activités sont également publiés, sans signature, comme documents d'accompagnement à destination des enseignants [17].

   Les contenus de la revue semblent être le reflet d'une organisation hiérarchique, comme nous avons déjà pu le mentionner. Par exemple, les contributions qui contiennent des extraits de référentiels peuvent être suivies d'articles critiques relatifs aux différentes rénovations des diplômes de la filière [18] ou d'articles visant à proposer des activités d'enseignement qui pourraient correspondre aux attentes des textes officiels. En cela, les membres de l'équipe de rédaction se positionnent comme prescripteurs de pratiques, ce qui est cohérent avec une organisation hiérarchique [19].

   Une recherche sur internet révèle que que certains des contenus signés discutant des types d'activité en classe ont été proposés par des enseignants particulièrement engagés dans la rédaction de contenus de manuels scolaires en parallèle. Cela contribue à renforcer la sensation de la présence d'une autorité collective qui organise l'agentivité des membres ; le nom des auteurs étant rarement spécifié, il est possible de penser que les enseignants peuvent avoir des difficultés à proposer leurs contenus, car ils ne peuvent pas s'identifier aux pratiques de leurs pairs.

Des tentatives d'augmentation de la visibilité du collectif

   Afin de promouvoir leurs actions auprès des enseignants du domaine de l'automobile et des ESPE (anciennement IUFM), le collectif a multiplié des actions pour se rendre visible à l'échelle nationale. En 2015, d'après le président, plusieurs partenariats avaient été noués dont un avec la maison d'édition Fontaine Picard, d'autres avec une entreprise, Didac BDH, fournisseur de maquettes pédagogiques, le conseil général du Tarn et Garonne, la ville de Montauban et l'imprimerie Quercy.

   De plus, jusqu'en 2018, le collectif était présent à deux événements majeurs [20] du domaine de l'automobile, à savoir, le Mondial de l'automobile, qui a lieu tous les deux ans à Paris et le Salon international de l'après-vente et des services pour la mobilité Equip Auto qui a lieu tous les ans, également à Paris.

   Selon le président du collectif, la création d'un site internet en 2003 a visé à contribuer à la visibilité de leurs activités. Cette idée est le fruit d'un travail, en amont, d'environ 3 ans, puis d'une présentation pendant le congrès annuel organisé par l'association. Néanmoins, le site internet était introuvable en octobre 2018 et le collectif n'était pas présent à l'édition 2018 du salon de l'automobile. Dans quelle mesure ces éléments seraient-ils le signe d'une crise au sein de l'association ?

   Enfin, même si nous ne pouvons pas réellement nous prononcer sur la reconnaissance effective du GAMA par le ministère de l'éducation nationale, un entretien que nous avons mené avec l'ancien doyen des inspecteurs de la filière STI, en 2016, donne des pistes de réflexion quant à la reconnaissance de cette association à la fois au sein de la branche des métiers de l'automobile et auprès du ministère de l'éducation nationale. Pour lui, les actions du collectif n'ont que peu de portée par rapport aux actions menées généralement dans la branche professionnelle et dans l'enseignement de la filière, notamment par rapport aux actions menées par l'Association nationale pour la formation automobile (ANFA), organisme de formation partenaire des branches professionnelles de l'automobile et du ministère de l'éducation nationale [renvoi contribution ANFA].

   D'autres éléments d'analyse pourraient être trouvés au sein des ESPE et plus particulièrement auprès des formateurs d'enseignants de la maintenance des véhicules, puis auprès des enseignants déjà en poste.

Discussion

   Ces deux associations ont en commun un certain nombre de points : elles ont été fondées dans la même période, se sont déployées sur une base militante et ont déjà eu une vie assez longue (de l'ordre d'une cinquantaine d'années). Elles ont joué un rôle de diffusion de ressources pour leurs adhérents (et, plus largement, pour les enseignants) sans pour autant bénéficier de l'appui de l'inspection générale et, parfois même en ayant des points de vue en décalage par rapport à cette institution : par exemple, les actions du GAMA paraissent négligées par l'inspection au profit d'actions d'autres collectifs, marchands cette fois-ci, comme l'ANFA. Actuellement la question de leur devenir, et en particulier de la relève des anciens, est posée pour chacune.

   Des différences existent cependant : GAMA s'inscrit dans le cadre d'une famille de disciplines et s'adresse à des enseignants du secteur professionnel, auxquels elle propose des ressources pour enseigner. Ce collectif n'a pas adopté la transition vers les ressources en ligne, même si des articles relatifs aux instruments informatiques ont été publiés dans la revue dès les années 1980 [21]. De par la présence d'un noyau réduit qui organise l'activité du collectif et l'absence de liens matérialisables autrement que par le recours à une liste de diffusion, il est possible de se questionner la pérennité du collectif. On relève en particulier son absence au dernier salon de l'automobile. Par ailleurs, le site internet (http://gaema.org) n'est plus accessible et l'archive internet https://web.archive.org/ ne cite plus d'activité après février 2017.

   Bien que l'activité de l'EPI ait été également centralisée, elle a toujours été un collectif pluridisciplinaire, qui a su passer des alliances avec des universitaires et des sociétés savantes comme la Société informatique de France et qui a dès 2001 stoppé la diffusion de sa revue papier pour passer au tout en ligne. Cette transition a entretenu la visibilité nationale des productions de l'association, même avec une base de militants réduite.

Georges-Louis Baron
Professeur émérite de Sciences de l'éducation,
université Paris Descartes

Solène Zablot
Doctorante en Sciences de l'éducation,
université Paris Descartes

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

Références

Archambault, J.-P. (1999). Les logiciels libres et LINUX et leurs enjeux éducatifs. Revue de l'EPI n° 96.
https://www.epi.asso.fr/revue/96/b96p171.htm

Baudé, J. (2011). Quelques points de repère dans une histoire de 40 ans : L'association Enseignement Public et Informatique (EPI). Revue de l'EPI (Enseignement Public et Informatique), (132), en ligne.
https://www.epi.asso.fr/revue/histo/h11epi_jb.htm

Baudé, J. (2015). Le système LSE. 1024. Bulletin de la Société informatique de France, (7), 41-56.
http://www.societe-informatique-de-france.fr/wp-content/uploads/2015/12/1024-no7-Baude.pdf

Ostrom, E. et Basurto, X. (2013). Façonner des outils d'analyse pour étudier le changement institutionnel. Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs, (14).
http://regulation.revues.org/10437

NOTES

[1] Une version précédente de ce texte a été écrite pour un rapport du projet ANR REVEA : Beauné, A., Levoin, X., Bruillard, E., Quentin, I., Zablot, S., Carton, T., ... Baron, G. L. (2019). Collectifs en réseau d'enseignants producteurs de ressources. Rapport scientifique des laboratoires STEF et EDA dans le cadre de la convention DNE (report). Université Paris 5 Sorbonne Descartes ; ENS Cachan.
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02022830/document.

[2] Informations disponibles sur le TLFI :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=1487347680;r=1;nat=;sol=2

[3] Site EPI : https://www.epi.asso.fr ;
blog EPI : http://www.enseignerlinformatique.org/ ;
Twitter : https://twitter.com/assoepi.

[4] Informations disponibles à l'adresse :
https://www.epi.asso.fr/revue/01/b01p001.htm

[5] Cité dans https://www.epi.asso.fr/fic_pdf/b37p007.pdf

[6] Informations disponibles à l'adresse :
https://www.epi.asso.fr/fic_pdf/b44p005.pdf

[7] Informations disponibles à l'adresse :
https://www.epi.asso.fr/association/dossiers/epi-afdi.htm

[8] Informations disponibles à l'adresse :
http://www.epi.asso.fr/association/dossiers/epi-inrp.htm

[9] Informations disponibles à l'adresse : http://www.epi.asso.fr/revue/rech_1980som.htm

[10] L'EPI bénéficie dans les années 1980 d'un appui de la part du ministère de l'éducation nationale sous la forme de la mise à disposition de postes d'enseignants. Cet appui a ensuite cessé, mais l'association a poursuivi ses activités militantes bénévolement.

[11] Cf.les contributions critiques de A. Chaptal telle que :
http://www.cafepedagogique.net/searchcenter/Pages/Results.aspx?k=chaptal

[12] La visibilité de l'association est restée forte, puisqu'elle a été reçue à l'Elysée en 2007, ce qui a contribué à relancer l'action pour une culture générale informatique et son enseignement sous forme d'une discipline dédiée :
https://www.epi.asso.fr/revue/editic/aef_jb-jpa.htm

[13] Il s'agit de deux spécialités différentes, voir p. 210.

[14] Plus d'informations sur le site de l'Ifé :
http://www.inrp.fr/presse-education/revue.php?ide_rev=1328&LIMIT_OUVR=2790

[15] GAMA Voyage est une des missions du collectif : il s'agit de proposer ponctuellement des voyages organisés pour les membres du collectif qui le souhaitent. Il semble que ces voyages soient en partie financés ou que les membres bénéficient de tarifs préférentiels pour pouvoir y participer.

[16] Par exemple, en 1986, l'équipe de rédaction a publié l'arrêté portant sur la création du diplôme du baccalauréat de Construction-Réparation-Carrosserie. S. A. (1986). Le Bac CO – RE – CA. Pédagogie et technique (44), pp. 23-29.

[17] Par exemple, en 1987, un article a été publié sur le cas de l'utilisation du tableur pour la formation des élèves au calcul de la vitesse des pistons. S. A. (1987). Tableur et simulation. Pédagogie et technique (48), p. 36-40.

[18] Ibid.

[19] Par exemple, en 1985, l'équipe de rédaction a publié un article proposant aux lecteurs de penser une progression pédagogique entre les diplômes de CAP et de BEP de mécanicien automobile à travers une étude de cas (le système de refroidissement) et en reprenant des extraits des référentiels des deux diplômes. S. A. (1985). Les objectifs de formation du mécanicien en réparation automobile. Pédagogie et technique (41), p. 11-19.

[20] L'emploi de l'adjectif « majeur » s'explique par l'envergure de ces deux évènements. Le Mondial de l'automobile est un salon dont la renommée est internationale : selon l'office du tourisme de Paris, en 2016, 1 066 000 visiteurs ont été enregistrés et la couverture médiatique de l'événement était internationale avec la présence de plus de 100 000 journalistes de différents pays. Le second événement est plutôt connu des professionnels de l'automobile. En 2017, selon les organisateurs de l'événement, 95 000 professionnels y étaient venus exposer leurs produits.

[21] Le numéro 48 (juin 1987) comporte ainsi un article non signé sur « tableur et simulation ». S. A. (1987). Tableur et simulation, Technique et pédagogie, (48), p. 36-40.

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Association EPI
Mars 2019

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