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Une double grande ambition pour le numérique
 

   Les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ont été lancées le 11 juillet dernier. Dans le cadre de la concertation nationale organisée, un site contributif [1] permet notamment aux internautes de poster leurs contributions. Des Assises territoriales auront lieu à la mi-octobre et des Assises nationales en décembre.

   La formation des enseignants étant l'une des missions traditionnelles de l'Université, l'EPI a transmis une contribution « Des formations universitaires diversifiées à l'Informatique et aux Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) pour les enseignants du primaire et du secondaire » que l'on peut donc consulter sur le site dédié [2].

   La contribution rappelle les enjeux forts de l'informatique pour : l'économie, les entreprises et les administrations, l'informatisation étant la forme contemporaine de l'industrialisation ; la vie de tous les jours de tout un chacun ; la société en général. Elle rappelle également les statuts éducatifs distincts de l'informatique : discipline scolaire de l'enseignement général et des enseignements techniques ; outil pédagogique ; facteur d'évolution des savoirs constitués (leurs objets, méthodes et outils) ; outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves et de la communauté éducative.

   Il en découle des profils de formation nécessairement diversifiés :

  • l'ensemble des enseignants pour qui il s'agit d'une formation à l'exercice de leur métier ; avec deux niveaux de formation : pour les enseignants et pour les formateurs
  • les professeurs de la discipline scientifique et technique informatique
  • les enseignants d'une discipline donnée (peu ou prou toutes les disciplines, d'une manière spécifique).

   Une autre concertation a été organisée dans le cadre de « Refondons l'École de la République » [3]. Un des thèmes étant « Une grande ambition pour le numérique », l'EPI a naturellement proposé une contribution intitulée « Une double grande ambition pour le numérique » [4]. L'EPI y met en évidence deux grandes ambitions. La première est l'intégration du numérique par le système éducatif à son service, comme toutes les entreprises et toutes les administrations, pour la réalisation de ses objectifs et son propre fonctionnement. Intégration qui concerne d'abord son coeur de métier, à savoir la pédagogie,

   La deuxième concerne les obligations du système éducatif vis-à-vis de la société. Formant l'homme, le travailleur et le citoyen, il lui donne, c'est la mission fondamentale de l'enseignement scolaire, la culture générale correspondant à son époque.

   Depuis longtemps, nous savons qu'il est indispensable que tous les jeunes soient initiés aux notions fondamentales de nombre et d'opération, de vitesse et de force, d'atome et de molécule, de microbe et de virus, d'événement et de chronologie, de genre et de nombre, etc. Ces initiations se font dans un cadre disciplinaire. Aujourd'hui, le monde devenant numérique, il est incontournable d'initier les jeunes de la même façon aux notions centrales de l'informatique, devenues tout aussi indispensables : celles d'algorithme, de langage et de programme, de machine et d'architecture, de réseau et de protocole, d'information et de communication, de données et de formats, etc. Cela ne peut se faire qu'au sein d'une discipline informatique. L'expérience a montré que « cliquer sur une souris » et utiliser les fonctions simples d'un logiciel sont loin de suffire.

   C'est pourquoi un processus a démarré. La rentrée 2012 a vu la création en Terminale S d'un enseignement de spécialité « Informatique et sciences du numérique ». Ce premier pas en appelle d'autres [5]. Le ministre de l'Éducation nationale Vincent Peillon a annoncé l'extension d'ISN aux séries ES et L en Terminale.

   La concertation a pris fin début octobre. Le comité de pilotage a rendu son rapport [6]. Parmi les 10 axes prioritaires qu'il a retenus, un concerne le numérique. On peut y lire « apprentissage de la compréhension de la culture numérique ». L'informatique étant au numérique ce que la biologie est à la médecine, la physique à l'industrie de l'énergie, nous traduirons par enseignement de l'informatique. Cela étant, il est dommage que le rapport ne fasse pas référence explicitement au processus engagé en cette rentrée 2012 avec la création pour les Terminales S de la discipline « Informatique et sciences du numérique », et son extension en ES et L. Rappelons que l'équipe du candidat Hollande indiquait qu'« il n'y a pas de raison de réserver ce type d'enseignement aux seuls lycéens des séries S et STI2D » [7]. Effectivement, il s'agit de la culture générale scientifique de tous les élèves.

   Dans son discours d'Orléans (9 février 2012), François Hollande soulignait qu'« il développerait aussi la culture scientifique, qui ne doit pas être un élément de sélection, mais une culture de l'expérience, de la recherche, de l'observation, de la créativité ». En effet, une des missions (principales) de l'École est de transmettre d'une génération à l'autre un ensemble de connaissances scientifiques accumulées depuis 2 500 ans. Or les sciences se sont énormément transformées en 50 ans, et leur enseignement ne peut qu'en tenir compte [8]. Il est donc également dommage que cette question de l'enseignement des sciences au XXIe siècle n'ait pas été posée par cette concertation alors que c'est une des questions centrales de la rénovation de l'École : aucune commission n'a été consacrée à cette question, aucune commission ne s'en est spontanément saisie. Parler de l'enseignement des sciences aurait permis de mieux parler de l'informatique et du numérique. L'on sait que les vocations scientifiques font cruellement défaut à notre pays. Quid dans ces conditions du redressement de l'industrie, du redressement de notre économie, de la compétitivité, des transitions technologique et numérique ?

   Le Président de la République a présenté le 9 octobre dernier son projet pour l'École. Concernant le numérique, « il demande au Gouvernement de prendre rapidement les initiatives pour donner à ce que l'on appelle l'e-éducation, la dimension qui doit être la sienne ». Et il a indiqué que « la République n'a pas de frontière, elle ne connaît pas de limites : le savoir, la connaissance, la curiosité doivent être mises à la disposition de tous ».

   Le 11 octobre, Vincent Peillon a annoncé lors d'une conférence de presse l'ouverture de « plus d'un mois de consultations » sur la loi d'orientation et de programmation de l'école, qui sera débattue au Parlement à partir de janvier [9]. Cette loi doit être présentée en Conseil des ministres le 12 ou le 19 décembre. Le ministre a précisé qu'il souhaitait ouvrir une concertation plus approfondie sur le lycée « car les propositions [lui] ont semblé insuffisantes » et qu'il convient de se donner par la loi, « la question essentielle des programmes étant devant nous » [10], « des instruments pour prendre en compte les nouvelles exigences concernant les programmes ». Un Conseil des Programmes réunissant experts, praticiens, et universitaires sera créé. À n'en point douter, il comptera parmi ses rangs un nombre significatif de scientifiques et en particulier d'informaticiens.

Le 15 octobre 2012

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] Assise de l'Enseignement supérieur et de la Recherche
http://www.assises-esr.fr
http://www.assises-esr.fr/vos-contributions#contribuer

[2] « Des formations universitaires diversifiées à l'Informatique et aux Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) pour les enseignants du primaire et du secondaire », Jean-Pierre Archambault.
http://www.assises-esr.fr/var/assises/storage/fckeditor/File/contributions/contribution_EPI.pdf
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1209h.htm

[3] Refondons l'École de la République.
http://www.refondonslecole.gouv.fr/la-demarche/
Sur le site, on peut consulter les contributions des membres de la concertation choisis par le ministère de l'Éducation nationale et des extraits de contributions d'internautes sélectionnées mis en ligne chaque lundi. Notre contribution n'a pas été mise en ligne.

[4] « Une double grande ambition pour le numérique », Jean-Pierre Archambault.
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1209g.htm

[5] Pour information, « Des postes au loin ». Pour celles et ceux qui ont suivi des formations et sont en voie d'habilitation, et aimeraient voyager un peu, l'appel à candidatures de l'AEFE fait apparaître un certain nombre de postes où la compétence ISN est mentionnée.
http://www.aefe.fr/sites/default/files/Recrutement-expatries-rentree-2013-Profils-postes-1er-2d-degres.pdf

[6] Refondons l'école de la république. Rapport de la concertation.
http://www.refondonslecole.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/10/refondons_l_ecole_de_la_republique_rapport_de_la_concertation1.pdf

[7] « Hollande propose que chaque série du baccalauréat ait une option numérique ».
http://www.vousnousils.fr/2012/03/29/hollande-propose-que-chaque-serie-du-baccalaureat-ait-une-option-numerique-524526

[8] « Enseigner les sciences au XXIe siècle », Gilles Dowek
https://who.rocq.inria.fr/Gilles.Dowek/enseigner.pdf

[9] « Premiers arbitrages après la remise du rapport de la concertation sur la refondation de l'École de la République », Conférence de presse - Vincent Peillon - George Pau-Langevin - 11/10/2012.
http://www.education.gouv.fr/cid65754/premiers-arbitrages-apres-la-remise-du-rapport-de-la-concertation-sur-la-refondation-de-l-ecole-de-la-republique.html

[10] « Lycée : Vincent Peillon juge les propositions de la concertation insuffisantes »
http://www.educpros.fr/detail-article/h/b97d93b3ff/a/lycee-vincent-peillon-juge-les-propositions-de-la-concertation-insuffisantes.html

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Association EPI
Octobre 2012

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