Enseigner l'informatique au lycée
Favoriser les usages éducatifs du numérique
 

   Tout d'abord quelques nouvelles sur l'enseignement de spécialité optionnel « Informatique et sciences du numérique » (ISN) en Terminale S.

   Du 7 mars au 22 avril 2011, le ministère consulte les enseignants en lycée général sur les nouveaux programmes de terminale, qui seront mis en oeuvre à la rentrée 2012. Il s'agit de la dernière consultation organisée dans le cadre de la réforme du lycée, pour la voie générale. 13 enseignements sont concernés parmi lesquels « Informatique et sciences du numérique ». Les projets de programmes des enseignements de spécialité de la série S sont mis en ligne [1].

   Du 14 au 17 mars 2011, la direction générale de l'enseignement scolaire et l'inspection générale de l'éducation nationale proposent un séminaire national de formation de formateurs, pour accompagner la mise en oeuvre du nouvel enseignement de spécialité de terminale S « Informatique et sciences du numérique » [2]. Il s'ajoute aux trois enseignements de spécialité existants : mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la Terre. Son programme a été élaboré avec l'INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique). L'École normale supérieure de Lyon accueille les participants, une quarantaine d'inspecteurs d'académie – inspecteurs pédagogiques régionaux et chargés de mission. Ils seront responsables de la création d'un réseau de personnes relais dans les académies, pour organiser la formation des enseignants et la mise en place de l'enseignement. Les futurs enseignants de cette discipline pourront être choisis parmi ceux de mathématiques, de sciences physiques ou de STI. Le programme du séminaire est articulé autour des quatre concepts qui structurent la science informatique : information numérique ; langage ; algorithme ; machine. En académie, la formation des enseignants leur permettra d'acquérir une culture commune sur la science informatique : ses quatre piliers (machine, information, algorithme et langage) ; un premier apprentissage de la programmation. Le CNDP et l'INRIA proposeront aux enseignants un portail interactif de ressources en ligne, pour la rentrée 2011-2012.

   Dans les années 80, les lycées où il y avait un enseignement de l'option informatique dans les sections générales étaient ceux où il y avait le plus d'usages pédagogiques de l'ordinateur. L'informatique-discipline et l'informatique-outil sont complémentaires et se renforcent mutuellement. De ce point de vue aussi la création à la rentrée 2012 en Terminale S d'un enseignement de spécialité optionnel « Informatique et sciences du numérique » est une mesure positive qui va dans le bon sens. Ajoutons qu'il existe une confusion à propos du B2i [3]. Personne ne discute le bien-fondé du recours au traitement de texte pour l'apprentissage de l'écriture ou d'Internet pour la recherche de documents. Ni la nécessaire intégration de la simulation en cours de sciences expérimentales ou de la CFAO dans les enseignements techniques et professionnels. Mais le B2i, c'est autre chose. C'est la validation de compétences par des enseignants non spécialistes dans un champ de la connaissance qui n'est pas le leur et pour lequel on ne peut pas dire qu'ils aient été (suffisamment) formés. Demande-t-on à un professeur de SES de valider des connaissances en mathématiques de ses élèves pour la raison que sa discipline repose pour une part sur elles ? Non, c'est au professeur de mathématiques de le faire. Tous les professeurs contribuent à la maîtrise du français. Ils peuvent même retirer des points à une copie quand il y a trop de fautes d'orthographe. Mais, d'un point de vue institutionnel, ils ne valident pas des connaissances, des capacités ou des compétences de français. C'est le spécialiste formé, le professeur de français, qui le fait. On ne saurait s'étonner qu'au collège ce sont les professeurs de technologie (dont les programmes comportent des notions d'informatique) qui sont les plus impliqués dans la validation du B2i [4].

   Le monde devient numérique. À ce titre l'informatique est devenue une composante de la culture générale au 21e siècle. Pour autant cela ne signifie pas une indifférenciation généralisée.

   Dans un éditorial précédent, nous faisions référence au rang (24 sur 25) de la France en Europe pour les usages du numérique dans le système éducatif [5]. Si les causes en sont multiples, nous appuyant sur l'opinion des intéressés nous mettions en avant la formation des enseignants, ces professionnels de la pédagogie, non informaticiens, qui utilisent les TIC dans l'exercice de leur métier. En cela, ils sont comme l'immense majorité de leurs concitoyens. De ce point de vue, pour les enseignants scientifiques des générations à venir, la création d'ISN constitue un précieux investissement pour l'avenir.

   Les enseignants mettent aussi en avant la non disponibilité des matériels, posant ainsi la question de la maintenance et de la gestion des parcs informatiques des établissements. Il faut se rapprocher des « normes » en cours dans les entreprises en matière de nombre moyen de personnels qualifiés et dédiés au fonctionnement d'un nombre donné de machines. De ce point de vue, il faut préciser les attributions. Si la formation relève de l'Éducation nationale, les équipements sont à la charge des collectivités locales. Il subsiste un flou réglementaire : à qui la maintenance ? Il faudrait le dissiper, même s'il arrive fréquemment que les collectivités territoriales prennent en charge la gestion des parcs informatiques.

   Ces dernières années, la recherche pédagogique s'est ralentie. C'est par exemple dommageable quand il s'agit d'utiliser d'une manière adaptée et raisonnable des matériels nouveaux comme des portables ou des tablettes qui ont chacun des potentialités spécifiques.

   Si les ressources pédagogiques sont dorénavant nombreuses, la législation sur le droit d'auteur ne facilite pas leur utilisation. La question de l'exception pédagogique, qui existe dans un certain nombre de pays, est à mettre à l'ordre du jour [6]. Elle concerne les ressources « brutes », à savoir celles qui n'ont pas été explicitement réalisées pour un usage pédagogique. Un enseignant qui s'appuie sur une reproduction ou une oeuvre musicale pour faire cours doit pouvoir le faire gratuitement. L'approche est bien entendu différente pour les ressources éditoriales conçues et produites pour un usage pédagogique. Dans ce paysage-là figurent les ressources libres avec leurs modèles économiques spécifiques. Et l'on sait que leur réalisation par les enseignants a une dimension formative et que l'implication des professeurs dans leur confection favorise leurs usages.

   Les questions juridiques sont délicates et compliquées. Les formations académiques des professeurs qui enseigneront « Informatique et sciences du numérique » comprendront aussi des connaissances juridiques liées au numérique [2]. Une bonne chose.

Le 15 mars 2011

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] Consultation sur les projets de programmes de terminale générale.
http://eduscol.education.fr/cid55217/consultation-sur-les-projets-programmes-terminale-generale.html
Le projet de programme d'informatique et sciences du numérique, ainsi que les modalités de la consultation, sont en ligne à :
http://eduscol.education.fr/cid55136/consultation-sur-les-projets-programmes-terminale.html
Voir : http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l1103o.htm

[2] Informatique et sciences du numérique : séminaire national. Plan national de formation.
http://eduscol.education.fr/cid55274/informatique-sciences-numerique-seminaire-national.html

[3] Le B2i™ (Brevet informatique et internet) a été rendu obligatoire pour l'obtention du brevet des collèges. Quelques chiffres :
http://media.education.gouv.fr/file/2010/13/1/chap2.10_152131.pdf
Concernant le B2i en général, on pourra également se référer à « Quelques notes de lecture [EPI] sur le rapport Fourgous Réussir l'École numérique », EpiNet n° 123 de mars 2010.
http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1003a.htm

[4] Voir enquête d'Ignace Rak, IA-IPR honoraire de STI :
« Sondage 2009 sur : B2i et TIC technologie 2009-2010, quel avenir ? »
http://pagesperso-orange.fr/techno-hadf/edu/15-college_fr_2005-2010-8/HADF_15-3_Sondage_B2i_et_TIC_en_technologie.doc

[5] Éditorial d'EpiNet 130 de décembre 2010. « Informatique : formation des enseignants, aujourd'hui et demain ».
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1012a.htm

[6] Jean-Pierre Archambault. « Numérique, droit d'auteur et pédagogie », Revue Terminal n° 102, Automne-Hiver 2008-2009, édition l'Harmattan, p. 143-155. EpiNet n° 114 d'avril 2009.
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0904b.htm
http://www.lamaisondesenseignants.com/download/document/jpaterminal102.pdf

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Association EPI
Mars 2011

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