CONSTRUIRE UNE SÉQUENCE SUR LES GAZ
UTILISANT UN LOGICIEL DE SIMULATION

Françoise Chauvet, Chantal Duprez, Isabelle Kermen, Philippe Colin, Marie-Bernadette Douay
 

Présentation

     Les documents présentés sont conçus pour fournir aux enseignants des outils pour construire une séquence d'enseignement utilisant un logiciel de simulation. Le thème choisi est celui des propriétés thermoélastiques des gaz, thème qui est traité en seconde depuis les programmes en vigueur à la rentrée 2000 (B.O. n° 6 Hors série, p. 5-23, 1999). Bien sûr le logiciel peut être utilisé à d'autres niveaux, du collège à l'université.

     Ces documents constituent un guide et un ensemble de ressources pour que les enseignants y puisent la matière pour construire leur propre séquence d'enseignement, adaptée à leurs élèves. Pour favoriser le renouvellement des stratégies pédagogiques, nos intentions didactiques sont :

  • d'exploiter les possibilités de l'outil informatique pour explorer le modèle du gaz parfait au niveau microscopique (même si d'autres logiciels de simulation sur les gaz se trouvent sur le marché),

  • de mettre en oeuvre des stratégies d'enseignement qui prennent en compte les idées communes et les raisonnements des élèves.

Les résultats de recherches didactiques, déjà menées sur ce thème auprès d'élèves de collège et d'étudiants, montrent que les difficultés pour la compréhension des concepts de gaz, pression, température, modèle microscopique... sont nombreuses et persistantes. L'usage de la simulation peut être l'occasion d'une nouvelle approche pour aborder ces concepts.

Plan d'ensemble

     Présentation

A. Intentions générales d'une séquence utilisant le logiciel de simulation
     A.1. Présentation du logiciel
     A.2. Un outil pour l'apprentissage des élèves
     A.3. Apprentissages attendus des élèves
     A.4. Modalités de travail avec les élèves

B. Outils pour la construction d'une séquence
     B.1. Compléments sur la théorie cinétique et le modèle du gaz parfait
     B.2. Sensibilisation aux difficultés des élèves de seconde

C. Des scénarios pour un parcours conceptuel
     C.1. Prise en mains rapide du logiciel Atelier cinétique
     C.2. Un exemple de scénario élève

D. Des résultats d'expérimentations de séquences
     D.1. Effets de la seconde à l'université
     D.2. Appropriation par les enseignants stagiaires d'IUFM
     D.3. Des réactions d'élèves de seconde

     Bibliographie

A - Intentions générales d'une séquence utilisant le logiciel de simulation

A.1. Présentation du logiciel : « Atelier Théorie Cinétique des Gaz »

Conception : F. Chauvet, C. Duprez
Réalisation : F. Rouzé
(Adaptation d'une simulation de A. Chomat, C. Larcher, M. Méheut, G. Verneuil)
SEMM, Université des Sciences et Technologies de Lille 1

Objectifs :
Donner une signification microscopique aux notions de pression et de température : la force pressante sur une paroi est due aux chocs des molécules sur cette paroi, et la température absolue est liée à l'agitation thermique des molécules. Dans ce but, le logiciel simule les mouvements de molécules dans un cadre rectangulaire, que l'on considère comme symbolisant le champ de leurs déplacements.

     Quatre types de particules sont possibles : dihydrogène, diazote, dioxygène et une particule de masse molaire plus importante (200 g.mol-1) dont le nom n'est pas spécifié. Cette possibilité permet d'analyser le rôle de la masse dans les effets des chocs.

     Le mouvement des molécules satisfait aux lois de la théorie cinétique des gaz (répartition initiale des vitesses selon la loi de Maxwell-Boltzmann dans le cas d'une seule boîte) et de la mécanique (conservation de l'énergie et de la quantité de mouvement lors des chocs entre particules avec tirage au hasard de la trajectoire d'une des particules après le choc). La position initiale des différentes particules est tirée au hasard.

     Sur l'écran dénommé : « initialisation », l'utilisateur choisit la température et le programme en déduit la vitesse quadratique moyenne à injecter dans la loi de Maxwell-Boltzmann ; l'utilisateur choisit également un ou deux types de particules, le nombre de particules de chaque type (le nombre de particules possibles dépend de la puissance de l'ordinateur, mais un nombre raisonnable se situe aux alentours de 50 à 100 pour une boîte). La case « durée avant pause » permet d'afficher une durée au bout de laquelle la simulation s'arrête. L'utilisateur doit valider son choix à l'aide du bouton « valider ».

     L'écran « visualisation » montre les particules dans leur position initiale et un bouton permet de lancer la simulation. Il est possible à tout moment de faire une pause, la simulation s'arrête. La simulation s'arrête également au bout de la durée indiquée sur l'écran initialisation. Le bouton « lancer »permet de faire repartir la simulation.
Le nombre de chocs par unité de surface sur les différentes parois de la boîte est indiquée au dessus de l'animation. Un « chronomètre » indique une durée dans une unité de temps arbitraire. Le bouton « remise à zéro » remet tous les compteurs à zéro mais sans retour à la situation initiale pour les particules.

     Il est possible de mettre une paroi mobile dans la boîte et ainsi de créer deux cases. En haut de l'écran, est indiqué le nombre de chocs par unité de surface dans les deux cases sur les parois verticales, les chocs sur les côtés de la paroi intermédiaire étant indiqués en bleu. Il est possible de libérer cette paroi. Elle se déplace alors sous l'effet des chocs et s'arrête à la position d'équilibre. La paroi a une masse M dans un rapport 50 avec la plus grosse des particules. Pour déterminer le déplacement de la paroi, on considère que les particules lui cèdent leur quantité de mouvement horizontale. On maintient constante la température dans le compartiment, c'est-à-dire que la particule après la réflexion sur la paroi mobile conserve la valeur de la vitesse qu'elle avait avant le choc.

     Deux choix sont possibles :
« sans oscillation », la paroi s'immobilise assez vite dans la position d'équilibre macroscopique, c'est-à-dire lorsqu'il y a égalité des pressions des deux côtés de la paroi mobile ;
« avec oscillation », la paroi est soumise à un faible nombre de chocs, dont les effets moyens de part et d'autre de la paroi ne se compensent pas. La paroi oscille en suivant les fluctuations des nombres de chocs.

Pour tester en ligne le logiciel cliquer sur la version choisie :

« sans oscillation » ou « avec oscillation »

Pour télécharger les deux versions du logiciel de simulation cliquer sur la disquette :   Téléchargement

Toutes remarques et suggestions sont les bienvenues.
Le courrier est à adresser à
Chantal Duprez, UFR de Physique, P5,
Université des Sciences et Technologies de Lille 1,
59655 Villeneuve d'Ascq,
chantal.duprez@univ-lille1.fr,
tél : 03 20 43 46 72

A.2. Le logiciel : un outil pour l'apprentissage des élèves

     Le logiciel de simulation est un outil permettant de construire des activités d'exploration des modèles et lois de la théorie cinétique des gaz pour les élèves lorsqu'ils étudient les propriétés thermoélastiques des gaz, les phénomènes de diffusion ou le mouvement brownien dans les gaz.

Ce que fait le logiciel
La simulation comporte ici deux plans (Beaufils, Richoux 2003) : celui de l'implémentation du modèle où sont effectués les calculs selon les équations du modèle et celui de la représentation symbolique du modèle où les différents objets (particules en mouvement, parois mobiles ou fixes) sont mis en relation. Dans ce plan sont également affichés les nombres de chocs sur les parois, calculés par le logiciel.
En visualisant sur l'écran le mouvement incessant et désordonné de points symbolisant les particules qui constituent le gaz parfait et qui suivent les lois de la théorie cinétique des gaz, on établit des correspondances entre variables de la simulation, variables du modèle et éléments de visualisation.

Le logiciel « Atelier Théorie Cinétique des Gaz »

La simulation permet de compresser les ordres de grandeur : passer de l'échelle macroscopique de l'ordre de 10-1 m à l'échelle microscopique de l'ordre de 10-10 m ou passer d'un nombre de particules de l'ordre de 1022 dans un litre d'air à l'étude du comportement de quelques centaines. Les équations qui calculent les éléments de la visualisation respectent les lois de la mécanique newtonienne. En l'absence de gravité et d'interaction entre particules autre que les chocs élastiques, chaque particule individuelle suit un mouvement rectiligne et uniforme entre deux chocs (conformément au principe d'inertie, vu en seconde) et les chocs entre particules ou avec les parois respectent les lois de conservation de la quantité de mouvement et de l'énergie cinétique.

Ce que ne fait pas le logiciel et ce qu'il amène à découvrir

Le terme de pression n'est pas affiché sur l'écran de visualisation. La notion de pression est à construire par l'utilisateur à partir de l'effet moyen global des chocs sur les parois et à relier à la grandeur macroscopique « force par unité de surface ».

Le sens du mouvement de la paroi permet une comparaison des effets des chocs des particules sur la paroi centrale (échelle microscopique) et donc des pressions (échelle macroscopique) dans les deux cases. Le maintien à l'arrêt de la paroi s'obtient lorsque les forces pressantes dues aux effets des chocs s'exerçant à gauche et à droite sur la paroi centrale, sont égales, d'où égalité des pressions dans chaque case pD= pG.

L'explication de l'arrêt de la paroi permet une analyse plus fine des effets des chocs : l'égalité des pressions implique l'égalité des effets des chocs des deux côtés.

L'égalité des effets des chocs peut s'obtenir de diverses façons : les effets des chocs dépendent non seulement de leur nombre par unité de surface et de temps (le facteur fréquence), mais aussi d'un facteur dynamique, la « violence » moyenne de ces chocs. Le logiciel affiche le nombre de chocs par unité de surface sur la paroi centrale, c'est une donnée quantitative. Au contraire, le facteur dymamique des chocs, qui dépend de la masse et de la vitesse des particules (voir B.1. Compléments sur la théorie cinétique des gaz), devra être pris en compte par une approche qualitative, accessible aux élèves de seconde sous réserve d'un guidage minimal.

Les limites du logiciel
Le nombre de particules est limité :

  • Au-delà d'une centaine, les temps de calcul et d'affichage deviennent longs (selon le type de processeur) et l'image est peu lisible.

  • Rappelons que parler de température pour une particule n'a pas de sens physique, même si le logiciel simule le mouvement d'une particule unique dans une ou deux boites (paroi trouée) en respectant les lois de la mécanique.

Avec quelques dizaines de particules, les utilisateurs peuvent se faire une idée acceptable du point de vue de la physique, d'une part des effets d'un ensemble de chocs sur les parois à relier à la pression, et d'autre part du comportement d'un ensemble de particules à température donnée.

Dans une première approche avec des élèves de seconde, nous avons choisi la version « sans oscillation » de la simulation : un artefact a été introduit pour bloquer assez vite la paroi dans la position d'équilibre macroscopique, selon la loi pV = nRT. Mais les effets du faible nombre de particules peuvent être discutés avec la version « avec oscillation » : la paroi se déplace sous l'effet des seuls chocs dont les nombres aléatoires de part et d'autre entraînent des oscillations de la paroi.

A.3. Apprentissages attendus des élèves avec le logiciel

     Entre théorie et phénomènes, les modèles simulés par le logiciel ne donnent pas lieu à une activité de modélisation des phénomènes réels, même si ceux-ci en constituent la toile de fond. On privilégie ici une exploration et une manipulation des modèles théoriques via le modèle informatique.

     Les principaux effets pour l'apprentissage des élèves sont les suivants :

  • Favoriser la distinction entre le niveau macroscopique (les phénomènes, les variables pression, température...) et le niveau microscopique (les particules, leur agitation, l'effet des chocs sur les parois).

  • Identifier au niveau microscopique les variables correspondantes : masse et vitesse des particules.

  • Expliciter les liens entre les propriétés des particules du modèle et les effets macroscopiques prévus et observés sur la simulation.

  • Se construire une représentation mentale des concepts de pression et température tels qu'ils sont définis dans le cadre de la théorie cinétique.

     Plus précisément, le travail d'expérimentation sur les situations simulées devrait permettre de :

  • S'appuyer sur les lois de la mécanique déjà connues pour introduire l'idée de lois qui fondent la simulation. Cette première représentation du modèle en jeu permet de comprendre les actions des particules et leurs effets.

  • Raisonner par analogie macro/micro pour analyser plus finement les effets des chocs : les effets des chocs dépendent de deux facteurs, leur fréquence et l'impulsion moyenne de chacun d'eux.

  • Favoriser certains modes de raisonnement :

    • à plusieurs variables, sur un registre qualitatif,
    • en termes de co-variation, de comparaison, de compensation.

  • Permettre une approche intuitive d'un mode de pensée statistique, en considérant le comportement et les effets moyens d'un ensemble de particules.

     La planification d'ensemble d'une séquence d'enseignement sur ce thème en seconde est laissée au choix de l'enseignant. Les ressources proposées portent sur une ou deux séances centrées sur l'utilisation du logiciel, complémentaires de celles consacrées à l'analyse des phénomènes et à la vérification expérimentale des lois macroscopiques (pV = nRT ou loi d'Avogadro), conformément aux instructions du programme.

A.4. Modalités de travail avec les élèves

     Cette proposition implique des modalités de travail avec les élèves et des choix pédagogiques de la part des enseignants. Au delà de la contemplation de points simulant le mouvement des particules, on attend que l'utilisation du logiciel donne l'occasion aux enseignants de guider la construction conceptuelle par une mise en activité intellectuelle de l'élève.

     On attend par exemple que les enseignants posent des questions du type prévision-observation-débat pour impliquer les élèves dans l'expression de leurs idées préconçues, qu'ils favorisent l'émission d'hypothèses par les élèves, et qu'ils mettent en scène des situations paradoxales susceptibles de modifier leur point de vue et de susciter le débat.

     Diverses études didactiques sur lesquelles nous nous appuyons ont montré que la pression est souvent comprise comme « compression » ou « tassement » au niveau du collège (Séré 1985 ; Chomat, Larcher, Méheut 1990) comme au niveau universitaire (Rozier 1988). Une tendance du raisonnement commun (Viennot 1996) conduit à envisager les effets des chocs comme liés à un seul facteur privilégié, ici le nombre de chocs. On peut ainsi s'attendre à des difficultés croissantes pour l'apprentissage du modèle par les élèves :

  • que le facteur nombre de chocs ou « fréquence » soit plus spontanément associé à la densité de particules, un facteur géométrique, qu'à la vitesse des particules ;

  • que la prise en compte de l'aspect dynamique des effets des chocs (ce que les élèves de collège ont appelé la « violence » ou la « force » des chocs, Méheut 1996) pose plus de problèmes que la prise en compte de leur fréquence ;

  • que les effets des chocs soient liés simultanément à la fréquence et à la « violence ».

     C'est pourquoi nous proposons :

  • dans la partie B (B.1. Compléments sur la théorie cinétique et le modèle du gaz parfait) une justification théorique du découpage de la pression cinétique en deux facteurs et un rappel de la définition de la température T ;

  • dans la partie C, des exemples de scénarios pour mettre en scène avec les élèves une approche « à plusieurs variables » des effets des chocs et de l'agitation thermique.

     Le rapport de recherche est disponible à l'IUFM Nord Pas de Calais. Des ressources pour les enseignants seront en ligne sur le site du LDSP, Université Denis Diderot - Paris 7.

Françoise Chauvet
IUFM Nord Pas de Calais,
LDSP - Université Paris 7 Denis Diderot,
fchauvet@club-internet.fr

Chantal Duprez
Université de Lille I, LDSP
chantal.duprez@univ-lille1.fr

Isabelle Kermen
Université d'Artois, LDSP

Philippe Colin
IUFM Nord Pas de Calais, LDSP

Marie-Bernadette Douay
Lycée Jean Perrin, 59130 Lambersart

 

Suite de l'article Plan d'ensemble Accueil Articles Accueil du site