ÉDITORIAL
 

     L'EPI a mené depuis des mois des actions opiniâtres dans toutes les directions pour s'efforcer de convaincre les Pouvoirs publics de la réelle nécessité de poursuivre et d'amplifier la politique volontariste qui avait été affirmée de 1981 à 1986 en matière de diffusion de l'informatique et plus généralement des Nouvelles Techniques Éducatives (NTE) dans le système éducatif.

     Le détail de ces démarches a été exposé dans nos bulletins précédents et nous venons d'avoir la satisfaction de constater que ces démarches ont en partie abouti. En effet, pour la première fois depuis que le nouveau ministre a été nommé, nous trouvons mention de l'informatique, définie comme une « science autonome » et également comme « outil d'enseignement » dans un texte émanant du cabinet.

     Il s'agit de la mention suivante, intégrée dans un rapport annexé au projet de loi d'orientation sur l'éducation, daté du mois d'avril 89, page 15 : « L'informatique est une technique et une science autonome. Mais c'est également un outil d'enseignement permettant une meilleure individualisation de l'apprentissage, des situations pédagogiques nouvelles et le développement de capacités logiques et organisatrices. Elle peut être notamment mise au service des élèves qui courent un risque d'échec scolaire. Son développement à l'École, amorcé depuis 1970 et renforcé grâce au plan informatique pour tous, sera poursuivi et appuyé par un effort de recherche pédagogique. »

     Le progrès est considérable si l'on veut bien se rappeler que pendant des mois le mot « informatique » est resté désespérément absent des textes présentés par Lionel Jospin, Ministre d'État, et que ces quelques lignes ne figuraient pas dans le texte immédiatement antérieur (daté du 30 mars).

     Mais ce n'est pas suffisant, il faut maintenant que soient précisés les finalités, les moyens, les modalités et les échéances.

     Nous souhaitons que les débats, à l'Assemblée nationale puis au Sénat, donnent l'occasion de préciser cette volonté. Dans ce but, nous venons de nous adresser personnellement aux Députés et Sénateurs ayant soutenu notre action. Nous leur avons fait parvenir les principales propositions de l'EPI pour la relance d'une politique globale de déploiement de l'informatique, dans le cadre des NTE, s'inscrivant dans la durée et privilégiant les facteurs humains.

     Dès avril, le Bureau national a fait largement connaître les propositions d'action suivantes :

1 - Une déclaration du Ministre d'État, Ministre de l'Éducation nationale s'impose, réaffirmant l'importance des NTE (Nouvelles Techniques Éducatives) – qu'il convient de ne pas réduire à l'audiovisuel – comme facteur d'innovation et de modernisation du système éducatif.

     Une telle déclaration serait de nature à conforter dans leur démarche les enseignants (qui, depuis des années, parfois aux dépens de leur carrière professionnelle, développent tant d'activités dans ce domaine) et à inciter les Recteurs à poursuivre et à amplifier les efforts.

2 - Nécessité d'une circulaire de rentrée réaffirmant une politique volontariste, cohérente et s'exprimant dans la durée.

     Récemment, la circulaire n° 89-079 du 24 mars 1989 parue au BO n° 13 du 30 mars 89 rappelle, dans le cadre de la politique contractuelle des établissements d'enseignement supérieur, l'importance des nouvelles technologies et de l'informatique pédagogique dans les projets d'établissement. Nous souhaitons un texte similaire pour les établissements du second degré et pour les écoles.

3 - Création d'une mission ou d'un Haut Comité pour les techniques modernes d'enseignement, placé directement sous la responsabilité du Ministre d'État, rassemblant les compétences réelles, qui aurait à faire des propositions pour le moyen et le long terme.

4 - Relancer les concertations (consultation des compétences reconnues) dans tous les domaines et particulièrement dans ceux des matériels – répondant aux besoins des enseignants et des élèves –, des logiciels, des formations, de la recherche...

     Mettre en place une consultation nationale (annoncée dès janvier 89) sur Minitel (36-13 EDUTEL).

5 - Mettre en place dans toutes les formations initiales des futurs enseignants (de tous les ordres d'enseignement et de toutes les disciplines), une formation aux NTE.

     Dans ce but, intégrer les Centres de formation approfondie à l'informatique pédagogique aux Instituts Universitaires de formation des maîtres (IUFM).

     Se donner les moyens de vérifier que les candidats aux concours de recrutement (cf. décret de mars 86, non appliqué) ont une certaine maîtrise des NTE.

6 - Amplifier les efforts en ce qui concerne les formations continues (dont les contenus devraient être soumis à concertation) pour les personnels en activité.

7 - Promouvoir une politique cohérente en matière de recherche pédagogique, en liaison étroite avec le terrain et s'exprimant dans la durée.

     Rechercher systématiquement les apports incontestables des NTE dans tous les domaines : modernisation et diversification des approches dans toutes les disciplines, présentation des concepts difficiles, mise en situation de recherche de l'élève, individualisation du travail mais aussi travail en groupe autour d'un projet commun, soutien, développement de capacités transversales en terme de savoir et savoir-faire...

     Se donner les moyens de la diffusion des résultats des recherches au sein du corps enseignant.

     Assurer la liaison avec les IUFM (Centres de formation mais aussi de ressource et de recherche pédagogique).

     Tirer tout le parti des expérimentations précédentes, définir ensuite de nouvelles bases et une nouvelle prospective.

8 - Relancer une politique nationale de logiciels pédagogiques en créant un Atelier National Logiciel (ANL) doté de moyens suffisants et rassemblant les compétences actuellement dispersées dans le service public (ULE/CNDP, CRDP, INRP...), mais aussi permettant de conserver dans l'Éducation nationale des compétences qui, une fois acquises par certains enseignants, fuient ensuite le système pour être utilisées ailleurs. Ce centre national devrait atteindre une « masse critique » – jusqu'ici jamais réalisée – indispensable à son efficacité. Il établirait le lien entre les Centres académiques compétents (quand ils existent), pourrait réaliser un partenariat efficace avec le secteur privé et pourrait promouvoir une ingénierie pédagogique exportable en Europe et dans les pays francophones (La France dispose actuellement de cette compétence qui, observée par l'étranger, est pourtant insuffisamment exploitée dans le service public où elle se dégrade sans se renouveler).

9 - Programmer une généralisation de l'option informatique des lycées (actuellement, 40% des lycées publics) car elle répond à un réel besoin.

     Assurer son évolution (grâce au Comité Scientifique National – CSN) vers une meilleure adaptation à l'ensemble des élèves.

     Un tel type d'enseignement optionnel devrait être généralisé à l'ensemble des formations de niveau 4, lycées professionnels compris.

     Une discipline informatique nouvelle n'est pas souhaitable ; pas plus qu'il n'est souhaitable de rattacher l'informatique aux mathématiques ; l'informatique est par nature transdisciplinaire et son approche doit être le fait de toutes les disciplines.

10 - Il faudra doter les établissements de moyens indispensables (dont l'absence constitue actuellement un « facteur limitant ») à l'animation pédagogique du centre informatique. Dans un premier temps, dans le cadre du fonds d'innovation pédagogique (PAE, Projet d'Établissement...) mais il faudra à terme prévoir des moyens réguliers.

11 - Observer les expériences des autres pays, et en particulier de ceux ayant une certaine avance sur la France ; encourager les actions communes (CEE) toutes les fois qu'elles sont pédagogiquement possibles et souhaitables.

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     L'évolution est amorcée ; au moment où nous écrivons ces lignes il y a volonté déclarée de poursuivre les actions menées de 81 à 86. Nous voulons croire que la nécessité d'une politique cohérente de développement des Nouvelles Techniques Éducatives sera bientôt évidente pour tous à moins de douze années du XXIe siècle.

Roland RAMIS
Jacques BAUDÉ

Paru dans le Bulletin de l'EPI  n° 54 de juin 1989.
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