Les 21 et 22 novembre 1983 a lieu, sur proposition de l'EPI au ministre Alain Savary et avec la participation active de l'Association, un grand colloque « Informatique et enseignement ». Ce colloque a connu une affluence record et a permis aux très nombreux visiteurs de participer à de nombreuses tables rondes et à des démonstrations très variées souvent proposées par les adhérents de l'EPI. Nous reproduisons ci-dessous le discours d'ouverture du ministre de l'Éducation nationale et par ailleurs celui de clôture de François Mitterrand, Président de la République. Ces discours ont été publiés dans le numéro 32 (décembre 83) du bulletin de l'EPI. Les actes du colloque ont fait l'objet d'une publication CNDP-La Documentation française (Paris 1984)


Allocution prononcée par Alain Savary, Ministre de l'Éducation nationale

 
     Mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir bien voulu répondre à notre invitation, marquant ainsi votre intérêt pour l'avenir des relations entre l'Informatique et l'Enseignement.

     Mes chers collègues, je vous remercie de souligner par votre présence la dimension gouvernementale des choix qui ont été faits pour que l'enseignement, au service de tous, donne à chacun la maîtrise des nouveaux outils qui ont pour nom « Informatique ».

     Le moment est venu en effet de mettre en présence l'ensemble des acteurs de l'éducation et ceux qui utilisent, conçoivent, ou diffusent les produits de l'informatique ; à cette rencontre, il y a deux raisons essentielles :

  • la rénovation de notre système éducatif est engagée ; elle doit permettre à la fois l'élévation du niveau culturel pour un plus grand nombre et une meilleure préparation à l'entrée dans la vie active et aux transformations du monde de la production ;

  • la conquête des nouveaux espaces économiques et culturels ne peut plus être envisagée sans l'informatique ; il n'y a pas de science de substitution, ni de stratégie de contournement.

     La conjonction du volontaire et de l'inéluctable ne va pas sans poser de questions ; les tables rondes prévues au cours de ce colloque sont organisées justement autour des thèmes principaux de nos interrogations, et je crois que chacune des vôtres y trouvera l'occasion de s'exprimer.

     Si ce colloque permettait de dégager une communauté d'interrogations, je crois qu'il nous aurait déjà fait franchir un grand pas.

     Ce que je vous demande de garder présent à l'esprit - je n'ose pas dire « garder en mémoire » - tout au long des débats, c'est ceci.

     Face à la généralisation des applications informatiques dans la vie économique sociale et culturelle, la décision d'en tirer toutes les conséquences à chaque niveau de l'appareil éducatif est prise. Elle s'appuie sur des moyens matériels et humains progressivement mobilisés.

     Au terme du IXe Plan en 1988, la présence de l'informatique sera effective dans l'ensemble du système scolaire qui disposera de plus de 100 000 micro-ordinateurs. Aux mêmes dates, 100 000 enseignants auront reçu en formation continue les moyens cognitifs et pédagogiques leur permettant de mettre ces nouveaux outils au service de l'acte éducatif.

     Vous me permettrez de m'arrêter quelques instants sur cette double réalité.

     II n'y a pas pour nous dans l'enseignement d'opposition entre préparation professionnelle et culture. Certes, la formation d'un nombre plus important de spécialistes de l'informatique nous est imposée par l'envergure des enjeux économiques de son développement. II n'est cependant pas possible de concevoir à terme cette formation sans qu'elle puise son dynamisme dans l'existence d'un vivier de compétences beaucoup plus large permettant les orientations et les choix.

     Le poids des enjeux sociaux, et non plus seulement économiques, entraîne la nécessité d'assurer, par la formation, un vaste champ de diffusion pour la connaissance de l'informatique. C'est la condition pour que se crée dans le pays un réflexe d'utilisation rationnelle des outils informatiques sur le plan individuel et professionnel.

     La dimension informatique de la culture de base sera donc introduite au bénéfice de tous, et cela dès l'école primaire.

     Par ailleurs nous sommes engagés dans un processus visant à élargir la fonction de démocratisation du système scolaire. L'informatique doit participer à cet objectif.

     Aujourd'hui les possibilités d'accès aux micro-ordinateurs et à leur compréhension ne sont pas également distribuées. Le risque subsiste de voir s'accroître par là les inégalités socioculturelles. Le rôle du système scolaire est donc d'agir par priorité en direction des élèves pénalisés dans leur accès à l'informatique, ceux qui rencontrent, des difficultés, ceux qui sont en situation d'isolement, ceux qui sont proches de l'entrée dans la vie active.

     Pour cet ensemble de raisons, le développement de l'informatique dans l'enseignement passe par la maîtrise pédagogique du phénomène.

     J'ai dit à l'instant quel était notre objectif quantitatif pour la formation des maîtres. Pour l'atteindre, un dispositif original a été mis en place : 20 centres de formation à l'informatique et à ses applications pédagogiques sont ouverts en milieu universitaire. Ils accueillent et accueilleront chaque année 500 enseignants pour une formation approfondie. Ces formateurs sont intégrés ensuite dans des équipes académiques assurant à leur tour la formation des enseignants utilisateurs directs des micro-ordinateurs, mais aussi la création de logiciels pédagogiques ainsi que des enseignements d'informatique.

     C'est ainsi qu'au rythme de 20 000 enseignants formés par an, nous atteindrons l'objectif fixé. Mais à ceux-là s'ajoutent les flux de maîtres issus de la formation initiale qui auront reçu à ce titre les moyens offerts par ailleurs à leurs collègues déjà en fonction. C'est dire qu'en terme de formation des personnels et d'équipement en matériels, nous disposerons en 1988 de la masse critique nécessaire à la conversion complète de notre système éducatif.

     Reste le problème des logiciels.

     L'utilisation des ordinateurs dans l'enseignement ne peut s'étendre que si l'on dispose de nombreux logiciels de qualité, adaptés à la diversité des situations et des objectifs pédagogiques.

     L'Éducation nationale dispose déjà d'un potentiel significatif de logiciels pédagogiques dont l'organisation de la production et de la diffusion a été confiée au Centre national de documentation pédagogique qui nous les présente ici même.

     Le logiciel d'enseignement devient l'un des supports pour une pédagogie rénovée. Son développement quantitatif et qualitatif constitue un véritable enjeu culturel qui dépasse nos frontières. Le ministère de l'Education nationale prend donc une participation active dans la mise en place, en collaboration avec d'autres partenaires institutionnels et industriels, de structures pour la fabrication et la diffusion en grand nombre de logiciels pédagogiques.

     De nouveaux partenaires sont associés à ce programme, au-delà des partenaires habituels que sont les parents, les élèves et les enseignants, et parmi eux :

  • différents ministères ici représentés, notamment le ministère de l'Industrie et de la Recherche avec lequel un protocole est en cours de signature ;

  • les élus et responsables des collectivités territoriales auxquelles la décentralisation confère des responsabilités accrues ;

  • et aussi les industriels, les constructeurs, les éditeurs.

     L'une des tables rondes de ce colloque est consacrée au logiciel pédagogique et à l'industrie française qui peut se développer autour de lui.

     Je sais que je ne suis pas le seul à attendre beaucoup de la confrontation d'idées et d'expériences qu'il va permettre.

     Diffusion culturelle précoce, formation à l'usage professionnel généralisé de l'informatique, correction des inégalités dans et par l'informatique, telles sont nos ambitions éducatives.

     Équipement des établissements, formation des maîtres, production de logiciels, sont nécessaires pour que nos ambitions ne soient pas vaines. Je tenais à souligner qu'en vous réunissant c'est le concours des acteurs pour un projet global et réel que je sollicitais, et non pas le débat d'idées générales sur des intentions floues.

     L'Éducation nationale entre toute entière dans l'avenir informatique ; cela méritait que tous ses partenaires en débattent, car face à ce choix notre responsabilité est et va devenir encore plus collective.

     Si j'ai brièvement évoqué jusqu'ici le rôle, dans cette politique nouvelle, de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce n'est pas parce qu'ils n'en sont ni l'objet ni l'objectif, au contraire.

     Rien dans le choix que nous avons fait n'aurait été possible si n'avaient pas existé dans les universités, les écoles et les équipes de recherche, les idées, les méthodes et surtout les hommes capables de faire naître cette ambition collective et de la faire progressivement passer dans les faits.

     Ils sont ici, je le vois, largement représentés. Mais, par le soutien à la recherche et à l'enseignement supérieur engagé dès 1981, spécialement pour l'informatique, j'avais le sentiment que la volonté gouvernementale avait été démontrée et que c'est aux aspects plus récents de nos orientations qu'il convenait de s'attacher aujourd'hui.

     En vous souhaitant pour ces deux journées, mesdames et messieurs, richesse et qualité dans vos échanges d'analyses et de propositions, vous permettrez que mon ultime propos, le dernier mais non le moindre, aille à ceux qui ont eu la charge matérielle et intellectuelle de rendre possible de colloque. Qu'ils sachent simplement que la concision de mon remerciement est inversement proportionnelle à l'étendue de notre gratitude.

 
Paru dans le Bulletin de l'EPI  n° 32 de décembre 1983.

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