ÉDITORIAL

TRENTE ANS DÉJÀ !

 

Si l'histoire de l'E.P.I. ne coïncide pas totalement avec celle du développement de l'informatique dans le système éducatif - commencé dès les années 60 dans les enseignements technologiques - les parcours furent néanmoins très liés.

Fondée en 1971 (J.O. du 1er février) par les premiers stagiaires "lourds" chez les constructeurs de l'époque (IBM, CII, Honeywell-Bull), l'E.P.I. a été partie prenante de tous les épisodes du déploiement, parfois hésitant, parfois accéléré, des technologies "nouvelles" (éternellement nouvelles) au sein de l'École.

Dès sa création, l'E.P.I. s'est donnée des orientations qui sont restées globalement les siennes au fil des années. Ainsi l'éditorial du Bulletin n° 1 de l'association insiste sur l'importance de l'informatique pour le système éducatif, la vocation pluridisciplinaire de cette démarche, le refus du dogmatisme (l'informatique comme "outil" dans les disciplines, comme méthode de pensée, mais aussi comme matière à enseigner). Il s'achève par un appel à la vigilance : "Membres de l'enseignement public, nous ne devons pas nous laisser déposséder de nos responsabilités. C'est à nous qu'il appartient de dire comment nous utiliserons et comment nous n'utiliserons pas l'informatique".

Les adhérents de l'association jouent un rôle important dans l'expérience des 58 lycées (et collèges) qui marque la décennie 70 et dans le développement de la Section Informatique et Enseignement (SIE) de l'INRDP au sein de laquelle sont élaborés les premiers logiciels pédagogiques dans les différentes disciplines. Tout était à inventer.

Après le  coup d'arrêt  de 1976, dû à l'abandon politique du "Plan Calcul", le Président Giscard d'Estaing demande, en 1978, au gouvernement de relancer un nouveau plan informatique pour accroître l'efficacité et la compétitivité du système économique. Ce sera pour le système éducatif le plan "10 000 micro-ordinateurs". L'intérêt pour l'informatique pédagogique (expression due à l'E.P.I.) est relancé. Début 1979, l'E.P.I. publie son premier manifeste pour étendre et diversifier l'informatique dans l'enseignement : "Nul ne peut ignorer l'informatique dans le monde moderne. Elle nous concerne tous comme travailleurs, comme consommateurs, comme citoyens et elle nous concerne d'autant plus qu'elle a des implications, non seulement dans le domaine matériel, mais aussi dans celui de la pensée et de la communication. En tant qu'outil pédagogique, elle peut s'appliquer à tous les niveaux d'enseignement. Mais elle ne doit pas se limiter à cela . Elle doit aussi devenir un élément de culture générale dont tous les élèves puissent bénéficier".

Au fil des années, force de proposition et d'action, l'E.P.I. s'est toujours attachée à la promotion du Service public, elle a toujours considéré que ses actions étaient complémentaires de celles du Ministère de l'Éducation nationale parfois bien lentes à venir. Ses analyses - souvent reprises sans que les sources soient forcément citées - ont fini par s'imposer comme allant de soi dans de nombreux domaines, même si les décideurs ne trouvent pas toujours les moyens de les mettre en œuvre faute de savoir redéfinir les priorités.

Ce n'est pas ici le lieu pour un historique exhaustif. Nous renvoyons les collègues intéressés à l'excellente mise au point d'Émilien Pélisset [1] pour la période 1960-1985, incluant donc l'opération "Informatique Pour Tous" pour laquelle l'E.P.I. s'est activement mobilisée et sur laquelle on peut lire tant de contre-vérités.

La suite est connue de tous. Le retour de la Droite en 1986 donne un coup d'arrêt à l'opération IPT. Les moyens du service public sont considérablement réduits même si un certain nombre d'avancées positives ont lieu dans les enseignements technologiques, les classes préparatoires et les licences mixtes. Le retour de la Gauche en 1988 n'est pas synonyme de relance. Une politique volontariste et cohérente se fait attendre. La formation des enseignants - première revendication de l'E.P.I. historiquement et pendant trente ans - reste le point le plus mal traité du vaste dossier des T.I.C. Si une prise de conscience de l'importance des technologies de l'information et de la communication est de plus en plus évidente, les moyens suivent mal. Les autres points faibles sont la politique des logiciels, l'évolution des programmes et des concours de recrutement, les errements autour d'une discipline "informatique", la maintenance et l'assistance pédagogique sur le terrain, les disparités en matière d'équipement.

Le discours de Lionel Jospin le 25 août 1997 à Hourtin a manifestement provoqué une accélération salutaire, que nous appelions depuis longtemps de nos vœux, et qui s'est concrétisée par l'annonce par Claude Allègre d'un plan, accompagné de moyens budgétaires, pour le développement de l'usage des TIC dans le système éducatif. Si nous y avons retrouvé avec satisfaction un certain nombre de nos propositions et demandes nous avons par contre déploré la lenteur de sa mise en œuvre toujours pour les raisons exposées précédemment aggravées de surcroît, au niveau de l'indispensable formation continue, par la suppression hâtive des MAFPEN, les IUFM n'étant pas encore à ce jour en mesure d'en assurer pleinement les tâches qui leur incombaient.

C'est une affaire entendue, plus personne ne songe à nier la nécessité de former les futurs citoyens aux Technologies de l'Information et de la Communication. Des pans entiers du discours que nous avons été pendant longtemps quasi seuls à tenir, sont repris comme des évidences. C'est tout juste si l'E.P.I. n'est pas accusée de truisme voire de plagiat !

Faut-il pour autant considérer que le rôle de l'association s'arrête là ? Nous ne le pensons pas. D'une part parce qu'il y a encore loin des déclarations aux actes, d'autre part, comme le souligne Pierre Muller par ailleurs [2], "Il ne suffit pas de dire qu'on se propose "de faire franchir un pas de géant à la société" et de "moderniser le service public de l'éducation nationale". Il faut aussi travailler sur les contenus et argumenter sur le fond... C'est ici qu'à côté des instituts de recherche et des équipes d'enseignants dans les établissements, notre association a toujours un rôle irremplaçable à jouer pour faire connaître les méthodes d'utilisation de ces outils et en discuter le bien-fondé."

Jetons un œil sous cet angle au sommaire de ce numéro 100. La pédagogie et les réflexions nourries du passé mais résolument tournées vers l'avenir sont omniprésentes. Enseignements primaire et secondaire sont également représentés. On y traite de multimédia, d'hypermédia, d'intranet, d'Internet sous l'angle de leur utilisation pédagogique mais aussi d'enseignement de l'informatique et des Tic, de recherche pédagogique, de bourse de diffusion de programmes pédagogiques et de logiciels libres, où à l'évidence les enseignants que nous sommes ont leur mot à dire.

Regardons également les numéros successifs d'EPI.Net, le magazine électronique de l'E.P.I. [3], dont l'audience s'accroît de semaine en semaine (plus de 50 000 lecteurs) ; l'essentiel de son volume est consacré aux témoignages pédagogiques d'acteurs du terrain et aux adresses utiles aux enseignants, et à leurs élèves, pour une recherche maîtrisée de l'information.

Arrêtons nous aussi sur les autres productions de l'E.P.I. [4] Ses coéditions entièrement axées sur les utilisations en classe des technologies de l'information et de la communication. Ses dossiers proposant des éléments pour un enseignement de l'informatique au lycée. Ses logiciels (bourse, cédéroms...) aux orientations résolument pédagogiques où le fond ne sacrifie jamais à la forme.

Ainsi, l'E.P.I. continue inlassablement à apporter sa contribution au déploiement de l'informatique et des technologies de l'information et de la communication au sein du service public d'éducation nationale. Souhaitons, qu'avec le soutien des pouvoirs publics, elle puisse le faire encore pendant de longues années.

Paris, janvier 2001

Jean-Bernard Viaud
Président de l'EPI

Jacques Baudé
Président d'Honneur

Paru dans la Revue de l'EPI  n° 100  de décembre 2000.

NOTES

[1]« Pour une histoire de l'informatique dans l'enseignement français , premiers jalons », Émilien Pélisset in Système éducatif et révolution informatique, Collection Recherche des Cahiers de la FEN, 1985.

[2]. Voir en page 9 de la présente revue.

[3]. Les numéros déjà parus sont disponibles à l'adresse : http:\\www.epi.asso.fr\epinet.htm

[4]. Voir en pages 205-235, 237-240 de la revue ou sur le Web EPI rubrique logiciels

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(1er février 2001)

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