ÉDITORIAL

 

Durant les premiers jours de cette année, les 80 professeurs retenus pour suivre une formation approfondie chez trois constructeurs d'ordinateurs s'aperçurent qu'il était nécessaire de créer une structure d'accueil. Celle-ci dans un premier temps devait leur permettre de traiter quelques questions pratiques portant sur l'organisation du stage. puis très vite les problèmes plus généraux que pose l'introduction de l'informatique dans notre enseignement imposèrent une assise plus large.

Une lettre polycopiée adressée par l'intermédiaire du CNTE a permis un recrutement massif parmi les collègues inscrits au cours par correspondance et nous approchons maintenant du millier d'adhérents.

Aussi une première assemblée générale a-t-elle pu avoir lieu le 10 juin, offrant l'occasion d'utiles échanges de vues, mais montrant aussi l'importance du chemin qui reste à parcourir.

C'est ce chemin que nous voudrions essayer de définir ici, en cherchant quels objectifs notre Association pourrait se proposer. Nous aborderons d'abord les aspects pratiques de notre action car ils nous paraissent plus faciles à préciser.

Tout en ayant son siège 110, rue de Grenelle, adresse imposée par les circonstances, notre Association n'est ni un organisme officiel dépendant du Ministère de l'Éducation nationale, ni un syndicat participant à des commissions paritaires. C'est dire qu'elle ne peut se charger d'inscriptions aux cours du CNTE ou répartir les postes de stagiaires pour la formation approfondie. Cependant, puisqu'elle rassemble des membres de l'enseignement public, nous pensons qu'elle n'en a pas moins une action à mener auprès des pouvoirs publics dans le domaine qui est le sien, en particulier pour favoriser le recyclage et la formation permanente des enseignants et pour obtenir des moyens matériels qui permettent la recherche et l'expérimentation pédagogiques.

L'Association peut agir aussi plus directement, car elle constitue un lieu de rencontre entre les enseignants. C'est pourquoi dès cette année nous souhaitons implanter des régionales dans toutes les académies (une première liste est donnée dans ce numéro). La constitution des équipes, la confrontation des idées et des expériences en seront facilitées.

Enfin, par l'intermédiaire du bulletin, nous voulons posséder un moyen d'information où nous pourrons trouver des comptes rendus d'expériences, de visites, de lectures, des renseignements pratiques, des articles théoriques.

Soulignons ici que la force et l'efficacité de notre Association dépendent de tous ses adhérents et que nous faisons appel à toutes les bonnes volontés pour compléter la liste des correspondants régionaux, aider ceux-ci dans leur tâche afin de constituer sur place des commissions de travail et fournir des articles au bulletin. C'est ainsi seulement que nous pourrons nous aider mutuellement à envisager ce délicat problème : l'introduction de l'informatique dans notre enseignement.

En effet, si les modalités de notre action se définissent presque avec évidence, la position que nous devons adopter en face d'un tel problème ne saurait être dogmatique. Le phénomène est trop récent, les expériences encore trop peu nombreuses, même à l'étranger, pour que nous puissions designer avec certitude les applications qu'il faut repousser à tout prix et celles qu'il faut encourager. Tout au plus pouvons-nous nous contenter d'affirmer quelques principes.

1 - On ne peut ignorer l'informatique qui prend une place de plus en plus grande dans notre civilisation. Et les enseignants moins que personne, car il ne s'agit pas seulement d'une industrie, mais d'une méthode de pensée. Nous aurions honte d'énoncer ce lieu commun si nous n'avions entendu les jugements irraisonnés que portent tant de gens et parmi eux, il faut hélas le reconnaître, tant d'enseignants. Contre ce mal, il n'est qu'un seul remède, l'information et nous ne penserons avoir réussi que lorsque tous les membres de l'enseignement public auront rejoint notre Association !

2 - C'est donc une vocation universelle, et - deuxième lieu commun - pluridisciplinaire que nous pouvons affirmer ; ceux de nos collègues qui ont suivi les cours de la formation approfondie ont appris par une année de travail commun que des problèmes semblables se posaient dans toutes les disciplines. L'informatique permet de dégager des notions communes, valables dans toutes les disciplines entre lesquelles elle pourrait ainsi constituer un lien bénéfique aussi bien pour les élèves que pour les professeurs.

3 - Notre attitude doit rester accueillante à l'égard des diverses expériences pédagogiques. L'introduction de l'informatique se présente actuellement, semble-t-il, sous trois aspects :

  • comme l'enseignement d'une matière nouvelle (sections et établissements spécialisés, cours pour volontaires, enseignement intensif de quelques jours pour tous les élèves d'un même niveau) ;

  • comme l'enseignement d'une méthode de pensée à l'intérieur des matières existantes, chaque professeur retrouvant dans sa discipline les notions fondamentales de modèle, d'algorithme, d'information ;

  • comme l'utilisation d'un moyen nouveau, comparable à ce que fut le premier livre imprime , aidant le professeur dans la partie répétitive de son travail.

Si la politique du ministère consiste à favoriser la deuxième solution et malgré l'intérêt d'un tel choix qui facilite les rapports entre les différentes spécialités, nous pensons que nous devons nous intéresser à ces trois types d'expériences. L'avenir nous dira quelle est la voie la plus sûre . Mais peut-être s'agit-il de trois aspects complémentaires qui devraient coexister. En tout cas, nous ne pouvons ni ne devons choisir dès maintenant.

4 - Notre attitude doit aussi être vigilante nous pressentons les avantages que l'informatique peut apporter a notre enseignement ; nous nous préoccupons également des dangers que pourrait représenter l'utilisation d'un tel outil par des gens mal informés ou uniquement soucieux de bénéfices commerciaux. Membres de l'enseignement public, nous ne devons pas nous laisser déposséder de nos responsabilités. C'est à nous qu'il appartient de dire comment nous utiliserons et comment nous n'utiliserons pas l'informatique. Nous rejoignons ainsi le devoir d'information indiqué plus haut : au lieu de se contenter d'un sourire dédaigneux et ironique, il vaut mieux aborder le problème en face.

Nous ne pouvons guère aller plus loin que ces principes, mais nous pensons qu'ainsi formulés, ils peuvent aider notre travail. Nous attendons vos suggestions et vos critiques pour que dans ce bulletin s'ouvre un large débat sur ce qui fait notre raison d'être.

Paru dans le Bulletin de l'EPI  n° 1  de décembre 1971.
et dans la  Revue de l'EPI  n° 104  de décembre 2001.
Vous pouvez télécharger cet article au format .pdf (99 Ko).

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