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14 novembre 2022 – Réforme du lycée

Synthèse des impacts de la réforme
du lycée général sur les parcours scientifiques
et pistes d'améliorations possibles
 

NDLR-EPI : La synthèse ci-après du Collectif Maths&Sciences sur « Des impacts de la réforme du lycée général sur les parcours scientifiques et pistes d'améliorations possibles » est antérieure à l'intervention du Ministre du 14 novembre lors des « Assises des mathématiques » [1]. Centrée sur les mathématiques, mais intégrant les sciences en général, cette synthèse conserve toute sa pertinence. L'EPI, membre du Collectif Maths&Sciences, en est signataire. Notre association en profite pour redire ici l'impérieuse nécessité de réorganiser le lycée général en séries, rénovées et diversifiées, sans hiérarchisation, permettant le retour du groupe classe. En clair, d'en finir avec la réforme du lycée source de problèmes insolubles.

   Ce document du Collectif Maths&Sciences [2] concerne l'évaluation des impacts de la réforme du lycée général sur les sciences. Il présente un état des lieux des parcours scientifiques au lycée général puis les impacts et causes majeures de la réforme du lycée sur ces parcours. Enfin, il propose des pistes qui pourraient aider à répondre aux problèmes soulevés par ces études.

1. Les parcours possibles des élèves à profils scientifiques actuellement :

   En première, un élève doit suivre un tronc commun de 16h dans lequel le seul enseignement en lien avec les sciences est un enseignement de culture scientifique générale de 2h, et choisir 3 enseignements de spécialité de 4h hebdomadaires parmi 13 choix, dont les 5 sciences : Maths, NSI, PC, SI, SVT [3]. En terminale, l'un des enseignements de spécialité doit être abandonné et les 2 spécialités restant sont alors de 6h par semaine. Dans le tronc commun la philosophie remplace le français, pour 4h hebdomadaires.

- En première, des choix scientifiques restreints : contenu de sciences maintenu ou ouverture du profil et perte de sciences.
   Pour conserver la polyvalence scientifique possible avant la réforme en 2019, un élève de première doit restreindre ses 3 choix aux seules disciplines scientifiques, dont les mathématiques, qui lui sont indispensables : il est impossible d'élargir les choix scientifiques au-delà de 2. Il ne peut ouvrir son profil sans perte de formation en sciences comparé à l'ancienne offre de 1re S.

- En terminale, choix entre perte de polyvalence scientifique, ou perte de formation en mathématiques.
En terminale, l'abandon obligatoire d'une spécialité ne laisse qu'une seule science possible aux profils scientifiques qui souhaitent conserver les maths à un niveau nécessaire pour l'accès à la plupart des formations scientifiques adossées aux mathématiques. Le maintien des 2 disciplines scientifiques oblige l'abandon des maths qui peut être compensé seulement par le choix d'une option, Maths complémentaires de 3h par semaine.

- Maths complémentaires : une option déterminante pour l'accès aux formations scientifiques polyvalentes.
   Cette option est aujourd'hui l'unique manière de garder une polyvalence scientifique en terminale. Elle est conseillée à de nombreux élèves souhaitant s'orienter vers des filières du supérieur utilisant des mathématiques, hors des formations fortement adossées aux mathématiques pour lesquelles la spécialité maths de terminale est indispensable.

   Bien que le format et les contenus semblent parfois insuffisants, elle concerne toutes les formations scientifiques polyvalentes.

Le bilan 2019-2021 des profils scientifiques

- En première en 2021, 130 000 élèves suivent 3 enseignements scientifiques équivalents à l'ancienne 1re S. Ils étaient 200 000 avant la réforme en 2019 [4].

- En terminale en 2021, 100 000 élèves suivent des enseignements de spécialité Maths/Sciences de 6h chacun, avec une seule science. Ils étaient 200 000 avant la réforme en Terminale S qui proposait 6h de maths ou plus et jusqu'à 3 disciplines scientifiques hors maths.

- En terminale en 2021, 35 000 élèves suivent 2 enseignements scientifiques de 6h avec seulement 3h de maths, en option Maths complémentaires. Auparavant, ces élèves auraient eu 6h de maths en Terminale S.

2. Impacts de la réforme du lycée général mis en évidence par le Collectif Maths&Sciences [5]

De manière générale, on observe des aggravations des inégalités dans l'accès aux parcours mathématiques et scientifiques, assorties d'une baisse des effectifs pour ces profils d'élèves.

- En maths :

• Abandon massif en première et en terminale, touchant 1/3 des élèves en 1re et environ la moitié en terminale.

• Rupture dans la lutte contre les inégalités filles-garçons dans les parcours en mathématiques et un recul de 25 ans.

- En sciences :

• Rupture dans l'évolution des effectifs scientifiques en première et terminale, en baisse de 50 % en terminale pour les élèves suivant un enseignement de maths de 6h ou plus.

• Rupture dans la lutte contre les inégalités filles-garçons de plus de 20 ans pour les sciences.

• Chute brutale de la part des filles scientifiques gardant un parcours de maths en terminale de 6h ou plus, inédite depuis 1970 (moins de 36 % de filles dans ces parcours, contre 47,5 % en 2019).

Identification des principales origines des impacts de la réforme par le Collectif : l'architecture en cause

   Absence de sciences et de maths dans le tronc commun adaptés aux orientations scientifiques : l'impossibilité du droit à l'erreur, fatale aux changements d'avis pour des parcours scientifiques en cas de mauvais choix d'orientation.

- Absence de choix de parcours de maths en première : conduisant à l'abandon massif des maths de spécialité.

- Perte de polyvalence scientifique en terminale : conduisant à l'abandon massif des maths de spécialité.

- Statut d'option des maths de terminale : facteur aggravant d'inégalité territoriale et pour les milieux peu informés.

3. Ce qui serait prévu pour la rentrée 2023, d'après les dernières annonces du ministre [6]

- Ajout de 1h30 de mathématiques dans le tronc commun au sein d'un nouvel enseignement scientifique et mathématique de 3h30 en remplacement de l'actuel enseignement scientifique de 2h.

- Maths complémentaires ouverte à tous ; actuellement réservée pour les élèves ayant suivi les maths de spécialité en première et se destinant à des études nécessitant des mathématiques.

Des mesures qui ne règlent pas les problèmes, voire les aggravent [7]

-Volume horaire insuffisant : pour une discipline cumulative qui nécessite du temps pour installer durablement les automatismes de savoir.

- faire aussi bien en technique de calculs qu'en raisonnement.

- Pas de mathématiques en tant que discipline propre : en incluant les maths uniquement dans l'enseignement scientifique, on les réduit à un statut d'outil au service de certaines sciences Or, les mathématiques sont diverses : elles sont à la fois discipline propre et se nourrissent de toutes les autres disciplines qu'elles servent en retour.

- En première, aucun impact sur le public scientifique : alors qu'il est absolument nécessaire de l'élargir rapidement.

- En terminale impact négatif sur le public scientifique : l'option maths complémentaire réservée aux élèves ayant suivi les maths de spécialité de 1re devient accessible à tous. Ses contenus déjà insuffisants pour certaines formations, notamment des formations scientifiques féminisées, seront donc encore allégés au détriment des élèves scientifiques et des filles.

4. Points de convergence du Collectif Maths&Sciences

   Sans remise en question de l'organisation actuelle du lycée, aucune amélioration n'est possible à court terme : ni pour une remontée des effectifs scientifiques ni pour une réduction significative des inégalités aggravées dans ces parcours. Le Collectif Maths&Sciences s'accorde sur les points suivants :

- Nécessité d'un enseignement de maths pour tous dans le tronc commun adapté à chacun, avec une épreuve nationale en fin de première.

- Nécessité d'assurer un socle scientifique significatif pour tous jusqu'en terminale.

- Nécessité de préserver une polyvalence scientifique en première et terminale pour les élèves à profils scientifique en particulier.

- Nécessité d'intégrer les options de terminale dans le cursus standard.

Pistes possibles d'amélioration

- En première, traiter les maths comme le français, pour tous, en adaptant les contenus de maths au profil de l'élève.

- En première et en terminale, rééquilibrer les sciences en augmentant le volume d'heure minimal de sciences pour tous.

- En terminale, créer des enseignements mineurs obligatoires permettant de garder de la polyvalence et intégrant les options.

Des pistes en accord avec les orientations souhaitées du ministère

- Pas de remise en cause des fondamentaux de la réforme.

- Pas de discipline pénalisée.

- Un coût global en postes quasi nul, sans augmentation immédiate des besoins en postes de professeurs de maths.

- Appui sur l'idée du ministère concernant la mise en place d'un enseignement type « maths pour tous ».

- Amendements limités à des contenus déjà existants en première rendant possible une mise en place dès 2023 en première.

- Réflexion sur les contenus de nouveaux enseignements mineurs compatible avec une mise en place en terminale en 2024 sans précipitation.

Point de vigilance :
Concevoir des programmes de maths et d'enseignement scientifique dans l'esprit des modules de réconciliation du rapport Torossian-Villani, à l'aide des acteurs représentatifs de la communauté scientifique et de l'académie des sciences.

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

NOTES

[1] Communiqué de presse du MENJ du 13 novembre 2022 :
https://www.education.gouv.fr/reconcilier-tous-les-eleves-avec-les-mathematiques-et-promouvoir-l-excellence-une-nouvelle-strategie-343423

[2] Le Collectif Maths&Sciences rassembl : des associations des professeurs du second degré et des classes préparatoires aux grandes écoles : AEIF, APHEC, APMEP, EPI, UPA ; des sociétés savantes et associations scientifiques de chercheurs et enseignants-chercheurs, structures du supérieur : ADIREM, ARDM, CLEA, CFEM, CNFHPST, GEM, SF2A, SFB, SFB, SFBD, SFE2, SFdS, SHST, SIF, SMAI, SMF, STID ; des associations pour la place des femmes dans les filières et métiers scientifiques : Femmes et Maths, Femmes Ingénieures, Femmes et Sciences ; une fondation pour la diffusion des mathématiques et de l'informatique : FBP
Partenaire : NUMEUM.

[3] Maths, Physique-Chimie, Numérique et Sciences Informatiques, Sciences de l'Ingénieur, Sciences de la Vie et de la Terre.

[4] Note d'information n°21.41. DEPP – figure 5 bis – répartition des triplettes de première en 2021.

[5] Notes du Collectif Maths&Sciences du 7/2/22 sur les maths et les filles, et des 13/9/22 et 4/10/22 sur les sciences et les filles, en ligne :
https://smf.emath.fr/smf-dossiers-et-ressources/dossiercommuniquesreformemathssciences-collection

[6] D'après le rapport du comité de consultation sur la place des maths au lycée :
https://www.education.gouv.fr/la-place-des-mathematiques-dans-la-voie-generale-du-lycee-d-enseignement-general-et-technologique-340811.
Voir aussi le communiqué de presse du 13 novembre 2022 du MENJ sur le sujet.

[7] Notes d'analyse du Collectif Maths&Sciences du 26/4/22 et du 22/6/22 en ligne :
https://smf.emath.fr/actualites-smf/sauvezlesmathsillusion26422 ;
https://smf.emath.fr/actualites-smf/22622retourrencontremen

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Novembre 2022

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