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Le jeu sérieux au profit de l'apprentissage

Abdelaaziz Courr, Ahmed Belmoudene
 

Résumé
En tant qu'outils numériques largement utilisés par les jeunes à nos jours, les jeux sérieux sont considérés par plusieurs acteurs éducatifs comme solution pour dépasser l'écart qui se creuse entre les pratiques numériques des jeunes et l'univers scolaire.

L'objectif de cette étude est d'évaluer empiriquement l'effet de ces jeux sur l'apprentissage, et ce en utilisant un mini-jeu éducatif pour le soutient des apprentissages avant une évaluation formative chez des élèves du secondaire.

La comparaison, par test de Student, des moyennes des notes des élèves de deux groupes, l'un testé et l'autre témoigne, a donné des résultats encourageantes concernant l'aptitude de ces jeux à soutenir l'apprentissage et à augmenter la capacité de résolution des problèmes.

Mots-clés : Jeux sérieux, Apprentissage, Résolution des problèmes.

Introduction et problématique

   Tous les systèmes éducatifs du monde cherchent à augmenter la qualité et l'efficacité de leur enseignement grâce aux technologies de l'information et de la communication (TIC). Une opération dont l'urgence se fait d'autant plus sentir dans le contexte actuel de la pandémie de COVID-19. Une période durant laquelle, la quasi-totalité des systèmes éducatifs mondiaux ont soufré pour garantir la continuité pédagogique.

   Certes, une telle situation a constitué un vrai challenge pour tous les acteurs éducatifs, en les amenant à adapter leurs pratiques pédagogiques. Plusieurs méthodes et démarches ont été adoptées, pour assurer cette continuité pédagogique, tel que : l'enseignement à distance, l'enseignement hybride, les réseaux sociaux, les plateformes éducatives et d'autres.

   Notre recherche se focalise sur une de ces méthodes, qui est le jeu éducatif ou jeu sérieux (Serious game), utilisé au cours de cette pandémie, par plusieurs enseignants pour soutenir l'apprentissage de leurs élèves. Ainsi, nombreux établissements d'enseignement se tournent de plus en plus vers les jeux sérieux comme solution pédagogique, en pensant qu'ils répondent davantage aux exigences de la génération née avec les nouvelles technologies (les Digital Natives selon Prensky, 2001).

   Or, on se demande est-ce que vraiment les jeux sérieux ont ce potentiel éducatif, et peuvent-ils être source d'avantage pour le soutien des apprentissages. Ce questionnement va constituer la problématique de ce travail. Pour y répondre, nous avons tracé comme objectif, l'évaluation empirique de l'effet des jeux sérieux éducatifs (JSÉ) sur l'apprentissage, en effectuant une expérience pour vérifier l'hypothèse que ces jeux augmentent la capacité des apprenants à résoudre les problèmes, et ce en utilisant un jeu éducatif pour le soutient des apprentissages avant une évaluation formative chez des élèves du secondaire.

   Avant de présenter les résultats de cette expérience, notre article donne tout d'abord, un cadrage théorique de la relation entre les JSÉ et l'apprentissage. En mettant l'accent sur l'apprentissage et le jeu dans les approches et les théories de l'éducation nouvelle, puis en exposant les principales théories de l'apprentissage citées par les auteurs dans le domaine des JSÉ et en montrant la relation entre l'aspect ludique et l'aspect éducatif de ces outils technologiques. Ensuite après présentation de la méthodologie de recherche poursuivie et les résultats de cette expérience, nous allons discuter et donner les conclusions de cette étude.

1. Cadrage théorique

1.1. Apprentissage par le jeu

   L'apprentissage par le jeu (Game-based Learning) n'est pas une nouvelle méthode éducative, ainsi, pour Heimlich (1999) l'Homme a toujours joué et la pédagogie par le jeu n'a pas de point zéro. Dans l'éducation nouvelle, à partir du18e siècle, de nombreuses approches et théories à propos du jeu dans l'apprentissage, se sont développées. Une des plus importantes est certainement c'est l'approche ludique des apprentissages présentait par Jean-Jacques Rousseau en 1762 qui soutient dans Émile ou l'Éducation que l'apprentissage doit se faire par l'expérience plutôt que par l'analyse. Aussi la théorie de (http://edutechwiki.unige.ch/fr/Pédagogie_Froebel) qui place le jeu au centre de sa pédagogie. (Heimlich, 1999). A la fin du 19ème siècle Maria Montessori et Rudolf Steiner ont donné un nouvel élan à la pédagogie, et même si l'apprentissage par le jeu n'est pas au centre de leurs théories, il s'agit à ce moment d'une première institutionnalisation de ce concept en milieu éducatif (Heimlich, 1999). A partir du 20ème siècle, l'apprentissage par le jeu a attiré l'attention de plusieurs théoriciens comme Wolfgang Einsiedler, Urlich Heimlich, Karl Jospeh Kreuzer et d'autres, ainsi l'apprentissage par le jeu devient de plus en plus important dans notre société.

   De nos jours, l'Unicef considère le jeu comme un des moyens les plus efficaces pour permettre aux apprenants d'acquérir les connaissances et les compétences essentielles, ainsi pour cette organisation mondiale, « l'apprentissage par le jeu », ou « l'apprentissage ludique » constitue une composante essentielle de la pédagogie et de l'éducation surtout pour les enfants. (UNICEF ; 2018).

   En fait, le concept du jeu est plus général, ainsi il englobe les concepts de jeu sérieux, de ludification et de jeu traditionnel. Pour cet écrit, nous allons s'intéressé au jeu sérieux éducatifs qui se positionnent comme de nouvelle solution pédagogique, qui viennent combler le déséquilibre entre une société multimédia attractive et interactive et un système éducatif ancré sur des modes académiques de transfert de connaissances (Lavergne-Bouclier et Dambach, 2010).

1.2. Le jeu sérieux et les théories d'apprentissage

   Le terme des jeux sérieux ou serious games a été introduit par Abt en 1970 (Abt ; 1970). Toutefois, l'usage des simulations et des jeux vidéo en formation, a commencé dès 1946 avec le projet de l'armée américaine Whirlwind qui travail sur l'entraînement des pilotes de lignes dans des situations contrôlées. Aujourd'hui ces outils sont utilisés dans de nombreux domaines professionnels tels que la communication, le marketing, les ressources humaines et aussi dans des projets d'innovation.

   En éducation, on parle plutôt des jeux sérieux éducatifs (JSÉ), l'adjectif « éducatifs » ajouté au vocable « Jeux sérieux » est imposé pour les distinguer des jeux sérieux visant d'autres buts que 1'apprentissage,. D'ailleurs, ces JSÉ ont des fondements théoriques issus des sciences de l'éducation et plusieurs théories de l'apprentissage sont citées par les auteurs dans ce domaine.

   Parmi ces théories, celle de l'apprentissage situé (Brown et al., 1989) qui considère que le développement de compétences se fait efficacement dans un contexte d'apprentissage pertinent (Brown et al., 1989) et non de manière isolée et abstraite. Selon cette théorie pour donner un sens concret à l'apprentissage il faut contextualiser les connaissances et les compétences visées chez l'apprenant. Ainsi on peut considérer le JSÉ comme un vrai environnement de contextualisation des compétences.

   Cette théorie est considérée comme une des théories associées à l'approche constructiviste de l'apprentissage (Bruner, 1961), qui est également citée par plusieurs auteurs dans le domaine des JSÉ. Suivant cette approche, l'environnement du JSÉ favorise la construction active de connaissances chez l'apprenant (Lavergne-Boudier et Dambach, 2010). En fait, le JSÉ avec ses règles incite l'apprenant à une participation active, ce qui provoque chez lui la construction progressive de structures mentales au fil de son interaction avec le jeu (Lavergne-Boudier et Dambach, 2010).

   Les règles du JSÉ, ont un grand rôle pour maintenir l'apprenant dans une « Zone proximale de développement ». Cette notion proposée par Vygotsky (1978) dans sa théorie socioculturelle de la cognition est interprétée, dans le domaine des JSÉ, comme la distance entre le niveau de compétence actuel de l'apprenant et le niveau de difficulté du jeu (McNamara et al., 2009).

   Une autre théorie, associée à l'approche constructiviste, qui est également fréquemment mentionnée dans ce domaine est la théorie de l'apprentissage expérientiel (Kolb, 1984). Ainsi selon cette théorie l'apprentissage est le résultat d'un « processus par lequel la connaissance est créée à partir de la transformation de l'expérience » (Kolb, 1984, p. 41), de telle sorte que le JSÉ va favoriser à l'apprenant un environnement d'apprentissage réflexif des connaissances extraites d'une expérience concrète.

   Certains auteurs (Paraskeva et al., 2010 ; Shute, 2011) citent aussi 1'approche de 1'apprentissage par la découverte et par 1' exploration de Bruner (1961). Selon laquelle l'apprenant découvre indépendamment, par expérimentation et exploration, des connaissances, plutôt que de recevoir directement des informations. Egalement pour cette approche, l'environnement du JSÉ favorise cet apprentissage indépendant des connaissances par expérimentation et exploration.

   Outre, ces approches et ces théories, les JSÉ peuvent aussi s'inspirer de la stratégie pédagogique de la résolution de problèmes (ou par problèmes) (Corti, 2006). Ainsi, un JSÉ peut en effet être vu comme un environnement d'apprentissage présentant un problème complexe à résoudre et l'apprenant doit utiliser, pour résoudre le problème, des ressources et des outils fournis dans le jeu, ce qui va l'aider à prendre la décision la plus optimale possible parmi d'autres.

1.3. Jeux sérieux entre aspect ludique et aspect éducatif

   Les jeux sérieux éducatifs peuvent être considérés comme des systèmes informatiques qui incluent des techniques d'intelligence artificielle (IA), permettant de prendre des décisions et dont l'objectif est de délivrer le contenu pédagogique et les activités d'apprentissage proposées à l'apprenant. Ainsi, on peut les considérer comme des environnements informatiques pour l'apprentissage humain (EIAH), (Tchounikine, 2009) au même titre que les cours en ligne (e-learning) et les laboratoires virtuels.

   La création d'un JSÉ afin de développer des compétences spécifiques dans un domaine ou une discipline pose un grand défi. Vu que ce jeu doit amener l'apprenant à développer ces compétences de manière à la fois rapide et efficace, en le gardant motivé dans le jeu mais surtout dans une démarche d'apprentissage (Shute, 2011).

   Donc la conception d'un tel jeu, nécessite le travail sur trois dimensions. La première est pédagogique, vu que l'objectif principal est de développer des compétences spécifiques chez les apprenants, la deuxième dimension est informatique, puisque ces jeux sont en réalité des algorithmes réalisés à l'aide des logiciels informatiques spécialisés, ce qui impose l'emplacement d'un certain nombre de programmes et d'applications pour réaliser le jeu. Alors que et la troisième dimension touche le côté divertissement, parce que ce JSÉ est au fond c'est un jeu ; et lorsqu'on parle du jeu, il faut toujours que le volet ludique ou ce qu'on appel gamification soit présent.

   De ce fait, le concepteur d'un jeu sérieux éducatif doit intégrer d'une manière harmonieuse les trois dimensions : pédagogique, informatique et ludique. Ce qui implique la construction d'un programme informatique approprié non seulement à un scénario de jeu mais également à un scénario pédagogique qui engage le joueur dans une démarche d'apprentissage spécifique.

2. Méthodologie

2.1. L'échantillon de notre étude

   Cette enquête a ciblé les élèves du secondaire, et particulièrement ceux de la première année baccalauréat international option française. Nos deux groupes, constitués de 69 élèves, sont deux classes qui ont appris la même partie du cours des SVT, en enseignement hybride suivi d'une évaluation formative. Le premier groupe (Groupe testé) a utilisé un jeu éducatif comme support pédagogique de soutien avant l'évaluation, alors que le deuxième groupe (Groupe témoigne) a profité de deux séances de soutien en présentiel avant d'effectuer l'évaluation.

2.2. Collecte des données

   Pour examiner notre hypothèse, nous avons préparé un mini-jeu éducatif, que nous avons demandé aux élèves du groupe testé d'y jouer. Ce jeu est réalisé via le logiciel ludiscape, qui permet la création des contenus pédagogiques (cours, évaluations, jeux sérieux...). Ce choix est justifié par la simplicité de son interface logicielle, aussi par la capacité d'édition des contenues créés par PC, MAC, tablette et téléphone intelligent, et surtout parce que c'est un logiciel gratuit (open-source). Ainsi notre jeu est formé de plusieurs scènes, sous forme des étapes à validées pour gagner le jeu. La validation de chaque étape se fait par réponse à des questions, sous plusieurs formes (Glisser-déposer, Mots cachés, Liste choix, Qcm+, TCM, LCM, Liste choix, Organisation des réponses...).

   Pour l'évaluation, elle est constituée de deux parties, la première est formée des questions de restitution des connaissances, alors que la seconde partie est composée de deux exercices de raisonnement scientifique et exploitation des documents. La durée de ce contrôle est de deux heures. Après la correction des copies, les résultats sont exploités pour cette recherche, en utilisant le programme Excel.

   Ainsi l'étude vise la comparaison de la moyenne des notes obtenu par les élèves du groupe testé est celle du groupe témoigne. Notre idée est que ces deux moyennes seraient différentes. Rappelons que notre hypothèse est que les jeux éducatifs augmentent la capacité des apprenants à résoudre les problèmes, c'est-à-dire que la moyenne des notes du groupe testé serait supérieure à celle du groupe témoigne. De ce fait, nous avons réalisé le test de Student à deux échantillons (également appelé test de Student à échantillons indépendants), qui permet la comparaison des moyennes.

3. Résultats

   Notre étude a été réalisée, comme nous l'avons mentionné avant, au sein de deux groupes des élèves du secondaire (69 élèves partagés en deux groupes). Ainsi, nos mesures sont les notes obtenues par ces élèves après un contrôle, qui a été précédé par un soutient effectué par notre jeu éducatif pour le groupe testé (G1) et par des séances en présentiel pour le groupe témoigne (G2). Le tableau suivant (Tab.1) donne la distribution des notes obtenues par les élèves pour les deux groupes.

Notes

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

Effectif

G1

0

0

0

0

0

0

0

0

1

0

1

2

2

3

5

6

4

3

3

2

1

G2

0

0

0

0

0

1

1

2

3

4

4

5

5

3

3

2

2

1

0

0

0

Table 1 : Distribution des notes obtenues par les élèves des deux groupes

Le graphe suivant (Schéma1) permet de comparer les notes obtenues par les élèves des deux groupes :


Schéma 1 : Représentation graphique de la distribution des notes obtenues.
par les élèves des deux groupes.

   Les deux courbes sont sur la même échelle. À partir d'un examen rapide, nous ne voyons aucun point très inhabituel ni de valeurs aberrantes. Les données ont approximativement une forme de cloche. Ainsi, l'idée de distribution normale pour les deux échantillons semble raisonnable.

   Pour chaque groupe, nous avons besoin de la moyenne (moyenne arithmétique), de l'écart-type et de la taille de l'échantillon. Ces valeurs figurent dans le tableau ci-dessous (Tab.2).

 

Taille de l'échantillon

Moyenne

Écart type

Groupe testé

33

14,8181818

2,82239421

Groupe témoin

36

11,1111111

2,93528074

Table 2 : Valeurs statistiques des deux groupes.

   En examinant ce résumé statistique, nous voyons que les écarts-types sont similaires. Ceci corrobore l'idée de variances égales. Sans effectuer de tests, nous pouvons constater que les moyennes des notes obtenues pour les deux groupes ne sont pas les mêmes. Mais à quel point sont-elles différentes ? Les moyennes sont-elles suffisamment proches pour que l'on puisse en conclure que les élèves des deux groupes ont presque obtenu les mêmes résultats pour cette évaluation ? Ou bien les moyennes sont-elles trop différentes pour rejeter cette conclusion ?

   D'après les observations au-dessus, le test de Student à deux échantillons apparaît comme une méthode appropriée pour tester la différence des moyennes. Ainsi nous considérons que ce test est convenable pour cette étude, tant que les deux groupes représentent un simple échantillon aléatoire de la population des élèves du secondaire et que les valeurs de donnée (notes obtenues) sont des variables continues, comme elles sont indépendantes, c'est-à-dire que la note obtenue par chaque élève ne dépend pas de celle d'un autre élève. Aussi la distribution des données dans chaque groupe suit la loi normale et les variances pour les deux groupes indépendants sont égales.

Hypothèses du test de Student à deux échantillons

   Pour le test de Student que nous allons réaliser, nous allons prendre comme hypothèse nulle (H0) que les moyennes des notes obtenues par les élèves des deux groupes sont égales, alors que l'hypothèse alternative (H1) est que ces moyennes ne sont pas égales.

   De cette façon, Il y a deux résultats possibles à partir de notre comparaison :

  • La statistique de test (t calculée) est inférieure à la valeur t (t théorique). Dans ce cas nous acceptons l'hypothèse des moyennes égales (H0). Ainsi, nous tirons la conclusion que les données corroborent la supposition que les notes des élèves des deux classes ont la même moyenne.

  • La statistique de test (t calculée) est supérieure à la valeur t (t théorique). Nous rejetons l'hypothèse (H0). Donc, nous concluons que les notes obtenues par les élèves des deux classes ont la même moyenne.

Calcule des statistiques du test :

   Pour ce faire, il faut d'abord trouver la différence entre les deux moyennes (D.M) :

D.M = Moyenne groupe testé – Moyenne groupe témoigne = 14,81 - 11,11

D.M = 3.70

   Ensuite, calculons l'écart type groupé indispensable pour le calcul de l'erreur standard de la différence. L'estimation varie en fonction de la taille des groupes. Mais tout d'abord, calculons la variance groupée (S2 ) :

   La formule montre la taille de l'échantillon pour le premier groupe comme : et pour le deuxième groupe comme : Les écarts-types pour les deux groupes sont S1 et S2. La variance groupée est exprimée sous la forme S2p.

   Ensuite, prenons la racine carrée de la variance groupée pour obtenir l'écart-type groupé (Sp,) comme ceci :

Sp = 2.88

Résultats du test de Student :

   Nous avons désormais tout ce qu'il faut pour calculer notre statistique de test. Nous disposons de la différence des moyennes, l'écart-type groupé et les tailles des échantillons. Nous calculons notre statistique de test de la manière suivante :

   Pour évaluer la différence entre les moyennes afin de prendre une décision concernant les moyennes des deux groupes, nous comparons la statistique de test à une valeur théorique de la distribution t.

   De ce fait,, nous avons besoin du seuil de significativité α et de degrés de liberté. Les degrés de liberté (df) sont basés sur la taille de l'échantillon.

   À partir des données statistiques des deux groupes, il s'agit de :

df =n1+n2−2= 36+33-2= 67

   La formule au-dessus donne la taille de l'échantillon du groupe testé comme n1 et celle du groupe témoigne comme n2.

   Afin d'utiliser les tableaux de référence pour la distribution : t, nous considérons comme seuil de signification α = 0,05. Donc, notre valeur t(théorique) pour ces données statistiques est : 2,0003.

   En fin, nous comparons la valeur de notre statistique à la valeur t. Puisque t (calculée) = 5,3374 est supérieure à t (théorique) = 2,0003, nous rejetons l'hypothèse nulle H0 selon laquelle la moyenne des notes obtenues par les élèves du groupe testé est égale à celle des notes des élèves du groupe témoigne, et nous en concluons que nous avons la preuve que ces deux moyennes sont différentes.

   Avec tous ces données on peut déduire que la moyenne des notes du groupe testé est supérieure à celle du groupe témoigne, ainsi nous confirmons donc notre hypothèse qui suggère que les jeux éducatifs augmentent la capacité des apprenants à résoudre les problèmes.

3. Discussion

   Rappelant que notre objectif est d'évaluer empiriquement l'effet d'un JSÉ sur l'apprentissage. Ainsi les résultats de cette étude, nous incitent à déduire que ces outils constituent un moyen efficace de soutenir l'apprentissage et l'enseignement.

   En fait, les enseignants peuvent donc tirer pleinement parti des jeux sérieux pour aider les élèves à affiner leurs compétences de résolution de problèmes. Ce qui va pousser les élèves à s'impliquer dans des expériences d'apprentissage authentiques et à personnaliser leur apprentissage en fonction de leurs intérêts et de leurs aptitudes.

   Cependant, dans la littérature parcourue lors de la constitution de cet article, nous avons remarqué que rien n'est absolument certains quant aux apprentissages réels des apprenants utilisateurs des jeux sérieux. D'ailleurs les études ne sont pas forcément unanimes quant aux possibilités des jeux sérieux à engendrer de réels apprentissages.

   Bien que plusieurs auteurs (Prensky, 2001 ; Yasmine Kasbi 2012) s'accordent pour dire que ces JSÉ sont des vecteurs de motivation et d'engagement chez les apprenants et que leur utilisation dans l'éducation s'avère positive. On trouve également, d'autre auteurs (Arnab et al., 2015 ; Capdevila Ibañez, 2013) s'arrangent aussi pour dire que l'usage des JSÉ dans l'éducation présente plusieurs difficultés, et que la conception d'un JSÉ est une opération complexe nécessitant une bonne synergie entre les diverses parties prenantes dès le début de la conception.

   Notons à ce titre, l'étude faite par Hélène Michel qui a travaillé sur deux groupes d'étudiants de l'École de Management de Grenoble. L'un des deux groupes a suivi une formation à partir de documents « classiques » de mise en situation, l'autre étant formé à partir d'un jeu sérieux. Les résultats ont montrés qu'il n'y a pas de différences significatives entre ces deux groupes (Lemaire, 2012).

   Ainsi, Hélène Michel évalue un serious game selon plusieurs dimensions : la satisfaction de l'apprenant, la capacité d'apprentissage induite, la capacité à influencer les actes (passage du savoir au comportement), le résultat sur l'organisation et enfin le retour sur investissement.

   De même, Klopfer, Osterweil et Salen, ont concluent que plusieurs barrières apparaissent concernant l'emploi des jeux sérieux dans des conditions d'apprentissage (Klopfer et al., 2009). Ils ont lié ces obstacles à l'adoption, la conception, le développement, la durabilité et l'innovation du jeu. Parmi les obstacles qu'ils ont cités :

  1. Les exigences des programmes traditionnels d'éducation ;
  2. L'attitude négative des enseignants, des parents et des médias envers les jeux numériques ;
  3. Les complexités logistiques et l'insuffisance d'expérience des enseignants avec les nouvelles technologies ;
  4. L'absence d'études démontrant l'efficacité des jeux sérieux dans l'apprentissage ;
  5. La nature changeante des JSÉ et l'évolution rapide de la technologie.

   De notre part, et en se basant sur les résultats de cette étude, nous soutenons l'idée qu'il est possible de profiter efficacement des JSÉ pour engendrer une motivation supplémentaire à apprendre chez les élèves et pour encourager la mise en place d'un environnement socio-constructiviste. Un environnement divertissants où un apprentissage fortement contextualisé et authentique permet aux apprenants d'exercer des habiletés de résolution de problèmes et de développer de nouvelles compétences qui pourront leurs être utiles dans le monde réel.

Conclusion

   En conclusion, par cette étude, nous avons mis en lumière la faculté des JSÉ à soutenir l'enseignement et l'apprentissage, et ce en confirmant notre hypothèse de départ qui suggère que ces jeux augmentent la capacité des apprenants à résoudre les problèmes.

   Les résultats expérimentales nous ont montré que la moyenne des notes obtenues par les élèves du groupe testé est supérieure à celle du groupe témoigne. Nous avons aussi constaté que ces outils créent une motivation supplémentaire chez les élèves à s'engager dans le processus enseignement-apprentissage.

Malgré ce constat, il est important de s'intéresser aux répercussions de ce phénomène sur l'éducation et de se demander, comment les enseignants peuvent aborder les JSÉ et l'apprentissage, pour bénéficier le maximum possible du potentiel éducatif de ces outils technologiques.

   Nous sommes là en présence de plusieurs types de changements importants : des changements didactiques, pédagogiques et des changements personnels concernant les attitudes et les motivations des enseignants et des élèves. Ces changements impliquent plusieurs acteurs : les formateurs des enseignants, les enseignants, les élèves essentiellement mais les parents peuvent avoir aussi un rôle à jouer.

   Davantage d'efforts doivent donc être consentis pour renforcer les compétences des différents acteurs éducatifs dans ce domaine en pleine évolution. Ainsi nous soutenons les études qui contribuent à dépasser le cadre simplement descriptif des recherches menées sur un objet novateur : le serious game, au travers des recherches empiriques et des conceptualisations théoriques, qui peuvent contribuent à créer des connaissances actionnables dans le domaine des JSÉ.

Abdelaaziz Courr
Doctorant, équipe de recherche : Apprentissage,
Cognition et Technologie Éducative.
Faculté des Sciences de l'Éducation.
Université Mohammed V Rabat-Maroc.
c_abdelaaziz@hotmail.com

Ahmed Belmoudene
Professeur de l'enseignement supérieur.
Faculté des Sciences de l'Éducation,
Département Technologie de l'Éducation,
Université Mohammed V Rabat- Maroc.
belmoudene.a@gmail.com

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

Références

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