bas de page
 

Logiciels libres et enseignement de l'informatique :
une coopération forte entre l'April et l'EPI

Rémi Boulle
 

   Depuis 1996, l'April agit pour promouvoir et défendre le logiciel libre. Notre association composée d'entreprises, de collectivités, de structures d'enseignement, d'associations et de nombreuses personnes militantes défend sans relâche le logiciel libre et les communs informationnels au service de l'intérêt général. Nous ne sommes donc pas un énième « lobby » car nous ne défendons pas les intérêts de quelques-uns à leur unique profit.

   Nous réalisons différentes actions de sensibilisation qui peuvent aller de la diffusion de ressources et documents de sensibilisation jusqu'à des campagnes en direction de personnes élues ou décisionnaires pour tenter de contrer les avancées de l'industrie du logiciel privateur.

   Rappelons qu'un logiciel est dit libre si la personne qui l'utilise bénéficie de plusieurs libertés qui lui permettent d'accéder au code source du logiciel, de le modifier pour l'améliorer et d'en redistribuer des copies. C'est l'analogue d'un théorème en mathématiques où il est heureusement possible d'accéder à la démonstration, l'améliorer et s'en inspirer pour trouver d'autres résultats que l'on repartagera à nouveau dans les mêmes conditions. Imaginons un instant voir le théorème de Pythagore comme un logiciel propriétaire. Sa démonstration serait cachée, il serait même interdit d'essayer d'en retrouver une, son utilisation serait limitée aux personnes titulaires d'une licence...

   Depuis très longtemps nous coopérons avec l'EPI. Dès 2007, nous avons interpellé conjointement les candidats et candidates à la présidentielle en leur demandant leurs positions quant au logiciel libre et à l'introduction d'un enseignement de l'informatique en tant que discipline à part entière. Nos deux associations n'ont depuis cessé de collaborer lorsqu'il s'agissait de faire avancer cet enseignement en parallèle avec la promotion du libre dans l'Éducation nationale. Pour le premier point, ce fût un succès avec notamment la mise en place en 2012 d'un enseignement optionnel « Informatique et science du numérique » en Terminale S, d'un nouvel enseignement « Numérique et sciences informatiques » en classe de Première à compter de la rentrée de 2019 et en classe Terminale à la rentrée de 2020.

   Une formation spécifique avec la création d'un CAPES « Numérique et sciences informatiques » a été également mise en place.

   La question du libre dans l'Éducation nationale, malgré quelques progrès, demeure. En tout cas sans les contre-feux que nous avons développés la situation serait certainement pire.

   Sans revenir sur tout l'historique de notre relation, l'EPI nous a soutenus en 2014 lorsque nous avons lancé un appel en faveur de l'interopérabilité dans l'Éducation nationale. En effet seuls des formats ouverts permettent de garantir l'interopérabilité des fichiers et des données (quel que soit le logiciel ou le système utilisés) ; favoriser le partage des ressources entre les différentes parties prenantes (corps enseignant, élèves, parents, personnel administratif...) et assurer la pérennité des ressources et l'égalité d'accès. Rappelons que le format OOXML (extensions .docx ou .xlsx) n'est pas ouvert contrairement au format OpenDocument (.odt ou .ods). Cet appel a recueilli plus de 7 000 signatures et a pu être poussé au plus du haut de la hiérarchie du Ministère. Même sans avoir obtenu de réponse formelle, cela permet de maintenir une certaine pression et montrer que des groupes de citoyennes et citoyens veillent.

   L'EPI a participé, avec d'autres organisations, en 2015 à notre campagne visant à dénoncer un partenariat entre le Ministère et Microsoft. Ce partenariat prévoyait de présenter aux élèves un logiciel privateur et des formats fermés comme seuls outils incontournables. Tout cela tendait à renforcer la position dominante de l'entreprise américaine, au détriment des logiciels libres et des formats ouverts, qui pourtant respectent les principes élémentaires de neutralité et d'interopérabilité. Grâce, entre autres à cette campagne, ce partenariat est devenu une coquille vide.

   Cette synergie se poursuit depuis au gré des actions. L'EPI, et nous la remercions pour cela, diffuse également notre bulletin d'information, est abonnée à la liste du groupe de travail éducation et anime une riche rubrique « logiciels libres » sur son site.

   Selon Benoît Sibaud, ancien président de l'April : « Notre association est, en matière éducative, attachée à la formation d'utilisateurs et utilisatrices autonomes, éclairées et responsables. Nous considérons que les logiciels libres constituent, de par la transparence technologique qui les définit et les valeurs de partage qui les fondent, l'un des leviers les plus précieux à la disposition de la communauté enseignante pour l'enseignement à et par l'informatique » [1].

   L'April s'est ainsi toujours engagée pour redonner aux utilisatrices et utilisateurs leurs libertés et donc le pouvoir sur leur informatique. Pour exercer des libertés, il importe d'en être capable et seule une formation permet d'offrir cette capacité. À une époque où notre vie quotidienne, jusque dans ses aspects les plus intimes, s'appuie sur l'informatique, il importe d'être capable d'en comprendre les enjeux et contraintes pour ne pas sombrer dans l'illectronisme voire dans le complotisme.

   Jusqu'à récemment, dans notre système éducatif, l'informatique était censée être partout car utile dans tous les domaines. Elle n'était en réalité nulle part. Attachée à avoir des personnes utilisatrices libres et conscientes, l'April a toujours milité pour que l'informatique soit une composante à part entière de la culture générale scolaire de l'ensemble des élèves sous la forme notamment d'un enseignement d'une discipline scientifique et technique. L'informatique « objet » et l'informatique « outil » sont complémentaires. Loin de s'opposer, elles se renforcent mutuellement.

   C'est là un point de convergence très fort avec l'EPI avec qui nous avons eu le plaisir de collaborer pour faire avancer, avec un certain succès, l'introduction d'un véritable enseignement de l'informatique.

   À l'heure où les GAFAM se voient confier un partie consistante de l'informatique de grands groupes comme Renault, Airbus ou Orange, nous voyons que beaucoup de travail reste à faire.

   Nous savons pouvoir compter sur le soutien de l'EPI pour ces combats futurs.

   « Toutes les libertés dépendent de la liberté informatique, elle n'est pas plus importante que les autres libertés fondamentales mais, au fur et à mesure que les pratiques de la vie basculent sur l'ordinateur, on en aura besoin pour maintenir les autres libertés. » Cette citation de Richard Stallman, fondateur de la Fondation pour le logiciel libre n'en est que de plus en plus d'actualité.

Rémi Boulle
Ancien vice-président de l'April

Les textes sont diffusés selon les termes des licences suivantes :
licence Art libre version 1.3 ou ultérieure, licence Creative Commons By-Sa version 2.0 ou ultérieure et licence GNU FDL version 1.3 ou ultérieure.

NOTE

[1] « Les logiciels libres et l'enseignement de l'informatique au lycée », Jean-Pierre Archambault, Jacques Baudé. https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1210c.htm

haut de page
Association EPI
Février 2021

Accueil Linux et Logiciels libres Articles