bas de page
 

La réforme du lycée :
des avancées mais des questions
 

   L'EPI était au Ministère de l'Éducation nationale à la présentation du rapport parlementaire rédigé par Bruno Studer sur « l'École dans la société du numérique ». Rappelons que Christine Froidevaux, Luc Bougé et Jacques Baudé avaient été auditionnés le 27 juin dernier [1]. Ils ont assisté à la brillante présentation par Bruno Studer, président de la Commission des affaires culturelles et de l'Éducation de l'Assemblée nationale, et aux commentaires de Jean-Marc Merriaux, Directeur du Numérique pour l'Éducation au Ministère de l'Éducation nationale (d'où le lieu de la présentation) Dans ce long rapport de 84 pages, dominé par le numérique, figurent 25 propositions dont notamment la proposition n° 7, « créer un CAPES et une agrégation d'informatique » et la proposition n° 17, « renforcer la formation des enseignants du premier degré à l'informatique » [2].

   L'EPI est intervenue sur l'urgence de mettre en place Capes et agrégation d'informatique notamment pour la spécialité NSI en première et terminale qui nécessitera des enseignants très bien formés. Réponse de Jean-Marc Merriaux : « Nous y travaillons avec la DGESCO ». Il a eu l'occasion de dire par la suite que les élus devaient veiller à la réalisation par le Ministère de l'Éducation nationale de leurs propositions ! Sage précaution.

Des prises de position

   Le rapport Studer s'inscrit dans un contexte fait notamment du rapport de la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, présidée par Catherine Morin-Desailly, recommandant en particulier de créer un Capes informatique [3]. S'adressant à la ministre Frédérique Vidal lors des questions orales, le 30 janvier 2018, la députée Danièle Hérin lui a demandé une discipline informatique avec Capes et agrégation [4]. Dans son AG 2018, la Société des agrégés déclare : « La réforme du lycée général introduit de nouvelles disciplines et spécialités (dont l'informatique). Ces disciplines, comme les autres, doivent être enseignées par des professeurs spécialisés. Il serait souhaitable d'entamer des réflexions et concertations sur la création de concours d'agrégation correspondants » [5]. Lors de son Congrès National de Rennes (26-30 mars 2018), le SNES-FSU s'est mandaté pour la création d'une agrégation d'informatique [6].

Les parents d'élèves favorables à l'enseignement de l'informatique

   La Fédération des Parents l'Élèves de l'Enseignement Public (PEEP) a proposé un questionnaire de rentrée à ses adhérents. Ils sont largement favorables à un enseignement de l'informatique [7].

   Dans le cadre de l'émission télévisée de Frédéric Simmotel « Le rendez-vous de l'innovation » diffusée sur BFM Business, le cabinet de conseil Saegus s'est associé au centre d'études Odoxa afin de réaliser (les 5 et 6 septembre) un sondage sur les Français et le numérique à l'école. Parmi les principaux enseignements : 4 Français sur 5 estiment que l'apprentissage de la programmation est une bonne chose.

Des créations à la rentrée 2019 (et en 2020)

   La rentrée 2019 verra la mise en place de « Sciences numériques et technologie » (1h30) pour tous les élèves de Seconde, celle d'« Enseignement scientifique » (2h), dans le socle de culture commune, en Première (et en Terminale en 2020) et, en Première également, celle de l'enseignement de spécialité « Numérique et sciences informatiques » (4h) (en Terminale en 2020 (6h)). Créations dont l'EPI et la SIF se sont félicitées, y ayant fortement contribué, avec d'autres, par leurs nombreuses actions ces dernières années [8].

Mais des questions

   Mais, parce qu'il y a un mais, beaucoup de questions se posent car la rentrée 2019 c'est « demain » !

Les projets de programmes

   Les projets de programmes, écrits par les groupes d'élaboration (GEPP) et en cours de finalisation par le Conseil supérieur des programmes (CSP), seront rendus publics le 5 novembre et une consultation s'en suivra pendant le mois de novembre. Certains projets, concernant la Seconde et la Première, ont été mis à disposition de la profession par le SNES-FSU [9]. « Sciences numériques et technologie » est trop ambitieux, dans l'état actuel, pour le niveau et le temps imparti. Sa faisabilité est problématique. Et quels professeurs pour l'enseigner ? Et comment seront-ils formés ? On espère pas en quelques jours... Pour enseigner de l'informatique, il faut des professeurs d'informatique bien formés. Pour « Enseignement scientifique », dans le socle de culture commune, en Première, le problème est réglé : la science informatique est ignorée ! Ce qui s'appelle rentrer dans le 21e siècle à reculons. Le programme de la spécialité « Numérique et sciences informatiques » n'est pas encore connu. Pour l'EPI, le programme de l'actuelle option ISN est une bonne base de départ. Avec des ajouts concernant les bases de données et les réseaux.

La formation des enseignants

   La question de la formation des enseignants est essentielle. Où sont les milliers de professeurs pour assurer tous ces enseignements ? Il y a urgence à mettre en œuvre des actions de formation continue, des « stages lourds », en premier lieu à l'intention des professeurs qui enseignent ISN et ICN. Concernant la formation initiale, on entend parler d'un Capes d'informatique. Vite, les échéances sont rapprochées. Et quid d'une agrégation d'informatique ? On ne saurait attendre. Il faut permettre aux étudiantes et étudiants en informatique qui le souhaitent d'entrer dans la carrière de professeurs des lycées. Il y a là un choix de vie.

La mise en œuvre de la réforme

   Par ailleurs, de sérieuses inquiétudes entourent la mise en œuvre de la réforme du lycée, sa faisabilité et ses réels objectifs [10].

   Combien d'ouvertures de la spécialité NSI ? À terme très rapproché, l'informatique et le numérique étant omniprésents dans la société, la spécialité NSI doit être proposée dans tous les lycées. Les ressources présentes en interne dans chaque établissement ne sont actuellement pas suffisantes et une carte de répartition académique, voire nationale n'est pas satisfaisante. Et l'on ne sait pas le nombre d'élèves par classe, la répartition cours/TP. Il faut que les enseignants volontaires se prononcent en connaissance de cause. Idem pour les élèves.

   Tout cela donne une impression d'amateurisme quelque peu surréaliste.

   Le rapport d'activité 2017 de l'IGEN (n° 2017-115) « L'enseignement de l'informatique », daté de janvier 2018, a été remis au ministre mais non publié. On peut s'interroger sur les raisons de cette non publication [11]. Répondant le 3 octobre aux sénateurs sur la réforme du lycée et du bac, Jean-Michel Blanquer évoque « la problématique des ressources humaines particulièrement pour les enseignements nouveaux comme les sciences informatiques. Nous avons un plan de formation pour répondre à cela. C'est planifié, dit-il. Cet enseignement sera implanté au cours du temps. » [12]. Cela étant, il ne relève pas l'allusion de Laurent Lafon (UC) sur la non existence d'un Capes et d'une agrégation informatique.

   Les questions ne manquent effectivement pas...

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] Vidéo de l'audition de Jacques Baudé, Luc Bougé et Christine Froidevaux, le 17 juin 2018. Se positionner à 01-36, durée 1h.
http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6313732_5b339d1f0485a.l-ecole-dans-la-societe-du-numerique--table-ronde-d-editeurs-scolaires-27-juin-2018#%C2%A0%E2%80%A6-

[2] http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i1296.pdf

[3] https://www.senat.fr/rap/r17-607/r17-607-syn.pdf

[4] https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1809a.htm

[5] https://www.societedesagreges.net/wp-content/uploads/2018/06/Voeu-g%C3%A9n%C3%A9ral-AG-2018.pdf

[6] https://www.snes.edu/Le-SNES-FSU-pour-la-creation-d-une-agregation-d-informatique.html

[7] http://lavoixdesparents.com/fede/fp/QuestionnaireRentree2018/
Réalisé du 05-09 au 09-09 , il a donné lieu à 8400 réponses. On peut y lire :

Page 30 - Pensez-vous que l'informatique (au sens « science informatique » et non « outil numérique »), aujourd'hui reconnue comme discipline à part entière, doive être enseignée à tous au moins pour les éléments de base, y compris les non scientifiques ? oui : 28 % - oui, tout à fait : 57,90 %.

Page 31 - Êtes-vous favorable à une initiation à la logique informatique en primaire, sous forme ludique, sans forcément utiliser un écran ? oui : 30,9 % - oui, tout à fait : 49 %.

Page 32 - Êtes-vous favorable à la formation d'enseignants spécialisés, à la création d'un Capes et d'une agrégation en informatique au même titre que pour les autres matières ? oui : 33,7 % - oui, tout à fait : 45,70 %.

[8] Ces actions, qui relèvent de la légitime action associative et civique dans le cadre démocratique, s'exercent en plein jour, bénévolement et sans sponsors ! Pourtant, certains s'obstinent à parler de lobbyistes, d'un lobby des tenants de l'enseignement de l'informatique, sans les nommer d'ailleurs. Rien à voir donc avec, par exemple, Monsanto et d'autres multinationales américaines de l'agroalimentaire. Des accusations sans fondements donc qui relèvent de la confusion mentale.

[9] https://www.snes.edu/Projets-de-programmes-du-lycee-lever-le-voile.html

[10] https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1809a.htm

Voir BO n° 35 du 27-09-2018. Procédure d'orientation en fin de classe de seconde
http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=134460

[11] Cf.page 77 :
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2017/73/5/IGEN-Rapport-activite-2017_1000735.pdf

[12] https://www.youtube.com/watch?v=_PHqsPdKXJQ

haut de page
Association EPI
Octobre 2018

Accueil Articles