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Une question au prochain ministre
de l'Éducation nationale
 

   L'éducation a été peu présente dans la récente campagne présidentielle. Ce n'est pas la première fois qu'il en est ainsi. Cela reste quand même quelque peu paradoxal. L'on sait en effet que les performances d'un pays dépendent fortement du niveau de qualification de ses habitants (aussi de leur santé). Dans l'économie d'aujourd'hui, les activités intellectuelles et créatives sont des facteurs de production et les salariés deviennent des travailleurs de la connaissance.

   Si l'on a eu droit à des passages et des références obligées au numérique (« le numérique, le numérique... ») non centraux dans la campagne médiatique, sans que l'on sache toujours précisément ce dont il était question, si les programmes des candidats comportaient des propositions sur le numérique (le mot informatique étant lui quasiment absent), pour autant les enjeux éducatifs de l'informatique et du numérique n'ont pas eu droit de cité. Et pourtant l'informatique et le numérique sont omniprésents dans la vie quotidienne de tout un chacun, le monde du travail et la société en général. Les enjeux sont forts. Ainsi, des entreprises, comme Google qui prétend « changer le monde », se comportent comme de véritables propagandistes pour un monde, leur monde, dans lequel il est de bon ton de ne pas payer d'impôts ! Quid alors de l'éducation et de la santé de tous ? Chacun doit pouvoir intervenir dans les débats politiques correspondants et pour cela des connaissances en informatique sont incontournables. L'on ne cessera de dire et redire que l'École doit donner à tous les élèves une solide culture générale informatique, scientifique et technique, et que pour cela une discipline scolaire en tant que telle est incontournable, avec des professeurs spécialisés titulaires d'un Capes ou d'une agrégation d'informatique (avec des mesures transitoires). En effet, l'expérience a montré que l'approche visant à donner une culture informatique exclusivement à travers les usages du numérique dans les disciplines ne fonctionne pas dans son principe.

   De plus, une enquête réalisée en 2016 [1] montre les limites encore actuelles de l'utilisation pédagogique des ressources numériques, en raison d'une formation insuffisante, l'autoformation des enseignants étant majoritaire. Un fossé existe entre les avantages pédagogiques qu'offrent les outils numériques et leur utilisation par le corps enseignant, peu de professeurs ayant une pratique intégrée au quotidien. Pour cette enquête, 5 000 enseignants représentatifs (critères : âge, sexe, discipline, académie) ont été contactés sur la base d'un fichier fourni par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance [DEPP]), mais seulement 1 775 ont répondu (taux de réponse de 36 %). On peut penser que les enseignants qui n'ont pas répondu utilisent encore moins les outils numériques que ceux qui ont répondu. Alors... Par ailleurs, les enquêtes de ce genre ont tendance à revêtir un caractère flou car on ne sait en général pas précisément ce que recouvre « l'utilisation d'outils numériques ». Cela étant, il en ressort que les « utilisations » concernent essentiellement la préparation des cours, la saisie des notes et des absences, le cahier de texte numérique, le montage de séquences d'activités en classe souvent sans manipulation de matériels numériques par les élèves. En effet, lors de ces séquences, l'absence de manipulation par les élèves prévaut toujours sur la manipulation. Tout cela donne l'impression qu'une minorité « vitrine » (toujours « pionnière » en... 2017, les débuts de l'informatique pédagogique remontant aux années 70 du siècle précédent) fait croire que le magasin est « achalandé ». Guère surprenant quand on pense aux carences fortes qui persistent dans la formation initiale et continue des enseignants. Insuffisance notoire des formations encore et toujours.

   À l'issue des prochaines élections législatives, un nouveau gouvernement se mettra en place. Nous demanderons une entrevue à son ministre de l'Éducation nationale pour l'alerter sur cette question essentielle pour l'avenir du pays de la formation en informatique des élèves et des enseignants.

15 mai 2017

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTE

[1] http://eduscol.education.fr/cid107958/profetic-2016.html

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Mai 2017

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