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De la techno-connaissance des futurs enseignants
du secondaire au Togo

Kouawo Candide Achille Ayayi
 

Résumé
Avec la généralisation d'Internet et le développement des réseaux sociaux, de nouvelles perspectives s'offrent aux écoles africaines. Des projets tels que Sankoré vulgarisent l'usage du tableau blanc interactif. Pour mener à bien une politique d'équipement d'intégration pédagogique des TIC, il est impératif d'amener les enseignants à passer du stade de l'alphabétisation aux TIC à leurs utilisations régulières. À cet effet, pour connaitre le niveau de connaissances de futurs enseignants sur les nouveaux médias et leurs utilisations pédagogiques, nous avons rencontré 23 étudiants de l'Université de Lomé au Togo qui se prédestinent à devenir enseignants. Nous leurs avons soumis un questionnaire et fait des entretiens semi-dirigés. Les résultats auxquels nous sommes parvenus montrent une bonne connaissance des outils technopédagogiques par les étudiants. Concernant l'utilisation des nouveaux médias dans l'enseignement, les avis divergent. Pour certains étudiants, il est possible d'utiliser les nouveaux médias à l'école. Pour d'autres, les problèmes infrastructurels et le manque de formation des enseignants et des élèves sont des freins à l'intégration pédagogique des TIC dans les écoles togolaises.

Mots clés : TIC ; Technoconnaissance ; Enseignants du secondaire ; Togo.

Introduction

   École numérique au Togo. Pour faire de l'intégration numérique dans l'éducation une réalité, les autorités togolaises ont lancé depuis 2015, un vaste projet nommé « École Numérique au Togo », qui doit permettre l'accès aux enfants togolais à un enseignement de qualité et au développement professionnel des enseignements à travers l'Internet. Travailler à faire intégrer les Technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les curricula de formation dès les cours primaires. Tel est l'objectif de l'association Kekeli Lab, une jeune association togolaise qui est née de la jonction de « Kekeli » qui veut dire en langué Ewé « Lumière » et de « Lab » qui est le diminutif du mot « Laboratoire » (Kokoayi, 2016). Cette association veut contribuer à la réflexion, à la planification et la mise en place de projets ayant pour objectif l'utilisation rationnelle et raisonnable des Technologies de l'Information et de la Communication dans les écoles au Togo et en Afrique.

   Introduire les technologies de l'information et de la communication dans les écoles togolaises et africaines devient, aujourd'hui, une urgence. Hier, apanage de l'État, tous les acteurs de l'éducation veulent aujourd'hui contribuer à ce que l'école numérique devienne une réalité dans le pays. Certes, dans les années 2000, la fracture numérique au Togo était considérable. Mais depuis une dizaine d'années, avec un taux de pénétration des téléphones mobiles de 66,78 %, le nombre d'abonnés à l'Internet mobile est passé de 141 000 en 2011, 197 000 en 2012 à 1 800 000 en 2015, soit une moyenne annuelle de 14,5 % d'abonnés supplémentaires (Ministère des postes et de l'économie numérique, 2016). Cette croissance de l'utilisation du téléphone GSM pour la connexion montre un intérêt certain de la population, des jeunes en particulier, à l'utilisation de l'Internet pour des besoins de communication.

   Face à cette utilisation massive des outils technologiques dans la société, les écoles doivent non seulement mettre à la disposition des élèves des infrastructures permettant l'apprentissage et les usages liés au TIC, mais aussi, enseigner avec les TIC. Il faut pour cela, des enseignants formés aux usages des TIC. C'est dans la perspective de mener une réflexion, à la suite des recherches déjà entreprises dans le domaine de l'intégration pédagogique des TIC, que nous avons voulu connaître le niveau de connaissances des étudiants, futurs enseignants, formés à l'Institut National des Sciences de l'Éducation de l'Université de Lomé sur les outils technologiques et leurs utilisations dans le contexte scolaire.

Problématique

   Sur le continent africain, l'utilisation des Technologies de l'information et de la communication (TIC) prend de l'ampleur. Les TIC devraient jouer un rôle clé dans le développement du continent. Des progrès notables se remarquent sur le terrain en faveur de l'utilisation des TIC dans le cadre du développement. Le rapport 2015 sur la mesure de la société de l'information de l'Union Internationale des télécommunications (UIT, 2015) dit : « le programme de développement durable des Nations Unies à l'horizon 2030 tient compte de l'immense potentiel que renferment les TIC et invite les pays à accroître sensiblement l'accès aux TIC, mesure qui contribuera de manière significative à la mise en œuvre de tous les objectifs de développement durable (ODD) » (p. iii). Parmi les 17 Objectifs de développement durable, celui qui nous tient particulièrement à cœur est celui relatif à l'éducation. À travers l'objectif 4 des ODD, il s'agit d'assurer l'accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d'égalité, et promouvoir les possibilités d'apprentissage tout au long de la vie.

   De nos jours, nous dirons qu'il est impossible d'atteindre une éducation de qualité sans une intégration réelle des TIC dans le processus d'apprentissage, car, l'école s'adapte à l'évolution technologique, surtout dans une société dite celle du savoir. L'école doit donc s'interroger sur son rôle dans cette société du savoir. « À présent, la diffusion des nouvelles technologies et l'avènement de l'Internet comme réseau public paraissent ouvrir de nouvelles chances pour élargir cet espace public du savoir », nous dit l'UNESCO (2005, p. 17).

   Une utilisation efficace des TIC dans le contexte scolaire s'impose donc. Mais, l'UNESCO (2011) relève que : « exploiter pleinement ce potentiel peut s'avérer problématique pour certains établissements scolaires ou enseignants » (p. 5). Parmi les difficultés d'intégrer les TIC dans l'école, l'UNESCO souligne l'acquisition des équipements qui n'est pas accessible à toutes les écoles, la difficulté de se connecter à Internet, etc. Toutefois précise l'institution, « le problème majeur qui se pose est celui de la capacité des enseignants à utiliser efficacement les TIC dans leur enseignement » (p. 5).

   Dans l'introduction du livre intitulé L'intégration pédagogique des TIC dans le travail enseignant, Karsenti et Larose disent en substance qu'intégrer les TIC dans l'école ne doit pas être vu comme un processus mécanique. C'est plutôt un questionnement sur l'utilisation de ces outils par les enseignants dans l'optique de l'amélioration de la qualité de la formation des élèves. « À l'ère d'Internet, l'intégration des TIC par les enseignants et l'accès au savoir qu'elles permettent sont désormais des enjeux sociaux fondamentaux qu'il est nécessaire de documenter sur le plan scientifique » (Karsenti et Larose, 2005, p. 6). Utiliser les technologies dans le processus de l'enseignement ne repose donc pas sur des certitudes ou sur l'utilisation des modèles préconçus qui se sont avérés efficaces dans d'autres contextes. Une intégration réussie des TIC dans l'enseignement ne fera pas l'impasse sur la formation des enseignants à utiliser ces outils.

   En Afrique, même si dans les déclarations des hommes politiques la mode est à l'utilisation des termes liés au TIC dans pratiquement tous les domaines, la réalité sur le terrain est parfois différente. Dans une étude de Tiemtoré, il ressort qu'au Burkina Faso par exemple, les acteurs éducatifs dans leur forte majorité n'utilisent pas du tout les TIC dans leurs pratiques pédagogiques. Les raisons invoquées sont : « le faible accès aux technologies, le faible niveau de compétence en la matière ». » Tiemtoré précise que « « les rares enseignants stagiaires qui s'y intéressent déclarent recourir à la débrouillardise pour acquérir quelques notions » (Tiemtoré, 2007, p.7).

   Chaque fois qu'une nouveauté est intégrée dans une pratique professionnelle et parfois même personnelle, on observe des résistances. Avec l'intégration des TIC, les résistances s'observent tant au niveau des enseignants que des élèves. S'agissant des enseignants, Carugati et Tomasetto (2002) mettent en évidence que les connaissances implicites et les attitudes des enseignantes et enseignants novices au regard du profil d'utilisation pédagogique des TIC dépendent en bonne partie des apprentissages informels réalisés par observation plus ou moins systématique dans les milieux de la pratique. À ce propos, ils disent que : « Si les enseignants témoignent de conduites de refus face au TIC, il se peut que l'innovation qu'on leur propose soit très difficile à intégrer dans les pratiques didactiques ou qu'elle soit censée ne pas être utile pour l'enseignement. » (p. 311). La levée des résistances se fera à travers une démarche qui permet à l'enseignant d'être en contact avec ces technologies et d'évoluer selon des étapes. Pour Raby (2005) : « De plus en plus d'enseignants se sentent obligés d'intégrer les TIC à leur enseignement sans avoir préalablement vécu les stades de l'utilisation personnelle ou professionnelle ». Et Raby de poursuivre : « ils résistent et l'étape de la familiarisation devient longue et pénible ; ils apprennent lentement à maîtriser les rudiments techniques, malgré leurs peurs, leur questionnement quant à la pertinence des TIC et leur impression de manquer de temps et d'accessibilité » (p. 89). Pour éviter ces écueils, Raby propose un schéma d'intégration des TIC. Pour passer de la non-utilisation à l'utilisation exemplaire des TIC. Ce schéma comporte 4 stades. Le premier est celui de la sensibilisation. Durant cette période, l'enseignant est en contact indirect avec les TIC qui sont présentes dans son environnement personnel ou professionnel. Le stade suivant est celui de l'utilisation personnelle des TIC. En utilisant à titre personnel les technologies, l'enseignant apprend à en maîtriser les rudiments techniques. Après le personnel vient le professionnel. À ce stade, l'enseignant explore et s'approprie l'utilisation d'outils technologiques. Après s'en être approprié, l'enseignant est prêt à passer au stade de l'utilisation pédagogique des technologies de l'information. À ce niveau, l'enseignant utilise directement les outils des TIC pour des activités pédagogiques.

   Le parcours n'est pas facile. Mais, l'approche proposée par Raby permet d'éviter les écueils liés aux différentes résistances, de familiariser l'enseignant aux outils en vue d'une utilisation optimale. « Présentement, trop d'enseignants, parce qu'ils rencontrent des difficultés importantes dans l'un des stades et ne reçoivent pas le soutien dont ils ont besoin, choisissent d'abandonner leur cheminement ou de ne pas le poursuivre jusqu'au développement d'une utilisation efficace des TIC » (Raby, 2005, p. 93).

École numérique au Togo

   C'est en 1997 que le Togo a connu son premier fournisseur d'accès à Internet. Il s'agit d'une entreprise privée, CAFE Informatique. Durant ces années, la capitale togolaise a vu l'installation d'une multitude de cybercafés. Aujourd'hui, le pays connait quatre fournisseurs d'accès à Internet. Il s'agit de Togo Télécom ; Togocel et Moov (qui fournissent aussi de la téléphonie GSM) et CAFE informatique.

   La téléphonie mobile est en nette croissance et permet à la population la connexion au réseau Internet. Le nombre d'abonnés à l'Internet mobile est passé de 141 000 en 2011, 197 000 en 2012 à 1 800 000 en 2015, soit une moyenne annuelle de 14,5 % d'abonnés supplémentaires (Ministère des postes et de l'économie numérique, 2016). Selon le rapport du ministère des Postes et de l'économie numérique, la majorité des utilisateurs d'Internet est constituée par les jeunes, les étudiants et quelques fonctionnaires et cadres du privé.

   Dans le domaine de l'enseignement, plusieurs projets sont mis en place pour intégrer les TIC dans les écoles. En plus des dons de matériel informatique fait par les partenaires à l'éducation, l'école numérique avance à petits pas à travers plusieurs projets. Le projet Sankoré par exemple, dans sa première phase, a doté écoles du primaire et du secondaire et les universités togolaises de 69 kits mobiles de Tableau blanc interactif (TBI). Autre projet non moins important mis en place par l'UEMOA et l'UNESCO, le projet PADTICE (Projet d'Appui au Développement des Technologies de l'Information et de la Communication) pour le renforcement des capacités de mise en œuvre de la réforme LMD dans les institutions d'enseignement supérieur de l'UEMOA, en 2015, a permis la mise en place de 3 500 mètres de fibres optiques, de 10 salles d'accès aménagées et équipées de 200 ordinateurs et d'une salle serveur équipée de matériel de pointe.

   L'État togolais, conscient du rôle des TIC comme locomotive pour le développement, veut : Introduire l'informatique dans les programmes scolaires de l'enseignement secondaire ; Créer des centres multimédias dans les établissements d'enseignement secondaire ; Procéder à l'exonération douanière des outils informatiques destinés aux établissements scolaires dans la perspective d'une diminution des coûts de ces outils ; Renforcer l'équipement des services des ministères en charge de l'éducation en matériel informatique ; Former les enseignants et les personnels des services en charge de l'éducation à l'utilisation des outils informatiques ; Généraliser la formation en informatique dans toutes les filières de licence dans les universités publiques ; Soutenir la production de contenus numériques par des incitations diverses (République Togolaise, 2014).

   Le secteur de l'éducation au primaire n'est pas laissé pour compte. Dogbe-Semanou (2016) nous dit que même si aucune stratégie spécifique n'est clairement énoncée pour l'enseignement du primaire, des stratégies sont mises en place par les autorités politiques. Ces stratégies vont de l'exonération des taxes pour l'équipement des écoles à la formation des enseignants.

   Qu'en est-il de la formation des futurs enseignants togolais à l'usage régulier des TIC ? Dogbe-Semanou (2016) nous apprend à ce propos que le curriculum de formation des élèves-instituteurs qui a cours au Togo prévoit dans son référentiel que l'enseignant doit être capable d'utiliser les TIC en éducation. Mais, aucun contenu d'enseignement portant sur ces technologies n'est administré dans les écoles de formation des instituteurs. À l'Université de Lomé, tout étudiant inscrit dans un parcours de Licence reçoit des modules de formation en Informatique. Ces modules constituent une alphabétisation au TIC, car ils permettent aux apprenants d'avoir des connaissances générales sur l'ordinateur, ses fonctionnalités et le traitement de texte. Mais, face aux difficultés infra-structurelles, ces modules ne sont pas toujours administrés à tous les étudiants. S'agissant des étudiants inscrits dans les parcours des Sciences de l'Éducation, deux modules leurs permettent d'avoir des connaissances techno-pédagogiques. Il s'agit du module sur les Médias et la communication didactique qui traite des enjeux de l'utilisation des technologies dans l'éducation. Le second module est intitulé TIC et pédagogie. Il s'agit, dans ce cours, de définir la techno-pédagogie et de connaitre le matériel et les logiciels que l'enseignant peut utiliser pour préparer et administrer un cours.

   Face à toutes ces initiatives tendant à mettre en place l'école numérique au Togo, il est important pour nous de connaître le niveau de connaissance des futurs enseignants sur les nouveaux médias et leurs utilisations pédagogiques. À travers cette étude exploratoire, il s'agit pour nous de poser les bases d'une recherche pouvant amener à proposer, dans le cadre de la formation des futurs enseignants, un référentiel de compétences dans les domaines des TIC, cela en vue de répondre non seulement aux attentes de l'État dans sa planification, mais aussi aux attentes des élèves et de leurs parents qui trouvent, de plus en plus, que l'école est déconnectée de la réalité du monde moderne.

Méthodologie

   Notre étude est exploratoire. Elle a pour objectif de déterminer le niveau de techno-connaissance des futurs enseignants du secondaire inscrits à l'Institut National des Sciences de l'Éducation de l'Université de Lomé.

Cadre de l'étude

   Le Togo est l'un des plus petits États africains avec 56 785 km2. La capitale de ce pays francophone est la ville de Lomé. La population est estimée en 2010 à environ 6 millions d'habitants. Cette population est jeune. 40 % des Togolais ont entre 0 et 14 ans. Le système scolaire togolais comprend le préscolaire, le primaire, le secondaire et le supérieur.

   Pour la formation des enseignants, le pays dispose des Écoles normales d'Instituteurs, de l'École Normale Supérieure et de l'Université. L'université de Lomé assure la plus grande responsabilité de la formation des enseignants, quel que soit le niveau auquel ils exercent. D'une part, elle dispense intégralement la formation des enseignants du supérieur et du second cycle de l'enseignement secondaire. D'autre part, elle est responsable sur le plan pédagogique de la formation des inspecteurs et des conseillers pédagogiques de tous les niveaux du système scolaire.

   Créé en 1972, l'Institut National des Sciences de l'Éducation de l'Université de Lomé (INSE) propose aux étudiants deux parcours en sciences de l'éducation. Le premier est relatif à la licence fondamentale en Sciences de l'Éducation et de la formation (SEF) et le second parcours est professionnel. Il forme les étudiants à être des enseignants du Secondaire (FES). Chaque année, l'INSE accueille plus de 400 étudiants.

Échantillon

   Notre population est constituée d'étudiants et d'étudiantes inscrits dans les deux parcours des Sciences de l'Éducation. Le premier concerne la Licence fondamentale de Sciences de l'Éducation et le second parcours concerne la Licence professionnelle d'enseignement secondaire du 1er cycle.

   Sur un total de 48 étudiants inscrits en 2015, nous avons soumis notre questionnaire à des volontaires. Ils sont 23 à avoir accepté de participer à notre étude. 14 étudiants et 9 étudiantes. 22 d'entre eux ont entre 20 et 30 ans et un a plus de 30 ans.

   15 étudiants possèdent un ordinateur à la maison contre 8 qui n'en ont pas. Les ordinateurs se connectent sur Internet via les clés mobiles de connexion vendues par les fournisseurs d'accès GSM. Tous les étudiants questionnés ont une adresse mail.

   Il est important de préciser que l'étude a été réalisée en début d'année académique. Les étudiants qui ont accepté de participer à la recherche n'avaient pas encore suivi les modules sur les TIC et la pédagogie offerts par l'Institut.

Procédure

   Pour collecter les informations, nous avons utilisé un questionnaire et un guide d'entretien semi-dirigé. Le questionnaire avait pour but de collecter les informations sur les connaissances techno-pédagogiques des étudiants. À travers les entretiens, nous avons recueilli les avis des étudiants sur les nouveaux médias et sur l'enseignement avec les nouveaux médias et les réseaux sociaux.

   Pour l'analyse des données, nous avons fait appel aux statistiques descriptives et à la méthode de l'analyse de contenu.

Résultats obtenus

Formation à l'utilisation de l'ordinateur

   Nous avons voulu savoir si les étudiants inscrits dans les parcours des Sciences de l'Éducation ont reçu une formation académique sur les TIC. 6 disent avoir reçu une formation sur l'utilisation de l'ordinateur lors de leur cursus académique. Pour les 17 autres restants, ils se sont auto-formés.

Connaissance des logiciels

   Les étudiants disent connaître, comme système d'exploitation, Windows (tous les 23 étudiants) et Ubuntu (tous les 23 étudiants). Les logiciels de bureautique maîtrisés par les étudiants sont : Word (tous les 23 étudiants) ; Excel (3 étudiants sur les 23) ; PowerPoint (3 étudiants sur les 23).

   Concernant Internet, la totalité des étudiants dit maîtriser les logiciels de navigation ; le courrier électronique et la recherche sur Internet via Google. Utilisez-vous des ressources d'Internet (sites, forums, etc.) pour vous perfectionner comme étudiants ? En réponse à cette question, 3 étudiants ont donné comme réponse par occasion ; 9 ont dit qu'ils utilisaient souvent les ressources trouvées sur Internet et 11 étudiants affirment que, la plupart du temps, ils utilisent Internet pour faire de la recherche documentaire en vue d'améliorer les connaissances acquises à l'Université.

   Les étudiants n'ont aucune connaissance sur les éditeurs d'images (Photoshop, Paintshop, Gimp) et sur les éditeurs de page web (Dreamweaver, Nvu, CMS). 6 étudiants sur les 23 affirment savoir comment utiliser une webcam pour les échanges vidéo. Ils ont une bonne connaissance (6 étudiants) ; une connaissance moyenne (8 étudiants) et aucune connaissance (9 étudiants) sur le clavardage, les chats et les forums.

Connaissance sur les nouveaux médias et les réseaux sociaux

   Apanage des jeunes, les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés par les jeunes pour des besoins de communication. Il est donc important de déterminer le niveau de connaissances que les étudiants ont des réseaux sociaux utilisés par les jeunes, leurs futurs élèves. À la question de savoir quelles sont les connaissances qu'ils ont des nouveaux médias, les réponses des étudiants montrent une parfaite connaissance des nouveaux médias et des réseaux sociaux. « Un réseau social est l'ensemble d'un groupe d'individus ou d'entités qui sont reliés entre eux par des liens », nous dit un étudiant. « Grâce aux nouveaux médias, on parle aujourd'hui d'Université numérique, d'enseignement en ligne ou de formation à distance » nous partage une étudiante.

   « À partir des nouveaux médias, on peut créer des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et Skype », nous dit un étudiant. Pour ce même étudiant, « les nouveaux médias permettent aux hommes d'être connectés et de recevoir des informations à travers le réseau informatique. »

   La création de lien entre les personnes revient dans plusieurs réponses des étudiants. « Avec les nouveaux médias, on peut construire des relations d'échanges et d'interaction via les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter ». Pour nos enquêtés, les nouveaux médias peuvent servir les intérêts de l'école. Pour cet étudiant : « de nos jours, avec les nouveaux médias, on rentre dans de nouveaux styles d'enseignement ou l'enseignant n'est plus le seul à détenir du savoir et ou l'apprenant est placé au centre de toutes les préoccupations ». Pour appuyer ces propos, l'étudiant dit : « l'apprenant est à la fois en rapport avec l'enseignant, avec d'autres groupes d'apprenants et avec les ressources éducatives ».

Nouveaux médias, réseaux sociaux et enseignement au Togo

   Est-il possible d'utiliser les nouveaux médias dans le cadre de l'enseignement au Togo ? À cette question, les avis des étudiants divergent. Oui... mais... disent certains. Non disent d'autres. Dans les deux cas, tous s'accordent sur l'importance des infrastructures et la formation.

   Pour ceux qui disent non, l'un se justifie en disant : « Le Togo comme la plupart des pays africains souffrent d'une fracture numérique. On ne trouve ces nouveaux médias que dans les grandes villes, ce qui ne représente pas le tiers des établissements scolaires au Togo. La majorité des élèves n'ont pas accès ou n'ont jamais utilisé Internet ». S'agissant des enseignants, le même étudiant dit « La majorité des enseignants du primaire et du collège ne savent pas utiliser ces médias. Se posera donc le problème de préparation des fiches de cours. Les enseignants qui ont des notions en informatique sont aussi réticents à changer de méthode d'enseignement ».

   L'équipement et la formation sont avancés comme arguments pour justifier l'impossibilité d'utiliser les nouveaux médias à l'école. Un étudiant touche la responsabilité de l'État. Pour lui, « le manque de volonté des autorités étatiques de basculer vers les nouvelles technologies à cause de leur coût exorbitant » freine l'intégration des technologies à l'école.

   Les étudiants qui disent que les nouveaux médias peuvent être utilisés dans le cadre scolaire avancent comme arguments la nécessité d'être dans « la nouvelle ère » avec les richesses aussi bien relationnelles que pédagogiques qu'offrent les nouveaux médias. « Il faut expérimenter d'abord avant d'étendre » nous dit une étudiante. Pour elle, « l'expérimentation pourra passer par la mise sur pied de groupes pilotes pour voir l'interaction entre les élèves membres du groupe, la dynamique et la flexibilité qu'offrent les méthodes d'enseignement basées sur les nouveaux médias ».

   Nombreux sont les étudiants qui insistent sur les conditions de l'intégration des nouveaux médias dans les écoles togolaises. Ils insistent sur la formation des élèves et des enseignants et la dotation des écoles en matériel informatique. Un étudiant dit : « il faut diminuer les effectifs des élèves par classe pour un bon suivi » car selon lui : « avec des classes surchargées, il est impossible d'utiliser des ordinateurs pour dispenser des cours ».

   Une étudiante avance des arguments sur les faiblesses des réseaux sociaux pour soutenir qu'il est important de former les élèves. Selon cette dernière, « les élèves utilisent les réseaux sociaux pour tricher lors des évaluations et des examens ». Pour prévenir cette pratique néfaste à l'éducation, elle ajoute : « Il est important de nous former pour pouvoir détecter les cas de tricherie qui se font à partir d'Internet. Nous devons aussi sensibiliser les élèves à ne pas utiliser les réseaux sociaux pour tricher en communiquant entre eux les réponses aux questions des interrogations et des devoirs par exemple ».

Formation des futurs enseignants à l'usage des nouveaux médias

   Les différentes études que nous avons consultées montrent que la formation est l'une des étapes nécessaires à l'intégration pédagogique des TIC. Formation des enseignants, mais aussi des apprenants. À la question de savoir quels sont les obstacles à la formation des enseignants à l'usage régulier des TIC, la totalité des enquêtés (23 étudiants) ont donné comme réponse le manque de cours et de matériel informatique dans les écoles de formation des enseignants et dans les universités. « Nous devons recevoir, dès les premiers semestres de formation à l'université, des cours d'informatique. Je ne parle pas de cours théorique, mais des cours dans des salles bien équipées et connectées à l'Internet » nous dit une étudiante. Pour ce second étudiant, le problème doit se résoudre depuis le collège ou le lycée. « Il faut impérativement donner des cours d'informatique dans les collèges et les lycées togolais » nous dit-il. Il continue en ces termes : « Nous arrivons à l'université sans aucune compétence en informatique. Si depuis le collège, on nous avait donné des cours en informatique, aujourd'hui, nous serions compétents en utilisation du traitement de texte par exemple, et nous nous concentrerions davantage sur l'apprentissage des logiciels pour faire de la recherche par exemple ».

   Les étudiants pointent du doigt le problème d'infrastructures et l'absence de programme de formation en informatique dans les établissements. Ils insistent aussi sur le coût du matériel et la cherté de la connexion à l'Internet. Pour eux, l'État doit mettre en oeuvre une politique qui va permettre aux étudiants de pouvoir acquérir des ordinateurs à un prix accessible. « Il faut revoir les taxes sur les ordinateurs » avance un étudiant. « Non seulement les ordinateurs sont chers, mais la connexion est aussi chère. Avec ça, il est impossible que nous, en tant que futur enseignant, nous puissions avoir un ordinateur à la maison et faire des recherches ou simplement, rendre des devoirs saisis dans un traitement de texte » nous dit-il.

Discussion

   Les résultats que nous avons obtenus à l'issue de notre recherche nous permettent d'affirmer que les étudiants en Sciences de l'Éducation de l'Université de Lomé ont un niveau de techno-connaissance élevé. En effet, les connaissances qu'ils ont sur le matériel informatique, sur les logiciels et sur Internet et les réseaux sociaux sont d'assez bonne qualité. Ils ont aussi des connaissances sur les usages des nouveaux médias dans la pédagogie et sur les obstacles à l'intégration pédagogique des TIC au Togo.

   À la suite de l'UNESCO (2005, 2011), les propos des étudiants mettent en évidence qu'aucune intégration des TIC ne peut se faire efficacement dans les écoles togolaises si les enseignants ne sont pas formés à l'usage de ces outils technologiques. Mais, la faiblesse des équipements des universités amène les étudiants à « recourir à la débrouillardise » comme l'a souligné Tiemtoré (2007) lors de son étude sur des enseignants stagiaires au Burkina Faso.

   Contrairement à Carugati et Tomasetto (2002), nous n'avons pas remarqué des résistances développées par les étudiants quant à l'intégration des TIC dans les pratiques didactiques en lien avec l'apprentissage informel qui a déterminé les connaissances qu'ils ont des outils technologiques. Futurs enseignants, ils sont ouverts à utiliser les technologies pour se former, préparer et administrer un enseignement et ils sont conscients des obstacles. Nous pouvons dire qu'ils sont au-delà de l'étape de sensibilisation (Raby, 2005). Ils ont déjà passé l'étape de non-utilisation et celui de l'utilisation personnelle. Reste maintenant à les faire passer dans les deux derniers stades du modèle de Raby : l'utilisation professionnelle et l'utilisation pédagogique des TIC.

Conclusion

   À l'issue de notre étude, nos résultats montrent que les étudiants en Sciences de l'Éducation à l'Université de Lomé ont des connaissances sur les nouveaux médias et leurs utilisations dans le cadre scolaire.

   Ces connaissances méritent d'être approfondies avec des modules de formation à la techno-pédagogie, afin de les amener à maîtriser encore plus les modalités d'intégration pédagogique des TIC, mais aussi connaître le matériel et les logiciels utilisés dans le domaine de l'enseignement pour aller de la techno-connaissance à la techno-compétence.

Kouawo Candide Achille Ayayi
Institut National des Sciences de l'Éducation de l'Université de Lomé

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

Références

Carugati, F. et Tomasetto, C. (2002). Le corps enseignant face aux technologies de l'information et de la communication : un défi incontournable. Revue des sciences de l'éducation, 28 (2), p. 305-324.

Dogbe-Semanou, D. A. K. (2016). L'informatique au primaire en Afrique subsaharienne francophone, entre marketing et pratiques pédagogiques : cas du Togo. In François Villemonteix, Georges-Louis Baron et Jacques Béziat (dir.) L'école primaire et les technologies informatisées : des enseignants face aux TICE. Édition Septentrion Presses Universitaire (p. 97-109).

Karsenti, T. et Larose, F. (2005). Intégration des TIC et travail enseignant. In T Karsenti, F. Larose, (Éds.) L'intégration pédagogique des TIC dans le travail enseignant : Recherches et pratiques. Presses de l'Université du Québec. (p. 2-7).

Kokoayi, Y. (2016). Kekeli Lab pour répondre aux défis de l'intégration des TIC dans l'éducation au Togo et en Afrique. Consulté sur le site http://tech228.com/kekeli-lab-tic-education-togo-afrique le 25 décembre 2016.

Ministère des postes et de l'économie du numérique (2016). Situation du secteur télécom au Togo au 31 décembre 2015.

Raby, C. (2005). Le processus d'intégration des technologies de l'information et de la communication. In T. Karsenti, F. Larose (Éds.). L'intégration pédagogique des TIC dans le travail enseignant : Recherches et pratiques. Presses de l'Université du Québec. (p. 79-95).

République Togolaise (2014). Plan sectoriel de l'Éducation 2014-2025. Amélioration de l'accès, de l'équité et de la qualité de l'éducation au Togo.

Tiemtoré, Z. (2008). Technologies de l'information et de la communication, éducation et post-développement en Afrique. Paris : L'Harmattan.

UNESCO (2005). Vers les sociétés du savoir. Éd. Unesco. 232 pages.

UNESCO (2011). TIC UNESCO : un référentiel de compétences pour les enseignants. Éd. Unesco. 107 pages.

Union internationale des télécommunications (2015). Rapport mesurer la société de l'information 2015. Édition UIT. 56 pages.

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