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La formation des enseignants (et son financement)
 

   Dans l'éditorial de septembre, nous rappelions les nouveautés en matière d'enseignement de l'informatique, de l'école primaire au lycée, venant compléter l'existant [1]. Cet enseignement se fait progressivement une place même si le compte n'y est pas encore. Cela étant, commencent à se faire rares ceux pour qui il n'est pas utile d'introduire une discipline informatique car les élèves en savent plus que les professeurs sur le sujet, la preuve en étant qu'ils passent leur temps sur leurs objets connectés. On peut encore entendre de tels propos, parfois venant de personnes exerçant de hautes responsabilités dans la société. Mais, dans L'école primaire et les technologies informatisées, les auteurs soulignent « s'être rendu compte que les jeunes, tout « aborigènes du numérique » qu'ils puissent être, n'avaient que peu de conceptualisation des processus survenant derrière les écrans et peu d'autonomie dans leurs usages s'ils n'avaient pas reçu une éducation minimale » [2].

   Il faut donc donner une culture générale informatique, composante de la culture générale scientifique de notre époque, et poursuivre le développement des usages pédagogiques raisonnés de l'informatique. « Enseigner avec » et « éduquer à » sont deux choses différentes qu'il ne faut pas confondre. L'informatique est un outil pédagogique à utiliser de manière circonstanciée dans toutes les disciplines et doit être un objet d'enseignement spécifique, dans une discipline en tant que telle, pour tous les élèves. Autre chose encore, l'évolution, de par l'influence de l'informatique, de l'« essence » (objets, méthodes, outils) des disciplines enseignées.

   Pour cela, dans tous les cas, il faut des professeurs bien formés. Concernant des utilisations pédagogiques pertinentes dans les disciplines, dans l'ouvrage cité ci-avant, les auteurs font état d'une nouvelle confirmation d'un fait bien établi : « quand les enseignants ne se sentent pas assez formés, ils rechignent (à juste titre) à la prise de risque que représente l'utilisation d'environnements informatisés qui "marchent presque", obligent à gérer des aléas supplémentaires et risquent de leur faire perdre la face. » Et pour enseigner l'informatique, il faut des professeurs d'informatique. Il faut donc créer sans attendre des concours de recrutement comme il en existe dans les autres disciplines, à savoir un Capes et une agrégation d'informatique. Une évidence à laquelle s'oppose avec obstination le MEN, depuis des décennies.

   La formation des enseignants reste le point faible des dispositifs mis en place pour l'informatique et le numérique, au risque de compromettre les mesures annoncées pour cette rentrée.

   Le ministère multiplie les partenariats avec des entreprises privées. Il a renouvelé son contrat avec Microsoft au détriment du logiciel libre et de l'interopérabilité. Il lui confie notamment des formations des personnels d'encadrement. Les compétences existent pourtant dans le système éducatif. Google finance des formations qui figurent dans des Plans Académiques de Formation. N'y a-t-il pas un budget de l'Éducation nationale fait pour cela ? Et Total participe au financement du périscolaire.

   Enfin, on a appris récemment que Google, Facebook, IBM, Microsoft et Amazon ont officialisé dans un communiqué commun la création du « Partnership on Artificial Intelligence to Benefit People and Society » (« partenariat pour l'intelligence artificielle au bénéfice des citoyens et de la société »). Ce partenariat prendra la forme d'une organisation à but non lucratif, qui « mènera des recherches, recommandera de bonnes pratiques, et publiera les résultats de ses recherches sous une licence ouverte ». Un partenariat pour définir des bonnes pratiques notamment en termes d'éthique [3]. Savoureux d'entendre parler d'éthique par des groupes qui se dérobent aux impôts... et peuvent ainsi par ailleurs financer à bon compte des formations.

15 octobre 2016

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] « Cette rentrée 2016 voit l'extension de l'option de spécialité de Terminale S "Informatique et sciences du numérique" en 1res ES, L et S sous forme d'un enseignement facultatif "Informatique et création numérique". De l'informatique figure dans les nouveaux programmes des cycles 2, 3 et 4, pour le cycle 4 dans les cours de mathématiques et de technologie. Ces nouveautés viennent rejoindre l'option ISN de Terminale S créée en 2012, l'enseignement de l'informatique pour tous les élèves de CPGE scientifiques introduit en 2013 et l'enseignement d'exploration "Informatique et création numérique" mis en place en classe de Seconde en 2015. »
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1609a.htm

[2] L'école primaire et les technologies informatisées, François Villemonteix, Georges-Louis Baron, Jacques Béziat, Presses universitaires du Septentrion.

[3] http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/09/28/intelligence-artificielle-les-geants-du-web-lancent-un-partenariat-sur-l-ethique_5005123_4408996.html

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Octobre 2016

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