Des vidéos d'expériences de physique-chimie
Intérêts et réalisation

Éliane Fauchard, Alain Le Rille
 

Les expériences de physique peuvent être filmées, le montage informatisé permettant d'y inclure des schémas et des descriptifs, avant d'en faire la présentation à la classe grâce à un vidéo-projecteur. La réalisation ne demande que du matériel rudimentaire et un investissement quasi-nul. La diffusion peut se faire pour les élèves (et le grand public) par cédérom et/ou sur Internet. Ces vidéos présentent un grand intérêt, aussi bien pour les étudiants que pour le professeur. Nous présentons ici notre expérience en la matière, aisément reproductible et adaptable.

   Nous avons filmé de nombreuses expériences de physique et de chimie, depuis l'année scolaire 2004-2005, au lycée Camille Pissarro de Pontoise. Les vidéos, qui durent entre 2 et 6 minutes environ, sont à ce jour au nombre de 80. On peut parmi ces films discerner deux types : ceux qui servent à illustrer des notions (ce que l'on appelle les expériences de cours les plus nombreuses), et celles qui constituent pour l'élève une aide technique lors des travaux pratiques.

   Les intérêts de ces vidéos pour l'élève sont nombreux. En voici un bref aperçu.

   Pendant l'année scolaire, l'étudiant visionne ces vidéos d'expériences soit lors du cours (la projection devant la classe se fait grâce à un vidéo-projecteur), soit lors de ses révisions (l'élève regarde alors l'écran de son ordinateur). Dans les deux cas, la visibilité des phénomènes présentés est très bonne : cela permet de s'affranchir des problèmes de luminosité (fréquents en optique), mais aussi de présenter à une classe entière des dispositifs tellement petits que seuls deux ou trois élèves seraient en mesure de les voir. Ainsi, nous avons filmé un réseau de diffraction à travers un microscope : sans la vidéo, il n'aurait pas été concevable de demander à tous les étudiants, les uns après les autres, de coller leur oeil au microscope !

   Un clip « type » commence par la présentation du matériel qui permet la manipulation, se poursuit par l'expérience proprement dite et enfin se termine par l'explication et l'interprétation du phénomène. Avec la vidéo, tout particulièrement lors de la visualisation d'un phénomène rapide, on peut faire des arrêts sur image, des ralentis, des retours en arrière, etc. Mais ce qui concourt à rendre l'expérience encore plus claire pour l'apprenant, c'est la superposition sur les images filmées de schémas explicatifs et d'annotations. Par exemple, la vidéo que nous avons réalisée sur l'expérience des rails de Laplace est agrémentée de flèches indiquant les directions de l'intensité électrique, du champ magnétique et de la force de Laplace.

   Le fait que l'expérience soit enregistrée permet d'en laisser une trace plus précise : non seulement l'élève a accès à ses notes prises pendant la projection (on peut se passer d'éteindre l'éclairage de la salle de classe pendant que l'on projette le film), mais aussi à la vidéo proprement dite puisqu'elle est disponible sur Internet et aussi sur un cédérom distribué en début d'année. Ceci est mis à profit lors des travaux pratiques : les élèves peuvent par exemple visionner à nouveau le clip présentant le réglage de l'interféromètre de Michelson lorsqu'ils sont confrontés à l'utilisation de ce dispositif, ou bien encore la vidéo sur l'utilisation de l'oscilloscope lorsqu'ils doivent expérimentalement mesurer un déphasage en électricité.

   L'enseignant trouve aussi un grand confort dans l'utilisation des films d'expériences de cours. Comme on l'a déjà souligné précédemment, avec la vidéo, ç'en est fini des ennuis traditionnels avec la lumière (en particulier pour les expériences d'optique), avec la taille du dispositif (combien de manipulations sont visibles par quelques élèves proches, mais pas par toute une classe ?), avec le bruit (engendré par une pompe comme lorsqu'on fait le vide pour faire bouillir de l'eau à basse température), ou encore avec les conditions météorologiques (les manipulations d'électrostatique un jour de pluie ne sont pas toujours choses faciles ; de même sur un film nous montrons comment un miroir parabolique éclairé par le soleil mettait le feu à une feuille de papier... un jour sans nuage !).

   Mais ce n'est pas tout : lorsque le professeur réalise une expérience de cours, il lui faut s'assurer que le matériel est à la fois présent, disponible, et peu encombrant pour sa salle de classe... qui ne permet de toute façon pas toujours de réaliser l'expérience voulue (y a-t-il de l'eau, une hotte, etc. ?). Le fait d'avoir filmé préalablement l'expérience lui permet de s'affranchir de ces problèmes matériels : un ordinateur et un vidéo-projecteur lui suffisent. D'autre part, certaines expériences de chimie sont dangereuses et on surmonte les problèmes de sécurité en les enregistrant dans une salle ad hoc, en l'absence des élèves.

   De surcroît, avec le film de l'expérience, l'enseignant possède la pleine maîtrise du déroulement scénographique : l'expérience peut être contractée dans le temps (ce qui est bien utile en particulier en thermodynamique où les phénomènes sont lents), les retours en arrière sont possibles (pour les élèves qui manquaient justement de concentration quand il fallait ouvrir les yeux...) et le déroulement de la manipulation se fait dans l'ordre voulu par le pédagogue (il est intéressant d'ouvrir un cours sur la mise en évidence expérimentale d'un phénomène), de façon déconnectée des contingences matérielles. Ainsi, les « temps morts », parfois nombreux quand on passe d'un dispositif à un autre (par exemple quand il s'agit de montrer des interférences d'abord avec un laser, puis ensuite avec une source de lumière blanche), disparaissent avec les coupures réalisées lors du montage.

   Nous tenons à attirer l'attention sur le fait que, les travaux pratiques étant le lieu de l'expérimentation de l'élève – et du professeur- il ne s'agit pour nous en aucune manière d'exclure les manipulations de l'enseignement de la physique – chimie en ayant un recours systématique à la vidéo. Tout au contraire : celle-ci permet de renforcer la présence de l'expérience dans le cours, puisque son utilisation est simplifiée. En ce qui nous concerne, le cinéma (projeter des films) ne s'oppose pas au théâtre (faire des expériences devant et avec les élèves) !

   Donnons maintenant un aperçu des moyens utilisés pour réaliser ces films scientifiques, depuis le tournage jusqu'à la diffusion en passant par le montage. Le matériel de physique chimie utilisé était exclusivement celui du laboratoire du lycée Camille Pissarro. Un effet collatéral de notre entreprise a été d'« exhumer » certains dispositifs oubliés au fond de placards et de leur redonner vie.

   Pour filmer les expériences, nous avons employé un appareil photo numérique « Canon IXUS 40 » [1] comme caméra vidéo, nous avons utilisé un pied de chimie surmonté d'une tige avec une noix et une pince en guise de trépied, enfin la lumière du jour ou/et les néons des salles était notre seul éclairage. Malgré l'utilisation d'un matériel rudimentaire – qui nous permet de réaliser ces films sans aucun coût – la qualité de nos créations est tout à fait satisfaisante lors de l'utilisation d'un vidéo-projecteur. L'équipe de tournage était très réduite puisque nous n'étions que deux, l'un faisant office de caméraman, pendant que l'autre manipulait. Pour bien des expériences, la coopération a été fructueuse, voir indispensable.

   Une fois la séquence filmée, nous avons utilisé pour le montage des logiciels non professionnels, et gratuits : comme lecteur vidéo, VLC [2] (libre) ; pour la retouche image, IrfanView [3] et Paint [4] (inclus dans Windows) ou (mieux) son successeur Paint.net [5] ; pour le montage vidéo proprement dit, WindowsMovieMaker [6] (inclus lui-aussi dans les dernières versions de Windows). Nous nous sommes cantonnés à des effets simples (arrêt sur image, zoom sur une partie de l'écran, ralenti, fondu-enchainé). Mais surtout, nous avons un recours systématique à l'insertion de texte en vue de mettre en exergue observations, interprétations, explications et conclusions (les films peuvent être regardés sans disposer de carte son).

   Les vidéos brutes générées par le logiciel de montage Windows Movie Maker sont au format windows movie vidéo (elles portent l'extension .wmv). Nous les avons utilisées telles quelles pour la diffusion en classe grâce au vidéoprojecteur.

   Parallèlement, nous avons utilisé la possibilité donnée par Internet de diffuser facilement et sans coût nos vidéos, en premier lieu pour nos élèves, mais pour tous ceux qui y trouveraient un intérêt. Nous les avons ainsi mises en ligne sur le site des professeurs de CPGE du lycée Camille Pissarro [7]. On peut les visionner directement mais on peut aussi les télécharger afin de les sauvegarder (en vue d'une diffusion ultérieure à une classe, par exemple, si l'on est enseignant). Afin d'éviter un format propriétaire (et qui de fait est associé à l'unique plate-forme Windows), nous avons choisi de convertir les clips au format XviD [8] (les vidéos portent l'extension .avi) pour le téléchargement sur Internet. En effet, ce « codec » est libre et très efficace en termes de compression.

   Nous avons décidé de placer notre travail sous une licence « Creative Commons » [9], qui permet à tout un chacun de reproduire, distribuer, communiquer, modifier les vidéos, la seule condition requise étant de citer le nom des auteurs. L'utilisation de ces créations à des fins commerciales est prohibée. Enfin, la modification, la transformation ou l'adaptation des vidéos est permise, mais la distribution de la nouvelle version qui en résulte ne peut se faire que sous un contrat identique. A chaque réutilisation ou distribution de la création, les conditions contractuelles de sa mise à disposition doivent apparaître clairement au public, mais chacune de ces conditions peut être levée en cas d'autorisation du titulaire des droits sur l'oeuvre. Enfin, rien dans ce contrat ne diminue ou ne restreint le droit moral des auteurs.

   Devant l'afflux des connexions, le serveur a été saturé, et il nous est apparu la nécessité de déposer les vidéos sur un site spécialisé de partage de clips vidéos (comme « youtube » [10]). Notre choix s'est porté sur « yahoo! Vidéos » [11] chez qui nous avons créé une « chaîne ». Notons en passant que la « webtv » tvsciences [12] nous a contactés afin de diffuser des vidéos qui lui paraissaient intéressantes pour le grand public. Ainsi, elle diffuse certaines vidéos de nos expériences sur son site.

   Comme d'autre part la lecture en continu [13] sur Internet se généralise, nous avons aussi converti les fichiers vidéos à un format adapté au « streaming » (comme par exemple RealPlayer [14], Windows Media [15], ou Quicktime [16]). Notre choix s'est arrêté sur le format flash [17] car celui-ci est lisible dans les navigateurs internet sans trop de difficulté d'installation de logiciel (il faut juste le « plugin » flash [18]), et sur toutes les plateformes. Nous avons effectué la conversion au format flash (extension .flv) grâce au logiciel riva flv [19] (gratuit). Nous avons mis en place sur notre site un lecteur de vidéo en flash (qui est libre et configurable [20]), que les pages html « appellent » lors du lancement de la vidéo. Notons que les sites de partage de clips vidéos (comme « yahoo! Vidéos » en ce qui nous concerne) permettent directement une mise en conformité du fichier avec les exigences du streaming, le lecteur embarqué étant fourni par le site lui-même.

   Nous avons pris beaucoup de plaisir à réaliser ces petits films. Insistons sur le fait que cela ne nous a demandé aucun investissement. Certes, la création de films scientifiques est une activité « chronophage » pour l'enseignant, mais le temps passé à la réalisation et au montage n'est pas perdu : les vidéos peuvent être rediffusées à l'infini ou remodifiées très facilement. Nous sommes convaincus que, si ce n'est pas déjà fait, certains collègues peuvent se lancer dans le tournage de séquences présentant des expériences scientifiques. Nous pensons qu'une mutualisation des créations est profitable à tous : un enseignant peut être tour à tour réalisateur de ses propres créations et diffuseur de celles des collègues.

Éliane Fauchard, Alain Le Rille
enseignants de physique-chimie en CPGE
Lycée Camille Pissarro - Pontoise

Le présent texte correspond à l'intervention de M. Le Rille à la session 5 « Démonstrations pratiques » du colloque international ePrep 2008.
http://www.eprep.org/colloques/colloque08/colloque08.php.

NOTES

[1] Il semble que ce matériel ne soit plus en vente mais la plupart des appareils photos numériques proposent l'enregistrement de courtes séquences vidéos.

[2] http://www.framasoft.net/article1138.html.

[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/IrfanView.

[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Microsoft_Paint.

[5] http://www.framasoft.net/article4233.html.

[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Windows_Movie_Maker.

[7] http://cpge.pissarro.free.fr/VideosPhysique/.

[8] http://fr.wikipedia.org/wiki/Xvid.

[9] http://fr.creativecommons.org/ et en particulier le contrat décrit sur la page http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/.

[10] http://fr.youtube.com/.

[11] http://fr.video.yahoo.com/video/group?gid=821644.

[12] http://www.tvsciences.com.

[13] D'après wikipédia, « la lecture en continu (en anglais streaming) est un principe utilisé principalement pour l'envoi de contenu en "direct" (ou en léger différé). Très utilisée sur Internet, elle permet la lecture d'un flux audio ou vidéo, à mesure qu'il est diffusé. Elle s'oppose ainsi à la diffusion par téléchargement qui nécessite de récupérer l'ensemble des données d'un morceau ou d'un extrait vidéo avant de pouvoir l'écouter ou le regarder ».

[14] http://france.real.com/player/win/.

[15] http://www.microsoft.com/windows/windowsmedia/fr/.

[16] http://www.apple.com/fr/quicktime/.

[17] Voir l'article wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Adobe_Flash_Player
et le site officiel http://www.adobe.com/fr/products/flashplayer/.

[18] Téléchargeable par exemple sur http://www.clubic.com/telecharger-fiche15285-flash-player-8.html.

[19] http://riva-flv-encoder.softonic.fr/.

[20] On peut le trouver sur http://resources.neolao.com/accueil.

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Association EPI
Octobre 2008

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