Une nouvelle forme d'illettrisme

Jean-Pierre Archambault
 

   Dans leur rapport remis à Thierry Breton en décembre 2006, Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet soulignent que, dans l'économie de l'immatériel, « l'incapacité à maîtriser les TIC constituera [...] une nouvelle forme d'illettrisme, aussi dommageable que le fait de ne pas savoir lire et écrire ». Tout le monde a encore en mémoire les débats qui, en 2006, ont accompagné la transposition de la directive européenne sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (DADVSI). Il y était question d'interopérabilité, de code source, de DRM... Quid des connaissances scientifiques et techniques qui aident à comprendre ce dont il s'agit et à bien mesurer les enjeux et les conséquences des textes adoptés par le Parlement ? Il existe, de toute évidence, un enjeu majeur de culture générale scolaire pour tous les élèves, concernant à la fois leur devenir professionnel, leur vie personnelle, et l'exercice de leur citoyenneté.

L'omniprésence de l'ordinateur

   Les statuts éducatifs de l'informatique sont pluriels et distincts. L'ordinateur enrichit la panoplie des outils pédagogiques dont dispose l'enseignant pour exercer son métier. L'informatique s'immisce dans l'« essence des disciplines » et leur enseignement doit en tenir compte. Cela vaut pour tous les niveaux d'enseignement, et notamment pour les formations techniques et professionnelles, tant les métiers, les processus de travail, les profils, et les qualifications requises ont évolué. L'ordinateur représente l'outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves, et de la communauté éducative.

   Tous les usages de l'ordinateur contribuent à « dispenser » cette indispensable culture générale informatique de l'« honnête homme du XXIe siècle ». Mais la véritable question est celle de savoir s'il doit y avoir, à un moment donné de la scolarité obligatoire, apprentissages en matière de TIC et d'informatique sous la forme d'une discipline scolaire en tant que telle. Comme c'est le cas pour les mathématiques et le français, tout au long de la scolarité. Depuis une trentaine d'années, pour l'essentiel, deux approches se succèdent, coexistent, suscitent de vifs et intéressants débats. Pour l'une, les apprentissages doivent s'effectuer à travers les usages de l'outil informatique dans les différentes disciplines existantes. Pour l'autre, l'informatique étant partout, elle doit être quelque part en particulier, à un moment donné, sous la forme d'une discipline scolaire à part entière.

La formation numérique : une priorité urgente

   L'association Enseignement public et informatique (EPI), qui accompagne le développement de l'informatique dans le système éducatif depuis 1971, considère que ces deux approches, loin de s'opposer, s'avèrent complémentaires. Elle milite en faveur d'une matière « informatique et TIC » en tant que telle au lycée, dans le prolongement de la sensibilisation des élèves avec le brevet informatique et internet (B2i) à l'école primaire et au cours de technologie au collège, avec ses programmes, ses enseignants, ses horaires, et son épreuve au baccalauréat. Ainsi, tous les élèves entreraient-ils de plain-pied dans la société de la connaissance, et les entreprises recruteraient-elles les personnels hautement qualifiés dont elles ont besoin.

   Lors de la récente campagne présidentielle, l'association EPI, en coopération avec l'April, s'est adressée aux candidats. Nicolas Sarkozy a répondu : « Je considère que l'enseignement informatique prévu au socle commun des connaissances et des compétences doit être renforcé, et inclure notamment l'enseignement des bases essentielles à l'écriture de programmes informatiques. [...] La solution passe par la refonte des programmes éducatifs consacrés à l'informatique, trop centrés sur la pratique, et par le renforcement des moyens consacrés à ces formations informatiques. » Dans une interview au Journal du Net du 20 avril dernier, le président de la République précisait : « Je ferai de la formation numérique une priorité. » Il confirmait qu'« il réviserait profondément les programmes et référentiels, trop centrés sur la pratique à l'heure où c'est par la connaissance de la technique qu'on s'affranchit de ses contraintes ».

Jean-Pierre Archambault,
professeur agrégé de mathématiques,
membre du bureau national de l'EPI.

Paru dans 01 INFORMATIQUE du 14 septembre 2007, Carte blanche, p. 24.
http://lamaisondesenseignants.com/download/document/jpa01092007.pdf.

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Association EPI
Septembre 2007

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