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Les besoins et l'offre de formation aux métiers du numérique

Février 2016 - Rapport à :
- Madame la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche,
- Madame la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social,
- Monsieur le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Rapporteurs :
Inspection générale des affaires sociales,
François Schechter,
Inspection générale de l'éducation nationale, Claude Bergmann, Christine Gaubert-Macon,
Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, Ariane Azéma, Philippe Christmann,
Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologie,
Mario Castellazzi, Didier Laval.

Sommaire :
1. À la recherche des métiers du numérique
2. Approche quantitative des besoins : confirme-t-on une pénurie massive à l'horizon 2020 ?
3. Approche qualitative des besoins
4. Offre de formation initiale
   4.1. L'enseignement supérieur
   4.2. L'enseignement secondaire
   4.3. En conclusion : le secondaire ou la clef du développement attendu dans l'enseignement Supérieur
   4.4. Éléments de comparaison européenne et internationale sur l'enseignement du numérique
5. L'adaptation des dispositifs de la formation professionnelle et continue à l'évolution de la demande dans les métiers du numérique
Conclusions
Synthèse des constats
Recommandations
Annexes

Extraits :
   « C'est par une lettre de mission conjointe du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, du ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et du ministère de l'économie et du numérique (secrétariat d'État au numérique) du 13 avril 20152 adressée aux inspections de l'éducation nationale (IGEN et IGAENR), à l'IGAS et au CGEIET qu'une mission sur les besoins et l'offre de formation au numérique a été lancée. »

   Cet excellent rapport répond bien, nous semble-t-il, à la lettre de mission et à son titre.

   Nous reproduisons ci-dessous quelques passages du chapitre 4. On notera particulièrement le sous-chapitre sur l'enseignement secondaire (4,2) qui se prolonge par « Le secondaire ou la clef du développement attendu dans l'enseignement supérieur » (4,3).

   Après un rappel historique sur l'option informatique (les rapporteurs citent – note 62 – le rapport de la SIF auquel l'EPI a participé) et le bac H, le rapport fait le point sur les formations actuelles, dans les voies générales (ISN, ICN), technologiques et professionnelles, et au collège. En amont de l'enseignement secondaire, « le niveau primaire est également concerné par des mesures pour l'enseignement précoce de la programmation dans le cadre des nouvelles activités périscolaires (NAP) et aussi sous l'impulsion d'associations historiques (comme l'enseignement public de l'informatique) (sic) et du succès de nouvelles approches de formation (Simplon.co, Magic Makers, Web@cademy...) ».

   Mieux vu, l'alinéa suivant : « Cependant le développement quantitatif de l'enseignement de l'informatique et plus largement du numérique dans le second degré est conditionné par la formation des enseignants et l'hypothèse de création de CAPES et CAPET d'informatique comme le pointent le rapport de l'Académie des sciences, le rapport du Conseil national du numérique , ou encore la création d'options dans différents CAPES et CAPET existants comme évoqué dans un document de travail par la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO). » (page 36).

   Et le sous-chapitre 4.3 que nous reproduisons dans son intégralité : «  4.3. En conclusion : le secondaire ou la clef du développement attendu dans l'enseignement supérieur : Au final, les enjeux des formations numériques illustrent particulièrement l'interdépendance des degrés secondaire et supérieur que résume la formule de "bac -3 à bac +3". Qu'il s'agisse des étudiant-e-s ou des enseignant-e-s, toute politique de développement de l'offre dans l'enseignement supérieur sera également fonction des politiques engagées dans le secondaire. À cet égard, si la création de spécialités de baccalauréat dans les trois voies constitue une avancée, on ne peut que constater le très faible taux de bacheliers sensibilisés aux sciences du numérique. En effet sur les 625 650 bacheliers de la session 2014, on peut estimer que 29 035 bacheliers auront bénéficié d'une formation aux sciences du numérique soit 4,64 % (13 014 bacheliers S spécialité ISN, 8 212 bacheliers STI2D spécialité SIN, 2 251 bacheliers STMG spécialité SIG et 5 558 bacheliers professionnels SEN).
L'absence de corps dédié pour l'enseignement des sciences du numérique dans le secondaire, et ses effets en chaîne dans le supérieur, aura certainement constitué un des facteurs explicatifs de ce faible taux. Celui-ci offre ainsi un fort contraste avec la situation de l'enseignement supérieur où, malgré une très forte croissance du nombre d'enseignants-chercheurs, existent également des tensions
(cf. partie 4.1).

   À l'avenir, l'augmentation de l'offre de l'enseignement supérieur en formations numériques que recommande la mission, préférentiellement au sein du secteur disciplinaire informatique et télécommunications mais également sous forme d'un développement de formations numériques dans les formations relevant des autres disciplines, devrait également s'appuyer sur une politique plus volontariste au niveau du second degré, même si celle-ci se révèle complexe à mettre en oeuvre. »

   Nous reproduisons les recommandations n° 4 et 5.

Recommandation n° 4 : développer dans le second degré le vivier des élèves formés au numérique pour organiser un continuum bac-3/bac+3 en sciences du numérique

   Comme précisé dans le rapport, il existe pour certains diplômes du secteur numérique une réelle demande mesurée par les taux de pression dans la procédure Admission Post-Bac (APB). Toutefois, une forte augmentation des diplômés de l'enseignement supérieur supposerait de renforcer voire de construire dès le second degré des compétences en sciences du numérique.

   Pour élargir l'actuel vivier, il s'agirait d'encourager la diversification des modalités de recrutement et des parcours de formation. Cette diversification serait aussi le cadre d'une interrogation sur le poids des acquis en mathématiques lors de l'entrée dans le parcours et sur les modalités pédagogiques pour l'accueil de la diversité des apprenants (pédagogie de projet, inversée ou encore pair à pair).

   À cet égard, l'annonce du déploiement d'un enseignement facultatif en informatique et sciences du numérique dans les trois séries de la voie générale en classe de première à la rentrée 2016 et en classe de terminale à la rentrée 2017 1 est importante mais elle pourrait dans la durée se révéler insuffisante. C'est pourquoi, le bilan sur la réforme du lycée doit être l'occasion d'engager une réflexion spécifique.

   Deux pistes sont à considérer :

– la création d'un baccalauréat « sciences du numérique », proposition faite par le CNNum. Un tel baccalauréat pourrait croiser informatique, télécommunications et humanités numériques et être fondé sur une pédagogie active et orientée projet, à l'instar de ce qui est aujourd'hui développé pour les séries technologiques. Mais cette solution pose le problème de son positionnement par rapport aux autres séries avec le risque que ne soient pas attirés vers cette série des élèves dont le parcours dans l'enseignement supérieur sera cohérent avec le bac qu'ils auront passé et elle ne résout pas le défi de formation de toute une génération.

– la création d'un enseignement « numérique » portant à la fois sur les sciences du numérique (informatique, télécommunications et humanités numériques) et leurs usages économiques et sociaux. Cet enseignement serait obligatoire, le cas échéant dès la classe de seconde, au même titre qu'une deuxième langue, pour acquérir des compétences qui seraient communes à tous les baccalauréats. L'intérêt de cette approche tient à ce qu'elle conduit à définir tous les acquis nécessaires de tout-e lycéen-ne en sciences du numérique, quelles que soient les voies et séries de préparation au baccalauréat envisagées dans le cadre de la réforme du lycée. Mais cette solution conduit à faire évoluer l'ensemble des grilles horaires et conduit à mettre en place une politique ambitieuse de certification d'enseignants.

   Offrant l'opportunité d'incarner concrètement le continuum bac-3/bac+3, une offre globale et diversifiée en sciences du numérique, quelle que soit l'option retenue, ainsi que la variété des parcours possibles devraient être soutenues par une information de l'ONISEP qui développe d'ores et déjà des publications dédiées et actualisées aux évolutions de la révolution numérique.

   Mais l'appétence pour les sciences du numérique est à encourager dès le collège. La mise en place de la réforme du collège doit permettre aux élèves de s'initier à la programmation, en encourageant son approche dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) et au-delà des seules disciplines scientifiques. Le moment du collège est crucial, tout particulièrement pour les filles, si l'on veut obtenir un résultat qui débouche sur un véritable engouement pour les sciences du numérique qui aille bien au-delà de l'utilisation passive des applications et s'appuient sur les capacités créatives propres au numérique.

1. Selon les précisions données par la DGESCO.

Recommandation n° 5 : faire évoluer la politique de recrutement et de formation d'enseignants en sciences du numérique dans l'enseignement supérieur comme dans le second degré.

   L'attractivité du métier d'enseignant-e dans ce champ se heurte aux opportunités de carrière et de rémunération offertes dans les métiers du numérique, et un niveau de rémunération différencié par rapport à d'autres disciplines pour les enseignants n'est pas envisageable.

   L'hypothèse d'une série dédiée comme celle de la généralisation de l'introduction d'éléments de formation aux sciences du numérique dans les différentes voies et séries de préparation au baccalauréat, ou encore les besoins d'encadrement dans le premier cycle universitaire, imposent de répondre aux besoins de disposer d'enseignant-e-s formé-e-s aux sciences du numérique.

   Plusieurs pistes sont à explorer :

– la création d'un CAPES, CAPET et d'une agrégation en sciences numériques, à l'instar des recommandations faites par l'Académie des sciences. Ces concours de recrutement seraient peut-être susceptibles de recruter des enseignant-e-s dans le domaine du numérique (représentation de l'information, algorithmique et programmation, architecture des systèmes informatiques ou encore droit de l'internet) avec une possibilité de différencier les profils (sciences de l'ingénieur, ingénierie des systèmes d'information – informatique de gestion –, informatique théorique, humanités numériques). Étant donné les difficultés de recrutement dans cette spécialité, il serait peut-être opportun de mettre en place un dispositif de pré-recrutement à partir de la première année de licence (à l'instar des instituts de préparation à l'enseignement secondaire créés en 1957 et supprimés en 1979) et ainsi augmenter peut-être le nombre de candidatures aux concours de recrutement. En outre la création d'une agrégation en sciences numériques pourrait offrir aussi l'avantage de disposer – dans un volume nécessairement limité compte tenu des besoins de l'enseignement secondaire et des nécessaires liens entre enseignement et recherche propres aux formations supérieures – de professeurs de l'enseignement du second degré (PRAG et PRCE) dont ne dispose pas aujourd'hui le secteur de l'informatique 1 à la différence de la plupart des autres départements disciplinaires.

   Mais cette hypothèse a l'inconvénient majeur de créer une discipline supplémentaire au moment où offrir aux élèves un enseignement qui ne soit plus seulement organisé en disciplines est une préoccupation du système scolaire. Cette hypothèse est donc problématique pour les inspections générales.

– la formation à grande échelle d'enseignant-e-s dans le domaine des sciences du numérique avec délivrance d'une certification à enseigner dans ce champ disciplinaire.

   Cette hypothèse a l'avantage de s'appuyer sur des ressources enseignantes pédagogiquement expérimentées mais elle a un inconvénient : nécessiter un effort de formation conséquent (du même ordre que celui mis en place lors du plan Informatique pour tous 2).

Par contre, cette deuxième piste offre l'intérêt majeur d'associer l'ensemble des disciplines d'enseignement secondaire à la connaissance et à la diffusion d'un langage et d'outils numériques indispensables dans tous les domaines de la vie sociale.

   Concernant le second degré, il est clair que les délais qui seront nécessaires pour créer une ressource enseignante suffisante, quelle que soit l'option retenue, représenteront plusieurs années et sont incompatibles avec une mise en oeuvre rapide des mesures préconisées. Aussi est-il nécessaire dans un premier temps, afin de pallier le manque de ressource enseignante, de procéder :

– à l'identification précise des candidats des CAPES, CAPET et agrégation dans les disciplines mathématiques, sciences et techniques industrielles et économie et gestion ayant choisi une option informatique, pour rendre visible ces options et éventuellement renforcer leur attractivité en expérimentant l'ouverture de postes dédiés;

– au développement dans les ESPE d'une offre de formation aux sciences du numérique, tant en formation initiale que continue des enseignant-e-s de collège et lycée. Cette offre gagnerait à être élaborée en liaison avec des GRETA, parmi les plus engagés dans le secteur du numérique. Dans certaines disciplines, on pourrait envisager d'exiger des étudiant-e-s entrant en première année de master métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF) des compétences numériques avérées (allant au delà de la certification C2i 4) ;

– au recours pour l'enseignement des sciences numériques aux contrats de professeurs associés de l'enseignement secondaire, conformément à l'article L.932-2 du code de l'éducation et au décret n° 2007-322 du 8 mars 2007 afin de renforcer aussi ainsi le vivier de compétences pour les concours de recrutement.

   Ainsi le développement d'une offre de formation aux sciences du numérique au lycée nécessite des ressources enseignantes importantes pour lesquelles des efforts de formation ou de recrutement conséquents doivent être envisagés.

   En ce qui concerne l'enseignement supérieur, il faudrait également favoriser une diversification des ressources humaines.

   Les universités pourraient avoir plus massivement recours aux nouvelles possibilités offertes par la loi pour le recrutement contractuel d'enseignants ou d'enseignants-chercheurs. Cette option semble particulièrement adaptée aux champs les plus innovants des sciences du numérique pour lesquels il convient d'apporter une réponse rapide aux besoins de formation des étudiants.

   De manière plus générale, il serait opportun d'étudier l'évolution du statut de professeur associé (PAST) dont le volet recherche n'est pas toujours adapté au recrutement de professionnels. Ce constat s'applique particulièrement aux différents secteurs du numérique, compte tenu des évolutions rapides des technologies et méthodes de travail qui les caractérisent.

1. Même si l'université recrute de manière significative des professeurs d'économie et gestion option informatique et systèmes d'information ou encore des professeurs de sciences industrielles de l'ingénieur.

2. Voir page 58 de la thèse de Favien Emprin (2007) Formation initiale et continue pour l'enseignement des mathématiques avec les TICE : cadre d'analyse des formations et ingénierie didactique : https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-00199005/document

3.Ceci nécessiterait la création de codes discipline ad hoc.

4. Certificat informatique et internet : https://c2i.enseignementsup-recherche.gouv.fr/

Téléchargement des 97 pages PDF : http://cache.media.education.gouv.fr/file/2016/66/9/2015-097_metiers_du_numerique_568307_568669.pdf

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mai 2016

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