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Éducation et formation des citoyens de la société numérique

Contribution de la Société informatique de France.

L'informatique est la science et la technique de la représentation de l'information, d'origine artificielle ou naturelle, ainsi que des processus algorithmiques de collecte, stockage, analyse, transformation, communication et exploitation de cette information, exprimés dans des langages formels ou des langues naturelles et effectués par des machines ou des êtres humains, seuls ou collectivement.

L'informatique, au coeur du numérique

   Le texte ci-dessus a été le fruit du travail du Conseil scientifique de la Société informatique de France1. Cette définition de l'informatique explique le sens des nombreuses interventions de la SIF depuis sa création en mai 2012. L'informatique donne les clés du numérique. Des concepts élémentaires pour l'informaticien sont aujourd'hui inconnus ou incompris par le citoyen, mais, ce qui est beaucoup plus inquiétant pour l'avenir, également inconnus et incompris par le lycéen ou l'étudiant. La méconnaissance qui s'ensuit ne permet qu'une compréhension de surface du phénomène numérique, de la même façon qu'une compréhension insuffisante de la lecture et l'écriture représente un frein.

   On peut prendre un exemple 2. Les notions de données, de fichiers sont élémentaires pour un informaticien ; pour celui-ci marier deux fichiers pour n'en faire qu'un seul s'appelle « faire une jointure ». La compréhension du caractère élémentaire de cette opération est pourtant nécessaire pour comprendre les enjeux posés par des questions éthiques liées au maniement des données. Mais cela permet également de prendre des décisions logistiques en connaissance de cause. Un chef d'entreprise, d'atelier, de service, qui ne sait pas ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas l'être prendra (et prend) des décisions erronées.

   Si le cloud et le big data ne sont pas des concepts élémentaires, leur impact colossal ne peut être compris par un jeune adulte qui n'aura pas auparavant étudié les données, leur distribution, l'indexation, la fouille, ainsi que différents algorithmes qui s'y rapportent. Ceci deviendra plus important encore, lorsque l'on passe d'un rôle d'observateur à celui de créateur actif.

   La SIF demande à ce que l'informatique, tant dans sa composante « science » que « technique », soit enseignée à tous les jeunes.

L'informatique doit être étudiée en tant que telle ; la recherche dans la discipline, hors de ses applications, doit être encouragée

   Le parallèle avec les mathématiques s'impose ; certes, les mathématiques sont partout, et il est nécessaire que les enseignements des autres disciplines reposent sur une base mathématique saine, sur des connaissances, encore faut-il pour cela étudier les mathématiques en tant que telles. De même, s'il est important de soutenir les mathématiques appliquées et leur emploi en recherche dans de nombreux secteurs, il est crucial et justifié de soutenir la recherche en mathématiques fondamentales.

   Comme les autres disciplines scientifiques (la physique par exemple), l'informatique mérite d'être étudiée en tant que telle, sans pour autant perdre de vue ses nombreuses interactions avec les autres disciplines.

   On peut être soupçonneux, voire étonné, par une technologie qui semble avancer plus vite que la recherche. On peut être impressionné par la face visible de l'informatique, souvent réduite à la technologie, qui nous est livrée : chaque année apporte son lot de nouveaux équipements, de nouvelles applications, de sites permettant de remplir des services relevant jusque-là de la science fiction. Et dans ce cas, on peut se demander s'il est utile d'investir des ressources de recherche dans quelque chose qui va si vite ? Et comme d'autre part l'économie semble soutenir cette recherche (la moitié des bénéfices de nombreuses entreprises du secteur numérique est réinvestie en recherche) la tentation est grande pour les pouvoirs publics de se désengager et de laisser la recherche dans le domaine n'être financée que par le secteur privé.

   Ce choix serait cependant une erreur : on voit déjà des sujets à l'impact sociétal pourtant essentiel (par exemple dans les réseaux sociaux, les moteurs de recherche, la massification des données) dépendre de la capacité d'avoir accès à des données ou à du trafic. Il faut éviter que la recherche en informatique ne soit rendue impossible, ou limitée à certains sujets. L'informatique a besoin de ressources importantes pour que les progrès de cette recherche profitent à tous, de la même façon que des physiciens ne pourraient envisager qu'une recherche tronquée sans accès à de très grands équipements. Il est urgent que les questions de recherche en informatique soient débattues et soutenues.

   De la même façon qu'il est essentiel de soutenir une recherche en informatique en tant que discipline, il est important de considérer que, même si l'informatique doit imprégner toutes les matières du collège et du lycée, il faut aussi qu'elle soit enseignée en tant que telle. Or ceci n'est possible qu'à condition de faire appel à des enseignants formés dans cette discipline. L'informatique est une Science. En France, on pense avec raison qu'un enseignant de sciences doit avoir suivi une formation longue dans la discipline qu'il transmettra à ses élèves.

   C'est pour cette raison que la SIF demande à ce que l'objectif soit que l'enseignement de l'informatique au collège et au lycée soit effectué principalement par des enseignants titulaires d'un Capes ou d'une agrégation d'informatique.

L'informatique et le numérique : un observatoire des métiers et des carrières

   La vitesse des progrès, des changements technologiques font que les métiers du numérique se modifient continuellement. Les perspectives d'emploi sont excellentes : les étudiants issus des filières informatiques de nos Universités ou de nos Écoles trouvent très facilement un emploi.

   Mais ce besoin de nouvelles compétences doit prendre en compte la longueur des carrières. Le chômage des informaticiens est une réalité. Celle-ci n'a hélas pas fait l'objet d'une analyse en profondeur (on reconnaîtra cependant volontiers le rôle d'alerte du MUNCI (http://munci.org/) Or il n'en demeure pas moins que certaines situations méritent d'être analysées :

  • achant qu'un jeune diplômé en informatique trouvera sans peine un emploi, la tentation est grande d'ajuster la formation à l'emploi immédiat ; cela d'autant plus qu'il est difficile de prévoir les technologies de demain et de mesurer l'impact sur le long terme d'enseignements théoriques ;

  • selon l'environnement dans lequel l'informaticien se trouve, il peut avoir accès à une évolution constante des technologies mises en oeuvre, ou subira au contraire un environnement qui ne suit pas les progrès technologiques ;

  • l'offre de formation permanente mérite également une analyse approfondie : formations universitaires longues parfois incompatibles avec une vie professionnelle et familiale pleine, ou formations courtes délivrées par des constructeurs...

   La SIF préconise d'être particulièrement attentifs à la pérennité des formations, aux situations d'isolement, aux difficultés à se former. La SIF propose qu'un observatoire des métiers de l'informatique et du numérique, indépendant, soit créé afin de mesurer quantitativement et qualitativement ces phénomènes et de permettre ensuite aux acteurs de la formation, initiale et permanente, de mieux mesurer l'impact de leurs efforts et d'ajuster ceux-ci de façon à permettre la gestion des métiers de l'informatique et du numérique dans la durée.

   D'un point de vue sociétal et citoyen, rappelons que, dans un contexte d'enseignement supérieur, le but n'est pas seulement de faire en sorte que les étudiants aient un travail à la fin de leurs cursus, mais aussi de faire en sorte qu'ils aient du travail dans trente ans !

En conclusion, la Société informatique de France émet les propositions suivantes :

  • Que l'importance de l'enseignement de l'informatique soit comprise, ainsi que l'intérêt de son enseignement, pour former le citoyen de demain, le futur professionnel, la personne qui appartiendra de fait à la société numérique et voudra y avoir une maîtrise de ses outils, de ses concepts et des progrès à venir ;

  • Que l'on comprenne tout l'intérêt de traiter l'informatique comme science, technique et discipline à part entière, que l'on soutienne non seulement sa recherche appliquée mais aussi, à l'instar des autres sciences, la recherche en informatique ;

  • Qu'elle soit enseignée au collège et au lycée comme sont enseignées toutes les sciences en France, c'est-à-dire par des enseignants formés pour cela, ce qui implique la création d'un CAPES et d'une agrégation en informatique ;

  • Que ses métiers fassent l'objet d'une attention particulière : une carrière d'informaticien est longue et les technologies changeront plusieurs fois au cours de celle-ci ; la création d'un observatoire des métiers de l'informatique et du numérique pourrait permettre d'anticiper les problèmes, d'analyser les situations et développer des bonnes politiques.

http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/education-et-formation-des-citoyens-de-la-société-numérique

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Association EPI
février 2015

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