ASSISES DES ZEP - POITIERS

Conférence de Patrick BOUVEAU

 

     Les discriminations positives des ZEP : Les premières politiques compensatoires ont été faites par les Américains en 1962-1963, puis par les Européens mais elles ont été vite arrêtées sauf en France. Les ZEP, dans un premier temps, ont porté beaucoup d'illusions ; beaucoup ont cru qu'il suffisait d'abaisser le nombre d'élèves par classe pour améliorer la situation. Ce n'est pas la seule réponse et la condition suffisante pour réduire les inégalités scolaires. Le rapport Simon Moisan, montre qu'il n'y a pas de liens inéluctables entre la situation sociales des élèves et leur réussite scolaire.

     Qu'est-ce que la politique des ZEP ? Le système éducatif, au début des années 80 est caractérisé par l'unicité du traitement. On s'est vite aperçu que donner à tous le même traitement accentuait les inégalités scolaires. Pierre Bourdieu a été un des premiers à insister sur le problème de l'école unique, fondamentalement inégalitaire ; autour de cette logique s'est construite la politique des ZEP : donner plus à ceux qui ont moins selon Alain Savary. Cela a abouti à plus de postes, plus d'enseignants, mais pourquoi faire ? Le conférencier rappelle son expérience d'instituteur à Montfermeil (93) ; le nombre d'élèves par classe a baissé ; on pensait que la réussite allait suivre ; mais jusqu'où fallait-il baisser les effectifs ? Il y a eu 14 élèves en CP et cela n'a pas fait baisser le taux de redoublement. Ce fut une vraie claque pour les militants qui ont compris que le débat devrait se situer à un autre niveau. On a fait un autre essai : 5 enseignants pour 4 classes. Une deuxième question s'est posée : quel type de projet développer ? Les ZEP ont entraîné un appel à l'innovation. il fallait innover pour réussir mais l'innovation est plus difficile à approcher en milieu populaire. Un exemple : les premières expériences développées en Seine Saint Denis, en 1982-1983, expériences de décloisonnement, visant à organiser différemment le temps de travail de l'après-midi. Les parents d'élèves se sont mobilisés contre cette expérience car ce "n'était pas l'école des Français". Cela ouvre un vrai débat sur la portée sociale de l'innovation.

     Autre idée : pour changer, il fallait développer un certains nombre de projets. La mise en place des projets a contribué à instaurer une école à deux vitesses. Très souvent les élève sont prisonniers de leurs projets : c'est particulièrement fort pour les élèves en difficultés. Comment cette politique a-t-elle évolué ? Aujourd'hui la politique des ZEP est une politique à géométrie variable suivant les acteurs locaux. Patrick Bouveau travaille actuellement dans la Nièvre qui a le plus fort taux d'élèves en ZEP, deux fois plus que dans la Seine Saint Denis.

     Comment se construisent les ZEP aujourd'hui ? Les problèmes scolaires sont trois ou quatre fois plus importants dans la Seine Saint Denis que dans la Nièvre. La concentration de moyens est dans les mains du recteur. Cette logique est une logique de zonage qui a mis en évidence la question des leaders. La différence se fait sur la différence de moyens mais aussi sur l'engagement des collectivités locales.

     À quoi sert le partenariat dans le ZEP ? Les ZEP actuelles sont des ZEP d'insertion dans un monde violence et surtout d'incivilité. Troisième élément de cette évolution : la question de la ville ; Le ZEP sont le plus souvent en zone urbaine, donc mariée de façon forcée avec les collectivités locales.

     Quel impact la politique des ZEP a-t-elle sur les enseignants ? Les ZEP sont toujours présentées comme un politique destinée à compenser les inégalités sociales ; le soutien est différencié mais surtout individualisé : dans un même département les établissements scolaires les plus en difficultés ne sont pas ceux qui reçoivent le plus de moyens. Cette politique repose sur le dynamisme de situation locale ; pas de ZEP, sans projet. L'aspect le plus positif des ZEP, c'est qu'elles contribuent à une mobilisation des acteurs ; les enseignants s'y intéressent parce qu'ils y trouvent un intérêt. Si les enseignants enseignent en ZEP c'est surtout à cause du travail en équipe et ils sont plus prêts à y rester que dans les zones hors ZEP. Les enseignants trouvent que les ZEP sont des espaces d'agitation intellectuelle. Mais ils n'y résident pas et n'y scolarisent pas leurs propres enfants ; ceci a un effet tout à fait dévastateur pour les parents ; ils se disent : "quels sont ces enseignants qui sont face à nos enfants ?" et certains parents utilisent l'enseignement privé comme lieu de refuge pour leurs enfants ; c'est de plus en plus vrai pour les immigrés. Plus la dynamique scolaire est forte, plus la stabilité des enseignants est importante ; le fait d'avoir installé des ZEP génère, semble-t-il, une plus forte stabilité. Les enseignants en poste depuis longtemps en ZEP ont une difficulté à cerner le niveau d'exigence ; il y a une baisse de ce niveau lié au quotidien que vivent les enseignants et qu'ils traduisent par un certain nombre de pratiques. Cette baisse des exigences semble caractériser l'activité professionnelle de nombreux enseignants ; elle se traduit par le regard qu'ils portent sur leurs élèves.

     Comment caractérisent-ils leurs élèves ? : 20% les caractérisent de violents, 51% d'indisciplinés. Hors ZEP, ils sont caractérisés par les termes de calmes, travailleurs, sérieux ; un mot est utilisé hors ZEP et en ZEP, c'est celui d'attachants ; 70% des enseignants en ZEP utilisent ce terme pour parler de leurs élèves ; un enseignant sur trois utilise le mot passifs et le terme chahuteurs. Cette représentation n'est pas homogène selon les enseignants : 3 catégories vivent douloureusement la violence : les agrégés, les non titulaires et le personnel de la vie scolaire.

     L'impact des ZEP ? Le point fort est plus centré sur les changements de pratique que sur la réussite des élèves ; l'objectif aujourd'hui pour les enseignants reste assez flou ; l'image de la réussite reste assez diffuse ; près d'un enseignant sur deux estime que l'objectif premier de son activité est l'insertion de leurs élèves ; ; ils sont en ZEP pour la paix sociale. La maîtrise de la langue reste une autre priorité : apprendre à bien lire et à bien parler ; arrivent ensuite les actions sur la santé, la culture, l'aide aux élèves en difficulté.

     Conclusion. Les ZEP n'ont pas à rougir de leur bilan pédagogique ; elles fourmillent d'initiatives pertinentes ; elles ont réussi à tenir un de leurs objectifs : la rénovation de la pédagogie. Le deuxième objectif est plus problématique : avoir organisé des ZEP n'a pas généré de la réussite pour tous les élèves mais la ZEP peut par contre avoir un effet à rebours : contribuer à la dégradation des résultats scolaires des élèves. La ZEP c'est un espace de ségrégation sociale et scolaire et la préoccupation de l'avenir, c'est que l'on organise parfois un ghetto scolaire. Quelles pistes pour les ZEP ? : le travail en équipe, les pôles d'excellence, les leaders charismatiques, le maintien des exigences. Le compte n'y est pas en terme de réussite scolaire ; l'école pour tous reste encore à construire.

Compte-rendu réalisé par
Yves DRILLAUD (Parthenay)

 

Paru dans  La  Revue électronique de l'EPI  n° e48 de mars 2002.

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Association EPI
3 avril 2002

 

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