bas de page
 

Des avancées et des reculs
 

   Voici le numéro 250 d'EpiNet.

   Le 15 octobre 1998, l'EPI crée, sur une idée de François Jarraud approuvée par le bureau national, un magazine électronique Epi.net en complément de la Revue, des numéros spéciaux et des dossiers thématiques (Voir Rubrique « Historique » du présent numéro). EpiNet prendra la suite de la Revue papier en 2002.

   Un bel anniversaire. Une occasion pour faire un nouveau point sur les avancées et les reculs en matière d'informatique pédagogique. Sur la continuité et la continuation de l'action de l'EPI pour l'informatique dans le système éducatif : la place occupée dans la société par l'informatique, science et technique qui sous-tend les réalisations numériques, doit en faire une discipline de culture générale pour tous les lycéens. Mais il y a aussi l'informatique et le numérique comme instruments pour la pédagogie. Sans oublier nos combats pour des logiciels et des ressources libres, et la formation des enseignants.

Les choses évoluent mais trop lentement selon nous

   Des avancées ont eu lieu. Un Capes NSI et une agrégation d'informatique ont été créés ainsi qu'une spécialité NSI en Première et Terminale et SNT pour tous les élèves de Seconde. Créations en CPGE également, dans les concours d'entrée aux grandes écoles, engagement du supérieur (cf. SIF, Collectif Maths&Sciences, INRIA...). Nous nous en sommes félicités. Pendant des décennies, nous avons pris toute notre part dans les combats pour ces créations et ces évolutions. L'EPI n'est plus seule [1] comme elle l'a été dans les années 90 lors de la double suppression de l'option informatique des lycées pourtant en voie de généralisation. Ce fut alors la traversée d'un « désert explicatif » avec le B2i.

   Mais il reste beaucoup à faire. Encore récemment, le 14 mai 2022, l'EPI s'adressait au Ministre de l'Éducation nationale pour l'intégration de la science et technologie informatique dans la culture générale scolaire de tous les élèves [2]. La réponse de sa Cheffe de cabinet ne peut nous satisfaire [3].

   Pour ce qui concerne la situation actuelle, le programme NSI, d'un bon contenu scientifique, donne satisfaction. Mais l'EPI considère que le programme de SNT est quelque peu ambitieux pour des élèves n'ayant pas déjà rencontré pour l'essentiel les notions scientifiques et techniques informatiques qui le sous-tendent. Et sans qu'une progression didactique ne soit explicitement proposée. On préférerait un programme dont la logique et la progression soient structurées par les notions scientifiques et techniques que les élèves doivent s'approprier, ces notions s'appuyant sur des aspects de thématiques qui les justifient et les illustrent. Effectivement, ces thématiques sont sources de motivation pour les élèves car elles renvoient à leur vécu d'usagers de l'informatique et du numérique.

   SNT doit se transformer et se prolonger en Première et Terminale dans le tronc commun. Répétons-le, l'informatique doit être une discipline de culture générale pour tous les élèves, bien structurée et progressive, du collège au lycée. Notons que les enseignements technologiques et professionnels ont mieux pris en compte cette nécessité depuis des années.

   Au rayon des « Avancées », saluons les actions de la Direction du numérique qui tente de limiter l'emprise des GAFAM. Il serait temps ! [4]. Nous y reviendrons.

Mais le problème essentiel, le facteur limitant, reste la formation des enseignants toujours insuffisamment traitée

   Quels professeurs pour enseigner l'informatique ? Des enseignants d'informatique bien sûr, ce qui est loin d'être le cas actuellement pour SNT. Les besoins sont considérables pour faire face aux avancées. Le nombre de postes mis aux concours du Capes et de l'agrégation d'informatique, actuellement insuffisant, doit donc être augmenté d'une manière substantielle.

   Il faut aussi rendre le métier d'enseignant plus attractif en le revalorisant significativement.

   L'EPI, née en 1971 au cours de la première formation à l'informatique des enseignants, dite formation « lourde » (elle durait un an), continuera à porter ces questions essentielles [5].

En finir avec les nombreux aspects négatifs de la réforme du lycée

   Les avancées mentionnées ci-avant pâtissent considérablement du contexte de la réforme du lycée. N'hésitons pas à nous répéter [6] :

  • la disparition du groupe classe, or, si l'enseignement a une évidente dimension cognitive, il est aussi une relation humaine ;

  • le travail en groupe devient difficile et l'on constate un renforcement de l'individualisme ;

  • les difficultés pour les élèves et leurs parents de construire un cursus cohérent ne compromettant pas l'avenir ;

  • des emplois du temps infernaux se mettent en place ;

  • quid de l'équité sur le territoire national ? Les spécialités ne sont pas présentes dans tous les établissements ;

  • l'évaluation permanente se fait au détriment de la pédagogie ; il faut revenir à un diplôme national avec des épreuves communes le même jour (pas en mars comme pour les spécialités, il faut des épreuves et pas le contrôle continu (le livret scolaire a toujours sa place)) ;

  • quid des conseils de classe avec 35 professeurs ? ;

  • l'égalité filles-garçons recule et les inégalités sociales s'accentuent.

...

   En cette fin d'année, notre association redit l'impérieuse nécessité de réorganiser le lycée général en séries, rénovées et diversifiées, sans hiérarchisation, permettant le retour du groupe classe. En clair, d'en finir avec la réforme du lycée source de problèmes insolubles. Le malaise dans la profession et plus généralement dans la société ne se résoudra pas par de simples retouches à la marge.

   Des réformes sont possibles et parfois souhaitables mais elles doivent résulter de consensus issus de larges concertations. Nous ne sommes pas les seuls, là non plus, à le demander [7].

   Bonnes vacances et bonne année 2023.

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] Voir « La création de la SIF », Colin de la Higuera, 1024 numéro 20, page 11 :
https://doi.org/10.48556/SIF.1024.20.9

[2] Lettre au Ministre de l'Éducation nationale : Pour l'intégration de la science et technologie informatique dans la culture générale scolaire (14 mai 2022).
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2205a.htm

[3] Réponse de la Cheffe de cabinet du ministre (01-07-2022).
http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l2210a.htm

[4] À l'école, l'Éducation nationale tente de limiter l'emprise des Gafam.
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/11/16/a-l-ecole-l-education-nationale-tente-de-limiter-l-emprise-des-gafam_6150169_4408996.html

[5] « L'association Enseignement Public et Informatique. Un demi-siècle de militantisme (1971-2021) », Jacques Baudé.
https://www.epi.asso.fr/revue/histo/h11epi_jb21.htm#2011

[6] « Une réforme qui pose problème et ne règle pas les problèmes en suspens » (Éditorial d'EpiNet n°243 de mars 2022).
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2203a.htm

[7] « Des changements sont possibles et indispensables » (Éditorial d'EpiNet n° 247 de septembre 2022).
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2209a.htm

haut de page
Association EPI
Décembre 2022

Accueil Articles