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Les avancées considérables
auxquelles l'EPI a participé

Claude Pair
 

   Je suis heureux de féliciter l'EPI pour ses cinquante années d'action depuis 1971, en replaçant sa création et ses premières années dans l'histoire de l'enseignement de l'informatique.

   En 1966, le gouvernement du Général de Gaulle lance le « Plan Calcul » qui, à côté de la création d'une industrie nationale de l'informatique, prévoit en particulier de « développer l'enseignement des disciplines scientifiques nécessaires à la fabrication et à l'utilisation des ordinateurs » (relevé de décisions du Conseil restreint le 19 juillet 1966).

   En mars 1970 se tient au Centre international d'études pédagogiques de Sèvres un séminaire de l'OCDE intitulé « L'enseignement de l'informatique à l'école secondaire ». Immédiatement, le Ministère français répond aux recommandations en désignant un chargé de mission à l'informatique, Wladimir Mercouroff, qui se charge de cette tâche avec enthousiasme. Son diagnostic est que seuls des enseignants peuvent découvrir comment procéder. Le 28 mai, il signe avec le directeur des lycées une circulaire offrant de décharger totalement de leurs cours, pendant un an, 80 professeurs de toutes disciplines pour suivre un stage d'initiation à l'informatique chez des constructeurs (CII, IBM, Honeywell Bull).

   Ce sont ces professeurs qui en 1971 créent l'EPI. La première initiative de la jeune association est de réclamer qu'à partir de la rentrée suivante la formation soit confiée à des universités. Elle obtiendra satisfaction et W. Mercouroff choisira quatre sites parmi ceux qui ont déjà développé un enseignement de l'informatique : Grenoble, Toulouse, Nancy et pour la région parisienne l'École normale supérieure de Saint-Cloud, sous la responsabilité respective de Jean Kuntzmann, Michel Laudet – également directeur de l'IRIA –, moi-même et André Poly. À ces centres, dont le nombre total de stagiaires passe à 100, sont fixés les objectifs de les initier à l'acquisition d'une démarche informatique « modélisante, algorithmique et organisa­tion­nelle » et de créer des outils pédagogiques pour des disciplines d'enseignement général. Les professeurs formés établissent un projet de recherche pédagogique qu'ils mettront en œuvre dans leur établissement où ils retrouvent leur poste à la rentrée suivante ; d'autres enseignants les rejoignent après avoir bénéficié d'une formation plus légère par correspondance. Et à partir de 1972, quelques lycées sont équipés d'un mini-ordinateur muni d'une douzaine de postes de travail : 58 établissements au total.

   L'EPI joue alors un rôle important pour créer une communauté des enseignants ayant reçu une de ces formations. Et elle assurera la veille lorsqu'en 1977 le ministère de l'éducation décidera d'arrêter l'expérience, moins à cause des indéniables difficultés rencontrées que de l'arrêt du Plan Calcul et en outre d'une certaine méfiance envers la recherche pédagogique. En 1979 est lancé un nouveau plan prévoyant un équipement de « 10 000 micro-ordinateurs », sans que pour les utiliser ne soit prévue aucune formation pour des enseignants, dont on pense qu'ils n'auraient pas besoin de connaître grand-chose, et dans un contexte d'hésitation entre un usage pour l'enseignement assisté par ordinateur et la création d'une discipline informatique.

   Un changement se produit lorsqu'en juillet 1981, le nouveau ministre, Alain Savary, décide de geler ce plan controversé et demande des propositions à deux universitaires, anciens présidents d'université : Yves Le Corre, physicien et moi-même. Malgré l'urgence et la période de vacances, nous consultons les syndicats et associations d'enseignants et en particulier l'EPI, pour remettre le 15 octobre notre rapport qu'aujourd'hui l'association conserve toujours sur son site. Parmi les recommandations figurent la relance des formations de professeurs dans des centres universitaires, leur extension progressive à toutes les académies, et d'autre part le développement simultané de l'informatique outil et objet d'enseignement.

   Avant même la remise du rapport, le ministre me choisit comme Directeur des Lycées. Au cours de ce mandat, je continue à agir pour l'introduction de l'informatique dans l'enseignement secondaire, très naturellement en relation avec l'EPI. À la Direction, je mets en place un petit groupe, dont les membres ont été formés dans les centres des années 1970-1977, et que je charge de développer cette introduction. D'autre part, un Comité scientifique national, présidé par André Danzin, directeur de l'IRIA et personnalité éminente, assure un suivi, notamment pour l'aspect « informatique objet d'enseignement » grâce à une option dans les classes de seconde et première ; deux ans après, elle sera étendue à la classe terminale, d'abord dans 12 lycées, avec une épreuve au baccalauréat. À la fin de l'année scolaire 1982-1983, l'EPI demande une audience au ministre pour faire un bilan des différentes actions. Cette rencontre conduit à l'organisation les 21 et 22 novembre d'un colloque « Informatique et Enseignement » ouvert par Alain Savary et conclu par le Président Mitterrand, ce qui témoigne de l'importance de l'informatique pour le pays et pour son École.

   Lorsqu'en 1985 je dois quitter la direction des lycées, je retourne à mon laboratoire de Nancy – le CRIN – où je réoriente ma recherche vers la contribution que l'informatique peut apporter à la lutte contre l'échec scolaire : une expérimentation menée avec 150 élèves dans trois lycées professionnels de la région pendant deux ans, par une équipe pluridisciplinaire, dont les résultats sont présentés dans la revue Psychologie Française et au congrès « Computers in education » de l'IFIP en 1988 à Lausanne. Là aussi, comme me l'ont fait remarquer récemment son président Jean- Pierre Archambault et son président d'honneur Jacques Baudé, je rejoins l'EPI, qui « veut faire de l'informatique [...] un facteur de progrès et un instrument de démocratisation ».

   Depuis cette époque, l'enseignement de l'informatique dans les écoles, collèges et lycées a beaucoup évolué, avec des reculs que l'EPI a déplorés et des avancées considérables auxquelles elle a participé, en particulier dans les dernières années : aujourd'hui, l'informatique est présente à tous les niveaux de l'enseignement, avec notamment au baccalauréat une spécialité « Numérique et Sciences Informatiques ». Et pour l'EPI, ses noces d'or sont propices à une réflexion sur l'informatique scolaire et la contribution que lui apporte l'Association.

Claude Pair
Directeur des lycées (1981-1985)
Recteur de l'Académie de Lille (1989-1993)

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Février 2021

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