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Vers une conceptualisation de l'autonomie
professionnelle de l'enseignant

Fatima Zahra Lotfi
 

Résumé
Considérée comme levier de la professionnalisation, l'Autonomie Professionnelle de l'Enseignant (APE) – des cycles primaire et secondaire – est rarement définie en soi. Il est donc utile d'en préciser les dimensions et caractéristiques. L'objectif de cet article étant de clarifier la question de l'APE, en particulier dans le contexte marocain. À cet égard, il abordera différentes conceptions et formes d'autonomie. Des notions en corollaire – telles l'indépendance, la liberté, la réflexivité, l'autodétermination, la responsabilité – seront discutées également. L'article proposera aussi, en s'appuyant sur les quatre attributs qui constituent ce concept, une grille des indicateurs de l'enseignant autonome.

Mots-clés : autonomie, pratique pédagogique, développement professionnel, enseignant, TICE.

Introduction

   Dans la littérature, les significations que revêt le concept « Autonomie » sont multiples (Chauffaut et David, 2003). Il est défini selon plusieurs points de vue et a pris diverses formes à travers différentes théories. Il s'avère en fin de compte qu'il est largement confondu avec l'idée de liberté ou d'indépendance. En outre, ce construit est fortement chargé idéologiquement, polysémique dès lors que l'on essaie d'en déterminer un contenu opérationnel. Avec le recul des organisations de travail standardisé, l'autonomie des employés a pris de l'envergure. Elle est devenue comme un levier d'efficacité et de performance des organisations. Toutefois cette notion reste difficile à déterminer et équivoque, éminemment l'Autonomie Professionnelle de l'Enseignant (désormais APE) s'inscrivant dans un environnement professionnel plus complexe.

   Depuis les années 90, le terme « autonomie » est devenu l'un des maîtres-mots de la didactique (Benson et Voller, 1997 ou Castany & Meard, 2000, cité par Nolwena Monnier, Nadia Yassine-Diab, 2013). Ce terme a d'abord fait référence à l'autonomie des étudiants, en lien direct avec le développement des TICE ou avec l'apprentissage des langues. De nombreuses éditions sur l'autonomie des apprenants et sur le nouveau statut de l'enseignant comme médiateur, ont « appelé » l'apprenant à devenir plus autonome et plus responsable face à son propre apprentissage. Toutefois, cette réflexion ubiquiste à propos de l'autonomie de l'élève n'est presque jamais accompagnée d'une réflexion relative à l'autonomie de l'enseignant. Comment prétendre donc conduire l'apprenant vers plus d'autonomie si l'on n'en dispose pas soi-même ? Selon Legendre (2005), l'autonomie des enseignants reste moins étudiée et n'a jamais donné lieu à une réelle définition du concept. B. André (1996) souligne aussi que, si de nombreuses recherches ont été effectuées sur l'autonomie des apprenants, celle des enseignants a rarement retenu l'attention des chercheurs.

   Diverses questions se posent donc : quelles sont les différentes conceptions et formes d'autonomie au travail ? Que signifie l'APE ? Renvoie-t-elle à une simple indépendance individuelle ? L'enseignant est-il totalement libre dans ses choix pédagogiques et peut-il « faire tout ce qu'il veut » ? De quelle volonté parle-t-on : libre et arbitraire ou réfléchie ? Qu'en est-il des injonctions officielles ? Quelles sont les dimensions et les attributs constituant le construit de l'APE ? Quelles missions incombe-t-il à l'enseignant d'accomplir aujourd'hui à la lumière des nouveaux rôles induits par l'autonomie pédagogique ?

   Cet article se propose de repenser le cadre conceptuel environnant l'APE et comprendre notamment son fonctionnement.

1. Les circonstances de la genèse de l'APE

   Plus que jamais, le progrès et le niveau de vie d'un peuple dépendent de son niveau scientifique et culturel, lui-même largement dépendant de la qualité de son enseignement. Ainsi, l'une des priorités des politiques d'éducation dans plusieurs pays, y compris le Maroc, est d'oeuvrer dans le sens de l'amélioration qualitative de l'enseignement, particulièrement en renforçant la capacité d'innovation pédagogique et la professionnalisation des enseignants. En effet, il existe plusieurs études qui montrent l'importance du rôle que joue l'enseignant dans le processus enseignement-apprentissage ou « l'effet maître ». Parmi lesquelles figure le rapport publié par McKinsey et Company (2007) dont les conclusions s'appuient sur l'analyse de vingt-cinq systèmes d'enseignement dans le monde : « la qualité d'un système scolaire ne peut excéder celle de son corps enseignant » (p. 13) et « les systèmes les plus performants sont la preuve que, in fine, c'est le niveau de compétence des enseignants qui fait la qualité d'un système scolaire » (Ibidem, p. 13). Assurément, l'enseignant joue un rôle crucial dans la réussite du processus enseignement-apprentissage. Ainsi, l'atteinte des objectifs pédagogiques est majoritairement tributaire de sa manière d'agir et des procédés choisis et mobilisés pour cette fin. Un enseignement de qualité requiert inéluctablement des enseignants de qualité. C'est pourquoi les textes constitutifs et institutionnels marocains focalisent l'intérêt sur cet acteur, ses compétences, sa personnalité et sa formation professionnelle, etc.

   C'est dans ce contexte que le concept « Autonomie de l'Enseignant » émerge. Elle n'est pas une finalité en soi, on attend de cette autonomie et de la liberté qu'elle suppose un développement de la créativité et des capacités d'innovation de l'enseignant, ainsi qu'une meilleure différenciation des apprentissages de façon à accroître son adaptation à l'hétérogénéité des apprenants. En fait, l'enseignant est censé connaître mieux que quiconque les particularités et les besoins de ses étudiants ainsi que la réalité du contexte d'action où il exerce.

   En outre, l'intégration des TICE ces dernières années implique une remise en question considérable des stratégies et moyens pédagogiques anciennes, de même qu'une nouvelle définition du rôle de l'enseignant. L'autonomie exhale l'imagination et la créativité de l'enseignant, et c'est en elle que s'exprime la supériorité de son profil professionnel, faisant appel à de nouveaux rôles et fonctions. Elle engage l'enseignant dans un développement professionnel continu qui lui permet d'actualiser ses connaissances et ses compétences ainsi que de s'adapter à tout changement et conceptions liés à l'enseignement.

   D'un autre coté, l'imprévisibilité des situations professionnelles, ou leur caractère parfois inédit, ébranle l'ordre scolaire et demande un ajustement immédiat et une prise de décision pédagogique sur le tas. Comme il s'agit d'un travail exercé sur l'humain, directement lié à l'encadrement de l'humain, à sa formation et à sa socialisation, l'enseignant est appelé à être réactif, voire proactif lors du face à face pédagogique : répondre, in situ, à une multitude d'effets incertains, mobiliser des procédures alternatives et se débrouiller seul. Ceci n'est qu'une reformulation de la célèbre formule de Perrenoud, « décider dans l'incertitude et agir dans l'urgence ». De ce fait, il ne devrait pas être seulement un technicien exécutant des tâches prescrites, mais un professionnel capable de construire ses stratégies en s'appuyant sur des savoirs rationnels et en développant son autonomie (Paquay et al., 2001).

   Dans cette optique, la stratégie du CSEFRS marocain projetée à l'an 2030 a mis en exergue la nécessité de la professionnalisation de l'enseignant en vue d'assurer un saut qualitatif dans ses actions et recommande « l'adoption d'une position éclectique dans le recours aux approches pédagogiques de manière à assurer l'efficacité des apprentissages et à renforcer l'autonomie pédagogique des actes d'enseignement et de formation » (Vision Stratégique de la Réforme (2015-2030), p. 41). Ceci permet de constater que le Maroc s'est inscrit dans ce mouvement international par son engagement dans l'application du principe de professionnalisation. Il importe de souligner que celle-ci repose grandement sur l'autonomie de l'enseignant et sur la place que ce dernier occupe par rapport aux responsabilités et aux décisions se rapportant à sa profession (Perrenoud, 2001).

2. L'autonomie, une question de focalisation

   Dans la littérature, une certaine confusion apparaît à l'utilisation du terme « autonomie » dans le domaine de travail. En effet, l'individu serait autonome à partir du moment où il a la possibilité d'agir, soit parce qu'il en est capable soit parce qu'il y est autorisé (Keenan, 1999, cité par I. Vivegnis, 2016, p. 44). Ceci dit, il existe deux points de vue opposés à propos du sens dudit concept, impliquant par suite deux pôles, l'individu et le milieu professionnel.

   Dans une vision tendant à responsabiliser l'environnement, ce terme est convoqué pour désigner les conditions et les possibilités qui sont offertes à l'individu en général, ou l'enseignant dans notre cas, pour piloter son agir professionnelle à sa façon, de manière qu'il soit contrôlé par lui-même par des processus métacognitifs. L'autonomie renvoie à l'environnement et aux conditions dans lesquelles elle se construit et s'exerce (Deschryver, 2010, ibidem, p. 46). Autrement dit, elle signifie la liberté de choix qu'on octroie à un professionnel. Au lieu du terme « autonomie », Maggi, B. (2003) utilise la notion « d'espace discrétionnaire » pour indiquer la flexibilité allouée à l'individu dans le travail. Gilbert De Terssac (2012) parle plutôt de « l'autonomie requise » en désignant les marges de manoeuvre attribuées ou les degrés de liberté dont dispose l'individu à son poste de travail.

   Les études qui s'y rapportent cherchent la perception de la personne et sa satisfaction vis-à-vis de sa zone de manoeuvre et questionnent également ses possibilités de choix en lien avec sa profession. Dans cette perspective, Perrenoud (2000) distingue deux formes d'autonomie liées à la perception de l'individu: l'autonomie revendiquée ou voulue et l'autonomie prescrite ou exigée. Il souligne que l'autonomie prescrite n'est qu'une manière de « rejeter une part des critiques » sur le dos des enseignants et incriminer leur compréhension et mise en oeuvre des programmes. Si les enseignants faisaient leur travail comme il est prescrit, ce sont ceux qui énoncent les règles, ils devraient assumer toute la responsabilité. Cette forme est généralement refusée dans la mesure où l'autonomie est vue comme un moyen d'accroître la responsabilité de l'être. Par contre, l'autonomie serait revendiquée quand elle est perçue comme un moyen qui allège les contraintes et facilite le travail. Dans l'approche psychologique de travail, Barel et al. (2009) ont étudié l'autonomie de l'employé et ont démontré que l'augmentation de l'autonomie au travail permet généralement une meilleure rétention des ressources humaines.

   Il existe également des échelles qui ont été développées pour mesurer l'autonomie des enseignants. Ces instruments varient en fonction des différentes conceptualisations du dit construit. Selon cette focalisation le SAS, par exemple, cherche à évaluer la conviction de l'enseignant à propos de l'absence de toute interférence extérieure, pression ou contrôle. Le TAS, quant à lui, mesure la perception de l'enseignant à l'égard de sa possibilité à contrôler son environnement de travail. Exemples de types d'items : « What I teach in my class is determined for the most part by myself », « The selection of student-learning activities in my class is under my control ». Un exemple d'affirmation reflétant une haute autonomie : « I am free to be creative in my teaching approach. », et une faible autonomie : « In my situation, I have little say over the content and skills that are selected for teaching ». Le TWA, une autre échelle qui mesure l'autonomie professionnelle de l'enseignant, prévoit aussi l'autonomie comme la liberté accordée à l'enseignant en vue de prendre le contrôle de sa situation professionnelle. Parmi les affirmations qui illustrent ce propos : « Teachers devise new curricula, using new and old elements », « Teachers initiate and develop completely new curricula », « Teachers make decisions on budget planning », « Teachers decide on student demographic class-composition policy »...

   Dans une autre vision qui se focalise sur l'individu, l'autonomie indique, conformément à l'étymologie (auto/nomos) [1], le pouvoir de se donner à soi-même une règle (Kant, 1985). C'est l'ensemble des capacités dont doit faire preuve l'individu placé dans de telles conditions pour conduire sa pratique selon « ses propres lois ».

   L'idée de capacité est présente chez Perrenoud (2002). Il a notamment identifié huit compétences qui permettent à un acteur de construire son autonomie dans divers domaines. Selon M. Crozier, Friedberg (1977), l'autonomie professionnelle se traduit par la capacité de l'acteur à élaborer, choisir et mettre en place des stratégies en prenant en compte les contraintes et les opportunités. Little (1995), à son tour, définit l'autonomie des enseignants comme la capacité des enseignants à s'engager dans un enseignement autodirigé.

   Du point de vue de l'enseignant, les études qui s'y rapportent cherchent à évaluer sa capacité d'être autonome quelles ques soient les conditions de travail. Selon une autre conception qualifiée de « situationniste », Auzoult (2005) confirme ledit propos et envisage également l'autonomie comme la capacité à participer à l'équilibration des diverses instances de causalité qui structurent l'environnement.

   Selon cette focalisation, l'autonomie est liée aussi au vouloir-faire. Pour Kant, une volonté autonome trouve sa règle d'action uniquement en elle-même. L'autonomie est détruite dès que la volonté est déterminée par un objet extérieur ou par une règle imposée de l'extérieur, etc.

   Qu'en est-il donc de l'autonomie de l'enseignant ?

3. Les notions associées à l'APE

3.1. L'APE entre dépendance et indépendance

   Polet-Masset (1993), une psychologue belge qui a défini l'autonomie par la négative, c'est-à-dire en expliquant ce qu'elle n'est pas.
« L'autonomie n'est ni l'individualisme, ni l'indépendance, ni la dépendance.
L'autonomie n'est ni le désordre, ni la liberté, ni la contrainte.
L'autonomie n'est ni l'indifférence, ni le pouvoir absolu, ni l'absence d'identité. »
(p.16)

   Dans le même sens Chauffaut et David (2003) indiquent que l'autonomie relève d'un « jeu de balancier entre la liberté individuelle et le respect des règles sociales. L'autonomie n'est pas liberté totale, n'est pas anarchie ; elle s'inclut dans le respect des lois » (p. 5)

   L'autonomie donc peut se définir selon un vecteur allant de la dépendance à l'indépendance. Elle consiste « à assumer ses dépendances et évoluer vers une certaine indépendance, le tout se manifestant dans des comportements de communication et de partage avec autrui : on parle alors d'interdépendance » (Polet-Masset, 1993, p. 15). Autrement dit, être autonome implique une relation interdépendante à autrui : ni indépendance, ni dépendance. Il s'agit plutôt d'un équilibre entre les deux pôles, d'une articulation considérant et le soi et l'autre.

   L'autonomie est souvent confondue avec l'indépendance, qui implique un certain isolement par rapport à l'environnement social, une rupture de toute dépendance à celui-ci. Cette situation renvoie à un certain individualisme qui est dû à l'incapacité ou le manque de volonté d'entretenir des relations avec autrui. En fait, l'indépendance n'existe pas car les êtres humains se construisent dans un collectif, par l'interaction avec autrui : ils sont interdépendants. L'autonomie n'indique pas une aptitude à ne dépendre de personne, mais à gérer ses interdépendances (Morin, cité par Ripouteau, 2003). Elle n'est pas incompatible avec la coopération, au contraire : la coopération contribue au développement de l'intelligence, à l'enrichissement et à l'exercice de l'autonomie dans un cadre collectif et permet également aux individus de gérer ces interdépendances. C'est une capacité d'auto-détermination qui s'opère dans la complémentarité et non pas dans l'isolement (Ripouteau 2003).

   En revanche, la dépendance renvoie à l'hétéronomie, c'est-à-dire le fait d'être influencé par des facteurs extérieurs et d'être entièrement soumis à autrui. L'hétéronomie est liée à obéir ou suivre les règles imposées par d'autres, le comportement de la personne n'est pas régulé par sa propre conscience, mais par quelque chose qui lui est étranger. Or, il n'existe pas aussi de situation d'hétéronomie totale : un individu conserve toujours une infime part d'autonomie. Celle-ci augmente ou diminue selon les contraintes de l'environnement professionnel et la capacité du sujet.

   Le professeur exerce son métier en liaison avec d'autres, dans le cadre d'équipes variées (Henri Élie, 2015). L'APE procure un potentiel d'interaction, de collaboration et de partage avec les différents acteurs de la communauté éducative (collègues, inspecteurs, formateurs, dirigeants, etc.) sur des questions d'ordre pédagogique, ceci constitue une occasion de recevoir des commentaires rétroactifs et de réfléchir sur ses pratiques pédagogiques. De plus, son agir devrait dépendre aussi des besoins de ses apprenants et de leurs particularités. Il semble alors clair que l'autonomie de l'enseignant est indissociable de sa socialisation professionnelle.

3.2. L'APE entre règles et liberté

   Le deuxième vecteur va du respect des lois à la liberté d'action. Il incarne la connaissance de son territoire ce qui permet de construire des règles d'interaction et des frontières limitant son agir. Everaere (2007) souligne également que l'autonomie est liée à la connaissance des règles et à la possibilité de les adapter. En d'autres termes, la personne comprend le sens des règles qui conditionnent ses actes, les intègrent et les appliquent consciemment.

   La connaissance des règles de fonctionnement et de son champ d'intervention permet l'action ou l'agir de manière consciencieuse et responsable. A l'opposé, la transgression des règles conduit à une liberté totale ou absolue qui peut traduire une forme d'autonomie indésirable dite « réactive » selon Koestner et Losier (1996) (Cité par Yvan paquet, Robert Vallerand, 2016). Cette attitude est généralement associée à l'affect négatif, à des interactions déplaisantes avec les figures d'autorité et au refus de suivre les conseils d'experts et les règles prescrites même lorsqu'il s'avère positif de les respecter.

   L'Homme est considéré à la fois comme un être pensant et social. Son comportement est régi par des lois qu'il s'est données lui-même ou des lois dont il a compris et accepté l'utilité.

   Le professeur autonome se réfère aux prescriptions gouvernementales, orientations pédagogiques et didactiques, notes ministérielles et régionales, crée des alternatives et mène une réflexion sur le jeu des possibles. C'est à l'intérieur de ce cadre que s'exerce la liberté des choix pédagogiques, soit le « comment faire » pour atteindre l'objectif escompté. Il ne peut plus simplement appliquer des procédures de façon mécanique et techniciste mais doit construire des démarches didactiques orientées par les exigences et les conditions de sa pratique. La liberté s'accommode bien des contraintes et cela correspond à des responsabilités et implique le respect d'une loi et d'une éthique.

3.3. Autonomie et réflexivité

   E. Morin définit l'autonomie comme « une capacité à agir avec réflexion et en pleine connaissance des enjeux personnels et sociaux des actions » (cité par Francis Danvers, 2003, p. 72). Le processus réflexif étant une dialectique entre la pensée et l'action, la théorie et la pratique (Pedretti cité par Christopher F. Day, 2002, p. 43), il est conçu comme une praxis génératrice de l'autonomie professionnelle. Ainsi, s'engager dans la réflexion crée des opportunités de choix liées aux valeurs et aux objectifs, aux contextes et aux changements.

   Les recherches dans le champ des pratiques des enseignants et des formateurs valorisent la figure du praticien réfléchi, gagnant une autonomie de pensée et d'action (Anadon, cité par Anne Jorro, 2005, p. 14). Ce dernier devient le promoteur d'une véritable action pédagogique au sein de sa classe, une classe qu'il considérera, désormais, comme étant un laboratoire personnel de recherche qui lui permet d'innover et de créer. L'enseignant qui a une capacité d'adaptation qui le rend apte à agir dans des situations différentes, à faire face à l'incertitude et aux changements et à les gérer, mobiliserait à bon escient les compétences professionnelles (Altet, 1988). Perrenoud (2006) ajoute que l'autonomie d'un professionnel est largement dépendante de sa capacité à réfléchir dans et sur l'action. Le travail de l'enseignant autonome consiste à un questionnement permanent sur ses pratiques. L'initiation à la recherche développe chez lui l'esprit critique et l'incite à donner un sens à sa pratique et à se positionner par rapport aux diverses postures pédagogiques, évaluant l'efficacité de ses choix et ajustant sa pratique en fonction des résultats.

3.4. Autonomie et motivation autodéterminée

   Généralement, la motivation professionnelle se définit comme l'ensemble des énergies, conditions et processus qui sous-tendent l'émergence, l'orientation, l'intensité et la persistance des efforts qu'un individu consacre à son travail (Katzell et Thompson, 1990 ; Ployhart, 2008 ; Schermerhorn, Hunt et Osborn, 2002, cité par David Paradis, 2012, p. 15). Elle permet de concentrer l'attention de la personne sur une action déterminée, sur des personnes, ou sur des tâches spécifiques, ce qui génère de l'énergie et de l'effort. (Brigitte Charles-Pauvers et al., 2006).

   Il existe plusieurs théories de motivation au travail, à savoir la théorie des attentes, la théorie de la fixation des objectifs, la théorie de motivation spécifique à la tâche, la théorie de l'action régulée, la théorie des caractéristiques du travail, etc. Bien qu'elles soient pertinentes, notre recherche se penche sur le lien entre l'origine de la motivation et l'autonomie – dans notre cas ce serait l'APE – dans le cadre que fournit une théorie plus actuelle : la théorie de l'autodétermination (TAD).

   La théorie de l'autodétermination aborde les diverses motivations d'un individu selon le degré avec lequel le comportement se dégage. La (TAD) est à présent mobilisée dans plusieurs recherches permettant d'expliquer la manifestation de la motivation dans le domaine professionnel. Elle vise à expliquer le comportement axé sur les objectifs de l'individu. Selon Deci et Ryan, la différence entre une personne très motivée et une autre qui l'est moins émane de la source de leur motivation.

   La TAD prend appui sur la comparaison entre la motivation intrinsèque et extrinsèque qui montre que plus le mobile des comportements est interne sur le continuum d'autodétermination, plus la motivation sera intrinsèque et la performance sera élevée. À l'opposé, plus le mobile est externe, plus la motivation est extrinsèque. Une forte motivation se manifeste par un désir profond et personnel d'accomplir une tâche. De ce fait, la TAD établit une distinction centrale entre la motivation autonome et la motivation contrôlée (Deci et Ryan, 2012). L'autonomie implique le fait d'agir avec un sens du choix et une volonté réfléchie. À l'opposé, être contrôlé implique d'agir avec un sens de pression, un sens d'impératif et d'ordre.

   Le modèle de l'autodétermination de Deci et Ryan postule que, sur le plan psychologique, l'être humain est en perpétuel quête de satisfaction de ses besoins : de compétence, d'appartenance et d'autonomie (Deci et Ryan, 2012). Selon cette théorie, le besoin d'autonomie fait référence au désir d'avoir ses propres choix plutôt que d'être confronté à une détermination de ses actions par les événements de l'environnement. Toutefois, le degré d'autodétermination dépend de son rapport à la tâche ou l'action en objet.

   Ces deux chercheurs proposent donc trois natures de motivation nuancées qu'ils regroupent sur un continuum d'autodétermination :

  • l'amotivation : il s'agit d'une absence de motivation. Lorsque individu est amotivé, soit il n'agit pas, soit il agit passivement. Parmi les raisons qui expliquent cette attitude est le fait que l'activité ou le résultat n'ont aucun intérêt ou valeur aux yeux de la personne. Par exemple, un enseignent amotivé réalise mécaniquement ses tâches pédagogiques et ne présente aucune motivation face à son travail.

  • La motivation extrinsèque par :

    • régulation externe : représente la motivation extrinsèque la moins autodéterminée. L'individu agit soit pour répondre à une sollicitation externe, soit pour échapper à une désagréable situation telle qu'une punition. C'est le cas par exemple d'un enseignant qui adopte une pédagogie dictée par l'inspecteur seulement pour lui faire plaisir.

    • régulation introjectée : le comportement est motivé par des stimulants internes tels que le sentiment de culpabilité, des intimidations adressées à l'estime de soi ou au contraire des compliments qui vont valoriser son égo. Par exemple, un enseignant qui utilise les TIC dans le but de se monter compétent et à jour quant aux actualités pédagogiques.

    • régulation identifiée : le comportement est excité car la personne estime qu'il correspond à quelque chose d'intéressant et qui a un certain mérite pour elle. La pratique devient importante, fondée sur une liberté de choix. Par exemple, un enseignant qui prend conscience de l'intérêt d'utiliser un support sous format vidéo pour expliquer un phénomène au lieu de se limiter à une image figurant dans le manuel.

    • Régulation intégrée : elle fait référence aux croyances, aux valeurs ; buts et besoins qui, ensemble, définissent la nature même du « soi ». L'individu s'engage donc librement dans des actions qui satisfont la réalisation de soi. C'est le cas par exemple d'un enseignant qui estime qu'il lui faut une amélioration continue de sa pratique. Il prend en compte la rétroaction reçue dans le cadre de sa pratique.

  • La motivation intrinsèque : le comportement intrinsèquement motivé émane de façon totalement libre et autodéterminée, par intérêt et pour le plaisir de faire l'activité en elle-même et non pas pour une conséquence qui en découle. Par exemple, un enseignant qui fournit un grand effort dans l'exercice de sa pratique pédagogique car il aime son métier et trouve un plaisir dans le face à face pédagogique.

   La motivation intrinsèque incarne le niveau le plus autodéterminé, alors que l'a-motivation est la moins autodéterminée. Les régulations « intégrée », « identifiée », « introjectée », et « externe » se situent entre ces deux niveaux. Lorsque la personne se lance dans une activité ou un travail, parce qu'il y est forcé par des contraintes extérieures, ou pour obtenir une récompense, ou par culpabilité, ou pour s'élever au-dessus des autres, etc., le plaisir ou la satisfaction ne viennent pas de l'action elle-même mais du résultat de l'action. Dans ces cas, sa motivation est peu solide, instable et risque de décroître plus vite. C'est un état moins préférable à la motivation intrinsèque, mais meilleur que l'a-motivation, qui est une absence totale de motivation. Une motivation est dite autodéterminée quand l'activité est réalisée spontanément. La personne agit pour une raison qui fait sens pour elle, et qui est choisie délibérément et sans pression extérieure.

   Un enseignant est motivé s'il est intéressé par le travail qu'il effectue (motivation intrinsèque) et conscient du degré de sa responsabilité dans la vie et le destin des étudiants (motivation intégrée ou identifiée). Il leur fournit les clés nécessaires pour réussir leur parcours scolaire, leur donne le goût d'apprendre et assume pleinement et de façon autonome cette responsabilité en accordant une grande valeur à la matière qu'il enseigne. L'acte d'enseigner devient source de gratification, il apporte satisfaction et plaisir.


Figure 1. La motivation selon la théorie de l'autodétermination (Déci et Ryan, 2012).

4. Les dimensions de « l'autonomie de l'enseignant »

   Avant toute proposition de définition de l'APE, il importe de clarifier les dimensions de ce concept.

   Richard C. Smith (2001) a souligné six dimensions de l'autonomie de l'enseignant : « (1) Self-directed professional action, (2) Capacity for self-directed professional action, (3) Freedom from control over professional action, (4) Self-directed professional development (5) Capacity for self-directed professional development, (6) Freedom from control over professional development. » (p. 5). En s'inspirant de la réflexion de plusieurs auteurs, particulièrement R. Smith, nous soulignons que la problématique de l'autonomie de l'enseignant pourrait être traitée selon deux dimensions élémentaires :

  1. La dimension politique de l'autonomie (pôle de l'environnement professionnel) : le contrôle sur l'action professionnelle de l'enseignant.

  2. La dimension technique et psychologique de l'autonomie (pôle de l'individu) : elle concerne l'action professionnelle de l'enseignant et peut se traduire en deux volets :

    • L'autonomie concernant l'agir pédagogique (la volonté et la capacité de maîtriser sa pratique professionnelle et gérer efficacement son espace de liberté). Elle intéresse le domaine de l'enseignement de l'enseignant,

    • L'autonomie en matière du développement professionnel (la volonté et la capacité de prendre en charge son développement professionnel). Elle intéresse le domaine d'apprentissage de l'enseignant.

   La tâche de l'enseignant peut être résumée en deux fonctions principales : d'une part instruire les élèves et d'autre part conduire la classe, le double agenda de l'enseignant selon Leinhardt (1986). Pour M. Altet (1996), ce qui fait la spécificité des tâches d'enseignement, c'est qu'elles couvrent deux champs de pratiques distinctes mais interdépendantes : d'une part, celui de la gestion de l'information, de la structuration du savoir par l'enseignant et leur appropriation par l'élève (domaine de la didactique) et, d'autre part, le champ du traitement et de la transformation de l'information transmise en savoir chez l'élève par la pratique relationnelle et les actions de l'enseignant pour mettre en œuvre des conditions d'apprentissage adaptées (domaine de la pédagogie).

   Dans le présent article, « l'Agir Pédagogique », lato sensu, désigne tous les actes du professeur qui sont liés à l'éducation et l'enseignement de ses apprenants dans le cadre de l'opérationnalisation du programme. Ce terme renvoie également à ses fonctions didactique (planification, mise en œuvre, évaluation...) et psychopédagogique (la motivation et l'autonomisation de ses élèves, la gestion de classe, la dimension affective...).

   Certes, l'enseignant d'aujourd'hui est appelé à assurer une multitude de rôles complémentaires (il est membre des conseils d'établissement, il contribue à certaines décisions administratives et organisationnelles, il participe à l'épanouissement de la vie scolaire : projets d'établissement, organisation des activités parascolaires, animation culturelle...), toutefois la réflexion, dans cet article, se contente de ses pratiques d'enseignement et d'éducation ainsi que son développement professionnel. Le schéma ci-dessous récapitule ce propos :


Figure 2
. Les dimensions de l'autonomie de l'enseignant.

5. Vers une définition de l'APE

   Ainsi, en prenant appui sur les différents volets théoriques qui précèdent et sur les éléments énoncés à l'égard de l'autonomie depuis son sens le plus large à celui qui concerne l'enseignement spécialement, cet article propose la définition suivante :
l'Autonomie de l'enseignant est la capacité de générer ses propres stratégies d'action, délibérément et volontairement, tout en ayant conscience de ses caractéristiques internes (son jugement lié aux besoins des apprenants et au contexte où il exerce, son choix personnel réfléchi, son savoir expérientiel pratique, ses recherches...) et externes (orientations institutionnelles, savoirs théoriques pédagogique et disciplinaire...) et en sachant gérer leurs interdépendances de façon équilibrée et rationnelle pour atteindre ses objectifs pédagogiques. En effet, l'enseignant est considéré comme autonome quand il est capable de prendre des décisions réfléchies quant à ses actes pédagogiques et de les expliquer et les justifier, tout en étant responsable vis-à-vis de soi même, des autres, des injonctions institutionnelles et différents savoirs qui régissent sa pratique. L'enseignant autonome serait capable de prendre en charge son développement professionnel, autrement dit, il ne se contente pas de ses ressources actuelles, mais s'engage dans un processus de « genèse ».

   L'enseignant se trouve confronté aux contraintes du milieu de travail qu'il doit adapter à lui-même et auxquelles il doit s'adapter. L'autonomie n'est pas un état, c'est un processus continu. Elle est en perpétuelle évolution et varie en fonction des capacités d'apprentissage de l'enseignant et de ses ressources, et en fonction aussi de l'environnement et notamment les conditions qu'offre cet environnement (Goullet de Rugy, 2000). L'enseignant ne peut pas « faire ce tout qu'il veut » au nom de l'autonomie pédagogique. L'autonomie n'est pas synonyme de liberté pédagogique absolue. Le « comment faire » est toujours sous le contrôle d'un système de dépendances interactives : l'élève, le pouvoir central, le savoir pédagogique (théories d'apprentissage, nouvelles approches...). En guise d'exemple, utiliser tout le temps des méthodes traditionnelles transmissives dans l'enseignement de la langue (par ex., une grammaire enseignée de façon déductive, liste de mots à mémoriser avec une traduction en langue maternelle...) ou ignorer les spécificités des élèves ou bien favoriser un enseignement non axé sur l'apprenant, etc., ne relèvent point de l'autonomie. Les choix méthodologiques doivent prendre en compte l'intérêt des apprenant et notamment l'efficacité de l'acte enseigner-apprendre.

   L'autonomie de l'enseignant se définit par les possibilités laissées à l'enseignant dans l'accomplissement des ses tâches pédagogiques. De ce fait, l'autonomie n'exclut pas la dépendance puisque c'est la référence à des règles extérieures reconnues et acceptées qui définissent le territoire de l'autonomie.

6. Les attributs du concept APE

   En conclusion, le construit de l'APE pourrait être traduit en quatre attributs majeurs :

  • Responsabilité : c'est l'agir de façon responsable et éthique : respect des orientations pédagogiques et didactiques et prise en compte des nouvelles approches éducatives. Cela dit, le respect de son territoire d'agir, à savoir les finalités du système éducatif marocain, les compétences escomptées, le programme, le contenu disciplinaire (savoirs à enseigner), plus ou moins le planning, etc., est ce que nous pouvons appeler le principe de conformité. Pour Mortera, S. et Nuage, O. (1998),
    « L'autonomie repose sur la capacité de la personne à faire des choix, à assimiler ses propres décisions, à se sentir responsable de ses actes, à savoir se positionner par rapport à l'ordre social, à être cohérent avec ses valeurs, à repérer les règles et lois qu'elle respecte et cela en étant conscient du pourquoi elle les respecte » (p. 14).
    Ainsi, l'enseignant est censé connaître, comprendre le sens et l'utilité des orientations officielles qui organisent sa pratique et les intérioriser pour s'y conformer consciemment.

  • Affirmation de soi : incarne le pouvoir-agir face à son environnement et sur les éléments de la tâche (choix des moyens, rythme, procédures, accès aux ressources, outils). Ainsi, il peut :
      - définir ses propres choix en termes de ressources (moyens pour enseigner) : méthodes pédagogiques, techniques d'animation, supports pédagogiques, matériels, etc. ;
      - choisir et/ou créer des outils multimédia ;
      - définir et organiser les tâches des élèves et de l'enseignant ;
      - choisir les différentes configurations de la salle ;
      - créer des stratégies de gestion de la classe...
    Ces choix relèvent d'une approche systémique centrée sur l'apprenant. Il s'agit plutôt d'une liberté réfléchie et relative considérant plusieurs normes et qui s'enrichit du retour d'expérience de l'activité d'enseignement. Car, au fil des expériences et des connaissances qu'elles permettent d'acquérir, l'enseignant construit des théories qui guident son action.

  • Réflexivité et recherche : adopter une attitude réflexive à l'égard de sa pratique et se remettre en question continuellement. L'auto-évaluation alimente ses choix et améliore son agir à travers le retour critique formalisé sur ses actions. La recherche laisse l'enseignant toujours à jour quant à l'actualité liée à sa profession. Le guide pédagogique (2009) de l'enseignement primaire marocain incite également sur « le développement professionnel qui se base sur l'auto-formation et la recherche pédagogique » (traduction libre, p. 8).

  • Motivation autodéterminée : c'est le vouloir-agir. Dans le domaine professionnel, il ne suffit pas d'avoir la capacité d'être autonome, mais il faut aussi vouloir l'être. Il s'agit d'une motivation autonome à l'égard de son activité professionnelle car on ne peut exiger de quelqu'un qu'il soit autonome.

   Le schéma ci-dessous illustre ce propos :


Figure 3.
Les attributs de « l'Autonomie de l'Enseignant ».

7. Proposition de profil de l'enseignant autonome

   Le tableau suivant propose une liste des indicateurs de l'enseignant autonome éclairée par une revue de littérature sur le concept en objet. Notre conceptualisation s'appuie sur quatre attributs constituant l'APE : responsabilité (savoir-agir institutionnel), affirmation de soi (pouvoir-agir), réflexivité et recherche (savoir-agir académique et expérientiel) ainsi que la motivation autonome (vouloir-agir). Ces indicateurs intéressent deux domaines majeurs traçant l'activité pédagogique de l'enseignant, à savoir, d'une part, la conception et la mise en œuvre de l'enseignement ainsi que la gestion de classe et, d'autre part, son auto- développement professionnel.

Type

Sous-type

Indicateurs

Conception et mise en œuvre

  • Contenu
  • - intégrer de nouveaux contenus en fonction du besoin des élèves
    - séquencer les contenus selon le besoin et la possibilité

    Matériaux et supports

    - ne pas se limiter au manuel de l'élève dans le choix de supports et activités

    - sélectionner et diversifier les supports pédagogiques

    - didactiser des supports si besoin est

    - créer et chercher des outils multimédia

    - prendre l'initiative d'incorporer les TIC à l'enseignement de sa matière

    Temps

    - adapter le temps scolaire prescrit au temps d'apprentissage des apprenants

    Méthodes et techniques

    - choisir les méthodes d'enseignement et les techniques d'animation jugées pertinentes pour atteindre ses objectifs d'enseignement

    - utiliser des procédures alternatives dans son enseignement

    - mettre en place un enseignement différencié qui prend en compte les spécificités des apprenants

    Gestion de classe

    - gérer la classe sur la base d'un consensus avec les élèves

    - créer des règles et des procédures éducatives adaptés à ses apprenants, encourageant les comportements positifs en classe

    Auto-développement professionnel

    - évaluer sans cesse l'efficacité de son enseignement et améliorer sa pratique

    - fournir des efforts délibérés dans l'accomplissement de ses actes pédagogiques

    -prendre en compte la rétroaction reçue dans le cadre de sa pratique

    - partager ses expériences professionnelles avec ses collègues dans une logique de collaboration et d'amélioration

    - s'appuyer sur les nouvelles recherches et initiatives ministérielles pour alimenter sa réflexion

    - être autodidacte dans l'actualisation de ses connaissances

    - s'inscrire dans un processus continu d'innovation pédagogique

    Conclusion

       Dans le cadre professionnel, la notion d'autonomie a été abordée sous des angles si variés qu'elle a donné lieu à des conceptions différentes. Cet article s'est efforcé de distinguer deux visions principales. La première prévoit l'autonomie comme la liberté de choix qu'on octroie à un individu pour piloter son agir professionnel (dimension politique). À cet effet, dans le domaine éducatif, des auteurs ont conçu des échelles de mesure qui évaluent la perception de l'enseignant à l'égard de cette liberté (Ex : SAS, TAS, TWA). La deuxième vision tente de se focaliser auprès de l'être, associant l'autonomie à sa volonté et sa capacité d'auto-diriger son agir pédagogique et son développement professionnel (dimension technique et psychologique).

       Il a été question de conceptualiser l'APE selon cette dernière perspective, compte tenu que l'enseignant jouit d'une certaine marge de manœuvre quant à ses actes pédagogiques, expressément figurée dans les textes constitutifs et institutionnels qui régissent sa pratique. Cette liberté, quoique relative, se manifeste également dans le choix des moyens qu'il juge convenables pour atteindre son objectif pédagogique.

       L'autonomie est une propriété essentielle de l'enseignant, elle se manifeste dans un rapport à un environnement professionnel et ne représente ni l'indépendance ni l'hétéronomie. Autrement dit, elle ne qualifie pas des personnes séparées des autres, libres de tout lien, non plus celles qui agissent sans règles, sans références ou sans rationalité. L'autonomie exprime une volonté réfléchie considérant une multiplicité de contraintes éducatives et institutionnelles.

       En se basant sur un cadre conceptuel et théorique, l'article a pu déterminer quatre attributs caractérisant le construit APE, à savoir le respect des responsabilités professionnelles, la capacité de s'affirmer, la réflexivité et la recherche ainsi que la motivation autodéterminée. Selon cette conceptualisation, Il s'est avéré important de lister quelques indicateurs qualifiant un enseignant autonome, déclinées en fonction de trois volets majeurs : la conception et la mise en œuvre de l'enseignement, la gestion de classe et l'auto-développement professionnel.

       Il importe de souligner qu'un enseignant autonome ne peut qu'être un élément qui gère au mieux son espace de liberté pour adapter le programme aux besoins et particularités de ses étudiants et s'engage dans un développement professionnel continu.

    Fatima Zahra Lotfi
    Équipe: Recherches Interdisciplinaires pour
    l'Innovation en Didactique et en Capital Humain (RIIDCH),
    Faculté des Sciences de l'Education (FSE), Université Mohammed V, Rabat, Maroc. Lotfi.f.zahra@gmail.com

    Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

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    NOTE

    [1] A. Rey note que le terme autonomie, « emprunté au dérivé grec autonomia », « n'est guère utilisé avant le milieu du dix-huitième siècle », tout comme l'adjectif « autonome ». À cette date, il « concerne en français, l'histoire ancienne, puis (1815) la philosophie kantienne » (Dictionnaire historique se la langue française, art. « Autonomie »).

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    Mars 2020

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