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Maurice Nivat, la perte d'un ami
 

Salut Maurice ! Notre peine est grande que tu nous aies quittés...

   Professeur émérite à l'université Paris-Diderot, Maurice Nivat est reconnu comme l'un des pères de l'informatique théorique où ses apports ont été essentiels.

   Rappelons ici quelques étapes de sa longue vie d'enseignant et de chercheur d'audience internationale, même si d'autres que nous diront mieux sur sa vie scientifique [1].

   Mathématicien d'origine, ancien élève de la rue d'Ulm où il est admis en 1956, agrégé de mathématiques, il découvre l'informatique en 1959 (le mot « informatique » n'existait pas encore !) au centre de calcul du CNRS qui venait d'acquérir son premier ordinateur. En théoricien, il est attiré par les langages de programmation. En 1963, il rencontre Marcel-Paul Schützenberger « son maître » et c'est sous sa direction qu'il prépare sa thèse d'État sur « Les transductions des langages de Chomsky » [2], thèse qu'il présentera en 1967. « À l'époque, considérer l'informatique comme une discipline mathématique était une véritable révolution conceptuelle » selon ses mots cités par Isabelle Bellin dans Interstices [3].

   Travaillant au cours de la décennie 70 à la fois à l'IRIA (ancien nom de l'INRIA) et à l'université Paris 7, il développe « la théorie de la programmation » qu'il place au cœur de l'informatique théorique avec la théorie des automates et des langages et l'algorithmique.

   C'est à cette époque qu'il conçoit, comme chargé de conférences, les premiers programmes d'enseignement de l'informatique à l'université.

   En 1972, il crée, avec Marcel-Paul Schützenberger, l'Association européenne d'informatique théorique et en 1975 lance une revue scientifique TCS (Theoretical Computer Science), dont il sera rédacteur en chef jusqu'à sa retraite. La même année, il participe à la création du Laboratoire d'Informatique Théorique et de Programmation (LITP) qui deviendra plus tard l'Institut de Recherche en Informatique Fondamentale (IRIF).

   À la suite de la mission qui lui avait été confiée, en 1982, par le ministère de l'Éducation nationale et de la recherche et de son rapport Savoir et savoir-faire informatiques, il est à l'origine de plusieurs programmes de recherche financés par la filière électronique qui réunissent chercheurs universitaires et industriels : intelligence artificielle, architecture machine, parallélisme, programmation...

   Il souhaitait convaincre les pouvoirs publics, avec sa pugnacité habituelle, que l'informatique est une science à part entière et non un simple outil de service. Il se plaint que « les princes qui nous gouvernent » aient abandonné l'informatique. C'est un thème que nous entendions souvent dans sa bouche !

   Comme professeur, il a contribué à la formation de nombreux acteurs de la recherche en informatique.

   Les liens de l'EPI avec Maurice Nivat sont anciens puisqu'ils remontent aux rencontres que nous avons eues à propos de la mission évoquée ci-dessus sur les besoins de formation en informatique.

   Passionné par la nécessité d'un enseignement précoce de l'informatique, Maurice Nivat a mal vécu la double suppression (1992 et 1998) de l'option informatique des lycées qui marquait pour nous tous un premier pas vers l'intégration de la science informatique dans la culture générale.

   Lors du débat de 2005 à l'Académie des sciences sur le thème de « L'enseignement de l'informatique de la maternelle à la terminale » il proposait, dans son intervention, d'introduire au lycée « un véritable enseignement d'informatique formant aux notions essentielles d'algorithme et de programme » [4].

   Nos rapports étaient réguliers notamment au cours des réunions du groupe ITIC-EPI-SIF [5] au sein duquel il militait.

   Maurice nous faisait l'amitié de nous proposer régulièrement, pour EpiNet [6], des articles de réflexion sur l'informatique, son enseignement à l'école, au collège et au lycée et sur l'indispensable formation des enseignants.

   Plus les nombreux articles collectifs, les lettres aux ministres successifs, les interventions dans les colloques, toujours pour prôner la nécessité d'une formation spécifique et précoce à la science et technologie informatique.

   Ainsi, en novembre 1983, lors du colloque « Informatique et enseignement » organisé par le MEN en collaboration avec l'EPI, il déclare : « Toute notre expérience nous incite à dire que les concepts informatiques, comme tous les concepts profonds, ne sont assimilés que très lentement... » ces concepts « ne sont enseignés ni par les mathématiciens ni par les physiciens qui d'ailleurs dans leur immense majorité les ignorent (...) j'en déduis qu'il faut enseigner l'informatique de façon autonome en tant que telle. Il est très important d'allonger la formation à l'informatique pour permettre l'assimilation complète des concepts. » [7].

   Maurice était membre correspondant de l'Académie des sciences depuis 1983, Officier de la Légion d'honneur et de l'ordre du Mérite, Commandeur de l'ordre des palmes académiques et docteur honoris causa de plusieurs universités étrangères [8].

   L'EPI était fière de le compter parmi ses membres d'honneur.

28 septembre 2017

Le Bureau de l'EPI
bureau@epi.asso.fr

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

NOTES

[1] « Adieu Maurice », Serge Abiteboul :
http://abiteboul.blogspot.fr/2017/09/adieu-maurice.html

[2] Transductions des langages de Chomsky par Maurice Nivat.
http://www.numdam.org/article/AIF_1968__18_1_339_0.pdf

[3] « Maurice Nivat : une vision à long terme de la recherche en informatique » par Isabelle Bellin.
https://interstices.info/jcms/c_32847/maurice-nivat-une-vision-a-long-terme-de-la-recherche-en-informatique

[4] « L'enseignement de l'informatique de la maternelle à la terminale », Académie des Sciences, Conférence-débat du 15 mars 2005 :coordinateurs Gérard Berry et Maurice Nivat.
http://www.academie-sciences.fr/archivage_site/activite/conf/debat_150305.pdf

[5] Le groupe ITIC-EPI-SIF (composition, comptes-rendus des réunions) :
http://www.epi.asso.fr/blocnote/blocsom.htm#itic

[6] Archives d'EpiNet  : http://www.epi.asso.fr/epinet.htm

[7] Intervention de Maurice Nivat au cours de la table ronde n° 3 « Former les informaticiens ».
http://epi.asso.fr/revue/histo/h83-nivat.htm

[8] Sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Nivat

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Octobre 2017

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