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L'option informatique des années 80 et 90 : souvenirs

Jean-Max Thuille
 

   À l'ouverture d'une option informatique dans un lycée, un premier professeur enseignait l'option en seconde à l'issue de son année de formation. Oui, une année de formation ! Pas trois jours ou une centaine d'heures. Pour moi, ce fut en 1989-1990, à l'Université de Nantes. J'évoque encore cette période avec gratitude pour une institution qui m'aura permis de découvrir cette discipline par un enseignement de professeurs d'université qui nous ont donné le meilleur. À l'issue des trois années, l'option était en place et les élèves pouvaient présenter au baccalauréat une épreuve comportant l'écriture d'algorithmes, le codage en Turbo Pascal de l'un des algorithmes ainsi qu'un sujet « Informatique et société ». L'option a été supprimée alors qu'elle était ouverte dans plus de la moitié des établissements de mon académie. Il m'en est resté une profonde amertume et une défiance pour des démarches politiques reposant essentiellement sur des effets d'annonce.

   Cette option était elle parfaite ? Pour ce qui me concerne, je dois dire que son principal défaut était de trop bien marcher. Mon problème était de mettre à la porte des élèves qui voulaient continuer à travailler après la fin des heures de cours. Comme j'autorisais certains à travailler entre 12h et 14h j'écourtais mes temps de repas. Quand j'ai refusé que des jeux puissent circuler dans la salle à l'exception de ceux qu'ils pourraient produire, les élèves m'ont pris au mot et ils venaient travailler le mercredi après midi... Avec mes élèves de STG, toujours prêts à bondir à la fin des heures de cours, je pouvais avoir une appréciation plus exacte de ma part de responsabilité dans l'intérêt suscité auprès de mes élèves.

Innovation et pédagogie

   C'est sans doute un lieu commun, le problème rencontré avec l'innovation dans le domaine informatique est que les facilités qu'elle procure à ceux qui peuvent en supporter le coût s'accompagne d'une moins-value pour ceux qui n'ont pas pu faire l'acquisition des produits les plus récents. Durant toutes mes années d'enseignement de la gestion, obtenir des postes informatiques adaptés aux besoins de nos élèves a toujours été un enjeu pour moi et pour mes collègues. Dans les lycées comme dans les entreprises, les ordinateurs sont apparus dans les salles destinées aux comptables. Pour les professeurs d'économie et gestion dont j'ai fait partie, faire fonctionner ces machines présentait un défi quand l'utilisation des postes informatiques nécessitait l'écriture de programmes. La maintenance des postes a constitué une autre charge de travail.

   Avec ces contraintes, j'ai beaucoup travaillé en autodidacte pour écrire mes programmes. J'ai pratiqué l'assembleur et différentes versions de Basic avant de passer à une programmation plus structurée en Turbo Pascal. L' écriture du code informatique fait encore partie de mon quotidien, c'est devenu pour moi une forme d'hygiène mentale. Toute l'énergie dépensée pour cet exercice a-t-elle produit un résultat ? Si j'ai progressé, c'est aussi parce que je fais partie des professeurs qui ont été formés. La formation toujours !

   L'innovation informatique produit une obsolescence. Tout le monde peut le constater aujourd'hui, les outils informatiques ont encore gagné en légèreté. La tablette supplante le poste informatique classique. Pour la création de mes pages web j'utilise une tablette. J'écris mes pages xml dans une application qui me sert également de serveur FTP. De plus, taper sur un écran pour écrire se révèle plus agréable avec la facilité du passage d'un clavier français à un clavier anglais ou espagnol. En revanche, je vois bien que je n'ai pas affaire à des philanthropes. Quand une image de 30 kilos en pèse soudain 4 000, il me semble bien que l'on veut me faire payer de l'espace sur le Cloud. Les applications inutiles ou ne remplissant leurs fonctions sont innombrables et les recours paraissent impossibles.

   Pour ceux de nos élèves qui ont accès à ce type d'outil, le poste informatique classique risque d'apparaître assez pauvre. Après avoir joué le rôle de pourvoyeurs de fonds auprès de Microsoft, nos établissements scolaires vont ils devoir jouer le même rôle auprès d'Apple ? Ou bien faut-il demander aux parents de payer pour un appareil que leurs enfants utilisent au quotidien ? Payer pour le mur qui va permettre à l'ado de s'isoler, est-ce la proposition que l'on peut faire aux parents ?

Informatique et société

   De mon point de vue, la population scolaire reflète les choix de la société dans son ensemble. L'informatique joue un rôle démonstratif et valorisant pour tous. L'objet exerce une fascination flatteuse et naïve. Le réseau est organisé pour favoriser des comportements de consommation. Le meilleur côtoie le pire. J'utilise Duolingo au quotidien pour apprendre l'espagnol. C'est un formidable outil pour donner une plus grande efficacité aux cours d'espagnol. Gratuit ? À chaque étape de l'apprentissage des jeux sont proposés. Cela me laisse de marbre, mais mon grand âge ne fait pas de moi la cible idéale... Autant d'individus, autant de comportements différents dans l'utilisation de l'ordinateur et d'Internet.

Activités d'un retraité

   J'ai créé mon site http://grainsalt.com. Écrire sur un site web nécessite de s'en tenir au choix d'un thème. J'ai consacré mon site au choix d'une recherche sur l'utilisation du format de la page web dans l'écriture de romans. Je n'ai pas cette démarche exceptionnelle qui permet à l'auteur de suivre son inspiration pour aboutir à la création d'une œuvre géniale. J'ai travaillé sur le code avant de travailler sur mon style. Le choix d'utiliser un navigateur comme outil de publication présente l'inconvénient de ne rien gagner... mais de ne rien payer. S'il m'a fallu supporter les facéties de compatibilité d'Internet Explorer, j'ai tout de même bénéficié des progrès dans les outils et les langages.

   Écrire un programme informatique relève de même logique que celle qui consiste à utiliser un voilier pour se déplacer (je navigue sur les mers et les océans) : cher et parfois très inconfortable. Un privilège de retraité est d'avoir du temps pour programmer et pour attendre la fenêtre météo qui permet de partir quand le temps est favorable.

Jean-Max Thuille

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Mai 2017

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