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Dispositif 12 collèges « tout numérique »
de Seine-Saint-Denis :
éléments de la genèse d'un projet innovant

Sylvain Genevois, Dany Hamon
 

I. Présentation du dispositif mis en œuvre par le département de Seine-Saint-Denis

   Le département de Seine-Saint-Denis a ouvert à la rentrée 2014, 12 nouveaux collèges dits « tout numérique », 5 neufs et 7 reconstruits. Quels sont les enjeux sous-tendus dans ce choix politique? Quelles sont les modalités de mise en œuvre ?

1. Des enjeux éducatifs primordiaux

   La construction à neuf ou la reconstruction des 12 collèges dits « tout numérique » de Seine-Saint-Denis s'appuie sur un Plan Exceptionnel d'Investissement (PEI) doté de 703 millions d'euros, pensé dès 2008 et adopté par l'assemblée départementale le 17 octobre 2010. 529 millions sont réservés à la construction ou la reconstruction de 20 collèges. Ils doivent répondre à une poussée démographique importante dans le département et permettre de rattraper le retard accumulé dans la modernisation du parc existant (équipements sportifs (gymnase, salle de sports, piscine dans un collège), restauration scolaire, numérique) selon le Directeur adjoint du Pôle société et Citoyenneté [1]. Une partie du programme relève d'un contrat de partenariat public-privé en vue de faire face rapidement à l'afflux de nouveaux collégiens (7 000 collégiens supplémentaires estimés sur la période 2010-2018). En mars 2012, 8 collèges sont attribués en PPP au groupe de construction Eiffage et 4 au groupe Fayat.

   La projet de modernisation du parc des collèges du département s'inscrit dans un grand Plan d'Éducation départemental adopté à l'unanimité par les élus en 2012 pour répondre aux besoins spécifiques du département de Seine-Saint-Denis, « le plus jeune et le plus pauvre de la France hexagonale » et où « les retards scolaires sont statistiquement les plus importants en 6» [2]. « Le taux de chômage est parmi les plus élevés » et « les niveaux de qualification sont parmi les plus bas », « c'est pourquoi nous avons fait de la réussite éducative notre priorité. Tout commence par l'éducation, elle est le levier de l'égalité et du pacte social » [3]. L'objectif du projet éducatif départemental est d'aborder l'éducation de l'adolescent (11-16 ans) dans ses dimensions scolaires et extrascolaires en associant tous les acteurs, notamment les parents. Stratégiquement ce projet éducatif doit se construire en résonance avec trois autres projets (l'aménagement et le développement des transports (métro), l'écologie urbaine et le volet social). La dimension éducative doit également être conçue en lien avec la dimension professionnelle et promouvoir la richesse du territoire.

   Cette démarche holistique transparaît à travers le pilotage et la mise en œuvre du dispositif 12 collèges « tout numérique » consacré à l'amélioration de l'accueil et du cadre de vie des collégiens ainsi que de l'ensemble de la communauté éducative (chefs d'établissements, enseignants, personnels d'éducation, parents, associations...).

2. le choix d'une concertation commune pour répondre aux évolutions

   Le dispositif consacré aux nouveaux collèges s'est construit en amont durant plusieurs années dans le cadre d'une concertation commune au sein des différents services du conseil général (le Pôle Technologie Innovante pour l'Éducation affaires juridiques, finances, bâtiments et logistique, voirie et déplacements, espaces verts, eau et assainissement...), avec les services du Rectorat (DASEN, DSI...) de l'académie de Créteil et avec les sociétés privées chargées d'opérationnaliser le projet (architectes (un par établissement), bâtiments, équipements numériques...). Un comité de pilotage se réunit régulièrement pour évoquer les problèmes courants et les évolutions. La modestie reste de mise selon le conducteur du projet, car ces collèges, conçus en 2010 risquent d'être obsolètes en termes d'équipements numériques dans 10 ans, « il faudra revoir la copie » [4] car les technologies risquent d'évoluer rapidement ainsi que les pratiques pédagogiques.

   Il est donc question d'anticiper ces évolutions et de construire des espaces modulables notamment au sein de la classe, pour permettre une évolution des pratiques pédagogiques (en îlots, en U, traditionnel...), d'augmenter la taille des salles de classe de 20 % pour y accueillir 14 ordinateurs élèves en périphérie, de faire évoluer sa forme (carrée) pour augmenter la vision des élèves sur le TBI. Ces nouvelles configurations, les équipements et les environnements numériques (types, puissance...) ont été pensés de 2010 à 2013 en concertation avec l'académie de Créteil (le corps d'inspection...) et le corps professoral. L'évolution des représentations et des technologies ont fait infléchir certaines décisions. il a été décidé par exemple, de revenir sur l'absence de Wi-fi dans les collèges par un vote de l'assemblée départementale. En respectant les indications européennes en termes de santé, il a été convenu d'installer un système de contrôle d'horloge, géré par l'enseignant. Les tablettes n'apparaissaient pas non plus dans le début du projet comme équipement pertinent.

3. le choix d'un équipement numérique massif

   La construction des 12 collèges constitue selon Le Président du Conseil général [5], « une opportunité formidable » [6] d'y adjoindre un environnement numérique massif afin de favoriser des changements dans les pratiques d'enseignement et le rapport au savoir. Le projet se précise alors en s'inscrivant dans un Plan Éducatif Numérique conçu en 2012.

   Le département fait le choix d'un équipement homogène dans chaque salle de classe (un vidéo projecteur interactif (VPI), un poste enseignant et 14 ordinateurs PC fixes HP en périphérie le long des murs, 8 PC pour 16 élèves, dans les salles de SEGPA, plus petites. Les Centres de Documentation et d'Information, conçus selon le modèle des Learning Centres, disposent en moyenne de 10 à 12 ordinateurs, répartis entre l'espace principal et les petites salles attenantes (pour travaux en petits groupes). D'autres salles (permanence, Internat, salle des professeurs...) disposent de quelques ordinateurs. Les salles de sciences ont été équipées d'ordinateurs portables moins encombrants afin d'être déployés sur les paillasses. Les tablettes numériques Lenovo sont mises à disposition sur des chariots mobiles (Ergotron) offrant la possibilité de disposer d'un poste par élève selon l'activité pédagogique. 5 Mac ont été prévus pour les cours d'arts plastiques notamment. L'ENT Kosmos a été choisi par les établissements, sur un contrat d'un an. (À la rentrée 2015, suite à un nouvel appel d'offres, l'Environnement Numérique de Travail Its Learning a été préféré dans le cadre d'une solution globale pour l'ensemble des collèges). Des imprimantes 3D, un écran et projecteur 3D ont également été installés dans les établissements ainsi que deux écrans d'affichage numérique (informations administratives, éducatives, sociales...).

   Le poste enseignant dispose d'un pack pédagogique avec double boot (Windows/ Linux) et d'un logiciel de supervision des postes élèves tandis que ces derniers fonctionnent tous sous Linux (solution Ubuntu) sauf pour les ordinateurs portables en salle de Sciences (Windows).

   Si les collèges ont été nommés dans un premier temps « collèges PPP » pour souligner le modèle économique qui a permis de les porter, la dénomination de collèges « full numérique » puis « tout numérique » utilisée par la suite, peut cependant prêter à confusion. Les 12 collèges représentent en effet 5 collèges construits à neuf et 7 collèges reconstruits. Les premiers sont particulièrement attendus pour expérimenter un nouveau modèle de collège « tout numérique » vers le « zéro papier ». Pourtant cet élan vers une utilisation accélérée du numérique portée par le gouvernement et auprès des chefs d'établissement par la lettre de mission de la DASEN ne gomme pas pour autant les autres supports d'enseignement-apprentissage (papier, crayon, échanges directs...) qui continuent d'être utilisés de façon complémentaire dans les classes et dans l'établissement même de façon moindre. Les collèges reconstruits ont apporté avec eux les manuels-papier utilisés dans l'ancien collège.

4. le choix d'une maintenance externalisée

   Depuis la loi d'orientation et de programmation du 8 juillet 2013, portant sur la refondation de l'école de la République, la maintenance des équipements est transférée aux collectivités territoriales [7]. Le Conseil général de Seine-Saint-Denis a fait le choix d'une solution de gestion « industrielle » afin d'assurer la gestion à distance de 400 à 600 postes en moyenne par établissement (mises à jour automatiques, restaurations...). Cette solution s'appuie sur un data center localisé à Noisy-le-Grand permettant de contrôler et de gérer à distance les ordinateurs et les tablettes. Les mises à jour régulières des disques durs sont réalisées à partir d'un master (pack de logiciels et de ressources installé sur toutes les machines à partir d'un serveur distant). Cette solution de gestion MDM (Mobile Device Management) permet d'assurer la maintenance de postes fonctionnant sur différentes plate-formes (Windows et Linux), la gestion des tablettes étant fusionnée également avec celle des ordinateurs. Ce dispositif global de mises à jour oblige les enseignants à faire remonter leurs demandes pour l'installation de nouveaux logiciels. Ils peuvent cependant travailler en mode déconnecté, chaque utilisateur disposant en local d'un poste semi-léger.

   Un système basé sur deux possibilités, par téléphone ou via une Hot Line (avec Ticketing) permet aux établissements de remonter les problèmes (via le référent numérique et le chef d'établissement). « Un premier diagnostic est réalisé à l'aide de la base documentaire que l'on a initiée (problème connu ? référencé ? qui peut être résolu immédiatement ?). Si ce n'est pas le cas, l'incident est orienté automatiquement au niveau 2 (niveau de d'expertise plus poussé sur la problématique rencontrée, adressé à l'entreprise concernée) et une intervention peut être jugée nécessaire » [8]. La centralisation des remontées des problèmes au service de maintenance peut entraîner un délai plus important pour obtenir la réponse (plusieurs niveaux sollicités pour gérer les problèmes) mais offrirait une meilleure visibilité sur les incidents répertoriés statistiquement et permettrait d'optimiser la gestion et les coûts. Des réajustements ont été initiés en cours d'année en vue de confirmer la prise en charge des incidents auprès des demandeurs et de préciser la planification de la réponse.

   Le contrat prévoit également le déploiement hebdomadaire d'un technicien durant 2 heures dans chaque établissement afin de faire une gestion préventive. Des techniciens interviennent sur place en dehors de ces horaires. Leur fidélisation sur deux ou trois établissements a été souhaitée afin de mieux répondre aux demandes spécifiques. Le contrat de départ a évolué vers un système d'Infogérance (maintenance technique et accompagnement des usagers) face à la nécessité d'un accompagnement technique de proximité. Il est assuré également par les enseignants-référents numériques en place dans les établissements selon leurs profils et leur disponibilité, bien que leur rôle ait été amené à évoluer vers une plus grande implication dans l'accompagnement pédagogique des enseignants (formation aux logiciels mis en place, à l'usage de l'ENT, à la solution Edutice...). Ils restent cependant des éléments-clefs de ces nouveaux dispositifs en lien avec les différents partenaires (mainteneur, constructeur, rectorat, conseil général, enseignants...) [9].

   La question d'une maintenance globale pour l'ensemble des collèges du département se pose déjà face cette fois à la prise en charge future d'un parc hétérogène (ordinateurs datant de 7-8 ans, versions différentes...).

5. le choix d'une solution globale

   L'enjeu du département est de mettre en œuvre « une architecture cohérente et évolutive » selon le Directeur de l'éducation et de la jeunesse du Conseil général, en insistant sur un accompagnement sur le long terme, à travers notamment « la mise en place d'un club des partenaires de fournisseurs » [10]. C'est pourquoi une solution globale a été choisie [11] avec un interlocuteur unique capable de répondre à l'ensemble de la problématique (mise en place d'un data center via le réseau Très Haut Débit du département, assurer l'intégration de l'infrastructure de l'architecture et des logiciels sur les postes de travail choisis conjointement avec le Rectorat, assurer le déploiement, la maintenance et le « help desk » (centre d'assistance). Le choix s'est porté sur la société privée franco-belge, Econocom [12], chargée de s'enquérir des constructeurs informatiques [13] aptes à répondre aux préconisations techniques précisées dans le cahier des charges, établi par le Conseil général et de fédérer ses partenaires. L'activité de base de cette entreprise repose sur trois métiers (des produits et des solutions prêts à l'emploi, avec une formation à la prise en main ; des services comme l'infogérance pour assurer la maintenance, le développement d'applications mobiles ; et le financement via l'acquisition des biens et des services ou via une redevance mensuelle). Chargée d'accompagner les organisations professionnelles dans les transformations numériques, l'entreprise dit souhaiter s'investir particulièrement dans le monde de l'éducation en relation notamment avec des éditeurs de contenus [14].

   L'entreprise se dit forte de sa participation a plusieurs déploiements dans le domaine éducatif en France (75 000 ordinateurs dans tous les collèges de l'Oise dans le cadre de l'opération Ordi 60 en 2009 puis distribution de 12 500 tablettes en 2014 ; distribution de tablettes à des lycéens, en région Midi-Pyrénées (financées en partie par les familles selon le quotient familial) et a un projet important avec la région Centre en ce sens [15]). Elle répond généralement à deux cas de figures, une dotation individuelle d'élèves (primo-entrant en 6e, ou en classe de Seconde) en vue de combler la fracture sociale et une dotation collective, qui est celle des établissements.

   C'est le cas du projet 12 collèges « tout numérique » de Seine-Saint-Denis mais avec une particularité, « On est partis de zéro, où rien n'existait, un nouveau projet (avec) des collèges neufs qui sortaient de terre, on gardait le nom, on construisait à côté et on détruisait l'ancien. (Et) Il fallait non seulement installer un nouveau poste et environnement de travail, mais aussi un nouveau concept avec pour la première fois la centralisation sur un data center » avec un site de « back up » non dédié à ces collèges, de manière à pouvoir en démarrer un autre en cas de problème grave) et non plus sur le serveur de chaque établissement. Les ressources (éléments de serveurs et d'infrastructures) sont ainsi mutualisées et permettent d'allouer de la puissance de stockage en fonction de la demande qui diffère selon la taille des collèges (500 ou 1 500 élèves) et la montée en puissance des effectifs.

   L'externalisation de la maintenance permet d'anticiper le déploiement du numérique dans l'ensemble des collèges du département mais pose en contre partie de nouveaux questionnements tant au niveau pédagogique (nouvelles procédures d'installation des logiciels, utilisation des ressources « lourdes » (vidéos)) que technologiques. Le département a expérimenté avec succès en amont la solution Edutice (basé sur une solution Linux Ubuntu) de la société française Novatice dans 3 collèges pilotes durant l'année 2013 (contrôle et gestion des ordinateurs PC et tablettes à distance, création de profils pour chaque enseignant, « classe virtuelle » en fonction des besoins pédagogiques). Cette solution considérée comme performante localement avec des équipements équipés de proxys ne l'est plus autant dans un environnement très sécurisé comme celui d'un data center, qui ralentit le système (chargement de la solution Edutice estimé environ à 10 minutes, en raison des identifiants successifs sur la machine).

   L'enjeu d'un réseau Très Haut Débit est de permettre la création d'une dynamique collective, selon le Directeur de l'Éducation et de la Jeunesse, en facilitant le fonctionnement d'un grand nombre d'ordinateurs simultanément (échanges de ressources y compris vidéos...). Le département de Seine-Saint-Denis est, pour des raisons historiques propriétaire de son propre réseau Très Haut Débit (via la gestion des feux de signalisation), reliant les nouveaux collèges, à l'exception d'un établissement (infrastructure informatique propre) qui dépend d'un abonnement auprès d'un opérateur (Orange) qui est considéré comme « coûteux » mais permet d'utiliser 300 à 400 machines en même temps (40 Mo). Le réseau du département d'une capacité de 100 Mo) a été limité à 50 Mo dans un premier temps pour ne pas être surdimensionné.

   Si la maintenance des équipements numériques a été transférée au département, l'académie reste en charge des ressources et de la formation des équipes éducatives avec les moyens alloués.

II. Le rôle de l'académie

   Un Groupe de Pilotage et d'Impulsion (GPI) a été crée par Madame La Rectrice de l'Académie de Créteil en vue de conduire le changement (« Entrée de l'école dans le numérique »). Sa feuille de route concerne la période 2013-2017. De nombreux dispositifs sont mis en place qui concernent l'accompagnement et les ressources à disposition.

1. Des ressources centralisées

   Les inspecteurs pédagogiques régionaux (IPR) de chaque discipline se sont concertés au cours du premier trimestre de l'année scolaire (de septembre à décembre 2013) en vue de choisir les logiciels nécessaires aux enseignants. Un audit a également été réalisé au sein des établissements. La réduction de la liste constituée d'environ 1500 logiciels s'est avérée nécessaire pour leur installation sur un master. A la suite de plusieurs rencontres avec le Conseil général, un panel de logiciels constituant un premier socle a été retenu. Le Rectorat a privilégié les logiciels libres quand ils étaient disponibles et fait le choix de logiciels multiplate-formes (Linux et Windows) en combinant la liste des logiciels Edumarket et la liste des IA-IPR.

   L'installation de nouveaux logiciels nécessite une évaluation par le corps d'inspection pour déterminer leur pertinence et éviter les doublons. Cette demande remontée via le référent numérique ou le département est centralisée au niveau du Délégué Académique au Numérique. Une fois la décision validée par le Rectorat, l'installation est réalisée lors de la mise à jour de la version suivante (période de vacances de chaque trimestre). Cette procédure s'appuie sur une gestion commune des ressources et évite les problèmes de sécurité (virus...) inhérents à l'installation individuelle de ressources, qui ne bénéficie pas de mises à jour.

   L'achat et la mise en place de manuels numériques est encore en questionnement lors de cette première année de mise en route. Plusieurs réunions ont eu lieu avec des éditeurs. Il est à noter que les 5 établissements neufs ne possèdent pas de manuels-papier.

   La société Econocom à la demande du département assure également une veille technologique sur des logiciels éducatifs en vue de les proposer pour expérimentation.

2. Une formation de proximité

   Le pôle Numérique de l'Académie de Créteil (DANE, CLEMI, CANOPE) a mis en place au mois de mars 2014, un protocole de formation de proximité à destination des 12 collèges afin de permettre aux usagers d'utiliser les matériels à leur disposition. Il s'appuie sur 6 à 8 demi-journées de formation, proposées dès la rentrée 2014, par le coordinateur officiel de la DANE (Délégation Académique au Numérique pour l'Éducation) anciennement DATICE. Elles portent sur des thématiques différentes (VPI, ENT, solution réseau Edutice, ressources éditoriales gratuites ou payantes, manuels numériques à la rentrée 2015...). Ces formations (initiale et approfondie) sont accessibles aux enseignants sur listes d'inscriptions, voire à tous les enseignants sur un temps dédié selon la proposition du chef d'établissement.

   Les thèmes des séances de formation sont décidés au sein de collège, au niveau de la commission numérique si elle existe, du chef d'établissement ou du référent numérique. Le Pôle numérique propose une aide à la décision en fonction d'un référentiel, « les paliers de maturité numérique » (mise en œuvre, intégration, appropriation) [16]. Sans valeur normative, ils permettent aux établissements d'identifier les compétences et les besoins en termes de formation au numérique pour les équipes éducatives.

   Un guide d'accompagnement des collèges numériques a été réalisé à la fin de l'année 2014 et réécrit pour y intégrer les nouvelles dimensions de la mission Canopé depuis le 1er janvier 2015. Il a vocation à accompagner les enseignants pour les aider à expérimenter, innover avec le numérique et particulièrement avec les environnements déployés dans les 12 collèges. Un Minilab du réseau Canopé est installé dans un des 12 collèges.

   Des modules de formation ont été proposés par la société Econocom aux référents numériques autour de la prise en main des matériels, des usages et des enjeux métiers ainsi que des livrables. La question est posée de partager une base documentaire commune développée pour l'ensemble des partenaires de l'entreprise [17]. Du côté de la DANE, une formation sur la solution réseau Edutice a été proposée en amont (printemps 2014) aux référents numériques accompagnateurs de leurs collègues au sein de l'établissement.

   Le Conseil général a créé également un salon du numérique éducatif auquel participe l'académie notamment à travers ses formateurs. Il se tient durant deux journées (deux mercredis consécutifs) chaque année dans un établissement différent afin de présenter les nouveaux matériels et de proposer des temps de réflexion et d'initiation à différents environnements numériques dans le cadre d'ateliers.

III. Une évaluation universitaire destinée à évaluer la première année de mise en route

   La question des usages (expérimentation) et de leur évaluation a été prise en compte dans le projet 12 collèges « tout numérique ». Lors de cette première année de mise en route (2014-2015), le laboratoire EMA (École, Mutations, Apprentissages) de l'Université de Cergy-Pontoise a signé une convention en juin 2014, avec le Conseil Général de Seine-Saint-Denis afin d'évaluer l'appropriation de ces nouveaux collèges par leurs usagers et de repérer la genèse des usages numériques. Un rapport remis en juin 2015 [18], permet de rendre compte de ces premiers éléments, des freins et des leviers et des perspectives envisagées par les usagers (chefs d'établissement, enseignants, élèves, personnels d'éducation).

   La dynamique portée en amont depuis plus de 4 années et engageant l'ensemble des acteurs (services du Conseil général, de l'académie (DSI, DASEN, corps d'inspection,..), chefs d'établissement, référents numériques...et sociétés privées) a pour objectif d'inventer un nouvel écosystème apte à « répondre aux enjeux et aux exigences fonctionnelles des collèges du 21e siècle » [19], qui comprend les usages numériques, mais va également au-delà et s'appuie sur une vision d'ensemble du collégien et de son environnement.

   Ce projet porté par un collectif demande de la souplesse pour évoluer dans un environnement particulièrement changeant (technologies, organisations, représentations). S'il s'appuie sur de nombreuses connaissances (expériences, tests, études en amont), il se construit également comme toute innovation, dans l'incertitude, entre essais et erreurs ainsi que le souligne Françoise Cros [20]. Les difficultés inhérentes à la construction d'un projet d'une telle envergure sont formatrices et permettent d'anticiper la construction des collèges suivants (Plan Ambition collège 2015-2020).

   Il apparaît important d'être attentif au retour des usagers car ainsi que le souligne le responsable du service stratégique de la société privée « si vous voulez maîtriser votre parc informatique, vous devez en connaître la vie ».

Sylvain Genevois,
Université Cergy-Pontoise, Laboratoire EMA (EA 4507)
sylvain.genevois@u-cergy.fr

Dany Hamon,
Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, Laboratoire EDA (EA 4071)
dany.hamon@parisdescartes.fr

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

NOTES

[1] Directeur général adjoint Pôle société et citoyenneté, Dossier collèges SSD, réalisé par Nathalie Moutarde avec Hervé Guénot et Michel Desfontaines, Le Moniteur, 20 juin 2014.

[2] Pascal Ribaud, Directeur de l'Éducation et de la Jeunesse, Conseil Général de Seine-Saint Denis, depuis 2008 (ex proviseur durant 15 ans), intervention lors de la Table ronde Econocom Salon Educatec- Educatice 26 novembre 2014, « 12 collèges "Tout numérique" : quels modèles pour quelle ambition ? ».

[3] Stéphane Troussel, Président du Conseil général de Seine-Saint-Denis, Le Moniteur, 20 juin 2014.

[4] Pascal Ribaud, Ibid 1.

[5] Stéphane Troussel, Président du Conseil Général de Seine-Saint-Denis (adjoint puis successeur de Claude Bartolone) élu le 4 septembre 2012, et réélu Président du Conseil Départemental, le 2 avril 2015.

[6] Vidéo lors de la Table ronde Econocom Salon Educatec- Educatice 26 novembre 2014, « 12 collèges "Tout numérique" : quels modèles pour quelle ambition ? ».

[7] Loi n° 2013-596 du 8 juillet 2013 d'orientation et de Programmation pour la Refondation de l'école de la république, Chapitre II, L'administration de l'éducation, Section 1, Les relations avec les collectivités territoriales, article 21, Le premier alinéa de l'article L. 213-2 du même code est ainsi rédigé :
« Le département a la charge des collèges. Il en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement. À ce titre, l'acquisition et la maintenance des infrastructures et des équipements, dont les matériels informatiques et les logiciels prévus pour leur mise en service, nécessaires à l'enseignement et aux échanges entre les membres de la communauté éducative sont à à la charge du département. »
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027677984&categorieLien=id

[8] Directeur Technique et méthodes Econocom, entretien mars 2015.

[9] Chef de projet DSI Conseil général de Seine-Saint-Denis, entretien, novembre 2014.

[10] Directrice du marché Éducation et veille éducative Econocom, entretien, mars 2015.

[11] Un choix réalisé par le CG 93 en lien avec les groupes Eiffage et Fayat en charge de la construction des 12 collèges.

[12] En contrat jusqu'en 2017 avec le département.

[13] Cahier des charges CG (partie matériel et distribution du matériel, gestion des logiciels, hébergement et sécurité, déploiement et mise en œuvre).

[14] Directrice du marché Éducation Econocom, Table ronde Econocom Salon Educatec- Educatice 26 novembre 2014, « 12 collèges "Tout numérique" : quels modèles pour quelle ambition ? »

[15] Responsable du service Stratégic Deals, Build and Drive, Econocom, entretien mars 2015.

[16] Les paliers de maturité numérique Académie de Créteil.
http://dane.ac-creteil.fr/Les-paliers-de-maturite-numerique

[17] Directeur Technique et méthodes Econocom, Entretien mars 2015.

[18] Genevois, S. ; Hamon, D. (2014). ENT 93 - Rapport de recherche sur les usages des ENT dans les collèges de Seine-Saint-Denis, Paris, France.
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00991475/document

[19] Président du Conseil général de Seine-Saint-Denis : Une nouvelle architecture éducative.
https://www.seine-saint-denis.fr/Une-nouvelle-architecture.html

[20] Cros, F (2004). L'innovation aux risques de son évaluation, Paris : Éditions l'Harmattan.

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Association EPI
Mars 2016

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