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Programmer, pour ne pas être programmé

Sylvie Alayrangues, Samuel Peltier et Laurent Signac
 

La médiation scientifique : une question de rencontres ?

   Les ateliers « programmer, pour ne pas être programmé » sont nés d'une heureuse conjonction. L'Espace Mendès France [1] et son lieu multiple sont bien connus pour leurs activités autour de la diffusion d'une culture numérique via, entre autres, des ateliers Scratch et Makey Makey. Lorsque la Société informatique de France a décidé d'organiser son congrès 2014 sur le thème de la médiation scientifique, en partenariat avec l'université de Poitiers, il était naturel de prendre contact avec l'Espace Mendès France pour voir comment collaborer. De cette rencontre est née une première après-midi « programmer, pour ne pas être programmé » qui s'est déroulée le 15 février 2014 dans la continuité du congrès. Elle rassemblait une partie des intervenants du congrès et d'autres acteurs de la médiation scientifique en informatique, chercheurs, enseignants-chercheurs ou ingénieurs, certains venus en voisins, d'autres des quatre coins de la France, autour de conférences grand public et d'ateliers. Les visiteurs pouvaient s'initier à l'informatique débranchée ou déconnectée avec Martin Quinson [2]. Ils ont également pu découvrir la démarche de Maths à modeler [3] avec Paul Dorbec. Bruno Mercier leur expliquait et leur montrait le fonctionnement d'un écran 3D. Les animateurs du lieu multiple leur proposaient également de s'initier à la programmation de jeux avec Scratch, et de découvrir Makey Makey. L'Association poitevine de promotion de Linux et des logiciels libres (APP3L) organisait en parallèle une install party linux. Cette journée a également donné la parole à François Élie pour une intervention sur la fameuse école de la liberté. Loïc Barthe a initié son public à certaines techniques informatiques cachées dans les films d'animation. Une projection d'un film sur Alan Turing a été suivie d'une intervention de Colin de la Higuera. Guillaume Gilet et Frédéric Mora ont quant à eux expliqué comment enrichir des images virtuelles avec des prises de vue réelles. Enfin la journée s'est conclu sur un exposé de Vincent Autefage sur les drones.

   Ce même jour, et de manière tout à fait indépendante, plusieurs collègues de l'université de Poitiers organisaient un challenge de programmation, CodingUP [4], dans les locaux de l'université. La conjonction des dates et la similitude des objectifs – partager la culture informatique – nous ont incités à lier les deux événements. Grâce à cette expérience, nous sommes plusieurs collègues de l'université de Poitiers à nous être découvert un goût commun pour la médiation scientifique en informatique. Aussi, lorsque Thierry Pasquier de l'espace Mendès France a proposé de continuer l'aventure en réalisant des animations de manière plus régulière, ils nous a paru naturel et enrichissant de nous associer pour animer ces ateliers.

Comment se déroule un atelier ?

   Les ateliers se déroulent essentiellement en deux phases. Pendant la première partie, nous proposons aux enfants (et aux parents qui le souhaitent) des activités d'informatique débranchée (sans ordinateur donc). Pendant la deuxième phase, des animateurs de l'Espace Mendès France accompagnent les enfants dans la découverte du logiciel Scratch, proposé par le MIT, qui permet de s'initier à une certaine forme de programmation et fait la part belle à la créativité et l'inventivité de l'enfant. Ces rencontres sont aussi l'occasion d'échanger avec parents et enfants, à la fois sur notre métier d'enseignant-chercheur mais aussi sur la variété des débouchés des études en informatique.

Comment se prépare un atelier ?

   Pour préparer le contenu des séances, nous nous appuyons à la fois sur nos expériences respectives et sur des activités déjà proposées par d'autres, que nous adaptons selon notre sensibilité. La communauté de la médiation scientifique en informatique est heureusement très vivante et soucieuse de partager ses expériences. Le site « pixees » [5], qui a ouvert récemment, recense notamment un certain nombre d'activités de médiation. Le petit challenge, dans notre cas, est que si les ateliers reviennent régulièrement, les participants ne sont pas forcément les mêmes. Ainsi chaque atelier doit être à la fois indépendant des précédents pour être compris par un nouveau venu mais aussi inédit pour les habitués. Pour chaque atelier, nous déterminons un thème puis chacun réfléchit à des activités possibles. Nous confrontons nos idées, et construisons la séance. Il ne reste plus alors qu'à nous procurer le matériel nécessaire (selon le cas, des perles, des feuilles quadrillées, des jetons...) et à nous lancer le jour J.

   Pour le premier atelier, nous avons abordé l'algorithmique via des dessins type tortue logo sur des feuilles quadrillées. La deuxième séance était orientée vers la cryptographie via des codes simples, un jeu avec des boîtes et des cadenas, et un peu de stéganographie. Enfin le troisième atelier parlait stratégie, notamment avec le classique jeu de Nim.

Un premier retour d'expérience ?

   Pour le premier atelier, nous avions peu d'enfants [5] et autant d'adultes (parents et/ou grands-parents). La présence inattendue des caméras de la télévision régionale nous a un peu perturbé au début mais nous avons assez vite réussi à l'oublier. Tout le monde s'est prêté au jeu et les interactions entre enfants et adultes étaient très sympathiques.

   Est-ce l'effet du reportage ? La couverture médiatique autour de l'initiation au code ? Mais pour les deux séances suivantes, nous avons, à chaque fois, accueilli une vingtaine d'enfants. Par contre, si certains parents ont continué à participer, c'est davantage en aidant leurs enfants qu'en réalisant eux-mêmes l'activité. Certains enfants (et parents) sont maintenant en passe de devenir des habitués.

   Outre les aspects informatiques, nous essayons de proposer des activités où ils peuvent réfléchir par petits groupes et également échanger tous ensemble. Partager ces moments avec les enfants et leurs parents est très enrichissant pour nous également et assez addictif. La curiosité des enfants, leur enthousiasme et leur faculté à s'approprier les concepts tout en s'amusant sont très rafraîchissants. Les voir parvenir à résoudre les énigmes que nous leur soumettons, en construisant pas à pas leur propre raisonnement est particulièrement gratifiant.

Et pour la suite ?

   Pour le moment, les deux parties de l'atelier, la partie débranchée et la partie sur ordinateurs, sont déconnectées l'une de l'autre mais nous envisageons pour de futures activités de lier les deux.

   Autre objectif à moyen terme, raconter plus précisément chaque atelier et partager cette expérience sur « pixees » !

   Nous espérons bien transmettre également le virus à d'autres collègues et nous avons déjà commencé à entraîner certains de nos étudiants de Licence informatique dans le cadre d'un projet de pré-professionnalisation.

   Les trois prochaines séances sont prévues les mercredis 28 janvier, 11 mars, et 22 avril. Et la prochaine édition du concours CodingUP se déroulera le 21 mars 2015.

Sylvie Alayrangues
Samuel Peltier
Laurent Signac

Paru dans le numéro hors-série de 1024 de la SIF, Médiation scientifique : de la science informatique au grand public, février 2015.
http://www.societe-informatique-de-france.fr/wp-content/uploads/2015/03/1024-hs1-alayrangues-et-al.pdf
http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l1504u.htm

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http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/deed.fr, ou écrivez à :
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NOTES

[1] http://emf.fr et http://emf.fr/sujet/poles-dactivites/lieu-multiple/

[2] http://www.loria.fr/~quinson/Mediation/SMN/

[3] http://mathsamodeler.ujf-grenoble.fr

[4] http://codingup.fr

[5] http://pixees.fr

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Avril 2015

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