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De toutes parts, l'informatique et son enseignement

Jean-Pierre Archambault
 

   Michel Volle appelle à percevoir les changements que l'informatisation a apportés [1]. L'informatisation est la forme contemporaine de l'industrialisation. Quand des tâches répétitives physiques et mentales sont automatisées la « main d'oeuvre » est remplacée par le « cerveau d'oeuvre ». L'alliage du cerveau d'oeuvre et de l'automate programmable ubiquitaire fait apparaître ce qu'il appelle l'« iconomie ». Les produits sont des assemblages de biens et de services. Tous les secteurs sont concernés : aéronautique, médecine, automobile, système judiciaire etc. C'est une économie où les coûts fixes sont importants, dépensés avant que le premier exemplaire soit commercialisé, et où les coûts marginaux tendent vers zéro. Alors que le PIB nominal classe la France en 2010 au cinquième rang mondial, les études qui comparent les pays dans le domaine des TIC ne la classent qu'au vingtième rang et ce classement se détériore d'une année à la suivante. Michel Volle rappelle que la crise financière de 2008, les agissements de la NSA s'expliquent en partie par des pratiques permises par l'informatique et les réseaux. Et il pose les questions de savoir « comment lutter contre le chômage », « comment réindustrialiser » en ignorant le monde que l'informatisation fait émerger. L'informatique est donc une des composantes de la culture générale de ce nouveau monde. Et tout un chacun doit l'avoir rencontrée dans sa formation initiale et continue. C'est la raison d'être de la discipline informatique.

   « Identifiant la décennie 2010-2020 comme celle du "papy-boom", avec 8 millions de départs à la retraite soit 31 % de la population active, le CIDJ évalue à 800 000 le nombre de postes à pourvoir chaque année, dont 620 000 seront liés aux fins de carrière sur cette période. Parmi les postes les plus recherchés dans la prochaine décennie, agents d'entretien, enseignants, professionnels du médico-social, de l'informatique, de la banque et de la vente. L'industrie continuera aussi à recruter des savoir-faire précis : chaudronniers industriels et soudeurs, mécaniciens, ou ingénieurs de l'aéronautique, de l'électronique et de l'automobile. De nouveaux métiers devraient émerger dans l'environnement et le numérique. » [2].

   Dans le Monde Informatique du 28 novembre 2014, Guy Mamou-Mani, président du Syntec Numérique, a rappelé que « le chômage avait augmenté dans la profession pour atteindre 8 % mais qu'il existait en parallèle une réelle pénurie sur certains profils ». « Je le répète, nous avons un mal fou à trouver des compétences », a-t-il insisté, ajoutant : « C'est pourquoi nous avons décidé de lancer un plan national de formation qui concernera les non diplômés, les chômeurs et la formation continue ». Il a également rappelé que l'association Pascaline s'était engagée pour la création en Terminale S de l'option de spécialité « Informatique et Sciences du Numérique » (ISN) et qu'il souhaitait que cette option soit déployée dans les filières ES et L. Il a déploré que « le pays se transformant, les pouvoirs publics n'investissent pas suffisamment dans le numérique » alors qu'« il faut accélérer cette transformation » et que « le travail sur la formation est essentiel pour constituer la société du numérique » [3].

   Dans Le Guardian du 17 novembre 2014, on peut lire que Sir Berners-Lee, inventeur du World Wide Web en 1989, s'est exprimé sans ambages : « Nous avons besoin de plus de députés qui sachent programmer (...) Il est essentiel que les responsables politiques apprécient les capacités techniques des ordinateurs et la connaissance de la programmation en est la clé. ». Prenant la parole au « Every Second Counts Forum », il a déclaré : « Le fait de pouvoir programmer signifie que vous comprenez ce que les gens peuvent faire avec un ordinateur. Vous devez être en mesure de comprendre ce que les gens peuvent faire avec un ordinateur pour faire des lois à ce sujet ». Et il a salué la décision du gouvernement d'introduire la programmation pour les enfants dès 5 ans dans le programme d'enseignement national [4].

   Sans l'informatique, beaucoup de choses ne seraient pas possible : Rosetta, Ariane et bien d'autres. Gilles Cohen-Tannoudji et Michel Spiro, dans un livre publié récemment, Le boson et le chapeau mexicain, pointent notamment concernant le CERN web, calculs répartis et cloud computing [5].

   Dans son discours prononcé le vendredi 28 novembre 2014 à l'occasion du Salon européen de l'Éducation, Najat Vallaud-Belkacem a déclaré : « J'attends de l'école obligatoire, non seulement qu'elle apprenne aux élèves à lire, écrire et compter, mais aussi qu'elle leur transmette les moyens de devenir des citoyens éclairés, de poursuivre des études et de se construire un avenir personnel et professionnel... Les programmes doivent également être adaptés aux évolutions de la société et aux besoins des élèves d'aujourd'hui. C'est pourquoi je souhaite, pour ne prendre qu'un exemple, que tous les collégiens puissent apprendre les langages informatiques. Le numérique à l'école, dont l'apprentissage des langages informatiques est une des dimensions, est un atout pédagogique considérable qui permettra aux élèves de disposer non seulement des instruments les plus modernes d'apprentissage, mais également des meilleures chances de réussite scolaire » [6]. Dans une annonce, portant notamment sur le renforcement de l'attractivité des concours de recrutement de mathématiques, la ministre a cité trois leviers dont la création d'une option « informatique » au CAPES (de mathématiques) [7]. Cette annonce renforce la nécessité et la pertinence de notre demande de création d'un Capes et d'une agrégation d'informatique. Lors de notre audience au cabinet de la ministre le 17 octobre nous avons dit : « ... Mais toutes les mesures transitoires ne prennent leur véritable sens que quand le cap est fixé. À savoir une discipline informatique pour tous les élèves et des professeurs d'informatique avec un Capes et une agrégation d'informatique (comme c'est le cas pour les autres disciplines). Et des certifications pour les professeurs des écoles dans les ESPE. D'autres mesures ont leur place : des Capes et agrégations bivalents, externes et internes, des listes d'aptitude, des habilitations du type de celles prévues pour les enseignants d'ISN et un renforcement de la formation continue » [8].

   Le 12 mars 2015 aura lieu à Nancy la quatrième édition de la journée ISN-EPI à destination des enseignants d'informatique, qu'ils enseignent au lycée, en classes préparatoires, dans les établissements d'enseignement supérieur ou ailleurs. La journée regroupe des ateliers diffusant de bonnes pratiques de terrain, ainsi que des conférences plénières. Nous en reparlerons.

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] Voir son article dans ce numéro 170 d'EpiNet « L'iconomie pour sortir de la crise »
http://epi.asso.fr/revue/revue/articles/a1412b.htm
Michel Volle, Iconomie, Economica, 2014 :
http://michelvolle.blogspot.fr/2014/02/un-livre-sur-liconomie.html

[2] Les dix secteurs qui recruteront le plus d'ici 2020 :
http://www.lexpress.fr/diaporama/diapo-photo/emploi/conseils-emploi/en-images-les-dix-secteurs-qui-recruteront-le-plus-d-ici-2020_1623270.html

[3] Syntec anticipe une croissance de 1,5 % en 2015 dans les logiciels et services :
http://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-syntec-table-sur-une-croissance-de-1-5-en-2015-59429.html

[4] Tim Berners-Lee : we need more MPs who know how to code :
http://www.theguardian.com/technology/media-network-blog/2014/nov/17/sir-tim-berners-lee-we-need-more-mps-who-know-how-to-code

[5] Gilles Cohen-Tannoudji et Michel Spiro, 2013, Folio essais, 530 pages, éditions Gallimard :
http://epi.asso.fr/revue/revue/lu/l1412u.htm

[6] Salon européen de l'Éducation : intervention de Najat Vallaud-Belkacem :
http://www.education.gouv.fr/cid84248/salon-europeen-de-l-education-intervention-de-najat-vallaud-belkacem.html

[7] Jeux et informatique pour renforcer le niveau des élèves en mathématiques :
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/12/04/01016-20141204ARTFIG00183-jeux-et-informatique-pour-renforcer-le-niveau-des-eleves-en-mathematiques.php

[8] Une audience au Ministère de l'Éducation nationale sur l'enseignement de l'informatique :
http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1411a.htm

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Association EPI
Décembre 2014

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