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Deux années d'enseignement de l'ISN

Fabien Cayla
 

   Depuis deux ans j'enseigne l'Informatique et Sciences du Numérique (ISN), spécialité du baccalauréat S, au lycée Victor Hugo à Lunel. J'ai la chance d'avoir un collègue, Fabien Chapon, qui a bien voulu se lancer avec moi dans cette aventure. Nous nous sommes tous les deux formés grâce une formation exigeante proposée par l'académie de Montpellier. Cela a été dur mais surtout un plaisir, plaisir d'apprendre, de se remettre en question.

1. Le recrutement des élèves

   Comment donner envie aux élèves de choisir cette spécialité, alors que c'est la seule matière qu'ils ne connaissent pas ?

   Bien sûr on peut passer dans les classes, ou réunir les élèves en amphithéâtre comme c'est souvent fait. Cependant l'ISN est la seule matière que les élèves ne connaissent pas et ils ont souvent fait un choix assez tôt dans l'année de première avec des idées préconçues comme « pour aller en prépa il vaut mieux suivre la Spé-Maths » ou « si on n'a pas de bons résultats il vaut mieux aller en Spé-SVT ». De plus certains professeurs principaux méconnaissant totalement cette spécialité l'ont présentée de manière très peu engageante. Alors en plus de la présentation, on a invité des élèves à venir en salle informatique pour voir ce qu'on y faisait et on a appelé certains parents dont les enfants étaient indécis.

   Notre discours est « l'élève doit choisir une Spé en accord avec ses goûts ». Comment savoir si cela plaît ? Et bien ce n'est pas évident ; quelques indices : en séance de TD avec des logiciels d'apprentissage des algorithmes l'élève a bien apprécié, la manipulation d'ordinateur plaît bien. Et s'il ne sait pas trop si cela lui plaît, pourquoi ne pas venir essayer 1 an avec 2 heures par semaine, cela peut être une bonne chose notamment pour choisir son orientation avec ou sans informatique ? L'ISN est la seule spécialité qui va lui permettre de le savoir.

   Par contre, les autres matières ont vu d'un assez mauvais oeil cette spécialité s'implanter dans le lycée ; en effet la Spé-ISN a nécessairement dépeuplé d'autre Spé. Dans notre lycée c'est la Physique qui a été la plus touchée.

2. L'enseignement de l'ISN

2.1. La pédagogie de projet

   J'avais déjà expérimenté ce type de pédagogie au collège en Itinéraire De Découverte (IDD) ; au lycée en Travaux personnels Encadrés (TPE) ; ou dans des projets personnels menés au sein d'un classe.

   Avec l'ISN l'alternance entre moments de transmission de connaissances et mini-projets m'a particulièrement plu et donne beaucoup de consistance aux projets (ce qui manque parfois en IDD ou TPE). Toutefois lors de notre première année d'enseignement, il n'a pas été évident pour nous de mettre en place ce type de pédagogie car en étant professeur de mathématiques, nous avions une moins grande expérience que d'autres collègues comme ceux venant des Sciences Technologies et Industries.

   Le choix que nous avons fait cette année de proposer aux élèves de soutenir leur mini-projet comme le projet final, a beaucoup plu aux élèves et permettra certainement qu'ils comprennent bien ce que l'on attend d'eux en fin d'année.

Le programme

   Ce programme nous a semblé très lourd au regard du faible nombre d'heures (les élèves ont 2 heures par semaine). Lors de la première année, à peu près 2/3 du programme a été fait. Lors de la seconde année, nous avons dû arriver à 4/5, mais cela a été un peu la course toute l'année.

   Ne pas avoir tout fait, n'est finalement pas si gênant car les élèves ne pourront pas être évalués sur ce qu'ils n'ont pas fait, vu que c'est nous qui les évaluons.

L'algorithmique

   Une de nos plus grandes surprises a été de voir qu'une majorité des élèves arrivent en classe de terminale S avec des connaissances quasi-nulles en algorithmique. Et pourtant c'est dans le programme de mathématiques. Et pourtant en tant qu'enseignant de mathématiques, je sais bien que mes collègues font des algorithmes au lycée...

   Un petit exemple : nous avons demandé en début d'année d'écrire un algorithme permettant d'afficher la table de 7, très peu (2 sur 28) ont pensé à utiliser une structure répétitive, qu'ils ont vue depuis la seconde !

   La seconde année nous sommes donc parti du principe que les élèves n'avaient aucune connaissance en algorithmique, et il faut dire que cela leur a été très positif.

Codage de l'information

   Le codage des nombres est un sujet difficile pour beaucoup d'élèves. En revanche le codage des images et la manipulation des images numériques leur plaît particulièrement. Certains collègues ont même décidé d'en faire un fil rouge à l'année.

Architecture et réseaux

   C'est une partie difficile pour le professeur de mathématiques que je suis. Heureusement beaucoup de choses sont optionnelles dans cette partie. Notre première séance sur ce thème a été de proposer aux élèves un atelier de démontage et remontage de vieux ordinateurs.

Programmation

   Les élèves aiment beaucoup, car c'est finalement très concret et que cela peut donner facilement du sens à toutes les autres parties. Nous avons choisi d'enseigner le Python comme langage de programmation avec l'ide IDLE et c'est un choix que nous allons reconduire.

Les élèves

   Lors des deux années d'enseignement, certains de nos élèves avaient déjà lu pas mal de choses sur l'informatique et pensaient en savoir beaucoup voir plus que nous.

   Existe-t-il beaucoup de matières que les élèves décident d'apprendre tout seul ? Je ne sais pas mais quand je vois des élèves de terminale qui ont passé des heures et des heures pour apprendre le C++ ou pour comprendre le HTML/CSS, je me dis qu'il est indispensable que ces jeunes soient encadrés(et même plus tôt qu'en terminale).

   Cela fait partie des points qui me motivent pour enseigner l'ISN car j'ai l'impression que, pour la première fois, ces élèves ont un interlocuteur en informatique.

   Malgré cela, malgré le fait que ces élèves ont toujours vécu dans un monde très numérique, ils sont d'une très grande naïveté sur tout ce qui relève de la compétence C5 de la grille de compétences : « Faire un usage responsable des sciences du numérique en ayant conscience des problèmes sociétaux induits ». Très souvent, lorsque j'ai abordé ce sujet, ils ne voulaient pas que je continue; l'exposé sur ce thème n'a pas trouvé facilement preneur !

   En outre, j'ai l'impression qu'avec cet enseignement j'ai pu m'adapter aux élèves très rapides aussi bien qu'à ceux qui ont besoin de temps et cela grâce aux petits groupes et à l'ordinateur. Je dois reconnaître que c'est beaucoup plus difficile dans ma matière principale (les mathématiques). L'adaptation au niveau des élèves et l'exigence intellectuelle de la matière ont permis à tous de progresser.

3. L'évaluation au bac

   La période des oraux d'ISN est une période particulièrement chargée pour les élèves : ils ont beaucoup d'épreuves orales et l'ISN en ajoute une de plus pour eux). Il a été étonnant de voir que malgré le nombre d'oraux qu'ils passent, peu d'élèves avaient réellement préparé leurs oraux.

   Il a été assez facile de voir quels élèves avaient apporté un projet qui n'avait pas été fait de manière personnelle : le professeur n'avait jamais vu le programme final réalisé lors séances de projet et l'élève n'était pas capable de le défendre...

   Par contre contre, nous avons regretté que certains élèves dont nous avions vu le projet progresser régulièrement et qui semblaient avoir tout réalisé eux-mêmes être incapable de défendre le projet, la note du bac n'a pas bien représenté leur travail toute l'année.

 
   En conclusion, j'ai vraiment trouvé très agréable d'enseigner l'ISN au lycée. D'une part car c'est une matière qui me plaît. D'autre part car je me suis senti très utile aux élèves qui avaient besoin d'être guidés dans leur apprentissage de l'informatique. Je me suis aussi senti utile auprès des élèves qui avaient besoin d'un peu plus de temps, car la pédagogie de projet, les petits groupes et l'ordinateur le permettent. De plus, leur apprendre à travailler en groupe et à communiquer autour d'un projet me semble important et peu travaillé au lycée.

Fabien Cayla
Professeur de mathématiques
Habilité à enseigner l'ISN
En poste au Lycée Victor Hugo à Lunel
Chargé de mission pour l'ISN

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Juin 2014

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