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La diversité de l'informatique à l'École

Jean-Pierre Archambault
 

   Le paysage de l'informatique et des TIC éducatives s'est transformé d'une manière notable à la rentrée scolaire 2012 avec la création en Terminale S d'un enseignement de spécialité « Informatique et Sciences du numérique » (ISN) [1]. L'informatique est ainsi (re)devenue une discipline scolaire d'enseignement général au lycée, un statut qu'elle avait perdu. C'est important car l'expérience des années 1980 et 1990 avait montré que l'informatique « objet d'enseignement » et l'informatique « outil pédagogique » étaient complémentaires et se renforçaient mutuellement. L'informatique est à la fois un élément de la culture générale scientifique scolaire au XXIe siècle et un instrument qui, bien utilisé, enrichit la panoplie pédagogique des enseignants.

L'enseignement de la discipline informatique

Un événement

   L'événement est que l'informatique soit à nouveau une discipline scolaire en tant que telle, dans l'enseignement secondaire général. En effet, en France, à l'instar de ce que l'on a pu constater notamment dans un certain nombre de pays européens, la discipline informatique a connu sur la durée une émergence chaotique, avec des avancées et des reculs, un mouvement de balancier. Dans les années 1980 et 1990, il y avait dans les lycées une option informatique d'enseignement général qui donnait satisfaction. Ce qui n'a pas empêché qu'on la supprime, pour de mauvaises raisons, une première fois en 1992 (alors qu'elle était en voie de généralisation) et une seconde fois en 1998 après qu'elle eut été rétablie en 1995 [2].

   Si, au fil des années, un consensus s'était réalisé sur le fait que l'informatique est une composante de la culture générale, ce ne fut pas toujours le cas, certains parlant, un peu imprudemment, d'« une mode qui passerait ». Mais des divergences existaient (et elles subsistent quelque peu) sur les modalités à même de donner à tous cette incontournable culture générale. Selon une première approche pédagogique, les apprentissages doivent se faire exclusivement à travers les usages de l'outil informatique dans les différentes matières scolaires existantes : pas de discipline informatique. Une autre approche pédagogique existe pour laquelle, l'informatique étant partout, elle doit être quelque part en particulier, à un moment donné, sous la forme d'une discipline scolaire en tant que telle. Pour les uns, l'utilisation des TIC suffit. Pour les autres, l'utilisation d'un outil, matériel, logiciel, conceptuel, ne suffit pas pour le maîtriser.

   Comme on dit, la vie a tranché. Correspondant à l'approche par les seules utilisations, le B2i a vu le jour en 2001. Il s'est révélé être un échec. Cet échec était prévisible : imaginons que l'on supprime le cours de mathématiques et qu'on décide de traiter les entiers relatifs en histoire, à l'occasion de l'étude de la période avant-après J.-C., ou encore les coordonnées en géographie quand on parle de longitude et de latitude. Cela ne fonctionnerait évidemment pas. Pourtant, c'est ce que l'on a fait avec l'informatique.

Pourquoi et comment des sciences physiques et des SVT à l'école ?

   Depuis longtemps, d'une manière générale, nous savons qu'il est indispensable que tous les jeunes soient initiés aux notions fondamentales de nombre et d'opération, de vitesse et de force, d'atome et de molécule, de microbe et de virus, de genre et de nombre, d'événement et de chronologie etc., sous la forme de disciplines scolaires. Pour différentes raisons. La thermodynamique, la mécanique, l'électricité, la chimie sous-tendent les réalisations de la société industrielle. Cela concerne effectivement les futurs spécialistes. Mais tout le monde ne sera pas technicien ou ingénieur. En revanche, tout le monde a besoin d'une culture de base en la matière. Au travail mais aussi dans le quotidien car il faut connaître l'environnement moderne. Se connaître aussi, savoir de quoi est fait l'être humain et comment son corps fonctionne, même si tout le monde n'est pas médecin ou infirmier ou infirmière. Et il y a les débats de société, portant par exemple sur le nucléaire ou les OGM, auxquels le citoyen doit pouvoir participer et pour cela savoir ce dont il est question. Il peut alors s'appuyer sur les connaissances scientifiques qu'il a acquises grâce aux cours de sciences physiques et de SVT qui sont de fait des conditions d'un exercice plein de la citoyenneté. Il s'agit donc des trois missions traditionnelles et fondamentales de l'école, à savoir former l'homme, le travailleur et le citoyen.

Pourquoi et comment l'informatique à l'école ?

   Pour les mêmes raisons que précédemment. En effet, on parle beaucoup de la place occupée par le numérique, de plus en plus d'activités et de réalisations reposant sur la numérisation de l'information. Or, au coeur du numérique, il y a la science informatique car elle est la science du traitement et de la représentation de l'information numérisée. Elle sous-tend le numérique comme la biologie sous-tend le vivant et les sciences physiques l'industrie de l'énergie.

   L'informatique est la forme contemporaine de l'industrialisation. Elle intervient dans l'économie de trois façons essentielles :

• Au niveau de la production de biens manufacturés ou agricoles par l'automatisation de plus en plus poussée des processus de production, automatisation partielle ou de plus en plus souvent totale (robotisation) et contrôle permanent du bon déroulement des processus.

• Au niveau de la création de nouveaux produits ou de l'amélioration de produits anciens par l'introduction, dans la plupart des objets ou machines vendus, de puces qui assurent des fonctions de plus en plus nombreuses avec plus de précision et de fiabilité que ne pouvaient le faire l'utilisateur humain ou des mécanismes anciens. Les exemples paradigmatiques en sont la carburation et le freinage des voitures automobiles ; le vaste chantier des économies d'énergie dans la construction et l'habitat repose aussi sur leur informatisation.

• Au niveau de la gestion des entreprises comme des administrations, les programmes informatiques, qui ont dès le début de celle-ci remplacé les méthodes traditionnelles de comptabilité et de gestion des stocks ou des commandes, font place désormais à des « systèmes d'information » qui gèrent tous les flux de données nécessaires à chaque acteur, du directeur au plus modeste employé, aussi bien ceux dont il doit disposer venus d'ailleurs que ceux qu'engendre son activité quotidienne. En ce sens le système d'information devient le coeur même de l'entreprise, qui en irrigue toutes les parties et permet de savoir, donc de contrôler et rationaliser, tout ce qui s'y passe : il est l'outil stratégique par excellence sur lequel reposent toutes les décisions à prendre concernant les diverses composantes de l'entreprise.

   Les débats de société suscités par l'informatique se multiplient. La neutralité du Net, le vote électronique, les libertés numériques font la Une de l'actualité. L'année 2009 a vu le vote de la loi Création et Internet dite loi Hadopi. En 2006, la transposition par le Parlement de la directive européenne sur les Droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) avait été l'occasion de débats complexes où exercice de la citoyenneté rimait avec technicité et culture scientifique.

   En effet, s'il fut abondamment question de copie privée, de propriété intellectuelle, de modèles économiques... ce fut sur fond d'interopérabilité, de DRM, de code source, de logiciels en tant que tels. Dans un cas comme dans l'autre, on a constaté un sérieux déficit global de culture du numérique, largement partagé. La question se pose bien de savoir quelles sont les représentations mentales opérationnelles, les connaissances scientifiques et techniques qui permettent à tout un chacun d'exercer pleinement sa citoyenneté. « Cliquer sur une souris » et utiliser les fonctions simples d'un logiciel ne suffisent pas à les acquérir, loin de là.

   Il y a d'autres débats sociétaux qui requièrent, eux aussi, une culture informatique. Dans les colonnes du Monde diplomatique, en décembre 2002, John Sulston, prix Nobel de médecine, évoquant les risques de privatisation du génome humain, indiquait que « les données de base doivent être accessibles à tous, pour que chacun puisse les interpréter, les modifier et les transmettre, à l'instar du modèle de l'open source pour les logiciels ». Open source, logiciels libres, code source... C'est quoi le code source pour quelqu'un qui n'a jamais écrit une ligne de programme ? Le libre est aussi un outil conceptuel qui aide à appréhender les problématiques de l'immatériel. Il suppose une culture générale informatique.

   Et tout un chacun rencontre le numérique et l'informatique dans la vie de tous les jours. De l'utilisation de l'ordinateur à celui de son smartphone en passant par la feuille d'impôts remplie sur le Web et le contrat avec son fournisseur d'accès.

   Or, concernant l'enseignement de l'informatique, le rapport Stratégie nationale de recherche et d'innovation, SNRI, faisait le constat en 2009 que, d'une façon générale, « le système éducatif ne lui avait pas donné une place suffisante en regard des enjeux futurs, industriels et d'innovation pour l'ensemble de l'économie nationale, et de participation à la vie sociale et politique de la part des citoyens. Absent aux niveaux primaire et secondaire, il est inexistant ou trop limité dans les classes préparatoires aux grandes écoles. La majorité des ingénieurs et chercheurs non informaticiens n'acquièrent pendant leur cursus qu'un bagage limité au regard de ce que l'on observe dans les autres disciplines. Pourtant, ils utiliseront ou pourront avoir à décider de l'utilisation d'outils informatiques sophistiqués. Il est à craindre qu'ils ne le fassent pas avec un rendement optimal ou que, en position de responsabilité, ils sous-estimeront l'importance du secteur ».

   Comment l'école doit-elle faire pour donner à tous l'indispensable culture informatique ? C'est simple ! Il convient que l'école fasse ce qu'elle fait avec les autres domaines de la connaissance : offrir à tous les élèves un cadre disciplinaire. Tous les enseignements se font en français (même pour une petite part l'apprentissage des langues étrangères). Pour autant, il y a un cours de français. Il est indispensable aujourd'hui d'initier les élèves aux notions centrales de l'informatique, devenues incontournables : celles d'algorithme, de langage et de programme, de machine et d'architecture, de réseau et de protocole, d'information et de communication, de données et de formats, etc. Cela ne peut se faire qu'au sein d'une vraie discipline informatique.

Vers une généralisation

   Les actions menées ces dernières années ont commencé à porter leurs fruits. On sait le rôle joué par l'EPI, des personnalités au premier rang desquelles Serge Abiteboul, Gérard Berry, Colin de La Higuera, Gilles Dowek, Maurice Nivat, le groupe ITIC-EPI-SIF. Il y a eu la création d'ISN en Terminale S, qui a ouvert dans 727 lycées et regroupe plus de 10 000 élèves. Il y aura son extension en 2014 en Terminale ES et L sous forme d'une option, la mise en place d'un enseignement d'informatique dans les classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques à la rentrée 2013.

   L'Académie des Sciences a adopté en avril 2013 un rapport en faveur de l'enseignement de l'informatique : « L'enseignement de l'informatique en France – Il est urgent de ne plus attendre » [3]. Elle se prononce pour un enseignement à tous les élèves au collège et au lycée après une sensibilisation à l'école primaire. Dans le rapport, on peut lire que « l'enseignement de l'informatique doit s'adresser d'une part à tous les citoyens, pour qu'ils comprennent les mécanismes et façons de penser du monde numérique qui les entoure et dont ils dépendent. Il doit s'adresser d'autre part de façon plus approfondie à tous ceux qui auront à créer, adapter ou simplement bien utiliser des applications ou objets de nature informatique, quels que soient leurs domaines d'activité... Il peut et doit être commencé dès le primaire, par une sensibilisation aux notions d'information et d'algorithme, possible à partir d'exemples très variés dans le style de « La main à la pâte ». Puis c'est « l'acquisition de l'autonomie, qui doit commencer au collège et approfondir la structuration de données et l'algorithmique. Une initiation à la programmation est un point de passage obligé d'activités créatrices, et donc d'autonomie ». Ensuite vient « le perfectionnement, qui doit se faire principalement au lycée, avec un approfondissement accru des notions de base et des expérimentations les plus variées possibles ».

   Tous ceux qui ont oeuvré en faveur d'ISN se sont félicités de sa création, ajoutant que ce premier pas en appelait d'autres [4]. Ce sera donc chose faite. Mais l'enjeu sociétal impose une généralisation de l'enseignement de l'informatique : il s'agit de donner à tous une composante de la culture générale de notre époque. C'est une décision politique à prendre sans tarder. L'objectif étant fixé, un calendrier de « passage à l'échelle », à la fois réaliste et ambitieux, doit être établi. Cela peut signifier pour la législature à venir les mesures qui suivent [5] :

  1. Au lycée, l'enseignement de spécialité « Informatique et sciences du numérique » devient un enseignement obligatoire en TS, puis en Première S. Pour les séries ES et L, un enseignement optionnel, puis obligatoire est progressivement mis en place, d'abord en Terminale, ensuite en Première. À terme, un enseignement pour tous en Seconde est nécessaire.

  2. Au collège est introduit un enseignement de l'informatique pour tous, par exemple selon une modalité où l'informatique représente de l'ordre de 40 % des contenus de la discipline Technologie. Une formation complémentaire en informatique doit être donnée aux enseignants de cette discipline. Interviendraient également des professeurs d'informatique.

  3. À l'école primaire, une initiation pour tous à l'informatique est indispensable. Les professeurs des écoles pourraient eux passer une certification dans les ESPE.

  4. Une question incontournable est à régler absolument : la formation des enseignants. Pour faire face au nombre (tous les élèves sont concernés), il faut avoir, pour l'informatique, l'objectif de faire ce que l'on fait pour les autres disciplines, au collège et au lycée, à savoir recruter des professeurs titulaires d'un Capes ou d'une agrégation d'informatique que l'on doit créer sans attendre. Une forte demande est en train de naître au moment où l'informatique est introduite dans les classes préparatoires scientifiques. Pendant une période transitoire, la formation continue doit, d'une manière complémentaire, aussi faire office de formation initiale pour permettre une montée en charge progressive.

  5. Continuer et développer l'enseignement d'informatique dans les séries techniques et professionnelles.

  6. Enfin, l'informatique doit avoir toute sa place dans les classes préparatoires et les grandes écoles.

Les statuts éducatifs de l'informatique et des TIC

   Les débats sur la nécessité d'une discipline scolaire informatique sont souvent allés de pair avec une certaine confusion sur les statuts éducatifs, divers et différents, de l'informatique et des TIC. Il est beaucoup question d'usages, d'utilisations, pertinents, nécessaires, souhaitables... mais qui ne peuvent pas suffire à donner la culture générale scientifique et technique dont tous les élèves ont besoin, comme l'expérience l'a montré. L'informatique est à la fois objet d'enseignement, outil pédagogique transversal ou spécifique à une discipline, facteur d'évolution des disciplines enseignées, de leur « essence » (objets, méthodes et outils) et outil de travail personnel et collectif des élèves, des enseignants et de la communauté éducative dans son ensemble [6].

Un outil pédagogique multifacette

   L'ordinateur est un outil pédagogique à nombreuses facettes, d'un apport significatif pour améliorer la qualité de l'enseignement. Tout cela est bien connu, et pour l'essentiel depuis déjà longtemps. Néanmoins, dressons un petit panorama.

   Il se prête à la création de situations de communication « réelles » ayant du sens pour des élèves en difficulté. Il aide à leur motivation. Il a donné une nouvelle jeunesse à la pédagogie Freinet, notamment avec le Minitel dans les années quatre-vingt puis avec Internet. Pour autant, il ne constitue pas un outil miracle apportant enfin le bonheur sur la terre pédagogique. Il faut impérativement que les élèves, à un moment, éprouvent le plaisir d'apprendre pour apprendre.

   Il favorise l'activité intellectuelle. En effet, on constate avec l'ordinateur une transposition des comportements classiques que l'on observe dans le domaine de la fabrication des objets matériels. À la manière d'un artisan qui prolonge ses efforts tant que son ouvrage n'est pas effectivement terminé, un lycéen, qui par ailleurs se contentera d'avoir résolu neuf questions sur dix de son problème de mathématiques (ce qui n'est déjà pas si mal !), s'acharnera jusqu'à ce que fonctionne le programme de résolution de l'équation du second degré que son professeur lui a demandé d'écrire, pour qu'il cerne mieux les notions d'inconnue, de coefficient et de paramètre. Ce surcroît d'activité suscité par l'outil se révèle être très précieux pour des apprentissages solides. Il enrichit la panoplie des outils de l'enseignant.

   Un logiciel qui grossit à volonté l'allure d'une courbe en un point donné, aide l'enseignant de mathématiques à mettre en évidence la notion de platitude locale contenue dans la structure profonde de la dérivation.

   Le document occupe une place centrale dans certaines disciplines comme l'histoire et la géographie. Internet constitue un contexte favorable en ce sens qu'il facilite le repérage, la mise à disposition et le travail effectif sur des documents variés.

   L'ordinateur aide à atteindre des objectifs d'autonomie, de travail individuel ou en groupe. Il est aussi encyclopédie active, créateur de situations de recherche, affiche évolutive, tableau électronique, outil de calcul et de traitement de données et d'images, instrument de simulation, évaluateur neutre et instantané, répétiteur inlassable, instructeur interactif... comme en témoignent notamment les milliers de pages publiées par l'EPI.

Écrire, c'est réécrire

   Le traitement de texte s'est révélé être pour beaucoup d'enseignants l'outil pédagogique par excellence. Écrire, c'est réécrire : une banalité certes, mais une lourde tâche pour les pédagogues quand ils veulent que les élèves « revoient leur copie ». Réécriture suppose relecture. Mais les élèves peuvent rechigner à le faire, quelques annotations de l'enseignant ne suffisant pas. Il obtient souvent au mieux quelques corrections orthographiques et de ponctuation. En effet, avec un stylo et sur une feuille de papier, déplacer un mot, une phrase, un paragraphe, corriger quelques fautes, recopier une nouvelle version issue d'un brouillon vite devenu illisible de par la multiplicité des modifications... s'avèrent rapidement fastidieux et rédhibitoires s'il n'y a pas une forte motivation. Or, il arrive que les élèves doivent se persuader qu'ils n'ont pas maintenu le dialogue implicite avec un lecteur (ils ont tu des données...), qu'ils ont insuffisamment fait la différence entre ce qu'ils voulaient dire et ce qu'ils ont réellement écrit, qu'ils ont mal perçu les registres de langue...

   Avec un traitement de texte, tout change. S'il faut repérer des répétitions ou mettre en évidence ce qui relève du langage parlé, l'enseignant peut demander de mettre les mots en caractères italiques. Erreurs, ratures, ajouts ne sont plus insupportables. La reprise est facile. On échappe à la lourdeur de la réécriture à la main. Une mauvaise graphie ne s'oppose plus à la lecture par les autres, une écriture illisible de par des troubles de motricité fine n'est plus un obstacle. En complément d'autres outils (dictionnaire, stylo, grammaire...), l'apport de l'ordinateur est riche et singulier.

   L'ordinateur se révèle être une condition (nécessaire ?) d'existence d'opérations intellectuelles, en ce sens qu'il en permet effectivement la réalisation en la rendant infiniment plus aisée, en en supprimant les contraintes « bassement matérielles ». Comme si la portée de l'outil était d'autant plus grande que son effet est anodin.

Sur la base du volontariat

   Si l'ordinateur permet de faire mieux, autrement..., il n'en demeure pas moins que son utilisation relève du volontariat dans le cadre de la liberté pédagogique de l'enseignant.

   Ainsi, un professeur de langue vivante, prenant acte du caractère non évident avec certains élèves, voire intenable, de la situation dans laquelle un Français parle à des Français dans une langue étrangère et leur pose des questions dont ils savent pertinemment qu'il connaît la réponse, structurera ses cours autour de la correspondance électronique. Et le résultat pourra ne pas se faire attendre : toutes les mains se lèveront lorsqu'il demandera qui veut un correspondant à l'étranger ; les élèves resteront en classe à la récréation pour mettre la dernière main à un courrier ; désirant absolument se faire comprendre, ils solliciteront des éclaircissements sur un point de grammaire... Il est des circonstances où de telles démarches permettent tout simplement aux enseignants de continuer à enseigner.

   L'outil est pertinent. Cela étant, un professeur de langue peut légitimement préférer s'appuyer sur la télévision ou la vidéo. Ce type de pratiques pédagogiques relève d'autant plus du volontariat que les conditions ne sont pas encore créées pour des usages généralisés au fil du temps scolaire. Des utilisations programmées ou impromptues de l'ordinateur se heurtent à la disponibilité effective des machines, contrairement à ce qui se passe avec ces outils pédagogiques que sont la craie, le crayon, le tableau noir et la feuille de papier. Les TICE donneront leur pleine mesure lorsque les enseignants pourront les intégrer à volonté dans une séquence pour des raisons pédagogiques et didactiques, et non en fonction de la possibilité d'accès ou non aux machines, à un moment donné et dans une salle attribuée dans un emploi du temps.

   De plus, les ordinateurs doivent être en état de marche à tout moment. La « norme » communément admise pour l'entreprise est de l'ordre d'un gestionnaire de parc informatique pour cent, cent cinquante appareils, cela dépend. On est encore loin de ce compte dans les établissements scolaires et les usages s'en trouvent d'autant pénalisés. Par ailleurs, une formation solide des enseignants est indispensable.

Instruments de travail personnel et collectif

   Les TICE sont pour les enseignants et les élèves des instruments de travail personnel et collectif. Cet aspect est entré massivement dans les moeurs, notamment la bureautique pour préparer un cours ou un exposé. Les uns et les autres naviguent sur Internet. Ils y récupèrent des documents divers réalisés avec un traitement de texte, un tableur, un grapheur... Leurs recherches sont bien sûr facilitées par des moteurs. Des formes nouvelles de travail coopératif, de mutualisation des ressources, de circulation de l'information émergent.

L'essence des disciplines

   Si ces statuts précédents de l'informatique et des TIC sont bien connus, il en est d'autres qui, paradoxalement, viennent moins spontanément à l'esprit. Et pourtant... Ainsi celui ayant à voir avec les disciplines enseignées, leurs objets, leurs méthodes, leur « essence ».

   Cela vaut d'abord pour les enseignements techniques et professionnels où les ordinateurs sont banalisés depuis plus de deux décennies : le traitement de texte a supplanté depuis longtemps la machine à écrire, le gestionnaire de bases de données le fichier carton, le logiciel de DAO la planche à dessin, la machine à commandes numériques l'étau-limeur, etc.

   Les mathématiques ne sont pas devenues une science expérimentale mais l'ordinateur fait éclore des démarches plus expérimentales (des idées de théorèmes à établir en visualisant des courbes). Après le formalisme des « années Bourbaki », les mathématiques font une plus grande place aux nombres. La démonstration par ordinateur a provoqué une rupture épistémologique.

   Dans les sciences physiques et du vivant, il a fallu que la simulation s'impose et se positionne relativement à l'expérimentation.

   Michel Vovelle, historien de la Révolution française, a compilé une quantité considérable de données puisées dans des documents d'époque (les cahiers de doléances notamment), chez des historiens anciens ou actuels et, avec l'ordinateur, a cartographié l'immense documentation accumulée. Dans cette étude informatisée, on ne trouve pratiquement plus trace du cliché qui faisait de l'opposition entre Paris et les provinces le moteur du dynamisme révolutionnaire : 1789 a transpercé tout le royaume. Par contre, il se confirme que l'affrontement avec le catholicisme fut bien constitutif de notre espace politique. Les régions dessinent une pluralité nationale très nette, les racines des tempéraments politiques modernes sont bien à rechercher au coeur de l'événement fondateur ou structurant. L'enseignement de l'histoire est amené à montrer cette « intrusion » de l'outil statistique automatisé. Idem pour la géographie et ses systèmes d'information (SIG), ses logiciels de cartographie et de traitement statistique de données.

   Pour ne pas faire commettre des espèces de « faute professionnelle » en n'enseignant pas les disciplines telles qu'elles ont évolué de par l'influence de l'informatique, les programmes scolaires se doivent d'intégrer progressivement ces transformations.

Des questions éducatives et pédagogiques parmi beaucoup d'autres

   Sans conteste, le numérique enrichit la panoplie des outils et des ressources à la disposition des enseignants dans l'exercice de leur métier. Ils peuvent faire autrement ou mieux ce qu'ils faisaient déjà. Ou faire des choses qu'ils ne pouvaient pas faire auparavant. L'acte pédagogique a tout à gagner à une utilisation raisonnée, maîtrisée, circonstanciée du numérique. Les apports sont évidents et bien connus, d'Internet aux applications spécifiques en passant par le traitement de texte.

   Toutes les démarches s'y retrouvent, le tableau numérique utilisé par l'enseignant aussi bien que le logiciel permettant une individualisation de l'apprentissage, le travail personnel et le travail en groupe... toujours dans le cadre de la liberté pédagogique de l'enseignant. La classe évolue, le système éducatif aussi, à l'instar des administrations et des entreprises qui intègrent l'informatique au service de leur propre fonctionnement.

   Mais, si beaucoup de choses changent et changeront, qu'en est-il de la pédagogie et de ses fondamentaux ? De ses invariants qu'il faut avoir à l'esprit quand on imagine des scénarios pour l'avenir ? Ainsi que l'existence de cycles dans l'histoire des technologies. Par exemple, au début du XXe siècle, des firmes américaines soutenaient-elles déjà le développement de l'éducation par correspondance avec des arguments quant à sa capacité à offrir un apprentissage débarrassé de la contrainte du lieu et du temps, et plus individualisable. Le résultat a été une énorme banqueroute. Les plates-formes d'enseignement à distance ont fait resurgir les questionnements des débuts de l'enseignement assisté par ordinateur, autour de l'analyse automatique des réponses des élèves et de parcours individualisés qui en résultent [7].

   Où va-t-on ? Jusqu'où ira-t-on ? Quid de la pédagogie, le métier de l'école, et de son cadre institutionnel, le système éducatif, dans le contexte du développement et de l'intégration du numérique ? Si assurément le numérique modifie le paysage pédagogique et a, et aura, des implications sur les institutions éducatives, pour autant peut-on conjecturer des changements radicaux ressemblant à un changement de nature de l'acte éducatif [8] ? Ou plus simplement un nouveau contexte enrichi ? Quid, avons-nous demandé, du rôle et de la place de l'enseignant ? Il y a ce qui doit changer et ce qui, pour l'essentiel, ne bouge pas, le temps de la pédagogie étant le temps long.

   La difficulté au quotidien des usages du numérique réside notamment dans la variété et la multiplicité des problématiques, nouvelles et/ou revisitées. L'enseignant doit maîtriser des outils complexes pour les utiliser avec discernement, pour faire mieux, autrement ou simplement faire ce que l'on ne pouvait pas faire avant le numérique. Il lui faut savoir ce que l'on peut raisonnablement attendre de ces outils, connaître leurs potentialités et leurs limites dans un contexte administratif qui évolue en s'informatisant. Le nouveau contexte pédagogico-éducatif suppose donc des connaissances, des savoirs, des représentations mentales opérationnelles en matière d'informatique et de numérique. C'est indispensable pour pouvoir se faire une opinion sur ce qui est nouveau, d'une manière autonome et dans le dialogue avec les collègues et les spécialistes. L'enseignant doit pouvoir réfléchir aux problématiques pédagogiques et éducatives en s'appuyant sur une bonne culture générale informatique qui est de fait au XXIe siècle l'une des conditions nécessaires à l'exercice du métier d'enseignant. Il doit donc y avoir à la fois formation scientifique informatique et formation professionnalisante aux usages du numérique. Les enseignants ne sont pas des spécialistes de l'informatique. Mais, comme ces ingénieurs cités par ce rapport du SNRI, ils en sont des utilisateurs dans leurs activités professionnelles.

Formation de culture générale et formations professionnalisantes

   Si les disciplines scolaires sont générales et concernent tous les élèves, il n'empêche qu'elles contribuent à donner des fondamentaux que certains retrouveront dans leurs formations ultérieures et leur vie professionnelle. Toutes les disciplines sont des outils au service des autres, et aussi des fins en soi. Cela vaut par exemple pour les mathématiques qui sont au service des sciences physiques ou des sciences économiques. Et pour l'informatique bien sûr. Plus les disciplines sont au service des autres, plus elles deviennent une fin en elles-mêmes. Plus elles sont des composantes majeures de la culture des hommes. Informatique et littérature même combat. Écrire un programme ou écrire un texte sont deux activités d'égale dignité, tout aussi passionnantes l'une que l'autre : une fin en soi !

   Une formation structurée sur une longue durée doit être organisée comme une fusée à deux étages : les premières années doivent être consacrées à l'apprentissage de savoirs fondamentaux, puis doivent venir les savoirs spécialisés, qui ont vocation à être directement utilisés dans (les premières années d') une activité professionnelle. Par exemple, la formation d'un médecin consiste à apprendre d'abord (dès l'école primaire, le collège et le lycée) des généralités sur l'anatomie et la physiologie humaine, avant d'apprendre tel ou tel geste chirurgical ou la posologie de tel ou tel médicament. Cette seconde phase de la formation est très variable en fonction du métier que l'on souhaite exercer : les mêmes savoirs spécialisés ne sont pas nécessaires à un ophtalmologiste et un anesthésiste, alors que l'un et l'autre doivent savoir que le coeur est à gauche et le foie à droite ou qu'une cellule humaine contient vingt-trois paires de chromosomes.

   La diversité de l'informatique à l'école, ses statuts éducatifs amènent à distinguer les profils de formation suivants :

  • l'ensemble des enseignants pour qui c'est une formation à l'exercice de leur métier ; avec deux niveaux, les enseignants et les formateurs ;

  • les enseignants d'une discipline donnée (peu ou prou, toutes les disciplines, d'une manière spécifique) ;

  • les professeurs de la discipline scientifique et technique informatique.

   Ces essentielles questions de formation des enseignants ayant été précisées, dans les lignes qui suivent, nous rappellerons quelques aspects des questions de la complexité des apprentissages et de leur dimension « relation humaine », de l'autonomie des élèves, du rôle de l'enseignant dans l'appropriation des savoirs. Parmi d'autres (l'efficacité pédagogique, l'évaluation...), elles sont souvent présentes dans les réflexions sur la place des TIC dans l'éducation, d'une manière explicite ou implicite. Où doit-on placer le curseur « homme-machine » ?

La complexité des apprentissages et leur dimension « relation humaine »

   Les apprentissages ont des composantes cognitives, physiologiques, psychologiques, affectives, sociales et bien sûr pédagogiques et didactiques (des contenus et connaissances enseignés). Le plaisir d'apprendre pour apprendre est décisif [9]. La dimension humaine est ô combien importante. Les enfants ont besoin d'être rassurés. On a tous à l'esprit l'enseignant remarquable à l'origine du choix d'une discipline et d'un métier. Il arrive même qu'un professeur soit le sujet d'un amour, platonique mais bien réel !

   L'école est un endroit privilégié de la socialisation des enfants et des adolescents. Le rôle du groupe est essentiel, le groupe classe en premier lieu. On sait la place qu'occupent le sentiment d'appartenance et la vie de groupe, le plaisir de retrouver les copains et les copines. De ce point de vue, les élèves ne sont pas des adultes en entreprise avec des recompositions fréquentes en groupes-projets. Il faut veiller à la stabilité de l'entourage et de l'environnement, à un bon équilibre dans le temps avec bien sûr des moments de « rupture » qui aident à lutter contre une monotonie qui peut s'installer. Le numérique ne saurait signifier moins de présence humaine adulte.

   Quant à l'enseignement à distance avec les outils modernes, il ne peut avoir une place qu'exceptionnelle pour la maternelle, le primaire et le collège (enfants malades, par exemple). Le contraire serait irréaliste, et terrifiant. Il suffit de songer aux individus que cela produirait. Au lycée, il ne peut être qu'un complément limité, concernant des publics particuliers comme les sportifs de haut niveau.

L'autonomie des élèves

   Si le Web 2.0 et les TIC sont une bonne propédeutique au travail coopératif que les élèves rencontreront dans leur vie professionnelle, ils permettent aussi une individualisation des apprentissages, des démarches fondées sur l'autonomie. L'élève a potentiellement à sa disposition une multitude de ressources.

   Supposé autonome, il peut être censé se fabriquer ses parcours. L'enseignant perd-il pour autant sa raison d'être ? Non, bien sûr. Médiation et autonomie ne sont nullement antinomiques. Développer l'autonomie chez les élèves requiert beaucoup de médiation humaine. On ne peut, sauf à confondre l'objectif final (former une personne autonome) et les moyens d'y parvenir, laisser l'élève seul avec ses outils, en se reposant sur une autonomie que justement il n'a pas encore et qu'il est en train d'acquérir. Il est complètement illusoire de penser s'en remettre à la seule machine. Les nouveaux outils permettent d'enrichir le rôle de l'enseignant en le diversifiant, non de s'en passer [10]. On sait aussi que l'enseignement à distance requiert des publics autonomes, performants et motivés, qu'il convient mieux à des adultes en formation continue qu'à des jeunes en formation initiale, à des acquisitions de savoirs et savoir-faire explicites et directement opérationnels qu'à un enseignement de la philosophie.

L'appropriation des connaissances – le rôle du maître

   Avec Internet, tous les savoirs et les connaissances accumulés par l'humanité, son patrimoine culturel, sont à portée d'un clic. L'on sait les fabuleuses potentialités que cela recèle pour le travail intellectuel en général, les enseignants et les élèves en particulier. Nous avons vu la nécessité d'une culture informatique qui permet de procéder à des requêtes efficaces. Mais pour cela encore faut-il connaître les domaines sur lesquels on recherche. Cette proximité d'informations accessibles, beaucoup plus que dans le CDI de l'établissement ou dans le manuel scolaire, si elle offre des possibilités nouvelles, riches et multiples en termes de démarches pédagogiques change-t-elle pour autant fondamentalement l'acte d'apprendre et son environnement institutionnel ? Étant entendu qu'il n'est pas question de penser que l'élève refasse lui-même le parcours que l'humanité a emprunté sur des millénaires.

   Le monde est complexe, mais il l'a toujours été. Le savoir des autres n'est pas le sien propre. En être « informé » ne suffit pas. Il faut se l'approprier. C'est la mission du système éducatif. Pour cela, l'élève doit être guidé, accompagné. C'est le rôle immémorial de l'enseignant qui met en place (implicitement pour les élèves) des situations d'apprentissages fondées sur les didactiques des disciplines, dans des démarches pédagogiques s'appuyant sur l'environnement et l'expérience des élèves. Qui aide à mettre en évidence le simple dans le compliqué, dans des cadres disciplinaires qu'il faut constituer chez les élèves. La réalité est toujours d'un abord assez impénétrable quand on essaye de la comprendre un peu mieux.

   Chaque fois, l'on se doit d'y mettre un peu d'ordre dans un premier temps, en identifiant et en isolant des pans fondamentaux de la connaissance, Il faut se garder d'une entrée précipitée dans le complexe qui négligerait de s'appuyer sur la simplicité de fondamentaux éprouvés ou d'une mise en relation prématurée des contenus. Cheminer avec intelligence dans un réseau est plus difficile que parcourir une arborescence, se mouvoir dans une structure en arbre moins aisé que d'emprunter un trajet linéaire. Dans les apprentissages, l'hypertexte ne rend pas caduc le séquentiel, il en renforce au contraire la nécessité.

   L'interdisciplinarité n'a de sens que dans un contexte disciplinaire, ce qui suppose l'existence d'au moins deux disciplines de référence avec une action réciproque. Le temps de l'interdisciplinaire survient donc quand les champs disciplinaires sont suffisamment installés, ont assez de substance pour des mises en relation fructueuses. On peut alors mieux montrer dans une tension créatrice et une approche interdisciplinaire alors féconde les insuffisances respectives des disciplines et leurs complémentarités.

   En mettant l'élève en contact avec une multitude de savoirs, en fait, Internet renforce la mission traditionnelle de l'enseignant dans un contexte où l'élève est sollicité (« parasité » ?) par une pléthore d'informations qu'il faut transformer en connaissances maîtrisées.

Le rôle de la mémoire

   Autre continuité, permanence, le rôle de la mémoire dans les apprentissages et la formation des capacités. H. L. Dreyfus, observant la façon dont les adultes acquièrent de nouveaux savoir-faire, propose cinq stades : de la situation de novice à celle d'expert en passant par l'état de débutant avancé, de celui qui est compétent, puis qui maîtrise [11].

   Si le maître voit ce qu'il faut faire, puis décide de la façon de faire, cela lui demande du temps. Mais, que l'on pense au joueur de tennis, au pilote d'avion ou au joueur d'échecs pris par le temps, il existe de nombreux cas où celui à qui l'on reconnaît le statut d'expert (de « grand maître ») ne dispose que d'une très petite fraction de seconde pour décider. Il sait réagir, faire ce qu'il faut. Comment procède-t-il exactement ? Manifestement il n'applique pas de règles, « il ne réfléchit pas ». Il a mémorisé de nombreuses classes de situations pouvant ne présenter entre elles que des différences imperceptibles. Chaque classe est décomposée en sous-classes, chacune relevant d'une même décision. L'expert discrimine parmi des dizaines de milliers de cas particuliers qu'il a enregistrés dans sa mémoire : une tête bien pleine. Mais, quand les événements prennent une tournure non familière, il doit prendre son temps pour réfléchir : il régresse.

   Cela étant, une tête bien faite doit savoir chercher (rapidement) avec efficacité sur Internet les informations dont elle a besoin dans des champs de la connaissance qu'elle maîtrise.

Un nouveau contexte

   En définitive, le numérique entraîne des mutations pour le système éducatif, comme il le fait dans tous les secteurs de la société. Ces mutations ont un caractère de nécessité. Elles offrent des possibilités, immenses et nouvelles, à l'institution pour son « métier », à savoir la pédagogie, et pour son fonctionnement, les deux au service de ses missions fondamentales, former l'homme, le travailleur et le citoyen, dans les conditions, de la société du XXIe siècle, avec ses potentialités et ses exigences.

   Le Web 2.0, les outils informatiques, les ressources numériques enrichissent la panoplie des instruments dont l'enseignant dispose pour exercer son métier au service des élèves. Il peut faire des choses nouvelles, mieux faire des choses qu'il faisait déjà, varier les approches et les démarches... dans des utilisations maîtrisées et raisonnées de l'ordinateur.

   Des environnements numériques de travail se mettent en place qui permettent une continuité des outils et des documents de l'établissement au domicile, l'organisation de l'accès à des ressources électroniques distantes, la facilitation du travail coopératif, la mutualisation, l'individualisation aussi. Ces environnements d'apprentissage (de la maternelle au lycée) modifient le paysage pédagogique. Ils sont faits d'ordinateurs, de logiciels, de plates-formes, de bureaux virtuels de l'enseignant et de l'élève, de cartables électroniques, de ressources pédagogiques numérisées, de manuels numériques, d'espaces d'échanges pour des communautés humaines.

   Cela étant, l'enseignement reste fondamentalement présentiel, même s'il « s'hybride » quelque peu. Si un nouveau contexte éducatif institutionnel s'installe, c'est toujours avec des élèves en chair et en os qui viennent dans des classes et des établissements « en dur » pour retrouver leurs compagnons d'apprentissage et leurs irremplaçables professeurs.

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

Paru dans la Revue Terminal 113-114, Hiver 2013, pages 23-38.
http://www.revue-terminal.org/www/spip.php?rubrique30
Sommaire : http://www.revue-terminal.org/www/spip.php?article84

Nous remercions l'auteur et l'éditeur qui nous ont autorisé à reproduire cet article.

NOTES

[1] « Enseignement de spécialité d'informatique et sciences du numérique de la série scientifique - classe terminale », Bulletin officiel spécial n° 8 du 13 octobre 2011 :
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=57572

[2] Jean-Pierre Archambault, « L'informatique, discipline scolaire Un long et tortueux cheminement », EpiNet n° 145 de mai 2012.
http://epi.asso.fr/revue/articles/a1205f.htm

[3] Rapport de l'Académie des Sciences, mai 2013, L'enseignement de l'informatique en France – Il est urgent de ne plus attendre :
http://www.academie-sciences.fr/activite/rapport/rads_0513.pdf

[4] Voir actions de l'EPI et du groupe ITIC-EPI-SIF.
http://www.epi.asso.fr/blocnote/blocsom.htm

[5] Jean-Pierre Archambault, Gérard Berry, Maurice Nivat, « L'informatique à l'école : il ne suffit pas de savoir cliquer sur une souris » sur Le nouvel observateur-Rue 89 :
http://rue89.nouvelobs.com/2012/06/28/linformatique-lecole-il-ne-suffit-pas-de-savoir-cliquer-sur-une-souris-233389

[6] Cette partie est rédigée à partir d'extraits de :
« École, éducation et multimédia » : http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0702c.htm
et la suivante à partir de : « Numérique et apprentissages » sur :
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1102b.htm

[7] Jean-Pierre Archambault,« Institutions éducatives et e-formation » dans Médialog n° 44, septembre 2002 :
http://medialog.ac-creteil.fr/ARCHIVE44/eformation44.pdf

[8] Les appétits de marchandisation de certains secteurs de l'offre éducative produisent des discours en ce sens. Voir la note n° 5.

[9] Jean-Pierre Archambault, « Le plaisir d'apprendre pour apprendre » dans EpiNet n° 93 mars 2007 :
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0703b.htm

[10] « L'éducation, grand marché du XXIe siècle » dans Médialog n° 39, décembre 2000. http://medialog.ac-creteil.fr/ARCHIVE39/jpa39.pdf

[11] Article sur « La portée philosophique du connexionnisme », paru dans l'ouvrage Les sciences cognitives. Voir : Des banques de données, dans la tête aussi
http://medialog.ac-creteil.fr/ARCHIVE31/jpa31.pdf

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