L'édition et le libre Jean-Pierre Archambault I) Les temps changent ; les biens matériels et immatériels n'obéissent pas aux mêmes lois économiques ; le numérique produit des mutations incontournables « L'économie de l'information s'est longtemps limitée à une économie de ses moyens de diffusion, c'est-à-dire à une économie des médias. Elle ne peut désormais plus se confondre avec l'économie du support puisque les biens informationnels ne sont plus liés rigidement à un support donné. L'essentiel des dépenses était constitué par les coûts de production, de reproduction matérielle et de distribution dans les divers circuits de vente. Aujourd'hui, les techniques de traitement de l'information, la numérisation et la mise en réseau des ordinateurs permettent de réduire les coûts de duplication et de diffusion jusqu'à les rendre à peu près nuls. Dans ces conditions, la valeur économique de l'information ne peut plus se construire à partir de l'économie des vecteurs physiques servant à sa distribution. De nouvelles sources de valeur sont en train d'apparaître. Le modèle économique de mise en valeur de l'information déplace son centre de gravité des vecteurs physiques vers des services annexes ou joints dont elle induit la consommation ou qui permettent sa consommation dans de bonnes conditions (services d'adaptation d'un logiciel au contexte d'une entreprise, de facilitation de l'accès à des ressources numérisées, commerce induit sur des produits dérivés, etc.). » Voir : « Gratuité et prix de l'immatériel », Jean-Pierre Archambault II) Le problème n'est pas la gratuité mais le « juste prix » « ... si la réalisation (d'un logiciel) se place dans un contexte professionnel, elle est un travail qui, toute peine méritant salaire, signifie nécessairement rémunération... Mais, même quand un logiciel n'est pas gratuit, il le devient lorsqu'il a été payé ! Enfin, quand il est sous licence libre. Qu'est-ce à dire ? Prenons le cas d'un client qui commande la réalisation d'un logiciel à une société et la lui paye intégralement, dans une relation de sous-traitance. Un travail a été fait et il est rémunéré. Si, en plus, le client a conservé ses droits de propriété sur le logiciel et décide de le mettre à disposition des autres sous une licence libre, le dit logiciel est alors librement et gratuitement accessible pour tout un chacun. Exit les licences par poste de travail... Dans L'économie du logiciel libre, François Élie, président de l'Adullact (Association des Développeurs et des Utilisateurs de Logiciels Libres pour l'Administration et les Collectivités Territoriales), nous dit que l'argent public ne doit servir à payer qu'une fois ! Comment ne pas être d'accord avec pareille assertion ? En effet, si des collectivités territoriales ont un besoin commun, il n'y a aucune raison pour qu'elles fassent la même commande au même éditeur, chacune de son côté dans une démarche solitaire, et payent ce qui a déjà été payé par les autres. François Élie propose la mutualisation par la demande. » Voir : L'économie du logiciel libre, François Élie, Eyrolles, 2008. III) Le libre composante à part entière de l'informatique éducative et des ressources pédagogiques « Dans l'Éducation nationale, comme dans les entreprises et les administrations, l'essor du libre a démarré par les infrastructures : dans les services académiques et l'administration centrale du Ministère, Linux équipe la quasi-totalité des quelques 1 500 serveurs qui hébergent les grands systèmes d'information de l'Éducation nationale. Dans les établissements scolaires et les écoles, près de 15 000 serveurs Linux « prêts à l'emploi » ont été déployés dans le cadre du programme SIIEE (Services instituintranet/ internet des établissements scolaires et des écoles) : Slis, SambaEdu, Eole, Pingoo... Dans les écoles primaires, on trouve les solutions AbulEdu, SkoleLinux, l'ENT Iconito, Class@Tice... L'équipement en logiciels des postes de travail est concerné, avec la suite bureautique OpenOffice.org, le navigateur FireFox, le logiciel de messagerie Thunderbird. C'est ainsi qu'à la rentrée scolaire 2007, la région Île-de-France a diffusé 200 000 clés USB comportant des logiciels libres, à l'intention des lycéens de seconde, des apprentis et de leurs professeurs. » Voir : « Favoriser l'essor du libre à l'École », Jean-Pierre Archambault La région Île-de-France a fait le choix d'un ENT libre dont le déploiement va commencer en janvier 2010. Le libre est donc entré dans les moeurs aussi bien pour les enseignants qui produisent et mettent à disposition des ressources librement et gratuitement que leurs collègues utilisent largement, que par les collectivités. Tout plan numérique doit en prendre acte, reconnaître cette dynamique (qui n'exclut pas l'édition, cf. Sésamath) et la mettre en valeur aux côtés d'autres dispositifs. IV) Sésamath : un nouveau modèle économique, le succès est au rendez-vous L'association Sésamath est plus que bien connue ! « Vaisseau-amiral » de la production collaborative de ressources pédagogiques libres, elle édite des manuels scolaires pour le collège et bientôt pour les CPGE. Elle a été primée par l'UNESCO. Voir : http://www.sesamath.net/ « D'un côté, Sésamath met librement et gratuitement ses réalisations pédagogiques sur le web. De l'autre, elle procède à des coéditions, à des prix "raisonnables", de logiciels, de documents d'accompagnement, de produits dérivés sur support papier avec des éditeurs, public (CRDP de Paris) et privé (Génération 5), à partir des ressources mises en ligne. » Voir : « Un spectre hante le monde de l'édition », Jean-Pierre Archambault V) Un éditeur qui s'emploie à rassurer ses confrères « Sur le blog du CNS (Canal numérique des savoirs), Laurent Catach (directeur des éditions multimédias aux dictionnaires Le Robert) s'emploie à rassurer ses confrères : « Nous avons à notre disposition un "matériau" informationnel extraordinaire (toute la richesse du web) à mettre en forme et à mettre en scène. Et l'information et sa mise en scène, n'est-ce pas là très précisément notre métier ?... La question n'est donc pas de savoir si les éditeurs scolaires ont un rôle à jouer sur le web : c'est une évidence. Et c'est même leur responsabilité vis-à-vis des jeunes générations de ne pas laisser les élèves "se débrouiller tous seuls" avec Internet. La seule et unique question est de savoir comment ils seront rémunérés. » La question du modèle économique est donc bien posée ! » Voir (le blog du CNS n'est plus actif) : « Un spectre hante le monde de l'édition », Jean-Pierre Archambault VI) S'adapter au monde nouveau « Les débats sur la loi Création et Internet dite "loi Hadopi" ont tourné autour de la gratuité et de la rémunération des auteurs (et des éditeurs !). Face aux difficultés de recouvrement du droit d'auteur dans l'économie numérique, certains pensent manifestement que la solution réside dans le retour au modèle classique de l'information rigidement liée à son support physique, ce que certaines techniques de marquage pourraient permettre, annulant ainsi les bienfaits économiques de la numérisation et de la mise en réseau. Mais le rapide abandon des DRM (Digital Rights Management Gestion des Droits Numériques en français) qui se sont révélés inapplicables (après le vote en 2006 de la transposition en France de la directive européenne DADVSI) aurait tendance à démontrer le caractère illusoire de ce genre d'approche. Beaucoup pensent qu'un sort identique arrivera aux dispositions contenues dans la "loi Hadopi", que ces façons (anciennes) de poser les problèmes (nouveaux) mènent à une impasse. Pour, entre autres, les mêmes raisons de non-faisabilité : le droit se doit d'être applicable. » Voir : « Gratuité et prix de l'immatériel », Jean-Pierre Archambault Jean-Pierre Archambault Participation de J.-P. Archambault le 17 décembre 2009 aux Rencontres de Cap Digital sur le développement des TIC dans le système éducatif et les problématiques éditoriales. ___________________ |
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