Les nouvelles technologies
et la gestion des connaissances opérationnelles,
deux leviers pour la construction des compétences collectives
à partir des compétences individuelles

Rabii Berrada, Abderrahim Khyati, Noureddine Knouzi, Mohammed Talbi
 

Résumé
L'évolution et l'état actuel de la technologie – Internet, Système à base de connaissance, messagerie intelligente et multimédia... attachent une vision gagnante de la performance basée sur les connaissances et l'innovation. Il ne suffit plus de produire du savoir, il faut aussi le formaliser et le communiquer impliquant par ainsi un cheminement des connaissances tacites, implicites et enfin explicites. Le professionnel compétent devient entrepreneur de d'innovation, et donc il est appelé à réfléchir et concevoir des orientations à finalité de développer ces compétences et d'améliorer sa performance par la coopération et le dialogue entre savoir-faire différents, ceci au moyen du
Peer Coaching et en construisant à l'image du KM une mémoire de compétence dans un environnement professionnel. Notre intervention s'inscrit dans ce cadre, retraçant une expérience vécue et qui reprend dans sa majeur partie des concepts tels que : la performance, la compétence en trois dimension, le bilan des compétences et le Peer Coaching.

I - Approche compétence

   Pour recruter le bon profil pour le bon poste, il est nécessaire de vérifier s'il peut aisément tenir le poste attribué, compte tenu des conditions de réalisation des activités et la mission donnée. Pour cela il faut comparer les compétences acquises par la personne en utilisant le bilan des compétences, et celles requises par le poste au moyen des référentiels.

1 - Le bilan des compétences

   Pour faire une analyse de l'adéquation d'un poste cible par rapport à un profil, le bilan des compétences permet d'appréhender les référentiels nécessaires pour cette comparaison.

   Les méthodes d'établissement d'un bilan des compétences diffèrent et peuvent être exprimées de façons très différentes suivant le profil, le poste ou même les objectifs sous-entendus du bilan.

   Dans le cadre de la gestion des compétences, on peut s'inspirer dans notre contexte de la démarche de bilan personnel professionnel dont les étapes sont :

  • effectuer un état des lieux tant concernant les capacités, et le profil de personnalité que les niveaux de mobilisation des compétences ;
  • valider ses savoir-faire au travers de parcours personnel et professionnel ;
  • inventorier ses aspirations et ses projets et analyser leur faisabilité en correspondance avec les référentiels métiers ;
  • effectuer la synthèse des besoins en formation complémentaire ;
  • établir le plan d'action et le ciblage à mettre en oeuvre ;
  • valider la faisabilité d'emploi tant en mobilité interne qu'en mobilité externe.

2 - En terme de description d'un poste

   Comprendre l'activité d'un poste, d'un emploi revient à le situer dans un contexte et à saisir les évolutions probables qui vont venir modifier cette activité. L'analyse des compétences requises pour un poste suppose de bien différencier les métiers, les missions les fonctions et les activités de l'entreprise.

   La tâche est ce qui est à faire, c'est-à-dire un objectif à atteindre dans des conditions données d'exécution. On peut y ajouter la définition des compétences (savoirs, savoir-faire, savoir être et savoir agir) nécessaires.

   L'activité est définie par ce qui se fait : pour répondre aux exigences de la tâche, le profil au niveau de son poste de travail met en oeuvre des conduites qui constituent l'activité. On peut y ajouter l'examen des compétences effectivement mises en oeuvre au cours de la réalisation.

   Comprendre l'activité d'un poste, d'un emploi revient à le situer dans un contexte et à saisir les évolutions probables qui vont venir modifier cette activité. L'analyse des compétences requises pour un poste suppose de bien différencier les métiers, les missions les fonctions et les activités de l'entreprise.

3 - Description des référentiels

a - référentiel emploi

   Le poste de travail, qui est l'emploi cible en question peut être décrit par une série d'activités et de sous activités (tâches). Cette description nécessite en supplément la précision des conditions de réalisation des activités, les relations entretenues entre l'agent et ses collaborateurs... Nous pouvons restituer les grandes lignes du référentiel en trois points de départ :

  • description des tâches effectuées dans le poste ;
  • précision des conditions de réalisation propre à l'activité (moyens, outil et contraintes) ;
  • définition des exigences de performance (critères d'évaluation de réussite ou d'échec).

b - référentiel compétence

   Le référentiel de compétences donne l'ensemble hiérarchisé des compétences liées aux emplois. Il constitue la clé du système de pilotage des ressources humaines. Il permet d'articuler l'étude des emplois et l'étude du potentiel humain de l'organisation. Il constitue l'outil qualitatif de base pour ajuster la compétence aux exigences de la politique de recrutement, de mobilité interne, de formation...

c - Le référentiel formation

   Ce dernier a pour finalité de formuler les besoins en formation à partir de l'analyse de l'état initiale et finale projetée dans le futur ; le stagiaire dés son arrivée à l'entreprise possède des compétences initiales « compétences acquises », ces compétences sont ensuite comparées avec les « compétences requises » pour la tenue du poste cible. Cette comparaison permet de dégager l'écart à combler entre les compétences requises et celles déjà acquises par le stagiaire. C'est à ce niveau qu'intervient le référentiel formation comme levier.

   La comparaison des compétences (requises – acquises) montre deux constats important :

D'une part, on constate que des compétences détenues par le profil et non nécessaires pour l'exécution de la mission de travail, sont négligé et peuvent rester sans entretien faute de leur manque en pertinence aux yeux des collaborateurs et managers.

D'autre part, le manque en compétence (le déficit ou l'écart) pose la contrainte de planifier des formations ou stages pour la mise à niveau et le perfectionnement des profils.

II - La performance

   Le développement des compétences et leurs mises en oeuvre participent à la construction de la performance, s'est dans ce sens que s'inscrit notre problématique à travers laquelle on pense que les TIC peuvent concourir à la réussite de ce projet, et offrir un champs d'application très large.

1 - La performance : combinaison de compétences mises en oeuvre

   La performance correspond nécessairement à une mise en oeuvre stratégique des compétences et un usage intelligible des capacités, et ce, dans le cadre d'une mission ou objectif définit par des critères de mesure spécifiés et identifiés.

   Avoir une compétence n'est pas forcément synonyme d'expert dans le domaine de compétences détenues, encore faut-il comprendre quand et comment doit être utilisée une compétence en fonction de la mission attribuée, il aussi important de concevoir la notion du savoir agir qui est un aspect de la compétence et qui ne peut être cerné qu'au travers de la confrontation avec des situations problèmes.

2 - La performance dans l'approche dimensionnelle de la compétence

a - la première dimension, le savoir, savoir-faire, savoir être et savoir agir

   Ce sont les quatre types de savoir qui définissent le degré d'acquisition des compétences d'un profil par rapport à un poste. On peut distinguer les connaissances procédurales et les connaissances consignes, qui figurent dans une approche KM comme étant les critères informationnels pour la réalisation des activités.

b - la deuxième dimension, la gestion des ressources

   Les savoirs acquis par la personne sont toujours susceptibles de se retrouver dans des situations d'impasse, où une aide ou une orientation extérieure s'impose. Dans ce genre de situation la compétence se traduit par le recours à la bonne ressource, pour une exploitation optimale et dans un délai limité par les contraintes de la mission. Autrement dit, savoir ou chercher l'information de la meilleure façon et pour la meilleure utilisation.

c - la troisième dimension, la réflexivité

   Il s'agit de l'importance à prendre du recul par rapport à l'activité, savoir-faire le bilan de ces propres pratiques et en tirer les conclusions constructives. Cette dimension qui est le coeur de la performance s'appuie sur deux conditions essentielles : d'une part, la définition explicite des objectifs avec des critères distincts et, d'autre part, l'auto-évaluation critique enrichie par des propositions de collègues ou de pairs.

3 - L'entrepreneur de l'innovation

   La performance décrit l'entrepreneur de l'innovation qui ; réfléchit et conçoit des orientations à finalité de développer ces compétences et améliorer sa performance par la coopération et le dialogue entre savoir-faire différents. Sur le plan du Leadership et de la performance de l'entreprise. Le KM opérationnel permet de renforcer les avantages compétitifs existants et la pertinence des décisions et des résolutions de problème par la formalisation des connaissances critiques et distinctives de l'entreprise.

III - Implication et nécessité des NTIC

   Les systèmes informatiques doivent répondre à des besoins accrus en matière de communication, d'interaction et de collaboration entre les individus et les systèmes d'information. Il ne suffit plus de produire du savoir il faut aussi le formaliser et le communiquer, être manager dans sa propre sphère en favorisant la coopération et le dialogue entre savoir-faire. Dans l'état actuel de la concurrence et face à la complexité liée à la gestion des situations de travail, il devient de plus en plus urgent de faire évoluer en temps réel ses savoir-faire, son organisation et son appréhension des informations en provenance de son environnement.

   Les nouvelles technologies jouent le rôle des socles d'une infrastructure de connaissance. Cette infrastructure s'incarne en un ensemble d'opérateur qui activent et infléchissent les processus au sein desquels se créent, s'inscrivent, se transforment et circulent les représentations de toutes sortes des connaissances numériques (images, son, texte, donnée numérique...).

   Les systèmes informatiques doivent répondre à des besoins accrus en matière de communication, d'interaction et de collaboration entre les individus et les systèmes d'information.

   Parmi les actions essentielles à assurer :

  • partager l'expérience ;
  • construire des informations ensemble ;
  • construire des compétences ensemble.

   Dans le cadre du développement des compétences, il est besoin de créer une plate-forme qui permettrait d'effectuer des échanges constructifs comme :

  • capitaliser une base de données des compétences ;
  • concevoir un système intelligent pouvant utiliser, gérer et classer les données entrantes.

Une plate-forme pouvant réorienter les données disponibles en fonction des besoins.

IV - Les NTIC et le KM, Pôle d'une ergonomie de plate-forme

   La transmission du savoir fait partie de la stratégie des organisations, elle est systématisée et rendue possible à une grande échelle grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Une organisation de travail qui se structure en fonction des projets de l'entreprise se doit pour répondre à sa vocation de joindre à son usage les performances qui peuvent rendre possible la réalisation de ces finalités, et ce, en s'appuyant sur des outils et une infrastructure technologique qui favorisent la création de compétences et de connaissances aussi bien au sein de leur exploitation qu'avec des entreprises partenaires.

   L'économie de la connaissance, c'est aussi l'économie de la reconnaissance, de la confiance et de la transparence. Nous pensons que la diffusion du savoir opérationnel nécessite la mise en place d'une plate-forme intelligente, qui au-delà de la plate-forme à base de connaissances ou celle interpersonnelle, la plate-forme intégrée devrait rendre possible la construction d'une mémoire de compétences accessible par les acteurs, où acquisition de savoir-faire et savoirs tacites développent les compétences et maintiennent la performance en veille.

   Cette infrastructure s'incarne en un ensemble d'opérateurs qui activent et infléchissent les processus au sein desquels se créent, s'inscrivent, se transforment et circulent les représentations de toutes sortes de connaissances numériques (images, son, texte, données numériques...).

   Cette approche des NTIC projette le développement des compétences et l'échange d'expertise dans l'ère « d'hyperprésence » virtuelle, celle de la connaissance omniprésente et mise à jour découpée pour être accessible en temps réel.

V - Inscription et application du projet

   Notre recherche vise l'amélioration et la construction du savoir opérationnel de tout un chacun au niveau de son poste de travail et dans l'exécution de ses tâches, et ceci peut être rendu possible en dynamisant et en outillant la communauté des acteurs :

  1. identifier les réseaux métiers (distinguer les familles de métiers)

  2. mettre en évidence les enjeux clés pour l'entreprise (les objectifs stratégiques)

  3. repérer les besoins immédiats de la communauté (compétences)

  4. outiller la communauté pour lui permettre de fonctionner plus efficacement.

   Une personne recrutée détient en générale des compétences non nécessitées par son poste d'affectation, et manque de quelques autres à une tolérance près.

   Nous avons proposé de créer une mémoire des compétences afin de capitaliser le capital humain.

   Après des réunions de sensibilisation et de clarification de la vision, nous avons procédé à la distribution de questionnaire dont l'objet et d'y enregistrer leurs compétences à travers la description de leurs formations, leurs expériences et les activités supplémentaires qu'ils maîtrisent.

   Par la suite, on a examiné les compétences recensées dans un tableau récapitulatif, afin d'avoir une vision macroscopique, et on y a associé un descriptif des compétences sollicitées pour être développées par les participants ;

Nom et prénom

Compétences acquises

Compétence requises

N1

C1, C2, C3...

C6, C15, C13...

N2

C1, C13, C20...

C3, C10...

...

...

...

   Puis on a procédé à l'interaction des compétences afin de localiser le manque, et voir s'il y a quelqu'un qui peut le combler ; c'est à dire N1 peut assurer la formation de N2 dans le thème C3 et ce suivant un processus de Peer Coaching, formation directe, tutorat...

VI - Le Peer Coaching

   Le Peer-Coaching est défini comme une méthode de développement professionnel. C'est un processus par lequel les pairs partagent leurs expertises et fournissent la rétroaction des uns par rapport aux autres. Au-delà de la formation, c'est la confrontation des situations problème sur terrain qui permet une concrétisation et une transposition effective de l'acquis.

   Cette forme d'accompagnement ou de formation assistée rend l'acquisition et l'apprentissage orienté par objectif. Les TIC favorisent la mise en relation entre les acteurs du Peer-Coaching, la mémoire des compétences fait apparaître que le manque en compétence localisé chez un profil (une personne N1) peut être comblé par une deuxième (personne N2). Le système intelligent décide de la nature de formation (e-learning, stage, présentielle...) suivant une analyse de la position des acteurs et leur niveau d'étude (pour vérifier la disponibilité géographique et intellectuelle) et enfin décider. L'intelligence artificielle jouera un rôle majeur, à l'exemple du planificateur des plans de formation, le système formulera une série de proposition et optera principalement pour une, qu'il distinguera comme la plus adéquate.

VII - Conclusion et constats

   Le développement des compétences est la problématique en veille personne, l'ignorer et la nier serait un crédit à l'encontre du compétent entrepreneur de son devenir, est architecte de sa performance. Cependant, face aux contraintes liées aux temps et la distance, il devient de plus en plus difficile de garantir le maintien, voire l'entretien, de nos compétences. L'une des problématiques de fond auxquelles sont appelées de répondre les TIC, est celle du développement de nos compétences ; on distingue dans ce cadre celles liées à la réalisation de nos tâches de travail quotidienne et celle en relation avec nos perspectives et nos projets professionnels voire personnels.

   Nous avons remarqué, suite à notre démarche, que des contraintes ont été mises en évidence concernant l'aspect humain et technique, à savoir :

  • la difficulté à répertorier directement les compétences (d'où la nécessité d'utiliser une plate-forme intelligente) ;

  • la construction des compétences collectives reste dépendante de l'engagement ;

  • la nécessité d'emprunter une approche Capital humain, pilotée par la direction générale afin de conjuguer notre vision aux objectifs stratégiques.

Rabii Berrada,
Abderrahim Khyati,
Noureddine Knouzi,
Mohammed Talbi

Observatoire de Recherche en Didactique et Pédagogie Universitaire
LIRAD TAI-E
UFR : Ingénierie et Techniques de l'éducation et de la formation
Faculté des Sciences Ben M'sik,
Université Hassan II Mohammedia, Casablanca
BP 7955, Sidi Othmane, Casablanca

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Association EPI
Novembre 2009

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