INTÉGRATION DE L'OUTIL INFORMATIQUE DANS L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES PHYSIQUES

Zacharoula Smyrnaiou, Annick Weil-Barais
 

Résumé
Cet article est consacré à l'expérimentation réalisée avec le logiciel « La Physique par l'image » (Sciencesoft, 1998). Nous avons comparé les descriptions et les manipulations que font les élèves lorsqu'ils disposent d'objets matériels (différentes pièces de monnaie et des surfaces planes diverses : papier, plastique) pour réaliser des expériences et lorsqu'ils utilisent le logiciel. La situation expérimentale concerne le déplacement d'un objet sur un plan incliné. Soixante-six élèves de collège et lycée (4ème, 3ème, seconde, première et terminale scientifique) ont été rencontrés lors d'entretien individuels.

Les résultats montrent que l'ordre d'utilisation du matériel (logiciel en premier versus logiciel en second) semble important. Il influence les réponses différemment en fonction du type de question (connaissance, manipulation, description d'un mouvement, etc.).

Introduction

     L'utilisation des logiciels dans l'enseignement des sciences physiques a été beaucoup étudiée (Durey, 1996 ; Durey & Beaufils, 1998 ; etc.). Beaufils, Durey, Bouroulet, Milot, Journeaux, et Richoux (1998) ont analysé, dans une perspective pédagogique et didactique, l'apport des logiciels de modélisation et de simulation Interactive - physique et Stella dans des activités de sciences physiques. Ces auteurs considèrent qu'il est très important de réfléchir à l'utilisation de tels outils dans la résolution de problèmes et à la diversification des pratiques pédagogiques. Cette réflexion doit prendre en compte les concepts et les hypothèses mobilisés dans les activités expérimentales.

     Depover, Giardina, et Marton (1998) mettent en évidence l'importance des systèmes symboliques implémentés dans le logiciel. Ils considèrent que les effets de l'utilisation pédagogique du multimédia interactif sur les apprenants s'expliquent davantage par la présence d'interactions entre les systèmes symboliques utilisés par un média que par les caractéristiques cognitives de l'apprenant. Le média peut-être efficace ou non selon la manière dont l'information sera traitée. Ces auteurs soulignent que le choix des langages de communication ou des systèmes symboliques, par les concepteurs du multimédia, auxquels il aura recours pour communiquer les informations à l'apprenant joue un rôle central. Nous pouvons donc penser que le type de représentation symbolique utilisé et la façon dont les élèves les comprennent sont des éléments fondamentaux dans l'étude de l'utilisation pédagogique des logiciels.

     Un certain nombre d'auteurs défendent l'idée que l'animation virtuelle ne se substitue jamais à la réalité, mais la supporte, l'enrichit et la rend plus visuelle (Nonnon, 1998). L'ordinateur constitue aussi un outil pour construire un monde entre l'approche expérimentale et l'approche théorique (Buty, 2000 ; Vince, 2000 ; Séjourné & Tiberghien, 2001).

     Nous considérons que la réalisation d'expériences avec un logiciel est complémentaire à la réalisation d'expériences « réelles » dans l'enseignement de la physique (Smyrnaiou, Weil-Barais, 2003 ; Smyrnaiou, 2003). Néanmoins, il reste à préciser comment l'enseignant doit combiner expériences « réelles » et expériences avec un logiciel. Compte tenu de la place centrale des expériences réelles dans l'enseignement de la physique et du fait que les logiciels peuvent aider à mettre en relation la réalité et la théorie, quelle peut être la place de l'utilisation du logiciel par rapport aux expériences réelles ? Cette recherche propose des éléments empiriques pour éclairer cette question.

1. Descriptif de l'étude

1.1. Objectifs et Hypothèses

     Cette expérience a comme objectif de comparer les descriptions et manipulations réalisées par des élèves à propos d'une situation de mécanique en sciences physiques en fonction du niveau scolaire (collège et lycée) et selon le type de matériel employé (logiciel ou objets).

     On peut s'attendre à ce que les élèves de section scientifique (première et terminale scientifiques), par le programme scolaire suivi, aient accès à la signification des symboles impliqués dans la situation proposée (masse, force, coefficient de frottement). En revanche, les élèves de collège et de seconde n'ont vraisemblablement pas accès à la signification des grandeurs physiques représentées symboliquement (notamment la force et le coefficient de frottement). Par conséquent, nous pensons observer une évolution importante des descriptions et manipulations entre les élèves de collège et seconde d'une part et les élèves de section scientifique d'autre part, attribuable en grande partie aux apprentissages scolaires.

     Les réponses des élèves de seconde devraient être proches de celles des élèves de collège (quatrième et troisième). Leurs descriptions des expériences seront centrées sur les manipulations réalisées et sur les évènements perçus.

     Concernant les élèves de section scientifique (première et terminale), on s'attend à ce qu'ils décrivent les expériences réalisées en termes de grandeurs physiques. De plus, ces élèves devraient utiliser le logiciel « La physique par l'image » avec une approche différente. Leurs réponses seront plus riches (utilisation des concepts de la physique) lorsqu'ils travaillent avec le logiciel que lorsqu'ils expérimentent avec les objets.

     Nous faisons l'hypothèse qu'un travail sur les objets et sur les représentations symboliques peut avoir des effets réciproques. Pour les élèves de section scientifique qui ont accès aux symboles, l'utilisation du logiciel en premier devrait influencer la façon dont ils aborderont ensuite l'expérience avec les objets.

1.2 Population

     Nous avons rencontré soixante-six élèves dont 16 élèves de collège et 50 élèves de lycée. Deux collèges ont été concernés par cette étude : le Collège Pasteur à Créteil et le collège Lavoisier à Paris. Le groupe d'élèves de collège est composé de 9 élèves de quatrième et de 7 élèves de troisième. Les lycéens proviennent du même établissement, le Lycée Joachim Bel à Angers et se composent de 15 élèves de seconde, de 17 élèves de première scientifique et de 18 élèves de terminale scientifique (cf. tableau 1). Les élèves ont été recrutés sur la base du volontariat.

Tableau 1 : Participants de l'expérience 4 avec le logiciel « La physique par l'image ».
Quatrième Troisième Seconde Première scientifique Terminale scientifique Total
9 7 15 17 18 66

     Quelques élèves de 6ème et 5ème ont participé à cette expérience. Toutefois, leurs réponses ne seront pas analysées car très peu ont accepté de participer à l'expérience (5 au total). Il semblerait que la situation les impressionnait (utilisation du matériel informatique).

1.3 Procédure

     On demande aux élèves de réaliser deux expériences concernant le mouvement/déplacement d'un objet sur un plan incliné. Pour l'une d'elles, les participants disposent d'objets. Ils doivent faire en sorte qu'une pièce se mette en mouvement sur une surface mobile, sans toucher à la pièce, faire en sorte que la pièce se déplace plus vite, moins vite, etc. Pour l'autre expérience, les élèves disposent d'un ordinateur et du logiciel « La physique par l'image ». Ils doivent également réussir à déplacer un objet sur un plan incliné (un parallélogramme affiché à l'écran). Plusieurs questions sont posées aux élèves durant les deux expériences. Elles sont généralement similaires pour les deux expériences. Toutefois, quelques questions sont spécifiques à chacune d'elles. Par exemple, on interroge préalablement les élèves sur le sens des symboles et des icônes qui apparaissent à l'écran dans la situation avec ordinateur.

     Trente-quatre élèves ont commencé l'expérience en utilisant « La physique par l'image » pour ensuite la réaliser avec les objets et les trente-deux autres ont commencé par les objets pour ensuite utiliser le logiciel.

1.4 Questionnaire

     Les questions posées aux élèves lors de l'entretien s'organisent en trois thèmes : les représentations de l'image du plan incliné et du plan horizontal (uniquement avec le logiciel), les actions pour faire en sorte que l'objet se mette en mouvement (ou se déplace plus vite, ou le plus vite possible, etc.), les connaissances sur le mouvement ou sur l'immobilité.

     Exemple de questions posées :

  • Pourrais-tu faire en sorte que la pièce de monnaie placée sur la surface en papier se mette en mouvement sans que tu aies à la toucher ? Pourrais-tu décrire ce que tu as fait ?

  • Quelles connaissances as-tu qui te permettent d'expliquer la mise en mouvement de la pièce ?

  • Est-ce que tu peux décrire ou qualifier le mouvement ?

  • Quels sont les types de mouvements que tu connais ?

1.5 Le logiciel « la Physique par l'image »

     La « physique par l'image » (Sciencesoft, 1998) est un logiciel de simulation actuellement commercialisé dans différents pays. Il permet d'aborder la partie théorique de la physique (rappels de cours sous forme de fichiers textes et sons, exercices) et de la mettre en pratique avec une approche expérimentale (simulations interactives, vidéo).

 Figure 1 : L'interface de « La physique par l'image » 

     C'est un outil interactif qui permet à l'apprenant de modifier tous les paramètres d'une expérience et de visualiser immédiatement à l'écran l'effet de ses modifications sur les phénomènes. Comme on peut le voir dans la figure 1, l'élève est invité à fixer des valeurs pour chacune des grandeurs physiques en relation avec la vitesse du mobile.

     Ces grandeurs sont exprimées par des symboles littéraux (m : masse, f : force, m : coefficient du frottement, a : angle). Quand un ensemble de valeurs est fixé, l'élève peut visualiser le déplacement du mobile représenté par un rectangle glissant sur un segment de droite plus ou moins incliné par rapport à un axe horizontal selon les valeurs fixées ; les valeurs des paramètres physiques.

2. Résultats

     Cette partie expose l'analyse des descriptions et manipulations des élèves en réponse aux différentes questions proposées par l'expérimentateur. Les réponses des élèves seront présentées en relation avec le niveau scolaire et avec l'ordre d'utilisation du matériel (logiciel versus objets en premier).

2.1 La représentation de l'image

2.1.1 La représentation de l'image quand le plan est incliné

     Lorsque les élèves réalisent l'expérience à l'aide du logiciel, ils sont invités à imaginer ce que l'image représente. La catégorisation des réponses des élèves est présentée ci-dessous. Leur répartition est proposée dans le tableau 2.

Graphique (GRAP)
     Certains élèves répondent que l'image représente des traits, un graphique, un dessin, une figure, un schéma. Par exemple, un élève de troisième dit : Euh ! C'est... c'est deux traits verts qui transpercent une sorte de cible... Voilà.

Association avec les objets du monde (ASOM)
     Dans certains cas, les élèves font une association avec les objets du monde (arc, pente, pièce, voiture, flèches, luge, pavé, table, sol, étoile, etc.). Concrètement, un élève de quatrième explique : C'est ça..., ça représente un arc.

Aspects géométriques (GEOM)
     Quelques élèves pensent que l'image représente un losange, un angle, un triangle, un rectangle, un losange, un angle. Par exemple, un élève de quatrième indique : Là, il y a un triangle et puis un losange, puis un rectangle.

Aspects physiques (ASPH)
     Dans certains cas, les réponses évoquent différents aspects de la physique (objet, mobile autoporteur, vecteurs, rotations, force, etc.). Par exemple, un élève de quatrième souligne : Cette image là ? Représentant... un objet sur une pente en fait et ... un objet qui tombe.

Plan incliné (PLIN) et angle de plan incliné (ANGP)
     Des élèves répondent que l'image représente un plan incliné. Concrètement, un élève de quatrième répond : Ben c'est un corps que l'on peut voir sur un schéma, qui est sur un plan incliné. Non, on l'a pas encore fait, on l'a pas encore appris. C'est incliné sur un certain angle, un angle a . Un élève de troisième indique que l'image représente : Un objet sur un plan incliné.

Force (FORC)
     Les réponses des élèves de section scientifique se réfèrent aux forces, souvent décrites de façon analytique (la force extérieure, la force de frottement, la réaction du support ou la normale au plan, le poids, etc.). Par exemple, un élève de terminale dit : À l'ordinateur ? C'est un plan incliné d'un angle alpha, on a un mobile autoporteur. La force Ffr c'est la force de frottement, N : c'est la normale au plan, mg : c'est le poids, m : c'est la masse, a c'est l'angle, m : ça c'est une valeur, une contrainte..., la valeur de frottement, en fait comme ça..., comme m, ça c'est, c'est..., Fex + N : ça donne la réaction du support.

Mises en correspondances (CORR)
     Il arrive que les élèves mettent en correspondance l'expérience observée sur l'ordinateur avec l'expérience avec objets qu'ils ont déjà effectuée. Par exemple, un élève de quatrième souligne que l'image sur l'écran d'ordinateur représente la pièce de monnaie et que l'angle a du plan incliné représente l'angle entre la surface en papier et la table (Oui, la pièce de monnaie là avec l'angle a ici). Un élève de seconde dit : C'est ce qu'on a fait, je pense. Le carré bleu ce serait la pièce et ce qu'il y a en vert c'est le papier incliné. C'est l'expérience qu'on a fait.

Autre (ATR)
     Cette catégorie contient diverses réponses peu nombreuses. Par exemple, un élève de seconde répond : Je ne sais pas. Je ne sais pas, un oeil on dirait.

Tableau 2 : Les réponses des élèves
lorsqu'on leur demande ce que l'image représente (effectifs d'élèves)
NIVEAU SCOLAIRE
 
Catégories
Physique par image
(utilisé en premier)
Physique par image
(utilisé en second)
 
4e 3e 2e 1e Ter 4e 3e 2e 1e Ter N*
Graphique (GRAP) 1 0 0 2 0 0 1 0 0 0 4
Association avec les objets du monde (ASOM) 2 1 2 3 1 2 0 8 3 3 25
Aspects géométriques (GEOM) 2 3 3 0 0 2 1 3 0 0 14
Aspects physiques (ASPH) 1 0 0 6 9 0 1 1 7 5 30
Plan incliné (PLIN) 1 0 0 1 4 0 1 1 4 5 17
Angle du plan incliné (ANGP) 1 0 0 0 0 1 0 0 0 1 3
Force (FORC) 0 0 0 3 2 0 0 0 4 2 11
Mises en correspondance (CORR) 0 0 0 0 0 1 0 3 0 0 4
Autre (ATR) 0 0 1 0 0 0 0 0 1 1 3
Non réponse (NR) 0 0 0 1 0 0 0 0 0 1 2
Nb d'élèves total 5 4 7 9 9 4 3 8 8 9 66
* Le total de la colonne N (nombre d'élève ayant donnés cette justification) est supérieur au nombre total d'élèves car un élève peut donner plusieurs justifications.

     L'examen du tableau 2 montre que lorsque l'on demande aux élèves ce que représente l'image sur l'ordinateur, beaucoup l'associent aux objets du monde (25/66, soit 38 % des élèves), presque la moitié des élèves se réfèrent aux aspects physiques (30/66, soit 45 % des élèves). Plus précisément, dix-sept élèves disent que l'image représente un plan incliné (17/66, soit 26 % des élèves) et onze élèves évoquent le concept de force (11/66, soit 17 % des élèves).

     Les réponses des élèves de seconde (les élèves sont âgés de 15 ans) sont proches de celles des élèves de collège. La plupart des élèves de collège et seconde associent l'image vue sur l'ordinateur aux objets du monde (15/31, soit 48 % des élèves) et aux objets géométriques (14/31, soit 45 % des élèves).

     On relève une évolution importante des descriptions entre d'une part le collège et la seconde et d'autre part les élèves de section scientifique (lycée). Les élèves de section scientifique répondent en termes de concepts physiques (27/35, soit 77 % des élèves) comme celui de plan incliné (14/35, soit 40 % des élèves) et celui de force (11/35, soit 31 % des élèves). Par ailleurs certains élèves associent l'image aux objets du monde (10/35, soit 29 % des élèves). Quelques élèves utilisent les mots apparaissant dans les énoncés des exercices des manuels scolaires comme mobile, mobile autoporteur, solide, luge, pavé.

     Quand les élèves ont réalisé préalablement l'expérience avec les objets, leur représentation de l'image vue sur ordinateur est plutôt de type « objets du monde » (16/25, soit 64 % des élèves). Onze sur dix-sept (11/17, soit 65 % des élèves) répondent que l'image représente un plan.

2.2. Les manipulations des élèves pour faire en sorte que l'objet se déplace plus vite

Lorsque les expériences sont réalisées avec l'ordinateur

     Dans l'expérience avec l'ordinateur, l'élève doit répondre à la demande suivante : « Pourrais-tu faire en sorte que l'image de l'objet parallélogramme se déplace plus vite ? Pourrais-tu décrire ce que tu as fait ? ».

     Les manipulations décrites par les élèves sont de différentes natures. Elles sont commentées successivement et leur répartition est présentée dans le tableau 3.

Augmenter l'angle (AANG)
     Beaucoup d'élèves augmentent l'angle. Concrètement, ils disent : Là, il va descendre moins rapidement, quand l'angle est aigu, avec plus d'importance, il va descendre plus vite ; en mettant plus en pente ; je dois monter l'inclinaison encore plus haut ; il faut augmenter la pente ; On met ça plus grand ; Si l'inclinaison est plus ou moins importante... ; j'ai changé l'angle de... ; J'incline plus ...comme l'angle est plus élevé ; j'ai, en fait j'ai augmenté l'angle à 69° ; j'ai plus accentué la pente, etc. Par exemple, un élève de quatrième souligne : Cet objet-là ? Ben, je ... Comment ? Je ..., l'angle, je l'agrandis encore plus.

Vertical (VERT)
     Quelques élèves augmentent l'angle jusqu'à 90°. Ils disent : On augmente l'angle et... mettre carrément à la perpendiculaire ; je l'augmente puis si je mets à la verticale du papier ; on a mis l'angle d'inclinaison perpendiculaire ; le plan soit plus vertical ; j'ai augmenté l'angle jusque 90° ; j'ai augmenté la mesure angulaire, en degrés, j'ai mis à la verticale ; Je vais changer l'angle pour que ça forme un angle de 90° ; toujours vertical. Par exemple, un élève de troisième répond : En augmentant le... en fait l'angle doit faire un angle droit.

Augmenter la force (AFOR)
     C'est le cas lorsque les élèves de section scientifique augmentent la force (la force extérieure, la somme de forces). Par exemple, un élève de terminale dit : Ah ! J'ai augmenté les forces extérieures. Mais c'est toujours la même accélération. Oui, normalement... uniformément accéléré.

Augmenter la masse (AMAS)
     Quelques élèves augmentent la masse en disant : On augmente la masse ; j'ai mis une masse plus grande ; j'augmente, je pense que c'est le poids de l'objet ; la masse... j'ai augmenté, j'ai mis la masse plus grosse... Par exemple, un élève de première répond : Il faut augmenter l'angle de la pente. Non ! Ah ! Oui. Je sais ce qu'il faut faire : augmenter la masse.

Diminuer la masse (DMAS)
     Certains élèves diminuent la masse. Ils expliquent : Il faudrait réduire la masse... ; il faudrait qu'il soit moins lourd en fait. Par exemple, un élève de seconde considère : Oui, je pense... plus vite ? Il faudrait réduire la masse, diviser par...

Diminuer les frottements (DFRT)
     Peu d'élèves diminuent les frottements. Par exemple, un élève de seconde explique : Je crois que j'ai mis moins de frottement.

Plus vite (PLVI)
     Quelques élèves de collège et de seconde tentent de déplacer l'objet plus rapidement. Ils disent : En bougeant le droit plus vite, on fait plus vite ; j'ai fait plus vite le mouvement. Par exemple, un élève de seconde mentionne : Je l'ai déplacé plus vite.

Autre (ATR)
     Cette catégorie contient les réponses des élèves peu nombreuses. Un élève veut mettre la vitesse, un autre veut changer la forme de l'objet. Quelques élèves décrivent la propriété de l'objet (si c'est droit..., plus lourd, le parallélogramme est plus lourd) ou utilisent la relation de proportionnalité (plus il est lourd, plus il se déplace plus vite). Par exemple, un élève de première dit : Se déplace plus vite ? L'objet parallélogramme, il faudrait qu'il soit comme ça, le placer comme ça à l'inverse. Comment on change la forme de l'objet ? ... S'il est plus lourd. Je ne sais pas pour le rendre plus rapide en fait ? Alors, il faut être plus léger. Ah ! Non, je ne sais pas.... Ah ! Oui, il prend de la vitesse en fait. Oui je pense, plus ça va être lourd, plus ça va marcher.

     Les données récapitulées dans le tableau 3 montre que pour que l'objet se déplace plus vite, la plupart des élèves augmentent l'angle (30/66, soit 45 % des élèves) et quelques fois jusqu'à 90° (9/66, soit 14 % des élèves). Seuls les élèves de section scientifique sont également capables de faire varier la force (11/66, soit 17 % des élèves) et le coefficient de frottement (2/66, soit 3 % des élèves). On constate que les élèves utilisent le concept de force à partir de la classe de première et le concept de masse à partir de la classe de quatrième.

     Les réponses diffèrent selon l'ordre d'utilisation du matériel (logiciel en premier versus objets en premier). Les élèves ayant déjà réalisé l'expérience avec les objets ont tendance à davantage augmenter l'angle (18/32, soit 56 % des élèves) pour certains jusqu'à 90° (6/32, soit 19 % des élèves) par rapport à ceux qui commencent avec le logiciel (12/34, soit 35 % des élèves augmentent l'angle ; 3/34, soit 9 % des élèves jusqu'à 90°). Également, les élèves qui réalisent pour la première fois l'expérience avec le logiciel, choisissent plus souvent d'augmenter la force (7/34, soit 21 % des élèves) et la masse (7/34, soit 21 % des élèves) en comparaison aux élèves utilisant préalablement les objets (4/32, soit 13 % des élèves pour force et 2/32, soit 6 % des élèves pour la masse).


Tableau 3 : Les manipulations des élèves pour faire en sorte
que l'image de l'objet parallélogramme se déplace plus vite.
NIVEAU SCOLAIRE
 
Catégories
Physique par image
(utilisé en premier)
Physique par image
(utilisé en second)
 
4e 3e 2e 1e Ter 4e 3e 2e 1e Ter N
Augmenter l'angle (AANG) 1 2 0 3 6 4 1 1 5 7 30
Vertical (VERT) 0 1 1 1 0 0 1 4 1 0 9
Augmenter la force (AFOR) 0 0 0 3 4 0 0 0 2 2 11
Augmenter la masse (AMAS) 1 0 0 3 3 0 1 1 0 0 9
Diminuer la masse (DMAS) 0 0 0 0 0 0 0 2 0 0 2
Diminuer les frottements (DFRT) 0 0 0 0 0 0 0 1 1 0 2
Plus vite (PLVI) 3 0 1 0 0 0 0 1 0 0 5
Propriétés d'objets (POBJ) 1 1 0 0 0 1 1 1 0 0 5
Autre (ATR) 1 0 1 0 0 0 1 0 1 0 4
Non réponse (NR) 0 1 1 1 1 0 0 2 0 0 6
Nb d'élèves total 5 4 7 9 9 4 3 8 8 9 66

Lorsque les élèves réalisent l'expérience physiquement

     Dans l'expérience avec les objets, l'élève est invité à répondre à la demande suivante : « Pourrais-tu faire en sorte que la pièce se déplace plus vite ? Pourrais-tu décrire ce que tu as fait ? ».

     Les différentes catégories de manipulations décrites par les élèves sont présentées successivement et leur répartition est proposée dans le tableau 4.

Augmenter l'angle (AANG)
     La plupart des élèves augmentent l'angle (incliner plus l'angle, lever plus l'angle, augmenter l'inclinaison, augmenter le cosinus, former un angle plus grand, augmenter la pente d'angle, angle plus haut, monter plus, soulever plus, lever plus, bouger plus, avoir plus, etc.). Par exemple, un élève de quatrième répond : Ah ! J'ai mis un angle plus...

Verticale (VERT)
     Quelques élèves augmentent l'angle jusqu'à 90°. Par exemple, un élève de troisième indique : Oui je lève le papier à la verticale.

Plus vite (PLVI)
     Quelques élèves tentent de déplacer l'objet plus rapidement (lever plus vite, monter plus vite, bouger plus vite, faire plus vite, augmenter ou soulever plus rapidement l'angle, etc.). Par exemple, un élève de seconde dit : Eh ! Je bouge le cahier plus vite, afin le mouvement est plus rapide.

Très fort (TRFO)
     Certains élèves tentent de déplacer l'objet « plus fort ». Par exemple, un élève de quatrième dit : J'ai incliné très fort le sol.

Plus haut (PLHA)
     Des élèves tentent de déplacer l'objet « plus haut » (lever plus haut, mettre plus haut, augmenter l'hauteur). Par exemple, un élève de terminale répond : On va essayer ? Par contre ça va être dur...ah ! (Elle rit). J'ai levé le cahier plus haut et plus vite.

Autre (ATR)
     Cette catégorie contient les réponses des élèves décrivant les évènements perçus. Par exemple, un élève dit : je la fais descendre.

     La répartition des réponses des élèves présentée dans le tableau 4 montre que la plupart d'entre eux (30/66, soit 45 % des élèves), quel que soit leur niveau scolaire, veulent augmenter l'angle pour faire en sorte que l'objet se déplace plus vite et parfois quelques élèves (4/66, soit 6 % des élèves) l'augmentent jusqu'à 90°. Par ailleurs, certains élèves décrivent phénoménologiquement leurs manipulations (faire plus vite (16/66, soit 24 % des élèves), incliner très fort (3/66, soit 5 % des élèves), soulever, plus incliner, agir) ou les événements perçus (2/66, soit 3 % des élèves dans la catégorie « autre »).

     Nous pouvons remarquer que les élèves ne se réfèrent pas aux concepts tels que la force, la masse, le coefficient de frottement rencontrés avec le logiciel.

     Nous avons constaté des différences entre les élèves qui ont d'abord effectué l'expérience avec l'ordinateur et ceux qui ont commencé par l'expérience avec les objets. Les élèves qui agissent pour augmenter l'angle d'inclinaison du support sont préférentiellement ceux qui ont utilisé le logiciel au préalable (7/30, soit 77 % des élèves). Ceux qui tentent de déplacer l'objet « plus vite » sont majoritairement des élèves qui n'ont pas encore utilisé le logiciel (13/16, soit 81 % des élèves).

Tableau 4 : Les manipulations des élèves
pour faire en sorte que la pièce se déplace plus vite.
NIVEAU SCOLAIRE
 
Catégories
Physique par image
(utilisé en premier)
Physique par image
(utilisé en second)
 
4e 3e 2e 1e Ter 4e 3e 2e 1e Ter N
Augmenter l'angle (AANG) 2 3 5 7 6 1 0 1 3 2 30
Verticale (VERT) 0 0 0 1 1 0 1 0 1 0 4
Plus vite (PLVI) 2 0 0 0 1 2 2 5 2 2 16
Plus haut (PLHA) 1 0 0 1 3 0 0 2 0 0 7
Très fort (TRFO) 1 0 0 0 0 0 0 1 0 1 3
Autre (ATR) 0 1 1 0 1 1 0 0 2 0 6
Nb d'élèves total 5 4 7 9 9 4 3 8 8 9 66

3. Discussion

     Cette recherche s'intéresse à l'apport de l'utilisation de logiciels dans l'enseignement des sciences physiques. Elle porte spécifiquement sur l'apprentissage de la modélisation puisqu'il s'agit d'un processus au coeur des sciences physiques. Un logiciel de a été étudié (étude du logiciel « La physique par l'image »). Nous avons proposé une situation expérimentale de déplacement d'un objet sur un plan incliné à des élèves de collèges et lycée. Chaque élève réalise cette expérience avec deux types de dispositifs : un des logiciels et des objets « réels ». Cet article présente une partie des résultats obtenus à ces deux études.

     Avec le logiciel « La physique par l'image », nous avons constaté que l'ordre d'utilisation du logiciel influence les réponses des élèves (logiciel en premier ou en second). Toutefois, cela n'est pas valable pour toutes les questions et dépend du niveau scolaire.

     Peu de différences apparaissent quand la question posée concerne la connaissance (expliquer le mouvement). Cependant, les réponses diffèrent dans le cas des manipulations (faire en sorte que l'objet puisse déplacer). En effet, les actions des élèves sont plus précises avec le logiciel (augmenter l'angle, augmenter la force, modifier la masse, etc.) qu'avec les objets (description des manipulations, des constats, conceptualisation de la situation, etc.). Ceci semble cohérent par rapport au dispositif de la recherche. Les questions de connaissances sont moins influencées par le matériel à disposition des élèves que les questions impliquant une action directe sur le matériel.

     L'utilisation préalable du logiciel ne semble pas avoir le même effet sur les élèves de section scientifique et sur les élèves de collège et seconde. La plupart des élèves de section scientifique fournissent des descriptions plus riches (précises et évoquant les concepts et les principes de la physique) lorsqu'ils ont préalablement utilisé le logiciel et qu'ils doivent réaliser une action. Ce résultat peut être expliqué par la maîtrise du système de formalisation implanté dans le logiciel. Il semble ainsi que lorsque les élèves maîtrisent préalablement le système de formalisation implanté dans le logiciel, l'utilisation du logiciel les incite à faire usage de ce système, ce qu'ils font moins lorsqu'ils sont confrontés d'emblée avec le matériel. En somme, pour ces élèves déjà avancés dans l'apprentissage de la physique, l'usage du logiciel leur permet de mobiliser leurs connaissances pour appréhender les situations expérimentales. Pour les autres élèves, le système formel qu'ils sont invités à utiliser ne leur permet pas de modifier leur description des phénomènes.

     La comparaison des conduites des élèves avec les deux types de dispositifs met en évidence la nécessité d'une mise en relation entre les aspects de la réalité, leur conceptualisation et les représentations symboliques de celles-ci. L'apprentissage de la physique repose de fait sur ce type de mise en relation. L'usage des logiciels peut faciliter ces mises en relation, à condition qu'il intervienne conjointement avec la réalisation concrète d'expériences surtout pour les élèves de collège qui ne maîtrisent pas encore les outils de formalisation. Nous avons vu l'intérêt d'accompagner l'utilisation de logiciel éducatif dans l'enseignement de la physique d'expériences sur les objets « réels ». En ce qui concerne les élèves de collège et seconde, ces expériences semblent plus favorables lorsqu'elles sont réalisées avant l'utilisation du logiciel.

Zacharoula Smyrnaiou
Docteur en Sciences de l'Éducation
Université René Descartes-Paris V
12 rue Cujas, 75005 Paris

zacharoula@yahoo.fr
zacharoula.smyrnaiou@etu.univ-paris5.fr

Annick Weil-Barais
Professeur, Université d'Angers
Faculté des Lettres, Langues et Sciences Humaines
11, bd Lavoisier, 49045 Angers cedex 01

weilbar@aol.com
annick.weil-barais@univ-angers.fr

4. Bibliographie

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Association EPI
Mai 2004