Option informatique au lycée :
objectifs et pratiques

Jean-Paul Dumas
 

   L'informatique était à l'origine une science réservée à des spécialistes, scientifiques purs et durs, qui acceptaient de pratiquer l'ascèse de la programmation. Elle est devenue aujourd'hui un outil efficace et parfois même ludique au service de l'information et de la communication universelle, multimédia et interactive. L'option informatique en lycée est un enseignement général à caractère méthodologique et scientifique qui ne se cantonne pas à une simple utilisation de logiciels, ne prétend pas être une initiation à un outil professionnel, mais donner des éléments d'une formation conduisant les élèves de toutes sections à comprendre les possibilités et les limites qu'offre le traitement informatisé de l'information, permettre à chacun d'en faire une utilisation raisonnée et d'exercer dans ce domaine son esprit critique de jeune citoyen. Il vise trois objectifs, plus ou moins développés selon les orientations et les spécialités des élèves : apport de connaissances scientifiques et techniques, apprentissage de méthodes de travail et initiation à la recherche (en particulier travail en équipes sur projet), et enfin prise de conscience des enjeux économiques, sociaux et culturels.

   En classe de seconde 10 heures de cours et 15 heures de Travaux Pratiques permettent de faire un tour d'horizon et de donner envie d'aller plus loin. En classes de premières et terminales les élèves se voient proposer deux heures par semaine, alternant cours et Travaux Pratiques, et s'impliquent dans la réussite de Projets d'Activités Éducatives (PAE).

   Une stricte alternative était autrefois présentée ainsi : « faire programmer l'élève par l'ordinateur », il s'agissait de l'Enseignement Assisté par Ordinateur, ou « faire programmer l'ordinateur par l'élève », il s'agissait là d'enseigner la programmation. Ce n'est plus qu'un faux dilemme. D'une part les qualités des machines et des logiciels permettent à l'informatique dans l'enseignement de jouer non plus deux rôles possibles mais des dizaines : par exemple les rôles d'outils de production, de simulation, de présentation, de documentation, de communication... d'autre part la frontière entre l'utilisation intelligente de logiciels et la programmation devient de plus en plus floue. Deux exemples : L'utilisation d'une interface graphique de programmation permet d'ébaucher une application en quelques clics et glisser-déplacer ; nous pouvons affiner ensuite celle-ci en écrivant quelques lignes de code. L'utilisation poussée de logiciels de bureautique nécessite l'écriture de macroprocédures. On comprend que la programmation ne constitue pas l'objectif de notre enseignement. Ce n'en est qu'une composante, et pour certains élèves seulement. Par contre la connaissance de l'impact de l'informatique sur la société, et ses enjeux économiques et sociaux sont obligatoires pour tous les élèves. Cela ne fait pas l'objet de cours magistraux, mais de dossiers sans cesse mis à jour, à partir desquels les élèves doivent faire de petites synthèses.

   Au lycée Dominique Villars, de Gap, le nombre des options a rendu impossible l'octroi de créneaux horaires pour l'option informatique, nous avons donc été obligés de fonctionner de manière plus souple : la pédagogie employée au sein de l'option est très personnalisée, proche de celle de clubs ou d'ateliers de pratiques, faisant appel à la définition de parcours individualisés et de projets d'équipes. Et l'on s'aperçoit que ce mode de travail est pour les élèves l'occasion idéale de progresser à leur propre rythme, de faire preuve d'initiatives, de développer leur autonomie, leur créativité, leur responsabilité et leur ouverture sur la vie de leur lycée et de leur cité. Alors que la prise en compte des technologies nouvelles dans l'ensemble des disciplines n'est encore aujourd'hui, hélas, qu'un voeu insatisfait, l'option informatique permet depuis plusieurs années de décliner avec bonheur cette science selon les aptitudes, les motivations et les centres d'intérêts de nos élèves.

   Mercredi 8 avril 1998, le recteur Treuil, nouveau recteur de l'académie d'Aix-Marseille, a accepté de venir dans nos salles, de voir travailler les élèves, de discuter avec nous. Il a été séduit autant par le caractère novateur de la pédagogie employée que par le contenu de notre enseignement et la qualité des projets que les élèves de l'option lui ont présentés. Il y avait là des élèves de tous niveaux et de toutes sections, travaillant par ateliers. Il a apprécié notamment le dictionnaire multimédia interactif de l'informatique qu'une équipe de terminal S était en train de finaliser sous Toolbook, le montage audiovisuel sur la Résistance et celui sur le Titanic, réalisés par une élève de première L. Il a vu des élèves de première qui programmaient, et les premiers petits sites Web des élèves de seconde (dont un sur Cantona, un sur Che Guevara...). Il a retenu, me semble-t-il l'essentiel de l'affaire, puisqu'il a déclaré au journaliste qui l'interviewait : « On s'aperçoit que cela permet aux personnes comme aux classes de faire sauter les cloisons. Cela permet aussi de créer des groupes de travail dynamiques entre les enseignants et les élèves qui en savent parfois davantage dans ce domaine que leurs professeurs. Cela démontre que le savoir n'est pas unilatéral et qu'il peut exister dans ce domaine un échange productif entre les lycéens et les enseignants. » Nous avions en effet organisé pour la deuxième année, pendant les congés de février, les « 24 heures des TICE [1] » au lycée Dominique Villars. Neuf professeurs, neuf élèves de l'option, et trois « emploi-jeunes ». Lors du bilan du stage les élèves et les « emploi-jeunes » ont proposé de mettre sur pieds une équipe SOSIE : SOS Informatique pour l'Enseignant. « Les professeurs ont fondé un groupe relais pour les élèves en difficulté... pourquoi nous ne le leur rendrions pas en les aidant lorsqu'ils rencontrent des difficultés dans le domaine des TICE ? » Excellente initiative, qui vient d'être confortée par la mise à disposition de notre Projet d'Établissement de deux jeunes « aides-éducateurs en emploi-jeunes, à profil informatique ». Deux jeunes compétents et dévoués, qui se sont mis tout de suite dans le bain. De plus très souvent, le samedi, un ancien de l'option, maintenant ingénieur en informatique est là, pour aider les jeunes de l'option, et les motiver par son exemple.

   Certes, l'homme façonne ses outils, mais ses outils le lui rendent bien. Plus précisément, en informatique, des milliers de techniciens, d'ingénieurs, de chercheurs et d'enseignants ont inventé des machines et des logiciels dont l'usage se généralise aujourd'hui et transforment les méthodes de travail, de pensée et de communication. La communication en réseaux horizontaux, est souvent réchauffée de liberté, d'égalité et de fraternité ; les médias oublient trop souvent de le dire lorsqu'ils parlent du réseau des réseaux et de l'engouement des jeunes pour celui-ci. Nous pressentons que ces pratiques ne remplaceront pas mais doubleront les réseaux pyramidaux traditionnels dont la lenteur n'a d'égale que la froideur.

   La transformation progressive et prudente des méthodes pédagogiques, passant par l'établissement d'arbres de savoirs, de bases de connaissances, de réseaux horizontaux de communication et d'autres relations entre les acteurs du système éducatif est en route.

Jean-Paul Dumas
professeur au Lycée Dominique Villars, Gap

Paru dans la Revue de l'EPI  n° 91 de septembre 1998.
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NOTES

[1] Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Enseignement.

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Mai 2007

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