Un Atelier de Pratique des Technologies de l'Information et de la Communication

Florence Petit, Alain Crindal
 

CONTEXTE ET FONCTIONNEMENT DE L'APTIC

De l'expérimentation à l'atelier de pratique

     En 1991, le lycée Montesquieu d'Herblay a mis en place, sous la responsabilité de l'Institut National de Recherche Pédagogique et du Centre National de Montlignon, un enseignement expérimental de trois heures hebdomadaires baptisé « technologie », dans lequel l'accent a été mis sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication [1]. Cette activité a fonctionné avec succès pendant les trois années prévues et son prolongement a été réalisé par l'ouverture d'un APTIC [2] à la rentrée 94. L'équipe pédagogique est constituée, depuis 91, par des enseignants de technologie.

     L'APTIC s'insère dans le projet d'établissement du lycée dont l'un des objectifs est de « place les élèves, individuellement ou en groupes, en situations concrètes et variées de communication, pour leur apprendre à cibler et à maîtriser leurs messages oraux et écrits, et à utiliser différents supports de communication ».

     L'APTIC offre aux élèves du lycée Montesquieu la possibilité de compléter leur formation, au travers d'une vue culturelle de notre monde technique, tant au niveau de leurs humanités, de leur citoyenneté, que dans une perspective d'insertion professionnelle future. Il doit leur apporter un minimum de connaissances pour se mouvoir dans les domaines de l'audiovisuel, des télécommunications et de l'informatique. Il contribue à une adaptation réfléchie au monde contemporain en développant leur jugement, leur esprit critique, et leurs capacités créatrices. Par l'approche d'outils technologiques authentiques, il favorise la maîtrise de démarches de projet, en s'appuyant sur la connaissance des secteurs professionnels correspondants. Il contribue à un développement plus équilibré de la personne et de l'être social, dans une meilleure connaissance de soi-même, de ses goûts, de ses aptitudes, de ses compétences et de son comportement au sein d'un collectif de travail.

     Les finalités de l'APTIC du lycée Montesquieu sont les suivantes :

  • comprendre le monde contemporain et son environnement technologique ;

  • démystifier, s'approprier les technicités correspondantes ;

  • les situer dans un contexte historique et prospectiviste ;

  • mobiliser, mettre en pratique des connaissances au sein d'une activité de projet ;

  • rechercher la qualité d'une production ;

  • acquérir des connaissances et compétences dans les domaines des techniques de traitement de l'information et de la communication ;

  • se familiariser avec des méthodes d'organisations complexes du travail, en participant à un travail pluridisciplinaire, mené en équipe, puis en réseau.

L'APTIC et le baccalauréat 95

     Pour les élèves qui ont suivi l'APTIC en classe de terminale, les ateliers de pratique sont pris en compte pour la première fois à la session 1995 du baccalauréat, comme épreuve facultative. Une commission départementale évalue un dossier individuel, réalisé par l'élève, qui doit comprendre :

  • une fiche de présentation du projet pédagogique ;

  • quelques documents significatifs du travail conduit par l'élève ;

  • ses résultats constatés par les enseignants.

     Seuls les points au dessus de la moyenne de la note de l'élève, sont pris en compte avec un coefficient 1.

Modalités de fonctionnement

     Les élèves ont trois heures hebdomadaires d'atelier encadrées par l'enseignant. La salle leur est ouverte en autonomie en dehors des heures de cours.

     Les élèves sont en général répartis entre plusieurs niveaux, avec dans la mesure du possible :

  • un niveau « débutant » pour les élèves qui arrivent en seconde ou qui débutent l'APTIC au cours de leur cycle de lycée,

  • un niveau « confirmé » pour les élèves qui ont au moins l'expérience d'une année d'APTIC.

Un atelier basé sur la notion de projet

     La notion de mise en projet est fondamentale au concept d'atelier. Le travail sur projet permet de se confronter à une démarche de conception, de production, d'usage de produit.

     Les projets sont proposés et définis en concertation, par des échanges d'idées et des négociations entre les élèves et les enseignants, mais également avec l'administration, les usagers et les partenaires, suivant l'avancée du processus. Les projets ne sont pas des simulations mais d'authentiques activités de communication ou d'information, que nous pouvons mettre en référence avec les pratiques sociotechniques professionnelles. Les productions sont destinées à l'usage d'une collectivité dans un souci de communication interne (borne multimédia) ou externe (service télématique), ou d'un particulier (rapport de stage). Les projets menés collectivement sont des passages obligés : ils rendent possible l'approche du travail en équipe et le développement de produits plus ambitieux nécessitant du temps et des compétences diverses.

     Les élèves gèrent la globalité du projet, l'enseignant a un rôle de formateur, coordinateur, personne-ressource.

     Nous pouvons distinguer des mini-projets et des projets d'une durée plus longue.

     Les mini-projets sont élaborés sur quelques séances : réalisation d'un prospectus, d'une affiche, d'un « trombinoscope » informatisé de la classe à l'aide du caméscopes et de l'ordinateur, réponse ponctuelle à un concours, etc. Les élèves débutants acquièrent ainsi des notions techniques de base et des références comportementales communes tout en obtenant des résultats rapides et stimulants. En quelques séances d'APTIC, ils savent saisir un texte, numériser une photo, faire une mise en page simple sur l'ordinateur, filmer avec le caméscopes et capturer des images audiovisuelles sur un ordinateur. Des connaissances théoriques plus approfondies (notion de résolution, types de sorties, adressage, paramètrage des logiciels...) sont sollicitées au cours de travaux plus complexes menés par la suite. Les mini-projets sont l'occasion pour les élèves confirmés de gérer l'ensemble d'un projet avec la contrainte de respecter un délai court.

     Les projets plus longs demandent de la persévérance, une phase d'étude et de conception plus importante, une répartition des tâches entre les élèves, voire une spécialisation (exemple : borne multimédia, serveur télématique). S'ils sont souvent menés par des élèves confirmés, les débutants y sont rapidement associés. Les projets qui demandent un suivi constant (mise à jour du service minitel et de la borne multimédia) nécessitent une « passation de pouvoir et de compétences » entre les élèves de terminale et les élèves de seconde et première. Celle-ci se fait par des formations entre élèves, et la rédaction de fiches-conseils par les élèves quittant le lycée. Le caractère d'« utilité publique » de ces projets valorise le travail des élèves vis-à-vis de la communauté scolaire et de son environnement.

Une ouverture sur l'extérieur

     Des activités extérieures et des forums (visites d'entreprises et d'expositions, utilisation de centres ressources, interventions de professionnels, participation à des salons spécialisés, journées portes ouvertes) complètent la pratique en atelier.

     Les élèves effectuent des séjours d'une semaine dans des entreprises qui appartiennent aux secteurs de la communication et du traitement de l'information, ou correspondent à leur choix d'orientation. Ils gèrent cette activité comme un projet personnel. En conduisant les relations avec les entreprises, ils réinvestissent les acquis de l'atelier (traitement des courriers, rapports de stage, communications téléphoniques, etc.).

     Cette ouverture de l'atelier sur l'extérieur optimise le contact avec les pratiques professionnelles en offrant aux élèves des situations variées de communication (préparation et distribution de documents écrits, présentation de leurs activités, dialogue avec des adultes, etc.).

Un espace polyvalent pour favoriser la communication et la production dans différents domaines

     L'architecture intérieure de la salle est prévue pour faciliter la communication.

     S'inspirant davantage d'une salle de réunion d'entreprise que d'une salle de classe traditionnelle, un espace équipé de tables modulables est utilisé pour les travaux de recherche et de préparation, pour exposer les projets, l'avancées des réalisations, les difficultés rencontrées, pour confronter les points de vue des membres des groupes-projet, et pour recevoir des intervenants pour des conférences ou des débats.

     L'espace de conception/production s'articule autour du réseau informatique local de douze micro-ordinateurs Macintosh [3], avec imprimantes, scanners, lecteur de CD-ROM, lecteur de cartouche amovible... L'atelier est équipé en logiciels de traitement de texte, PAO, acquisition et traitement d'image, tableur, DAO (mode vectoriel, mode BitMap), développement de multimédia, montage vidéo, traitement du son.

     La salle comprend également deux micro-ordinateurs compatibles PC, du matériel de CFAO utilisé pour le développement de produits de marquage et de signalétique, et un équipement audiovisuel (camescope et téléviseur). Un « bureau » avec téléphone, télécopieur, micro-ordinateur et modem, permet la communication avec l'extérieur. Toutes les documentations sont consultables en libre-service par les élèves (documentation sur le matériel, les logiciels, dictionnaires, revues techniques...).

LES RÉALISATIONS DE L'APTIC DU LYCÉE MONTESQUIEU

La création du logo du lycée Montesquieu

     À la demande du proviseur, les élèves ont créé un logo pour leur établissement. Une démarche professionnelle a été menée, en débutant par une recherche d'identité visuelle. Des entretiens semi-directifs auprès d'une population ciblée (personnalités de la ville, personnel de l'établissement, parents et élèves) ont permis, après analyse de contenu, la définition d'une « image de marque » de l'établissement. Une étude comparative de logos existants a conduit les élèves à proposer différentes pistes graphiques.

Des graphistes professionnels sont intervenus pour conseiller les élèves. Une série d'essais, de tests d'usage et d'effet ont abouti au logo définitif. Celui-ci a ensuite été décliné en une gamme de produits de communication (carte de visite, papier à en-tête, badge, porte-clés, autocollant), qui a nécessité la mise en oeuvre des outils de DAO, PAO et CFAO.

La plaquette de l'établissement

     Les élèves ont conçu et réalisé en PAO la maquette d'une plaquette de présentation du lycée Montesquieu.

     Ils ont analysé la présentation et le contenu de différentes plaquettes d'établissements scolaires et d'entreprises avant de faire leurs propres propositions de sommaire. Ils ont participé au suivi des relations avec l'imprimeur (relecture et correction des épreuves, bon à tirer). Ce projet, qui a concerné des élèves débutant l'atelier, a permis d'utiliser des logiciels de traitement de texte, de dessin, de numérisation et de traitement d'images, et d'intégrer les différents éléments obtenus en PAO. Les élèves ont pu ainsi se rendre compte des spécificités de chaque type de logiciel... et aussi de leurs limites. La réactualisation d'une nouvelle plaquette sera bientôt à l'ordre du jour !

La borne interactive multimédia

     Les élèves ont pris en charge la réalisation d'une borne multimédia d'information sur le lycée. Celle-ci a pour fonction le guidage dans le lycée, des élèves, du personnel du lycée, des visiteurs (parents, futurs élèves) et l'information sur les structures, activités et événements de l'établissement. Les tâches sont réparties par branches de l'arborescence. Un groupe de pilotage veille à la cohérence globale du produit et au respect du cahier des charges (emplacement des icônes de navigation, polices, unité d'aspect...). Les élèves débutants qui s'impliquent dans ce projet commencent par la réalisation de pages-écran, puis d'arborescences simples. Une mise à jour régulière est nécessaire tout comme le développement de nouvelles branches d'informations. La borne comporte un plan de l'établissement, des séquences animées montrant comment se rendre dans différents lieux du lycée, un « trombinoscope » du personnel accessible en connaissant soit le nom, soit le visage, soit la fonction de la personne recherchée, et bien sûr de nombreux renseignements sur le lycée. Outre des compétences en audiovisuel et en infographie, les élèves ont pu s'initier au traitement des sons et à la programmation hypermédia (arborescence, fonctions, variables). Ce projet a été l'occasion d'aborder des aspects juridiques sur la reproduction et la diffusion des oeuvres musicales. Une collaboration avec le cours de musique est envisagée.

Le service télématique

     Un petit groupe d'élèves a conçu un service télématique d'information sur le lycée. Leur idée initiale - pouvoir consulter de chez eux la liste des professeurs absents - s'est étoffée par des enquêtes auprès d'utilisateurs potentiels. Le service comporte maintenant des renseignements administratifs (organigramme de l'administration, coordonnées postales et téléphoniques, accès au lycée par les transports, liste des professeurs par classe, dates des réunions et conseils de classe...), des informations sur la vie du lycée (voyages scolaires, jumelages, activités des clubs et ateliers, menus de la cantine...), ainsi qu'une boîte à lettres pour échanger avec les correspondants étrangers.

     Le service est hébergé par un centre-serveur académique. Les élèves étudient son implantation dans l'établissement, pour faciliter la mise à jour. Celle-ci est actuellement possible de tout Minitel, avec un code d'accès, mais uniquement dans des zones réservées. Les mises à jour plus importantes sont envoyées par disquettes.

     D'autres projets sont en cours comme un produit multimédia à vocation didactique sur les techniques audiovisuelles.

     Dans la majorité des projets (plaquette, borne, service télématique), les élèves ont à rechercher des informations auprès de personnes extérieures à l'atelier (administration, associations de parents élèves, personnels, services de santé, de restauration...), à choisir et valider les informations utiles par des enquêtes ou des entretiens, à se procurer les contenus rédactionnels et iconographiques, et surtout à prendre des décisions pour les adapter au support et au public. Les élèves des différentes équipes-projets doivent mener un travail d'échange inter-projet pour ne pas rechercher plusieurs fois les mêmes données et veillent donc à partager leurs informations. Néanmoins, le travail de structuration, d'ergonomie du produit sera très différent sur un support de type papier ou de type écran ; l'iconographie par exemple sera adaptée aux possibilités graphiques d'un Minitel ou d'un poste multimédia.

COMPÉTENCES VISÉES

Savoir

  • construire des repères historiques concernant l'évolution des techniques de communication et de traitement de l'information ;

  • connaître le fonctionnement des réseaux audiovisuels, informatiques, et de télécommunication, leurs usages et leur incidence économique ;

  • connaître les principes de fonctionnement d'outils technologiques tels que micro-ordinateur, imprimante, scanner, camescope, modem, CD-ROM, lecteur de disquettes, disque dur, commande à infrarouge, capteur CCD, etc. ;

  • acquérir le vocabulaire technique adapté au domaine.

Savoir-faire

  • trouver l'adéquation : message, média, public, contexte ;

  • rechercher et trier des informations utiles, les structurer ;

  • réaliser des écrits « professionnels » de qualité : courriers, rapports, notices techniques ;

  • gérer le réseau informatique, archiver les fichiers, utiliser des utilitaires ;

  • utiliser des outils de communication : téléphone, télécopieur, modem, Minitel, caméscopes ;

  • consulter des banques de données informatiques et télématiques, télécharger des données ;

  • se référer aux documentations techniques, modes d'emploi d'appareils ou de logiciels ;

  • utiliser des logiciels : traitement de texte, son, image, PAO, DAO, CFAO, tableur, multimédia, conception de service télématique ;

  • enregistrer des séquences audiovisuelles à l'aide du caméscopes ;

  • monter des séquences audiovisuelles et multimédia ;

  • numériser des documents à l'aide de scanner ;

  • numériser des images fixes et animées à l'aide de carte d'acquisition ;

  • créer des dessins sur ordinateurs ;

  • modifier des images, photographies, dessins numériques.

Savoir être

  • développer son esprit critique, ses capacités d'initiative et d'entreprise ;

  • prendre conscience de ses responsabilités dans un projet collectif ;

  • travailler en équipe, se répartir le travail tout en maintenant une cohérence des projets ;

  • être à l'écoute des autres ;

  • communiquer à l'intérieur du groupe élèves, en interne dans l'établissement, et avec l'extérieur ;

  • enrichir sa communication écrite et orale ;

  • gérer le temps du projet ;

  • savoir rechercher des solutions, prendre des décisions ;

  • utiliser des techniques de créativité, de management, de prise de décisions.

Un apport de compétences riches et diversifiées

     L'APTIC apporte des compétences techniques dans l'utilisation d'outils de communication et de traitement de l'information et contribue à la compréhension des principes de fonctionnement de ces outils. Les secteurs techniques abordés sont très variés : PAO, DAO, bureautique, télématique, infographie, multimédia, audiovisuel, PREAO et même CFAO.

     Mais l'APTIC développe avant tout des comportements d'autonomie et de responsabilisation au travers de la conduite d'un projet technique. Il forme des élèves qui font preuve de capacité d'adaptation et d'initiative face aux obstacles inhérents à toute mise en oeuvre de projet.

     Ce travail sur projet offre à l'élève la possibilité de construire ses connaissances au moment où il en ressent le besoin. L'intérêt est accru et la mémorisation plus efficace. Support de formation, le projet est un élément de motivation, un but pour les élèves. Ceux-ci ont hâte de voir leur travail aboutir sur une production concrète et souvent attendue par l'ensemble du lycée. Ils viennent fréquemment en dehors des cours avancer leur travail. Ils ont de plus la satisfaction de pouvoir montrer le résultat de leurs efforts (l'atelier est un lieu où l'on invite copains et famille pour voir l'avancée des travaux), et leurs capacités individuelles sont ainsi valorisées par la collectivité. Ces élèves, très impliqués dans la vie de l'établissement, sont à l'image d'une société future où la vertu des activités collectives est en harmonie avec le développement des spécificités de chaque individu.

Florence Petit et Alain Crindal
professeurs de technologie
intervenants en APTIC
au lycée Montesquieu - 95 Herblay

Note EPI :

     Nous publions cet article malgré la suppression des APTIC (cf. rubrique « Informations générales » et « Documents ») car il est important que l'enseignement qui se met en place en seconde, et qui devrait se poursuivre par des options diversifiées en première et terminale, intègre très largement les acquis des APTIC comme ceux novateurs de la précédente option. Toutes ces démarches innovantes, qui sont celles d'une communauté d'enseignants ayant des objectifs communs, doivent contribuer à l'évolution du système éducatif vers une meilleure intégration de l'informatique et des technologies nouvelles.

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 78 de juin 1995.
Vous pouvez télécharger cet article au format .pdf (218 Ko).

NOTES

[1] Un rapport INRP doit être publié sur ce sujet prochainement.

[2] L'APTIC et son évaluation au baccalauréat sont définis dans les BO n° 14 du 2 avril 92, n° 11 du 18 mars 93, n° 10 du 28 juillet 94.

[3] Apple Computer France est partenaire de l'atelier et a contribué à l'équipement de la salle. Chaque année, les élèves animent un stand de démonstration sur Apple Expo.

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