UN NOUVEAU CONTRAT POUR L'ÉCOLE

Table ronde « ÉCOLE : missions et contenus »
Rapport de synthèse du groupe « Télévision et nouvelles technologies éducatives » (F. Balle)
Bordeaux, le 8 avril 1994
 

     Il faut beaucoup d'audace ou une certaine naïveté pour présenter en 8 minutes les propos, propositions et préconisations qui ont été celles du groupe consacré à la télévision et aux nouvelles technologies éducatives.

     Je me bornerai donc à ordonner ces préconisations et ces propositions formulées tout au long de la matinée dans mon groupe autour de plusieurs questions.

     La première, la plus simple, était préalable :

Faut-il ou non faire entrer la télévision dans les écoles, dans les établissements ?

     La réponse, vous le devinez et je n'avais opéré aucune sélection à l'entrée de la salle, était positive à 100 %. Je veux dire par là que la télévision est apparue à tous comme une fenêtre sur le monde ; elle n'est apparue à personne comme étant l'instrument conduisant à la moindre défaite pour la pensée. Elle n'a été dénoncée par personne et concrètement, elle apparaît au contraire comme un moyen susceptible d'être utilisé dans les salles de classe, quelles qu'elles soient, pour permettre aux élèves de conquérir tantôt les moyens d'avoir leur liberté, tantôt les moyens d'accéder au savoir.

     Il a été souligné à plusieurs reprises que, comme la nostalgie, la télévision n'est plus aujourd'hui ce qu'elle était. Aujourd'hui ce sont les téléspectateurs qui donnent rendez-vous à la télévision grâce au magnétoscope, hier, on le sait, lorsque la télévision n'était que hertzienne, c'était la télévision qui donnait rendez-vous aux téléspectateurs.

     Ce changement est tout à fait considérable pour les enseignants, puisque désormais ils ont, grâce au magnétoscope, la totale maîtrise de l'utilisation de l'image. Loin d'évincer l'enseignant, la télévision le seconde. Elle lui permet concrètement de mieux faire ce qu'il sait faire de mieux.

     Bien plus, elle souligne à quel point il est irremplaçable, elle souligne à quel point son rôle est incomparable dans la société.

Les relations et la part respective à consacrer aux outils informatiques et à la télévision éducative

     Aujourd'hui, ce n'est pas seulement la télévision qui nous apporte des images, ce sont également des outils informatiques.

     Il faut savoir qu'il y a entre ces différents supports, entre ces différents vecteurs, ces différents médias, ni supériorité décisive, ni véritablement concurrence. Ils sont complémentaires les uns par rapport aux autres, il y a par conséquent synergie entre les uns et les autres, chacun certes a ses atouts, chacun certes a ses handicaps, chacun, par conséquent, est plus à même de servir une activité pédagogique qu'une autre, il suffit de savoir quelle est cette finalité pédagogique et quel est le moyen le plus approprié au moment où on l'utilise.

     Il faut par conséquent faire en sorte que la télévision et l'informatique se complètent, il faut en d'autres termes tirer tout le parti possible de la numérisation qui conduit aujourd'hui, vous le savez, les messages en termes d'images, les messages écrits et les messages sonores et faire en sorte que les systèmes audiovisuels convergent avec les systèmes informatiques.

Les techniques peuvent-elles servir d'auxiliaires à tous les enseignants quelles que soient leurs disciplines ?

     Là aussi la réponse a été unanime et, a priori, elle peut étonner. Toutes les disciplines sont concernées, depuis les mathématiques jusqu'à l'éducation physique et sportive en passant par les langues et les lettres.

     Aucune discipline ne saurait être écartée par conséquent de cet enjeu, qu'il s'agit pour chacune de relever et corrélativement, aucun domaine disciplinaire, aucune discipline ne seront plus particulièrement réservés à l'un ou l'autre des nouveaux supports éducatifs, à une condition toutefois - et cette condition est importante - que ces programmes audiovisuels ou informatiques pour être adoptés par nos collègues, puissent répondre à leurs exigences, aux exigences pédagogiques et scientifiques qu'ils auront eux-mêmes formulées.

     Ce sont des exigences que l'Éducation nationale doit faire valoir et prévaloir. Certes, ces programmes ne sont pas la panacée, mais il ne faut pas prendre, bien entendu, le moyen pour la fin, il faut simplement que nous veillions à ce que les contenus répondent à nos attentes.

     C'est une chose sur laquelle on a, à plusieurs reprises, insisté ce matin.

Ces techniques ne sont-elles pas un facteur supplémentaire d'inégalité ?

     Cette question est revenue comme un leitmotiv et exprime une crainte. Les médias, on le sait, sont de plus en plus souvent portatifs, individuels, autonomes, comme l'informatique ils deviennent tous toujours plus rapides, toujours plus puissants et d'un accès toujours plus facile.

     Certes la diminution de leurs coûts est tout à fait considérable et elle joue bien entendu en faveur de l'égalité, mais il faut faire en sorte, car nous n'en sommes pas encore au stade où véritablement le petit ordinateur portatif occupera la place demain qui est celle aujourd'hui de la calculatrice dans les cartables de nos écoliers, il faut par conséquent faire en sorte que les équipements soient partout disponibles, pour tous et à tout moment.

La formation ou l'initiation des maîtres, où et comment ?

     Bien entendu pour satisfaire aux exigences de fiabilité et de convivialité, toutes les actions de formation des enseignants devraient inclure l'usage, a-t-on dit, de ces nouveaux outils informatiques dans la formation initiale, comme dans leur formation continue.

     La question cependant n'a pas été tranchée ce matin de savoir si l'informatique est une discipline à part entière ou si elle fait partie de chacune des autres disciplines, et peut-être existe-t-il des solutions intermédiaires ou peut-être que le choix de la réponse dépend de l'évolution de l'informatique elle-même ou de l'évolution des disciplines.

     On le voit, l'enjeu est bien de banaliser la présence des techniques audiovisuelles et informatiques et grâce à cette banalisation de l'environnement technologique, c'est donc une synergie entre les enseignements et ces nouveaux moyens que nous avons appelée de nos voeux ce matin.

Pour résumer

     Nous avons dit un oui sans réserve aux nouvelles technologies et à la télévision ; toutefois il faut que les contenus nous conviennent, qu'ils répondent à nos attentes.

     Par ailleurs, il faut que l'action sur le front des équipements n'oublie pas le principe d'égalité : il faut par conséquent donner plus à ceux qui ont moins et les inégalités sont partout entre les régions, entre les catégories.

     Enfin, les programmes et les équipements ont à progresser ensemble, c'est le cercle vertueux dans lequel il faut entrer : plus on aura d'équipements, plus on aura de programmes et vice versa, mais les programmes et les équipements ne progresseront ensemble qu'à condition que les enseignants aient été initiés, et formés à leur utilisation.

     Ils savent d'ores et déjà que l'on peut apprendre à penser avec des images, demain avec des multimédias, aussi bien qu'on le faisait hier avec des textes imprimés.

     L'enjeu est donc pédagogique, social, culturel ; il est éminemment politique, et il est apparu que l'État faillirait probablement à sa mission, et l'Éducation nationale à la sienne, s'ils laissaient à d'autres le soin de veiller à la qualité de ces programmes. S'ils ne le faisaient pas, et si l'État n'y mettait pas du sien comme cela a été dit ce matin, il est clair que ce serait sur d'autres programmes que les enfants de demain et d'après-demain risqueraient d'apprendre les disciplines qui sont les nôtres.

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 74 de juin 1994.
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