Remettre l'ordinateur à sa place !

Jean-Louis Malandain
 

     Maîtriser les outils de traitement de l'information,
     Renouveler les approches pédagogiques,
     Acquérir une culture novatrice,
     Préparer les élèves aux évolutions technologiques.

     Toutes ces raisons invoquées pour justifier l'introduction de l'informatique dans le système éducatif sont légitimes et solides mais elles n'ont pas eu l'effet escompté du côté des responsables ni le résultat attendu parmi les utilisateurs.

     Si elles sont bonnes, pourquoi une large majorité d'enseignants reste-t-elle insensible aux avantages de cet outil qui a apporté tant de changements dans le monde du travail ?

     C'est que, précisément, la raison décisive n'a pas été clairement mise en évidence, celle qui concerne le TRAVAIL de l'enseignant : FAIRE LA CLASSE dans une salle où sont rassemblés au minimum une trentaine d'élèves.

     N'ayant pas vu en quoi l'ordinateur pouvait leur apporter une aide dans la situation qu'ils vivent au quotidien, les quelque 900 000 enseignants concernés ne font remonter aucune demande significative, aucune exigence décisive auprès des syndicats ou des associations.

     Pour sa part, depuis deux décennies, l'EPI harcèle les autorités en déplorant l'absence d'une politique cohérente et en préconisant des opérations substantielles de formation et de dotation.

     Ces actions ont eu des résultats positifs ; elles ont largement contribué à l'introduction de l'informatique comme objet d'enseignement et comme outil au service des disciplines, sous l'appellation d'INFORMATIQUE PEDAGOGIQUE qui, pour l'EPI, rassemblait ces deux orientations.

     Mais l'EPI veut aller plus loin.

     Elle souhaite que l'informatique soit l'affaire de tous parce c'est un outil qui peut faciliter la tâche de tous les enseignants. Elle a besoin, pour cela, de l'appui de tous !

     Sans renoncer aux multiples applications déjà en usage, il convient de développer l'emploi de l'ordinateur comme auxiliaire didactique dans la classe en apportant une solution efficace au problème de l'affichage collectif [1].

     L'ordinateur étant, aussi, un diffuseur d'informations visibles de loin, sur le mode de l'affiche, comme le haut-parleur l'est pour le son, il devient possible de préparer à l'avance les textes dont on a besoin, de faire un usage collectif de certains logiciels ou de programmes spécifiques, conçus pour la classe.

     Face à ses élèves, l'enseignant dispose d'un auxiliaire qui peut réellement alléger sa tâche puisqu'il démultiplie les possibilités du tableau noir en lui ajoutant l'interactivité et qu'il est déjà capable d'associer le texte, le son et l'image.

     Il ne s'agit pas là de prôner l'enseignement magistral : ce même ordinateur garde évidemment ses fonctions habituelles de gestion, de communication et de conception - si l'enseignant le souhaite - mais il est d'abord un outil aussi commode et performant que le magnétophone ou le magnétoscope. C'est le point d'entrée naturel qui sert dans la classe pour les besoins immédiats de l'enseignant et lui apporte un élément de confort.

     Mais alors, ce sont les enseignants qu'il faut convoquer pour décider du matériel le plus approprié, de la disposition la plus adéquate, des logiciels les plus utiles. C'est à eux qu'il convient de le demander d'abord pour donner (ou redonner) la main à l'utilisateur !

     Les industriels et les commerciaux sauront bien s'adapter à une demande explicite car elle représente un marché non négligeable en ces temps de crise.

     On pourrait s'inspirer de la politique suivie par les banques pour équiper leurs guichets... Sans doute ont-elles défini leurs besoins avant de laisser les fournisseurs placer les matériels. En tout cas, on y voit des billetteries informatisées accessibles au grand public : ce qu'il faut faire est écrit sur l'écran et l'utilisateur n'a pas l'impression d'être ipso facto incompétent !

     Ainsi, le MEN équiperait ses classes du poste de travail approprié : il comporterait un grand écran (ou un système d'affichage visible de loin) et une commande à distance permettant à l'enseignant de se déplacer en envoyant les ordres pour gérer les affichages, localiser certaines zones et lancer des séquences interactives.

     Est-il vain de penser que le MEN ne fera pas pour ses acteurs ce que la banque a mis en place pour ses usagers ? Que les enseignants qui ont en charge le quart de la population méritent le poste de travail adapté aux enjeux d'un métier difficile ? Que ce public-là, qui est l'avenir de la nation, a droit aux mêmes égards que de simples consommateurs ?

     La réponse est évidente. Pourtant, nous savons bien que rien ne se fera qui corresponde aux besoins réels des enseignants si eux-mêmes n'en formulent pas la demande.

     C'est donc à l'ensemble des enseignants de prendre l'initiative pour défendre leur métier, en soutenant l'EPI, bien sûr, puisque son objectif est de promouvoir l'informatique dans le système éducatif, mais aussi en multipliant les interventions, à tous les niveaux, pour que toutes les salles de classe soient équipées avant l'an 2000 des instruments permettant l'accès direct, sur grand écran, au moment où l'enseignant en a besoin, à toutes les aides didactiques disponibles.

     Enseignants, agissez pour faire installer l'ordinateur là où vous en avez besoin, demandez à faire votre métier avec les ressources technologiques en usage dans tous les autres secteurs.

     De plus, en adhérant à l'EPI, vous ferez connaître vos exigences, vous les ferez aboutir !

Jean-Louis Malandain
Bureau National EPI
CIEP-Belc

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 70 de juin 1993.
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NOTES

[1]. Les aspects techniques de l'affichage collectif et les usages didactiques de l'ordinateur dans la classe ont déjà été évoqués dans le Bulletin de l'EPI. Voir, en particulier, le Bulletin n° 55 (septembre 1989, « Un grand écran et un petit ordinateur dans la salle de classe » et « Six modes d'utilisation de l'ordinateur pour l'enseignement des disciplines »).

En juin 1992, est paru le rapport de la DLC 15 consacré à l'expérimentation d'un dispositif de rétroprojection dans des classes de français. Voir le compte rendu pages 32-35 dans le Bulletin n° 69 de mars 93.

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