RÉFLEXION SUR L'OPTION INFORMATIQUE

Hélène MOISY-PAUGAM
 

     Les quelques réflexions qui suivent sont le fruit de l'enseignement de l'option informatique dans quatre classes de Seconde, dans un lycée parisien et un lycée lyonnais. Tantôt les élèves étaient sélectionnés (faute de place pour accueillir tous ceux qui en avaient fait la demande), tantôt ils ne l'étaient pas. J'ai constaté, dans les deux cas la même hétérogénéité, caractère particulièrement propre à l'enseignement de l'informatique, puisque je l'ai également rencontrée en d'autres lieux et avec d'autres publics. Je ne pense pas qu'il faille considérer ce manque d'homogénéité comme un handicap ; il est au contraire très possible de l'exploiter dans le cadre de l'option informatique en lycée puisque le temps consacré aux Travaux Pratiques prédomine : 1h de cours et 1h30 de TP par semaine.

     Je tiens d'abord à préciser que les différences d'efficacité des élèves entre eux ne sont pas nécessairement liées au fait qu'ils aient, les uns plus que les autres, la possibilité de programmer un ordinateur en dehors du lycée.

     En ce qui concerne la programmation, dans le cas d'exercices individuels, il est toujours possible de maintenir l'intérêt des plus rapides et des plus brillants en leur demandant d'ajouter au programme telle ou telle amélioration optionnelle. Ce type d'exercice leur permet souvent de mieux comprendre la nécessité d'une analyse sérieuse du problème et d'une bonne modularité du noyau de base.

     C'est justement le défaut principal de ceux qui ont déjà pris la mauvaise habitude de « bidouiller » en Basic : ils se lancent à corps perdu dans des instructions du genre FOR ... NEXT avant même de s'être demandé si elles répondaient bien à leurs besoins du moment, puis, de rustine en rustine, finissent par obtenir des programmes « qui marchent » (ou presque), mais qui sont totalement illisibles, même par leurs auteurs ! La lutte contre ce type d'attitude est un des principaux objectifs pédagogiques de l'enseignement de l'option. Il s'agit de faire acquérir aux apprentis-informaticiens une méthode inspirée de l'analyse descendante, et de les amener à définir systématiquement une structure de données et un algorithme, avant l'usage d'un quelconque ordinateur. Cet objectif est un peu contraignant, surtout en début de Seconde, sur des problèmes élémentaires, car l'analyse est alors beaucoup plus longue à écrire que le programme lui-même. Cependant l'expérience montre que ceux qui ont le sérieux et la rigueur mentale de s'astreindre à cette tâche font ensuite des progrès plus rapides.

     Cet aspect de l'enseignement de l'option permet à certains élèves de découvrir en eux-mêmes des capacités d'analyse et de mieux les exploiter, et sans doute est-ce très positif. Je suis beaucoup plus perplexe sur le cas de ceux qui ne semblent pas avoir ces capacités : le peu de temps consacré à l'informatique ne suffit pas à développer en eux ce type de réflexion et ils ont tendance à se noyer ou à se décourager. On constate très souvent, vers le milieu de l'année scolaire, une sorte de coupure de la classe en deux groupes : ceux qui comprennent la programmation et qui s'y intéressent, puis ceux qui « décrochent ». Je voudrais toutefois lutter contre une vieille idée-reçue : ce ne sont pas toujours les « matheux » qui sont les meilleurs en informatique, loin de là. J'ai connu des professeurs de mathématiques fort réfractaires à la programmation, et à l'inverse j'ai cette année un élève assez faible dans cette matière, malgré un redoublement, qui fait preuve d'un bon esprit d'analyse et qui compte parmi les meilleurs éléments du cours d'informatique. (N.B. : je suis aussi professeur de mathématiques !)

     Un autre objectif fondamental de l'option est de faire découvrir aux élèves le monde de l'informatique : vocabulaire, machines, logiciels, etc., ainsi que le rôle de l'informatique dans la société. Ce nouvel aspect donne un autre moyen de gérer l'hétérogénéité de la classe en permettant à ceux qui ne brillent pas en programmation de se mettre en valeur sur d'autres sujets. Ceux qui ont une bonne mémoire excellent sur les questions de cours, ce qui peut les mettre en confiance. Ceux qui sont fascinés par la robotique, ou qui sont des virtuoses du synthétiseur, ou encore les utilisateurs voraces du Minitel, peuvent saisir l'occasion d'un exposé pour se documenter plus profondément sur leur sujet favori et apporter leur expérience à leurs camarades. J'ai été souvent impressionnée par la qualité de certains exposés et le temps que leurs auteurs semblaient y avoir consacré. Bien sûr, il leur arrive aussi d'ânonner un texte, au demeurant très intéressant, mais auquel ils n'ont visiblement rien compris... Le rôle de l'enseignant, et aussi des autres élèves, est alors d'apporter des précisions ou de poser des questions. Cela peut devenir un travail collectif, toutefois la culture des élèves de Seconde est souvent trop limitée pour qu'il puisse y avoir de réels débats après les exposés. Les mêmes thèmes étant repris dans l'enseignement de l'option en Première et Terminale, on peut imaginer que les échanges seront plus nombreux dans les classes supérieures.

     La dynamique de groupe peut aussi être exploitée à l'occasion d'un exercice de programmation collectif, réalisé sur un réseau. J'ai expérimenté plusieurs fois la réalisation d'un programme présentant un menu qui proposait divers calculs d'aires de figures planes. Chaque poste compose un module, puis on rassemble le tout en un « gros » programme. L'attrait de l'exercice vient de la possibilité pour chacun d'exprimer sa personnalité : les plus paresseux choisissent l'aire du carré, le mathématicien-de-service (on en trouve toujours un !) calcule au brouillon l'aire du polygone régulier à n côtés, celui qui se sent une âme de chef se propose pour reconstituer le programme à partir des modules, quant aux esthètes, ils rivalisent sur la présentation : vert sur fond mauve, titre encadré, etc. Tous les groupes ont réalisé l'exercice complet en une séance et ils se sont déclarés enchantés par ce TP.

     Je conclurai en disant que l'option informatique, par la diversité de ses objectifs : aspect logique, aspect technique, aspect culturel, est susceptible d'attirer et d'intéresser de nombreux élèves de Seconde, sans que les uns ou les autres ne soient avantagés ou pénalisés, ni par leur culture préalable, ni par le fait qu'ils possèdent ou non un ordinateur, ni par leur choix ou leurs possibilités d'orientation future. D'autre part, le caractère inévitablement hétérogène du groupe, s'il est bien exploité par l'enseignant, est de nature à créer une dynamique positive, beaucoup plus facilement dans le cadre de l'option informatique que dans celui de l'enseignement d'une matière traditionnelle.

Hélène MOISY-PAUGAM
E.N.S. Lyon

Paru dans le  Bulletin de l'EPI  n° 52 de décembre 1988.
et dans la  Revue de l'EPI  n° 104 de décembre 2001.
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